II. SECONDE PARTIE DE SESSION ORDINAIRE 2005 DE L'ASSEMBLÉE DE L'UEO (PARIS - PALAIS D'IÉNA - DU 5 AU 7 DÉCEMBRE 2005)
Comme à l'accoutumée, cette session a comporté des allocutions de personnalités s'adressant à l'Assemblée et des délibérations sur les points inscrits à l'ordre du jour des séances plénières.
A. ALLOCUTIONS DES PRINCIPALES PERSONNALITÉS QUI SE SONT ADRESSÉES À L'ASSEMBLÉE DE L'UEO
- M. Jean-Pierre Masseret, en sa qualité de nouveau Président de l'Assemblée de l'Union de l'Europe occidentale ;
- M. Günther Platter , Ministre de la Défense de l'Autriche, représentant la Présidence entrante de l'Union européenne ;
- S. Exc. M. Said Djinnit, Commissaire pour la paix et la Sécurité de la Commission de l'Union ;
- Mme Lyubov K. Sliska, Premier Vice-président de la Douma d'État de Russie, Président de la Délégation Russe auprès de l'Assemblée de l'UEO ;
- M. Vlado Buckovski, Premier ministre de l'Ancienne République Yougoslave de Macédoine ;
- M. Jack Straw, Ministre des Affaires étrangères et du Commonwealth du Royaume-Uni, Président du Conseil des Ministres de l'UEO (4 ( * )) (message lu par Sir John Holmes, Ambassadeur du Royaume-Uni en France) .
1. Discours de M. Jean-Pierre Masseret, après son élection à la Présidence de l'Assemblée de l'Union de l'Europe occidentale pour la 52ème session, commençant le 1er janvier 2006
M. Jean-Pierre Masseret , à l'issue d'une candidature soutenue par tous les groupes politiques, est élu par acclamation, le 7 décembre 2005, à la Présidence de l'Assemblée de l'Union occidentale, en vue de succéder au Président Stef Goris (Belgique - Libéral), pour la session 2006 de l'Assemblée de l'UEO, commençant le 1 er janvier 2006.
M. Jean-Pierre Masseret , accédant au fauteuil présidentiel, s'est alors adressé à l'Assemblée de l'UEO en ces termes :
« Je vous dirai tout d'abord l'émotion que je ressens. Bien que seul candidat à une élection au résultat peu incertain, ce qui change beaucoup de nos combats électoraux habituels où l'incertitude domine quant au résultat, il est tout de même émouvant de savoir que vous avez été choisi, désigné unanimement par vos collègues qui, par leurs déclarations, vous soutiennent, vous encouragent et vous témoignent leur confiance.
« En cet instant, j'espère que je serai digne de la confiance que vous me témoignez. En tout cas, comme tous mes collègues qui m'ont précédé à cette présidence, je serai le Président de toute l'Assemblée, parce que nous sommes toujours engagés, les uns et les autres, dans des débats démocratiques où chacun manifeste un respect mutuel pour l'autre. Nous sommes les artisans de ces valeurs universelles qui fondent la démocratie. Je vous assure que je continuerai ainsi à présider cette Assemblée dans l'esprit qui la caractérise.
« Nous continuerons ensemble, j'en suis sûr, à faire un excellent travail, un travail fondé sur cinquante années d'expérience, ce qui n'est pas rien. Cinquante années au cours desquelles nous avons su, dans cet hémicycle, dégager des opinions, établir des rapports d'excellente qualité, mener des débats et des colloques au service de la paix et de la sécurité.
« Nous avons ensemble des responsabilités à conduire et à partager, dont la moindre n'est pas de faire de notre continent européen un acteur majeur de la vie internationale. Les débats de ce matin l'ont montré et ceux qui suivront tout à l'heure, notamment celui relatif à la lutte contre le terrorisme, l'affirmeront aussi.
« L'Europe est un continent. L'Europe est puissante économiquement, culturellement, scientifiquement. Nous voulons faire vivre cette Europe non pour imposer une quelconque puissance mais uniquement pour défendre ses intérêts vitaux, la faire exister dans le concert mondial des nations, faire prévaloir notre approche de la démocratie et de ses valeurs universelles, bref, oeuvrer au service du progrès, progrès économique, progrès social, progrès culturel. Pour que cela existe, il importe que notre continent soit en paix et en sécurité, et que nous soyons capables, dans le concert des nations, de faire jouer ce rôle important par notre continent européen.
« La légitimité de l'Assemblée n'est pas à démontrer puisque, les uns et les autres, nous sommes des représentants des parlements nationaux, détenteurs des souverainetés qui nous sont confiées par nos concitoyens. Cette légitimité-là établit la vraie dimension de notre rassemblement.
« Par conséquent, il nous faut aujourd'hui dépasser les aléas d'un Traité constitutionnel qui reste en devenir. Nous saurons le faire parce que nous savons à chaque instant faire prévaloir, par-delà les intérêts particuliers, l'intérêt général bien compris.
« Je rappellerai aussi à ceux que j'appelle parfois les technocrates de la politique que cette Assemblée est le lieu le plus inclusif pour la définition d'une politique européenne de sécurité et de défense. Nous avons besoin, au niveau de l'espace européen, d'un lieu où peut s'exprimer librement la parole des parlements nationaux, tous orientés vers le même objectif, celui de défendre les intérêts vitaux de notre continent, de faire exister notre Europe non seulement dans l'espace d'un grand marché mais comme une réalité politique. C'est ici que nous avons des choses à dire.
« Nous devons répondre ensemble à une préoccupation essentielle et actuelle de nos concitoyens : plus de sécurité interne, plus de sécurité externe. Or nous sommes le seul lieu où existe une définition claire de la défense collective. C'est l'article V qui fait, au-delà de tout, l'originalité de cette Assemblée. Sur ce point, personne ne peut nous discuter l'autorité qui nous est confiée par le Traité de Bruxelles modifié.
« Nous avons à faire face aux nouvelles menaces, notamment celles portées par le terrorisme. Lluis Maria de Puig l'évoque dans son rapport, qu'il présentera tout à l'heure.
« Nos missions sont claires dans les responsabilités qui nous sont confiées. Nous avons à faire évoluer, adapter et adopter un projet plus politique parce que nous voulons que l'Europe compte, je le répète et le répéterai souvent, dans le concert des nations au plan mondial. Nous avons toujours et encore à définir et préparer les moyens humains et techniques adaptés à la préservation des intérêts vitaux de l'Europe.
« Parce que c'est notre fonction principale, nous commettrions une faute politique en ne répondant pas au message démocratique adressé par nos concitoyens. Que veulent-ils ? Une Europe plus sûre, une Europe facteur de stabilité internationale. Nos concitoyens attendent, et nous sommes là pour répondre à ce voeu central de la démocratie, le contrôle démocratique d'une politique essentielle par l'implication de chacun de nos parlements nationaux.
« Mes chers collègues, je vous remercie encore de la confiance que vous venez de me témoigner. Soyez persuadés qu'ensemble, nous continuerons à faire un excellent travail au service de la paix et de la sécurité du continent européen ».
2. Discours de M. Platter, ministre de la défense de l'Autriche, représentant la présidence entrante de l'Union européenne (lundi 5 décembre 2005)
M. Platter s'est adressé à l'Assemblée de l'UEO en qualité de ministre de la défense de l'Autriche, représentant la présidence entrante de l'Union européenne, tenant à affirmer l'implication résolue de l'Autriche dans la politique européenne de sécurité et de défense de l'Union même si son statut d'observateur à l'UEO l'empêche d'exercer simultanément la présidence du Conseil des ministres de l'UEO. Ainsi, après avoir rappelé sa participation aux Assemblées de l'UEO et du Conseil de l'Europe, M. Platter a déclaré que, compte tenu des événements intervenus en 2005 et de la prochaine présidence autrichienne de l'UE, il s'emploierait à évoquer le programme de l'Autriche pour la présidence de l'UE, en relation avec le développement dans le domaine de la PESD..
« Vous savez que 2005 a été une année fertile en événements pour l'Union européenne. Bien des obstacles ont été surmontés et nous avons fait des progrès dans le domaine de la politique européenne de sécurité et de défense. Toutefois, un certain nombre de débats ont été ouverts au sein de l'Union. Comme vous le savez, deux pays ont rejeté la Constitution par référendum et, de surcroît, nous avons aussi des difficultés avec le budget de l'Union. Je suis donc convaincu, indépendamment de la question de la PESD, que les dirigeants politiques de l'UE devraient prêter une oreille plus attentive à ce que pensent et croient leurs concitoyens.
« J'estime pour ma part que l'UE doit se fixer des orientations générales sans se perdre dans les détails. Mais une chose est essentielle : nous devons avoir le soutien de nos concitoyens lorsque nous avançons sur la voie de l'unification européenne, dont l'importance est cruciale.
« Que signifient les deux votes négatifs pour la PESD ? Une chose doit être claire : les sondages d'opinion montrent que 80% des citoyens de l'UE sont favorables à la poursuite du développement de la PESD. En outre, en ce qui concerne la politique de sécurité et de défense, l'absence du Traité constitutionnel ne nous empêche absolument pas d'avancer vers l'Objectif global 2010, de progresser dans les domaines du concept de groupement tactique, de la clause de solidarité et de l'Agence européenne de défense. Mais compte tenu des votes négatifs et, par conséquent, de l'absence de Constitution européenne, nous ne pouvons élaborer plus avant une coopération structurée permanente.
« Permettez-moi d'insister sur le fait que le Parlement autrichien a approuvé le Traité constitutionnel à l'unanimité moins une voix.
« Avant de présenter les thèmes clés de notre présidence, je voudrais faire brièvement quelques remarques générales essentielles concernant l'UE, la PESD et les scénarios de menaces actuels.
« Nous pouvons nous estimer heureux - je pense que vous en conviendrez tous avec moi - de vivre dans une Europe pacifique. Ces soixante dernières années, tous les pays membres de l'Union ont connu la paix. Si l'on regarde le siècle passé, qui a connu la Première et la Seconde guerre mondiales, on a du mal à croire que les gens aient pu commettre autant d'atrocités par haine et par envie. La misère et les souffrances que nos parents et grands-parents ont dû endurer sont difficiles à comprendre pour nous. Il appartient à chacun d'entre nous de faire en sorte que la guerre ne soit plus jamais possible.
« La paix est considérée désormais comme un acquis. Les jeunes générations - auxquelles je pense appartenir - peuvent s'estimer heureuses d'une telle situation. Mais ne perdons jamais de vue, dans ce débat, que l'Union représente le projet de paix par excellence. L'élargissement de l'UE à dix nouveaux membres a agrandi dans le même temps la zone de sécurité européenne, et nous sommes désormais entourés d'amis.
« Si nous faisons le point, nous avons l'impression que tout va bien. Nous vivons en paix, dans la liberté et la sécurité. Mais nous devons faire face à des menaces totalement nouvelles, qui sont très difficiles à appréhender.
« Les menaces graves auxquelles nous sommes confrontés sont les suivantes : disparition de l'État de droit, États en déliquescence, conflits régionaux, prolifération des armes des destruction massive, crime organisé et, surtout, terrorisme international. Comment faisons-nous face à cette situation ? Nous pouvons dire de manière générale qu'aucun État au monde n'est à même de lutter seul contre ces menaces. Cela signifie donc que tous les États européens doivent coopérer et mettre leurs ressources en commun et que nous devons également collaborer de plus en plus intensément avec les organisations de sécurité telles que les Nations unies, l'OTAN et l'OSCE. Si nous voulons accéder à la sécurité à long terme, nous devons bien sûr vivre dans un environnement stable. Nous ne pouvons demeurer indifférents à la situation en Bosnie-Herzégovine ou au Kosovo (je reviendrai plus tard sur ces questions), pas plus qu'à celle de l'Afghanistan.
« La population afghane vit dans un état de guerre depuis près de 25 ans. Tant que ces populations n'auront pas de perspective d'avenir, leurs problèmes se propageront en Europe. Il nous appartient donc de poursuivre le développement de la PESD. Je veux dire par là que l'UE doit devenir un acteur plus fort sur la scène internationale, conformément aux idées présentées dans la Stratégie européenne de sécurité.
« Après ces remarques générales, permettez-moi de parler de la présidence autrichienne. A l'heure actuelle, c'est le Royaume-Uni qui assume la présidence de l'UE. Le 1 er janvier, ce sera le tour de l'Autriche pour le premier semestre 2006, puis celui de la Finlande.
« Notre tâche consiste à concilier des intérêts contradictoires, à promouvoir le dialogue et à rendre les compromis possibles. Mais n'oublions pas un autre aspect important : nos intérêts égoïstes doivent s'effacer. Je dirais que nous avons deux programmes : un programme facultatif et un programme obligatoire.
« S'agissant du programme obligatoire, ses composantes font partie des questions essentielles que nous prévoyons de traiter pendant notre présidence. Il s'agit premièrement de progresser en ce qui concerne les opérations de sécurité de l'UE et deuxièmement d'avancer dans la mise en oeuvre de l'Objectif global 2010, ce qui implique de poursuivre le développement des capacités militaires, d'élaborer le catalogue de forces et d'améliorer les capacités de réaction rapide.
« Le troisième point est le concept de groupement tactique qui, à mon avis, a représenté un grand bond en avant pour la politique de sécurité et de défense. A la dernière réunion des ministres de la défense, nous avons comblé les lacunes afin de nous assurer de la disponibilité permanente des groupements tactiques d'ici à 2008, et la tâche suivante visera à combler les autres lacunes après 2008. Nous attachons une grande importance à la lutte contre le terrorisme. Bien que ce domaine soit de la responsabilité des ministres de l'intérieur, nous, ministres de la défense, sommes chargés de rendre disponibles les moyens militaires nécessaires pour prêter assistance. Nous devons synchroniser les capacités afin de pouvoir offrir l'aide la plus efficace dans la lutte contre le terrorisme. Nous nous efforcerons de définir plus précisément, l'année prochaine, le rôle de la PESD à cet égard.
« En outre, nous veillerons constamment, pendant notre présidence, à nos relations avec nos partenaires internationaux tels que les Nations unies, l'OTAN et l'OSCE, sans oublier les rapports entre l'UE et l'Union africaine, qui comptent aussi beaucoup. Voilà les points essentiels que je voulais aborder devant vous.
« J'évoquerai maintenant deux priorités que nous avons fixées pour notre présidence.
« La première est la coordination civilo-militaire. Si nous examinons les diverses opérations auxquelles nous participons, nous voyons qu'il ne s'agit pratiquement jamais de missions militaires au sens traditionnel : c'est plutôt une combinaison d'opérations militaires, civiles et de police. Cela signifie que nous devons parvenir à coordonner encore mieux nos capacités. De même - l'Afrique, et plus particulièrement le Soudan, est un bon exemple sur ce point - nous devons ajouter une composante civile plus forte aux opérations militaires. L'aide à apporter en cas de catastrophes naturelles est un troisième domaine nécessitant une coordination civilo-militaire. Nous l'avons vu avec le tsunami et le séisme au Pakistan. De fait, 66 soldats autrichiens participent à la mise en place d'usines de traitement de l'eau à Muzzaffarabad. La présence de l'UE en tant que telle, dans la gestion de ces catastrophes naturelles, a été à peine perceptible. Ces catastrophes ont mis en lumière la nécessité urgente pour l'Union d'agir de façon coordonnée ; il n'est en effet pas possible que les États se fassent plus ou moins concurrence et que chacun d'eux agisse indépendamment des autres. C'est pourquoi l'Autriche a préparé, avec le Royaume-Uni et la Finlande, un non-document examinant soigneusement cette situation afin de développer la coordination au sein de l'Union dans ce domaine.
« Où en sommes-nous à présent à cet égard ? Une Cellule civilo-militaire a été mise en place au sein de l'État-major de l'UE et nous mettons sur pied un centre d'opérations dans ce cadre. Pour vous donner une idée des prochaines étapes à franchir, voici quelle sera la procédure à suivre pour gérer les opérations : cela implique par exemple, en cas de catastrophe naturelle nécessitant une aide internationale, d'avoir un pool européen d'experts qui puisse envoyer immédiatement, c'est-à-dire dans les 24 heures, des gens dans la zone sinistrée afin de recueillir les informations nécessaires et de nous les transmettre. Nous avons ensuite besoin d'une coordination civilo-militaire, la planification étant assurée par le Centre d'opérations, à l'État-major de l'UE, qui conduit les opérations civilo-militaires. Mais ne nous méprenons pas : ces opérations devront être organisées dans les plus brefs délais. Nous estimerons essentiel de connaître les capacités disponibles pour avoir un accès rapide aux moyens requis, en étroite coordination avec les ministres de la défense responsables. Je suis convaincu qu'avec de telles mesures et en faisant preuve d'unité, l'UE jouera son rôle sur le plan international et progressera énormément dans le domaine des secours d'urgence grâce à la Cellule civilo-militaire qui apportera son aide avec rapidité, efficacité et compétence.
« Les Balkans seront notre deuxième priorité. Vous comprendrez aisément que l'Autriche - comme, j'en suis persuadé, tous les autres membres de l'Union - s'intéresse beaucoup à la situation en Bosnie-Herzégovine et au Kosovo. Il y a trois semaines, j'ai rencontré mes collègues ministres de la défense, ainsi que les Présidents et Premiers ministres de la région des Balkans occidentaux. Où en sont donc les choses au Kosovo ? Premièrement, il y a les négociations sur le statut futur du Kosovo. En outre, un référendum sera vraisemblablement organisé au printemps 2006 sur l'indépendance du Monténégro. Tous ces événements se dérouleront pendant la présidence autrichienne et se poursuivront peut-être sous la présidence finlandaise.
« Dès lors, la question est la suivante : comment le référendum et les négociations sur le statut vont-ils être accueillis par la population ? Comment les Kosovars vont-ils réagir ? Permettez-moi d'être très clair sur un point : nous ne devons pas réduire la présence militaire au Kosovo. Pour l'heure, nous avons 17 000 soldats déployés dans la région. Je sais que c'est une opération de l'OTAN - il n'y a pas de doute à ce sujet - mais notre objectif n'en est pas moins de veiller à ce qu'il n'y ait pas de réduction d'effectifs. Lorsque le référendum et les négociations sur le statut auront eu lieu, il nous faudra réfléchir à nouveau sur la manière de procéder à l'avenir. Deuxième point : la Bosnie-Herzégovine. Althea est une mission classique de l'UE. Les choses s'y passent très bien pour l'Union : nous avons toute raison d'être satisfaits de l'évolution de la situation en Bosnie-Herzégovine. Je m'y trouvais encore mercredi dernier, car l'Autriche a repris le commandement militaire de la Task Force Nord. Cette présence militaire demeure nécessaire. Lors de la dernière réunion des ministres de la défense à Bruxelles il y a une semaine, nous avons examiné la possibilité de réduire les effectifs en Bosnie-Herzégovine (il y a actuellement 6 700 soldats). Nous nous sommes mis d'accord sur une réduction minime (de 700 hommes), qui ne devra en aucun cas porter atteinte à la qualité de l'opération. Les élections de l'automne prochain seront un événement important en Bosnie-Herzégovine ; ce n'est qu'après leur déroulement que nous pourrons réexaminer la situation et voir s'il serait possible de réduire les effectifs. Le moment sera alors venu de lancer le débat.
« En ce qui concerne les Balkans, je pense qu'à l'avenir - c'est-à-dire à moyen terme - l'UE devra assumer encore plus de responsabilités, notamment au Kosovo. Je pense aussi qu'en plus de notre présence militaire, nous devons prendre un certain nombre de mesures. Nous devons nous efforcer de rapprocher les pays des Balkans occidentaux de l'UE. Nous devons essayer de rapprocher les normes des institutions militaires de ces pays en matière de formation de celles de l'UE. Nous devons également aider à la mise en place d'institutions de sécurité dans ces pays et à l'amélioration de leur infrastructure civile. Pour résumer, une présence militaire doit aller de pair avec des mesures civiles afin de garantir la stabilité à long terme.
« Telles sont nos deux priorités absolues. Mais permettrez-moi d'ajouter un autre point en ce qui concerne notre présidence. Il va sans dire que nous ne pouvons tout changer en six mois. Ce qui importe, c'est la continuité, qui implique une bonne coopération entre les présidences successives. Nous entretenons une excellente coopération à l'heure actuelle avec la présidence britannique sortante, et avec notre successeur, la Finlande. Après la Finlande, ce sera l'Allemagne. Il importe de veiller à ce que tous les efforts que nous faisons soient poursuivis. Ce n'est qu'ainsi que l'UE pourra fonctionner, c'est pourquoi j'attache une énorme importance à une telle continuité.
« Pour terminer, Mesdames et Messieurs, étant donné que je vous parle en tant que ministre de la défense de l'Autriche - et je me réjouis à ce propos de voir des parlementaires autrichiens dans cet hémicycle - vous voudrez certainement savoir quelle contribution l'Autriche apporte au développement de la PESD. Ces 45 dernières années, l'Autriche a envoyé plus de 60 000 soldats en divers points chauds du globe. Actuellement, 1 300 soldats autrichiens sont déployés dans le cadre d'opérations internationales : 900 environ en Bosnie-Herzégovine et au Kosovo (point fort de nos activités de maintien de la paix), 370 dans le Golan (opération classique des Nations unies) et nous avons aussi des troupes au Soudan et en Afghanistan, en plus de celles que j'ai mentionnées au Pakistan.
« Nous réformons actuellement les forces armées autrichiennes. Les aspects fondamentaux de cette réforme ont déjà été décidés et ils ont fait l'objet - je m'en réjouis - d'un consensus national qui a dépassé les clivages politiques. Nous souhaitons européaniser nos forces armées et les rendre plus professionnelles, plus efficaces et plus internationales, afin de pouvoir apporter une contribution encore plus importante aux diverses opérations de maintien de la paix. Nous ne devons pas négliger nos missions au niveau national - ce serait en effet une grave erreur de ne pas répondre aux aspirations de nos concitoyens.
« Je voudrais vous dire à nouveau à quel point je me suis réjoui de pouvoir m'adresser à votre Assemblée. L'assemblée de l'UEO est, à mes yeux, un organe consultatif important, je devrais dire un organe parlementaire consultatif. Nous devrons à l'avenir examiner attentivement quelles sont les possibilités de contrôle par l'UEO ; c'est une question que je suis de près. Différentes opinions se font entendre dans les pays. Mais j'ai la nette impression que dans de nombreux domaines, l'UEO a donné un avis éclairé sur l'élaboration de la PESD. Je songe par exemple à la coordination civilo-militaire et à la question des armements. Je pense également à l'Agence européenne de défense. Si je ne me trompe pas, les graines qui ont donné naissance à cette excellente institution ont été semées ici.
M. Platter a indiqué qu'il compte lancer le débat sur le contrôle parlementaire le 15 décembre prochain. Il est essentiel que les ministres de la défense puissent se fonder sur une plate-forme reposant sur un large accord, et on ne peut que se féliciter que 80 % de l'opinion publique européenne se prononce pour l'approfondissement de la PESD. Quel sera le rôle du Parlement européen ? Si l'UEO doit assurer un contrôle sur cette politique, il faut s'interroger sur la composition de cette Assemblée, dont seuls dix pays sont membres de plein droit, les autres n'ayant qu'un statut d'associé ou d'observateur. Sur toutes ces questions, il faudra d'abord un débat national.
La question de la neutralité de l'Autriche est souvent posée. L'article 33F de la Constitution, adopté en 1998, autorise l'Autriche à contribuer non seulement aux opérations de maintien mais aussi de rétablissement de la paix. Elle peut donc participer aux groupements tactiques. Ce point a d'ailleurs été déjà débattu.
Au demeurant, le caractère de la neutralité a changé ; depuis la fin de la guerre froide, la menace a changé et c'est désormais la solidarité qui doit primer, ce qui a conduit à amender la Constitution. Les trois points essentiels de la neutralité autrichienne sont les suivants : pas de participation à une guerre, pas de participation à une alliance militaire et pas de présence de troupes étrangères sur le territoire. Mais cela n'est pas incompatible avec la présence de l'Autriche dans des groupes de maintien ou de rétablissement de la paix. L'Autriche se prépare d'ailleurs à constituer un groupement tactique avec l'Allemagne et la République tchèque.
M. Platter a encore précisé que le concept des groupements tactiques est en voie d'élaboration. Ces groupements sont constitués de 1 500 soldats, hommes et femmes, mis à disposition, soit par un seul pays, soit par un groupe de plusieurs pays. Il pense qu'il serait souhaitable que tous les États membres de l'Union puissent y participer. Le point fort de ces groupements tactiques est leur mise à disposition rapide - cinq à dix jours - en cas de crise. Ils auraient été très utiles lorsque les troubles ont éclaté au Kosovo au printemps dernier.
La mobilisation de ces groupements dépend de décisions nationales qui doivent être prises très rapidement ; en Autriche comme ailleurs, ce sont les parlements nationaux qui doivent prendre ces décisions. Dans son pays, le gouvernement peut prendre une décision rapidement, puis le Président du Parlement peut convoquer aussitôt la commission compétente afin de consulter les parlementaires.
M. Platter a insisté en déclarant que le développement de la PESD est une priorité absolue de la présidence autrichienne et se déclare persuadé qu'elle peut aider le moteur de l'Union européenne à trouver sa vitesse de croisière, en dépit des difficultés nées du rejet du traité par deux États membres.
Lorsqu'il a parlé de composante civilo-militaire, il pensait aux catastrophes naturelles : l'Union européenne doit être capable d'engager les ressources militaires nécessaires pour soutenir les efforts des forces civiles et des bénévoles, comme le font déjà ses États membres dans le cadre national. La population a des attentes très élevées à cet égard et c'est pourquoi l'Autriche, le Royaume-Uni et la Finlande ont lancé une initiative internationale.
Enfin, s'agissant des relations entre l'OTAN et l'Union européenne, il y a toujours eu des difficultés et on peut craindre que les budgets des États membres des deux organisations ne suffisent pas à faire face à l'ensemble de leurs engagements. La coopération entre elles est toutefois appelée à s'améliorer avec l'installation d'une cellule de liaison de l'UE au SHAPE et, réciproquement, d'une cellule OTAN auprès de l'État-major de l'UE. Mais on ne pourra pas régler tous les problèmes dans le cadre de la PESD. La coordination avec l'OTAN devra être étroite, comme en Bosnie-Herzégovine où l'UE a besoin des structures de l'OTAN pour conduire son opération.
M. Platter a conclu son intervention en déclarant accorder une priorité particulière à la lutte contre le terrorisme, qui est bien à ses yeux un programme obligatoire.
Les attentats de Madrid et Londres ont montré qu'aucun pays, même au coeur de l'Europe, n'était épargné. Sur le plan national, il faut une action de prévention ainsi que le recours à des volontaires tels que les sapeurs-pompiers et la Croix-Rouge. Il faudra aussi approfondir l'aide internationale et les militaires devront mettre à disposition la totalité des ressources disponibles : la défense doit être organisée à l'aide d'experts, de spécialistes et les militaires auront un rôle primordial à jouer dans la protection des personnes et des bâtiments. La coopération entre les services est indispensable, en particulier les services de renseignement qui doivent pouvoir communiquer les informations permettant d'alerter de l'imminence d'une attaque et d'aboutir à une évaluation claire de la situation. Il exhorte les parlements nationaux à exiger la communication de ces informations pour que Bruxelles ait tous les éléments en main.
Il déclare, à propos des réalités de l'après-guerre froide, que le monde n'est certes plus bipolaire mais que les principaux défis - les conflits régionaux, le crime organisé, le terrorisme - sont connus et que l'Europe a encore besoin des États-Unis et n'est pas en mesure de maîtriser les conflits sans l'OTAN.
Les budgets de la défense des pays européens sont certes modestes et il faut reconnaître que chaque nation ne peut pas libérer les mêmes ressources pour le développement de la politique européenne de sécurité et de défense, que chaque armée ne peut tout faire, ce qui accentue l'importance des groupements tactiques et de la coopération en matière militaire.
L'armement n'est pas le seul domaine d'action de l'AED ; il faut progresser aussi dans le domaine de la recherche, par exemple sur les drones et les technologies spatiales. L'Autriche, pour sa part, a participé à la création de l'Eurofighter avec l'Allemagne, l'Espagne, l'Italie et le Royaume-Uni. Il faut non seulement développer des produits communs mais aussi avancer dans le domaine de l'acquisition.
Si l'Autriche n'est pas membre de l'OTAN, elle est membre du Partenariat pour la paix depuis dix ans, et a participé à des opérations au Kosovo et ailleurs. En tout cas, le dialogue entre l'Union européenne et l'OTAN doit se poursuivre en vue de développer les interactions pour la sécurité et la paix.
3. Discours de S. Exc. M. l'Ambassadeur Saïd Djinnit, Commissaire pour la paix et la sécurité de la Commission de l'Union africaine (Mardi 6 décembre 2005)
M. Saïd Djinnit, Commissaire pour la paix et la sécurité de la Commission de l'Union africaine, s'est exprimé devant l'Assemblée en séance plénière, c'est-à-dire au lendemain du colloque réuni au Parlement de Belgique sur le thème de l'avenir de l'Afrique sub-saharienne et en introduction au débat ce même jour, sur « Le maintien de la paix en Afrique sub-saharienne : une approche concrète » .
« Il m'a été demandé de faire une présentation sur l'expérience de l'Union africaine en matière de maintien de la paix et de sécurité sur le continent africain. Je le ferai aussi brièvement que possible en la situant dans le cadre de l'Agenda de l'Union africaine pour la paix et la sécurité. S'il fallait présenter cet agenda en quelques mots, je dirais qu'il s'articule autour des mots clés suivants : mandat, principe, architecture, partenariats, défis.
« S'agissant du mandat, l'Union africaine a reçu pour mandat d'agir et d'intervenir pour promouvoir la paix et la sécurité sur le continent africain à travers plusieurs mécanismes et mesures.
« Tout d'abord, la prévention des conflits car, en effet, la priorité est de prévenir les conflits avant qu'ils n'émergent en conflits ouverts.
« La prévention des conflits s'opère à travers la prévention structurelle des conflits, par des programmes de gouvernance et de promotion de la démocratie et de l'État de droit. C'est à travers la problématique de la démocratie qui s'est posée dans les années 1990 avec le multipartisme en Afrique que l'Union africaine a ouvert une page de son programme de promotion de la gouvernance et de la démocratie. Depuis les années 1990, l'Union africaine s'emploie à développer un programme de démocratie et de gouvernance. Parmi les objectifs à court terme, l'Union africaine vise à adopter une charte des élections, de la démocratie et de la gouvernance contenant l'essentiel des valeurs récemment développées au sein des institutions africaines en relation avec des institutions internationales pour promouvoir la démocratie et la gouvernance sur le continent africain.
« Au-delà du programme de prévention structurelle des conflits, il est essentiel de mettre en place des mécanismes pour la prévention opérationnelle des conflits et cela à travers un système continental d'alerte rapide ou d'alerte précoce. Je dirai un mot sur ce sujet par la suite.
« Le deuxième aspect du mandat réside dans la gestion des conflits. Lorsque les conflits n'ont pu être prévenus, il est important de les gérer et de les régler à travers la mise sur pied et le fonctionnement de structures et de mécanismes prévus dans l'architecture de paix et de sécurité, y compris les opérations de maintien de la paix.
« À cet égard, j'ouvrirai une parenthèse importante sur la vie du continent et de ses institutions. La problématique des opérations du maintien de la paix est un domaine nouveau dans le contexte africain. Lorsque le Secrétaire général de l'ancienne Organisation de l'Unité africaine avait présenté en 1992 un rapport aux chefs d'État à Dakar, il avait prévu une composante sur les opérations de maintien de la paix dans les propositions de mise en place de ce mécanisme, le premier, que l'organisation continentale n'a jamais pu instaurer. En 1992, les chefs d'État et les États eux-mêmes étaient unanimes pour considérer qu'il n'appartenait pas à l'OUA de l'époque de s'impliquer dans des opérations de maintien de la paix, parce que cela demeurait de la compétence exclusive des Nations unies qui en avaient le mandat, les capacités, l'expertise et les ressources. Ce n'est qu'en 1993 que le mécanisme de Dakar a été adopté au Caire. Entre-temps, la proposition du Secrétaire général avait élagué tout ce qui était lié aux propositions relatives à l'implication de l'Organisation de l'Unité africaine de l'époque dans les opérations de maintien de la paix. L'Organisation avait uniquement été autorisée à déployer des missions d'observation limitées en temps et en nombre. Voilà ce que l'Organisation de l'Unité africaine a fait au début des années 1980 et dans les années 1990.
« Le dernier élément du mandat pour prévenir, gérer, puis consolider la paix relève d'un domaine également nouveau. Autant l'OUA a développé une certaine expérience de gestion du conflit, autant elle a essayé de s'impliquer dans la prévention des conflits à travers l'instauration de programmes de prévention structurelle et le mécanisme qui est en train d'être mis en place. Désormais, autant l'Union africaine que les institutions régionales africaines essaient de s'impliquer dans la consolidation de la paix. De nombreux exemples - le Liberia, la Sierra Leone, la Somalie - montrent que, si la paix n'est pas consolidée après le conflit, le risque est grand de revenir à des situations instables. L'Union africaine pense donc s'impliquer dans la consolidation de la paix par un programme de post-conflit, qui sera prochainement soumis aux chefs d'État pour adoption et qui ouvrira un nouveau chapitre dans l'intervention de l'Union africaine visant à consolider la paix.
« Quelques mots sur le principe. J'ai pour habitude de dire que l'action de l'Union africaine en matière de maintien de la paix a été largement inhibée par l'application « abusive » du principe de non-ingérence. Dans le contexte de l'Union africaine, nous avançons plus volontiers le principe de non-indifférence, par opposition au principe de non-ingérence, qui donne mandat à l'Union africaine d'intervenir en cas de situation de conflit en Afrique, y compris pour imposer la paix dans des conditions assez limitées, prévues par l'Acte constitutif. C'est dire que d'une organisation essentiellement paralysée par l'usage abusif du principe de non-ingérence dans les affaires intérieures des États membres, nous évoluons vers une organisation qui tente de mettre en oeuvre le principe de non-indifférence, ou du devoir d'assistance ou encore d'intervention. Mais nous préférons l'envelopper dans le contexte de « non-indifférence » par opposition à la notion de « non-ingérence ».
« Il existe une architecture et des principes, mais il faut une architecture de paix et de sécurité pour soutenir cette nouvelle volonté de l'Union africaine et des institutions régionales.
« À cet égard, le Conseil de paix et de sécurité - nouvel organe clef du dispositif et de l'architecture de paix et de sécurité dans le continent - est évidemment au coeur du dispositif. A l'image du Conseil de sécurité des Nations unies, il est l'organe de décision dans le domaine de la paix et de la sécurité au niveau du continent. Il s'appuie sur un certain nombre de structures. J'en citerai au moins quatre dont la Commission de l'Union africaine qui a un pouvoir de proposition, de suivi et de mise en oeuvre des décisions du Conseil de paix et de sécurité. Outre celle-ci, le Conseil de paix et de sécurité est flanqué de structures, tels le Système continental d'alerte précoce, la Salle de veille de l'Union africaine qui est en voie de construction ; elle existe d'ores et déjà à Addis-Abeba à un niveau assez limité, mais elle est en cours de développement et doit être reliée au centre d'alerte précoce des différents mécanismes régionaux ainsi qu'à d'autres organisations et institutions, y compris de la société civile.
« Certaines organisations régionales mettent aussi actuellement en oeuvre des mécanismes de prévention de conflits : la CEDEAO en particulier en est déjà dotée ; quant à celui de l'IGAD, il n'est pas encore opérationnel. Il s'agira de mettre en relation ces organismes afin de recueillir le maximum d'informations et de pouvoir les traiter et les analyser en vue d'une action engagée suffisamment à l'avance pour éviter que des situations n'explosent et se transforment en conflits ouverts. Nous sommes donc dans une phase de construction de ce dispositif qui existe déjà à l'état embryonnaire, mais qui va nous engager pendant les années à venir.
« Quant à la Force africaine en attente, elle est le bras armé du dispositif. C'est, à mon sens, l'une des différences fondamentales entre l'Union africaine et l'OUA en termes de structure et de dispositif. En effet, affirmer une volonté est une chose, promouvoir les décisions en est une autre. C'est cette initiative qui va permettre à l'Union africaine de concrétiser sa volonté d'une manière effective et efficace.
« La Force africaine en attente est composée de cinq brigades, une par région continentale géographique, entraînées et partageant des concepts communs - généralement inspirés de ceux des Nations unies, mais tenant compte d'un certain nombre de réalités africaines - une doctrine commune, en vue de conduire des opérations de soutien à la paix.
« Des progrès ont été enregistrés dans la mise en place de la Force africaine en attente et des réunions ateliers sont programmées pour la finaliser. Il est prévu que cette Force africaine en attente soit effective avant 2010, mais l'espoir est grand d'aboutir avant cette date. En effet, certaines régions sont déjà avancées en termes de mise en place des éléments de planification de ces forces et pourraient intervenir dans le cadre de l'Union africaine ou des organisations régionales pour maintenir la paix dans le continent. Elles pourraient même être mises à la disposition des Nations unies.
« J'aborde maintenant le chapitre du partenariat sur la base d'un mandat plus fort car si nous nous dotons donc d'une architecture, nous sommes conscients des limites des moyens de l'Union africaine, d'où la nécessité d'un partenariat dans le cadre de la mise en oeuvre du principe de solidarité internationale et du partenariat international pour la paix et la sécurité.
« La priorité de notre partenariat s'oriente d'abord vers les Nations unies parce que nous croyons fermement à la légalité internationale et, au niveau d'interventions internationales, continentales et régionales, au rôle principal des Nations unies et du Conseil de sécurité dans le maintien de la sécurité et de la paix mondiale. Un partenariat très solide s'impose donc avec les Nations unies.
« En aval, nous développons aussi des relations et un fort partenariat avec les cinq régions africaines, parce que nous croyons que les groupements économiques régionaux africains sont les piliers du dispositif d'intégration économique et sociale mais aussi du dispositif de paix et de sécurité du continent. Cette architecture, qui part des régions pour aller vers le continent et les Nations unies au niveau global, est donc essentielle.
« Nous pensons que l'Union africaine a, de ce point de vue, un rôle d'interface important à jouer car c'est par l'Union africaine que l'Afrique va vers les Nations unies, c'est-à-dire vers le global et c'est par l'Union africaine que le global va vers le continent.
« Un deuxième élément du pilier fondamental est constitué par les autres institutions multilatérales et bilatérales. C'est dans ce contexte que se développent des partenariats importants, notamment avec l'Union européenne. Je citerai un certain nombre de missions concrètes dans lesquelles s'est manifesté ce partenariat.
« Depuis la transformation de l'OUA en Union africaine, deux opérations de maintien de la paix ont été déployées. La première au Burundi. Je rappelle que les Nations unies étaient réticentes à y déployer initialement une opération de maintien de la paix, parce qu'elles considéraient que la paix n'avait pas à être préservée compte tenu du fait que les principaux mouvements armés n'avaient pas signé l'Accord d'Arucha. L'Union africaine s'est donc trouvée contrainte de déployer des contingents sud-africain, éthiopien et mozambicain pendant près de treize mois avant que, enfin, les Nations unies acceptent, à la demande de l'Union africaine, de prendre le relais de l'opération de maintien de la paix. Entre-temps, un groupe rebelle important - dont est issu l'actuel Président du Burundi - a signé l'accord de paix. Ce n'est qu'à partir de ce moment-là que les Nations unies ont considéré que les conditions étaient réunies, même si le parti du FLN Paleotu n'a toujours pas rejoint le camp de la paix dans ce pays. Nous avons donc ainsi lancé une opération de la paix, soutenue largement par des partenaires européens dans le cadre des Accords de Cotonou, mais aussi grâce aux moyens dégagés par des membres de l'Union européenne et les Etats-Unis.
« L'autre mission-phare déployée dans le cadre de l'Union africaine l'a été au Darfour, au Soudan. Sept mille hommes y ont été déployés, là encore avec le soutien de l'ONU, l'Union européenne et l'OTAN. Nous envisageons également un certain nombre d'opérations de soutien à la paix à l'est du Congo pour contribuer au désarmement de certains groupes, ainsi qu'en Somalie dès que les conditions le permettront.
« Le dernier point de mon intervention concerne le véritable défi que constituent pour nous toutes ces actions. Ce défi nous a permis, je crois, de montrer l'ambition du continent, notamment des institutions continentales en termes de détermination, à mettre en place un nouveau mandat de « non-indifférence ». A travers ces missions au Burundi et au Soudan ainsi que par les autres opérations qu'elle mène pour soutenir la paix dans le continent, l'Union africaine a montré la détermination de l'Afrique à mettre en place, à assumer et à exercer pleinement son nouveau mandat. Dans le même temps, l'Union africaine a gagné une expérience et bâti une capacité. En effet, nous sommes soucieux, dans ce processus, de bâtir une telle capacité, fondamentale pour l'avenir du rôle des institutions africaines en matière de maintien de la paix.
« Cette nouvelle détermination de l'Union africaine illustre l'ambition du continent, mais également les limites de ce qu'il peut faire seul, et également avec ses partenaires. Nous ne disposons pas des ressources humaines nécessaires pour entreprendre cet immense mandat. Nous sommes aussi confrontés à des limites financières et c'est la raison pour laquelle nous avons fait appel aux moyens financiers de nos partenaires. A cet égard, il convient de souligner les efforts consentis par l'Union européenne pour soutenir l'Union africaine dans ses efforts de maintien de la paix.
« La formation des contingents constitue une autre limite à cette action. En effet, ceux que nous avons mis en place au Burundi ou au Soudan n'ont pas toujours la formation requise, notamment en matière de police. Si nous avons déployé plus de 1 500 policiers au Darfour, nombre d'entre eux n'avaient pas toujours les capacités nécessaires pour faire face à une telle situation. Par conséquent, la problématique de la formation limite aussi la portée de l'action de l'Union européenne.
« Il est essentiel que la communauté internationale, en particulier nos partenaires européens, continue à soutenir l'Union africaine tant au niveau financier et logistique que politique. L'Union africaine est d'autant plus déterminée à assumer ses responsabilités dans la promotion de la paix, de la sécurité et de la stabilité que son intervention a une valeur ajoutée évidente. Mais son action ne peut aboutir sans le soutien de ses partenaires. De ce point de vue, il est fondamental de mobiliser, sur une base durable et prévisible, les ressources nécessaires au financement de l'Union africaine.
« La Facilité de paix pour l'Afrique, mise en place par l'Union européenne, est un instrument essentiel. Il convient d'oeuvrer au maintien et au renforcement de cet instrument ainsi qu'à la mise en place d'instruments complémentaires.
« Pour terminer, j'aimerais formuler deux observations.
« En premier lieu, il me semble opportun de dire ici combien il est essentiel d'investir dans le partenariat entre l'Union africaine et l'Union européenne. La Facilité de paix a non seulement permis à l'Union africaine d'agir au Soudan et ailleurs auparavant, mais elle a aussi révélé les possibilités immenses de partenariat entre l'Union européenne et l'Union africaine. Un des grands avantages de la Facilité de paix a été de mettre en relief les très grandes possibilités offertes par ce partenariat pour la coopération entre l'Union africaine et l'Union européenne.
« En second lieu, j'aimerais souligner que l'avènement de l'Union africaine fondé un peu sur le modèle de l'Union européenne, avec une Cour de justice à l'image de la Cour de justice européenne et un Conseil économique et social, ont renforcé les possibilités de coopération entre l'Union européenne et l'Union africaine.
Mon dernier mot sera pour dire que, s'il convient d'investir dans la relation entre l'Union africaine et l'Union européenne, il faut le faire également dans les institutions africaines. Le changement en Afrique ne se fera que par les institutions africaines. Celles-ci sont en train d'être bâties. Un mandat nouveau, sur la base de principes nouveaux, vient d'être créé. Un partenariat s'est instauré pour consolider cet ensemble. Il importe que l'on donne vie à ces institutions africaines, car ce n'est que par l'Afrique que le changement pourra s'opérer. Toute la problématique du renforcement des capacités africaines représente pour moi une dimension stratégique du partenariat entre l'Afrique et l'Union européenne. »
4. Déclaration de Mme Lyubov Sliska, Première Vice-Présidente de la Douma, présidente de la délégation russe
Ayant déjà vu l'adhésion à l'OTAN, et consécutivement à l'UEO de plusieurs États anciennement liés à l'URSS par le Pacte de Varsovie, la Russie ne laisse pas d'être inquiète de la volonté de certains autres États de leur emboîter le pas. Sans doute, les termes du Traité de Bruxelles modifié empêchent l'adhésion à l'UEO d'États non membres de l'OTAN, mais l'inquiétude est là, notamment au sujet de l'Ukraine, en particulier avant le changement de gouvernement survenu en 2006.
Tel est le sens de l'intervention de Mme Sliska devant l'Assemblée.
« Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs les membres de l'Assemblée, c'est la première fois que je participe aux travaux de l'Assemblée de l'Union de l'Europe occidentale. Je connais cependant certains membres pour avoir pris part aux travaux de l'Assemblée parlementaire de l'OTAN, où je préside la délégation de la Douma d'État.
« Je considère comme importante et utile cette participation de mes collègues des deux assemblées du parlement russe, députés de la Douma d'État et membres du Conseil de la Fédération, qui se poursuit depuis une dizaine d'années sur une base permanente. Pendant cette période, il y a eu, dans le cadre de notre coopération, des discussions communes réussies sur les problèmes internationaux les plus urgents, et des visites de travail en Russie des membres de l'Assemblée de l'UEO.
« Nous sommes en principe satisfaits du travail des parlementaires russes dans le cadre de l'interaction avec l'Assemblée de l'UEO, y compris au sein des commissions concernées. Les parlementaires participent aujourd'hui à la discussion de nombreux sujets, pratiquement inaccessibles auparavant, et relatifs non seulement aux problèmes généraux de sécurité mais aussi aux questions précises ayant trait aux intérêts nationaux de la Russie et des pays européens. Signalons, notamment, la problématique portant sur l'élargissement de l'OTAN et de l'Union européenne, ainsi que sur les préoccupations de la Russie y afférentes : transit de Kaliningrad, non-prolifération d'armes de destruction massive, sécurité nucléaire et énergétique.
« J'estime que nos visions du monde, qui se construit sur la base de renforcement du rôle de l'ONU, sur le respect de la diversité de la communauté internationale, sur le règlement des conflits avec des moyens non violents, sur la lutte contre le terrorisme dans toutes ses manifestations, doivent être identiques.
« Nous ne comprenons cependant pas la sécurité dans un sens militaire étroit, mais plutôt comme le résultat d'un certain nombre de conditions qui permettent la croissance économique des États, la stabilité de leur politique intérieure, l'accès aux marchés, aux technologies et aux investissements. Les objectifs de la Russie sur la scène internationale sont tout à fait clairs. C'est avant tout la sécurité des frontières, ainsi que la création des conditions extérieures favorables à la vie des citoyens russes et à la résolution des problèmes internes du pays.
« Le soixantième anniversaire de la fin de la Deuxième guerre mondiale, célébré par les peuples du continent, a poussé à se rendre compte que le processus de constitution et de consécration des relations de partenariat et de coopération dans des conditions nouvelles, celles de l'élargissement de l'Union européenne et de l'OTAN, ne se déroule pas spontanément. Il nécessite de la part des hommes politiques, en premier lieu beaucoup d'efforts et la disponibilité pour entendre et écouter leurs voisins de la maison européenne, et tenir compte des intérêts mutuels.
« Pour notre pays, l'élargissement à l'Est de l'UE et de l'OTAN, une certaine dialectique de partenariat et de concurrence par rapport à la composante militaro-politique de l'UE sont des facteurs de politique extérieure sensibles. De simples gens se posent en Russie des questions tout à fait judicieuses, à savoir si la politique européenne de sécurité et de défense ne constitue pas un défi pour la Russie et quels sont les axes de développement de la dimension militaire de l'intégration européenne. Ceci est dû au fait que l'on passe outre à nos multiples propositions de mettre en train une coopération en matière militaire et de faire appel à la Russie en vue de préparer et de réaliser des opérations de maintien de la paix, ce qui ne peut que préoccuper nos électeurs.
« La Russie soutient d'une façon active le cap mis sur une coopération positive avec ses voisins européens. Je suis sûre qu'un certain nombre de problèmes de sécurité peut et doit être résolu aujourd'hui conjointement avec l'Union européenne. Il s'agit avant tout de la lutte contre le terrorisme, d'une efficacité accrue du maintien de la paix dans des situations de crise, de conflits interethniques ou religieux, ainsi que d'une lutte commune contre la criminalité transfrontière, contre le trafic de drogues et la traite des êtres humains. Pour résoudre les problèmes globaux, nous sommes prêts à un partenariat efficace avec tous les pays. L'éventail des problèmes est large : de la nécessité de rechercher une réponse efficace à la dégradation de l'environnement jusqu'à l'exploration de l'espace cosmique, de la prévention des catastrophes globales technogènes jusqu'à l'élimination de la menace de la propagation du SIDA.
« Chers collègues, le processus de globalisation a, d'une part, engendré des conditions sans précédent favorables à l'évolution de la civilisation, tout en consolidant une interdépendance positive et, d'autre part, considérablement aggravé les « vieux » problèmes tout en provoquant de nouveaux défis et menaces sur le continent européen. A cet égard, deux groupes d'objectifs sont devenus actuels pour les Européens : développement intégré de l'Europe sans lignes de démarcation et riposte aux menaces et aux risques de la « nouvelle » génération.
Nous partageons, quant à nous, les préoccupations de nos partenaires européens exprimées dans des textes sur les stratégies en matière de sécurité et de non-prolifération d'armes de destruction massive qui viennent d'être adoptés par l'Union européenne et qui font valoir le caractère indivisible de la sécurité, ce qui rend nécessaire notre étroite coopération en vue de faire face aux défis et menaces qui pèsent de plus en plus sur notre continent.
« Le monde dans lequel nous vivons ne devient malheureusement pas moins dangereux, les événements tragiques survenus ces dernières années à New York, à Madrid, Beslane et à Moscou en étant un témoignage éclatant. Une vague incessante d'actes terroristes est une preuve d'une interaction internationale peu efficace dans la lutte contre le terrorisme. Or, le terrorisme profite des faiblesses du front antiterroriste dues notamment aux approches non concertées des acteurs de la coalition internationale. C'est pourquoi la Russie se montre résolue à faire reconnaître à ses partenaires européens la nécessité d'appliquer des normes homogènes dans la lutte contre le terrorisme. Notre coopération doit viser à révéler et à briser les réseaux de financement du terrorisme, d'approvisionnement des organisations terroristes en armes, munitions et hommes, à prendre des mesures rigoureuses à l'encontre des organisations, fonds et personnes impliqués dans le soutien du terrorisme.
« Les contradictions politiques existantes dites « conflits gelés », ainsi que des éléments d'insécurité dans l'espace européen face à l'aggravation du facteur militaire dans la politique internationale, rendent nécessaire de reprendre les principes de base de nos relations en matière de sécurité que sont le contrôle des armements et les mesures de renforcement de la confiance et de la sécurité. Nous nous prononçons pour des efforts conjoints de la Russie, de l'Union européenne et de l'OTAN pour la résolution des problèmes généraux de sécurité. Ce serait conforme aux intérêts d'une architecture nouvelle et plus sûre de la stabilité internationale et européenne.
« Cependant nous ne pouvons ne pas être préoccupés d'une certaine stagnation constatée dans l'aspect militaro-politique de la coopération européenne. L'Accord sur l'adaptation du Traité sur les forces armées conventionnelles en Europe (FCE) signé en 1999 n'est toujours pas mis en vigueur sous des prétextes tirés par les cheveux, bien que ce soit un accord clé pour la stabilité et la sécurité. La Russie, elle, a déjà fait sa partie du chemin. Nous avons ratifié ledit traité adapté et nous nous attendons à des réponses de la part de nos partenaires, d'autant plus que, compte tenu des arrangements avec la Géorgie relatifs aux bases russes, les engagements dits `d'Istamboul' sur lesquels insistent les États membres de l'OTAN deviennent anachroniques.
« Nous sommes persuadés qu'une coopération plus étroite entre la Russie et l'Union européenne pourrait contribuer à résoudre des problèmes urgents du continent européen et des problèmes internationaux venus à maturité. A cet égard, nous attachons de l'importance à une interaction approfondie sur un pied d'égalité, au respect des « feuilles de route » adoptées à Moscou le 10 mai dernier lors du sommet Russie-Union européenne et portant sur l'espace de sûreté extérieure et de liberté, sur la sécurité et la justice. Ces documents ont pour vocation de consacrer une dynamique positive de notre interaction, de servir de base à la coopération ultérieure Russie-Union européenne et de lui conférer un caractère plus cohérent et mieux structuré.
« La partie russe a l'intention de prêter une attention particulière, dans le cadre de notre interaction, au maintien de la stabilité internationale, y compris dans des régions avoisinant les frontières de la Russie et de l'Union européenne. Nous comprenons que c'est seulement à travers une interaction de politique extérieure bien mise au point avec l'UE que nous pourrons éviter des affrontements dans l'espace postsoviétique, où de nombreux pays choisissent déjà le rapprochement avec l'Union européenne à titre de leur orientation majeure de politique extérieure.
« Nous nous opposerons, par contre, à la focalisation de notre coopération seulement sur l'espace postsoviétique. La situation dans certains pays et régions, par exemple, au Moyen-Orient, en Irak et en Afghanistan, fait peser une menace plus grande à la paix et à la stabilité dans le monde que les conflits non réglés de la Transcaucasie et de Pridnestrovié.
« Nous apprécions hautement le rôle de l'Assemblée de l'UEO dans la construction d'une Europe nouvelle. Je suis sûre que les parlementaires peuvent et doivent apporter leur contribution dans la lutte contre les nouvelles menaces à la sécurité et dans la consécration d'un partenariat efficace avec tous les pays en vue de résoudre les problèmes globaux. »
À une question portant sur le conflit en Transnistrie et le départ des troupes russes de Géorgie, et enfin sur la « feuille de route » pour le règlement du conflit moldave, Mme Sliska a répondu que « les discussions avec la Moldavie avaient commencé, mais le changement d'avis du Président Voronine à propos du mémorandum les a fait déboucher sur une impasse. En revanche, conformément au calendrier, les troupes russes seront retirées de Géorgie et d'Abkhazie en 2008. C'est le dernier endroit où des troupes russes sont stationnées. »
À une question sur le point de vue de la Russie sur les programmes nucléaires iraniens, militaire et civil, et sur les efforts de négociation conjoints du Royaume-Uni, de la France et de l'Allemagne, Mme Sliska a répondu que « des consultations ont eu lieu et que des discussions sont en cours avec les autorités iraniennes afin d'apaiser les tensions. La Russie n'a pas encore eu recours à tous ses moyens diplomatiques. En outre, elle s'est étonnée des positions du nouveau gouvernement iranien à propos d'Israël, qui ont été reçues avec gravité. Il semble, d'ailleurs, que le nouveau Président iranien ait été quelque peu `refroidi' par les réactions de la communauté internationale. »
5. Discours de M. Jack Straw, représentant la présidence britannique de l'UEO/UE (5 ( * ))
« Quand j'ai pris la parole devant l'Assemblée en juin, à la veille de la présidence britannique de l'UE, j'ai énuméré une longue liste de nos objectifs pour la PESD pour les six mois à venir. C'était un projet ambitieux, mais je pense que nous avons réalisé de belles avancées. Nous voulons une PESD plus active, plus efficace et plus cohérente, pour que l'UE coopère efficacement avec ses grands partenaires internationaux. Les développements des six derniers mois, dans le prolongement de l'oeuvre accomplie par les présidences précédentes, nous ont rapprochés du but. Nous avons atteint de nombreux objectifs, et dans d'autres domaines, avons jeté des bases solides pour la présidence autrichienne et les suivantes, qui leur permettront de faire bouger les choses.
« Au chapitre d'une PESD plus active, l'UE a une bonne douzaine de missions en cours, dont cinq ont été lancées ou préparées par la présidence britannique. Nous avons aussi élargi la portée géographique de la PESD et le type de mission à entreprendre. Désormais, nous prouvons sur le terrain que l'UE est exceptionnellement bien placée pour apporter une assistance dans des situations englobant le cycle entier des conflits, du maintien de la paix à la surveillance des frontières et à la réforme du secteur de la sécurité.
« Nos missions les plus anciennes - les missions de police MPUE en Bosnie-Herzégovine et Proxima dans l'ancienne République yougoslave de Macédoine - se poursuivent ; les forces de police indigènes sont suivies, formées et conseillées. Proxima va s'achever la semaine prochaine, une petite équipe consultative restant sur place pour garantir le passage de témoin à la Commission européenne qui assurera la suite des activités. En Bosnie-Herzégovine, le rapport récent de Javier Solana sur la deuxième période de six mois d'Althea représente une bonne base pour la réussite des futures missions. Le rapport souligne le besoin de coopération accrue entre les éléments militaires et civils de l'UE sur le terrain, surtout pour aider les autorités bosniaques à réformer la police et à combattre le crime organisé. Je sais que la présidence autrichienne entend faire de l'action dans ce domaine une priorité.
« Pour le Royaume-Uni, l'Afrique a été une priorité pendant toute l'année 2005, et nous nous félicitons du succès persistant des deux missions de PESD en République démocratique du Congo. Lancée en avril, la mission EUPOL Kinshasa supervise, contrôle et conseille à Kinshasa l'unité de police intégrée qui a été formée dans le cadre d'un programme de la Commission européenne et équipée par des États membres de l'UE. Dans l'intervalle, la mission EUSEC soutient la réforme du secteur de la sécurité dans le pays en mettant l'accent sur la réintégration des anciennes forces armées et elle est la première du genre. L'UE a donné récemment son accord pour lancer un nouveau projet dans le cadre d'EUSEC pour aider à réformer la chaîne de paiement des soldats congolais et éviter la fraude. En juillet, l'UE a renforcé son appui à l'Union africaine au Darfour dans le but de consolider, dans le cadre de la mission AMIS, la chaîne de commandement de la police et de fournir des observateurs, du soutien à la planification et du transport aérien à ses éléments militaires.
« Plus loin de nous, l'UE a lancé sa première mission en Asie - la mission de contrôle à Aceh - en septembre, à la demande du gouvernement indonésien. Il faut noter que cette mission a été mise sur pied en 16 jours, fait révélateur de la vitesse de prise de décision dans le cadre de la PESD. L'UE intervient en partenariat avec la Norvège et la Suisse ainsi qu'avec cinq pays de l'ASEAN, le Brunei, la Malaisie, les Philippines, Singapour et la Thaïlande, pour surveiller l'accord de paix entre le gouvernement indonésien et le mouvement de libération d'Aceh. La mission consiste essentiellement à surveiller la démobilisation, la réintégration et le désarmement, le départ des forces étrangères, et le respect des droits de l'homme dans le cadre de l'exécution de ces tâches, ainsi que les changements de législation. Elle se déroule d'une manière satisfaisante et représente une réelle performance pour l'UE en contribuant à forger une paix durable dans une région qui a souffert de ce long conflit.
« L'Union européenne est également active sur le terrain dans différentes parties du Moyen-Orient. Le 1er juillet 2005, à la demande du gouvernement irakien, elle a lancé la phase opérationnelle de la mission intégrée « État de droit » pour l'Irak, EUJUST Lex. Le but de cette dernière est de répondre aux besoins urgents du système pénal irakien en offrant à des fonctionnaires de haut rang des formations en investigation et gestion des affaires criminelles. La mission a installé un bureau de liaison à Bagdad pour faciliter la coopération avec ses interlocuteurs irakiens, les États membres de l'UE et la communauté internationale.
« Plus récemment, l'UE a donné son accord à l'envoi de deux missions dans les territoires palestiniens. Une nouvelle mission de soutien à la police, EUPOL COPPS, doit prendre la suite du Bureau de coordination de l'UE pour le soutien à la police palestinienne à partir du 1er janvier 2006. Elle contribuera à la mise en place de dispositifs de police durables et efficaces dont les Palestiniens auront la maîtrise, ce dernier point étant essentiel. L'exercice se fera dans le respect des normes internationales les plus élevées et en concertation étroite avec les autres efforts internationaux dans le contexte élargi de la réforme du secteur de la sécurité. Deuxièmement, l'UE a installé le 25 novembre une mission d'assistance frontalière au point de passage de Rafah entre la bande de Gaza et l'Égypte. Une fois de plus, elle a été diligentée très rapidement, en l'espace d'un mois.
« Attardons-nous quelques instants sur l'importance de cette mission. L'ouverture de la frontière a été un événement d'une signification politique énorme, et c'est l'UE qui a été choisie par Israël, l'Égypte et l'Autorité palestinienne pour contrôler la frontière. L'UE a été en mesure de réagir très vite et de façon adaptée à la demande des parties et elle fournit une présence tierce indispensable, qui contribue à l'ouverture du point de passage de Rafah et à l'instauration de la confiance entre le gouvernement d'Israël et l'Autorité palestinienne.
« Une autre mission d'assistance frontalière, cette fois-ci entre la Moldova et l'Ukraine, a été lancée la semaine dernière. Elle vise à soutenir la lutte contre la contrebande d'armes, le crime organisé et la corruption et, espérons-le, à favoriser la recherche d'une solution en Transnistrie. Elle sera accompagnée d'un renforcement du bureau du Représentant spécial de l'UE pour garantir une appréhension politique générale de l'évolution des problèmes frontaliers.
« En Géorgie, la mission « État de droit » EUJUST Thémis a pris fin en juillet après avoir brillamment rempli son mandat. Le bureau du Représentant spécial de l'UE a été renforcé pour appuyer la mise en oeuvre du plan d'action de la réforme du droit pénal. Le bureau s'est vu aussi doter d'un élément chargé de conseiller et de guider les garde-frontières géorgiens.
« À la suite de ce rapide tour du monde, vous constaterez que pendant la présidence britannique, nous avons prouvé que l'UE est à même de réagir très vite, de satisfaire à des exigences politiques ambitieuses et de gérer les risques liés à un environnement de sécurité plus complexe. Les missions mentionnées ici - notamment à Rafah et à Aceh - montrent bien la progression de la PESD, non seulement par le type des missions que nous pouvons entreprendre et la vitesse à laquelle nous les mettons en oeuvre, mais aussi parce que l'UE est désormais considérée par la communauté internationale au sens large comme une organisation clé en matière de soutien aux efforts pour renforcer la paix et la sécurité dans le monde.
« Pour faire en sorte que l'UE puisse continuer à lancer et maintenir une telle variété de missions d'envergure, nous devons poursuivre le développement de nos capacités. Il ne s'agit pas seulement de dépenser davantage, mais de dépenser mieux. Les pays européens peuvent apporter des améliorations significatives en mettant l'accent sur le développement de forces armées et de capacités civiles qui soient plus aisément déployables, adaptables et durables.
« Des activités visant à l'amélioration qualitative des capacités sont en cours dans le cadre de l'Objectif global 2010. Le couronnement des travaux réalisés par la présidence britannique sur ce dossier a été l'adoption par les ministres de la défense de l'UE du catalogue final des moyens militaires nécessaires à l'accomplissement des missions de l'UE. Celui-ci souligne la nécessité d'avoir des forces armées rapidement déployables et hautement interopérables. Nous avons aussi mis au point un questionnaire sur l'Objectif global sur la base du logiciel de planification de l'OTAN, par le biais duquel les États membres pourront proposer des contributions pour répondre aux besoins pendant la présidence autrichienne. Ce processus permettra aussi d'identifier les lacunes qui restent à combler en matière de capacités, y compris celles, notoires, comme le transport aérien stratégique, le ravitaillement en vol, les dispositions de commandement et de contrôle et les avions sans pilote.
« Pour réaliser des avancées dans ces domaines, le rôle de l'Agence européenne de défense sera déterminant. Pendant la présidence britannique, l'Agence a progressé sur ses quatre programmes phare, et les percées obtenues sur le marché européen des équipements de défense nous réjouissent tout particulièrement. Le 21 novembre, les ministres sont tombés d'accord sur un Code de conduite volontaire pour les acquisitions exclues actuellement du champ d'application de la loi communautaire sur la concurrence pour des raisons de sécurité nationale. Celui-ci engagera politiquement les Etats membres qui y souscriront à ouvrir la majorité de leurs marchés nationaux d'équipements militaires à la concurrence des autres pays de l'UE. Nous espérons que cette évolution sera de nature à apaiser les inquiétudes quant à la capacité de l'industrie européenne de défense d'être assez compétitive pour pouvoir répondre à ses besoins en capacités dans ce domaine avec un bon rapport coût-efficacité.
« La présidence britannique a aussi fait avancer l'initiative sur les groupements tactiques, et 19 d'entre eux, impliquant 26 pays d'Europe, ont été engagés. L'objectif est de parvenir dans la période pleinement opérationnelle, c'est à dire à partir de 2007, à disposer à tout moment de deux groupements tactiques avec un haut degré de préparation. Les engagements récents de la Grèce, de la Bulgarie, de la Roumanie et de Chypre sont annonciateurs de la réalisation de cette ambition. Pour tous les États membres, c'est un résultat remarquable.
« Parallèlement aux activités sur les capacités militaires, la présidence britannique a aussi développé les capacités civiles dans le cadre de l'Objectif global civil 2008. Un certain nombre de missions civiles de l'UE ont été lancées, ou leur principe a été arrêté, et le rôle de la gestion civile de crise par l'UE dans les efforts internationaux pour soutenir la paix et la stabilité ne cesse de grandir. Le développement et le ciblage des capacités civiles de gestion de crise sont essentiels à la durabilité de cette action. Pendant la présidence britannique, nous avons poursuivi avec succès l'identification des lacunes de capacités dans tous les domaines prioritaires : police, Etat de droit, administration civile, protection civile, contrôle et soutien aux représentants spéciaux de l'UE. De plus, la capacité de réaction rapide de la PESD civile a été améliorée grâce à l'adoption d'un concept d'équipes d'intervention civile et d'une stratégie de déploiement rapide de police.
« En continuant à construire cette gamme de capacités civiles et militaires, nous ferons en sorte que l'UE demeure exceptionnellement bien placée pour être en mesure de réagir rapidement et efficacement aux crises partout dans le monde. C'est dans ce domaine que l'UE peut apporter aux défis de sécurité du XXIe siècle une réelle valeur ajoutée dont on a de plus en plus besoin dans les crises de nos jours. Mais pour y parvenir, la cohérence et la complémentarité entre les outils civils et militaires sont cruciales.
« En conséquence, la présidence britannique a inauguré, avec l'Autriche et la Finlande, une nouvelle approche soutenue par les trois présidences pour améliorer la coordination civile et militaire de l'UE. Le concept d'une planification générale de la gestion des crises par l'UE a déjà été élaboré. Celui-ci prévoit une méthode pour réunir les instruments de l'UE dans un cadre unique de planification permettant d'organiser la réaction à toute crise donnée. D'emblée, la synergie sera garantie ainsi que la compréhension des liens entre les différents acteurs. Les ministres de l'UE ont décidé de mettre ce concept en application en passant en revue les activités de l'UE en Bosnie-Herzégovine, au Congo, au Darfour, à Aceh et ailleurs. Le Royaume-Uni a aussi lancé un concept pour la réforme du secteur de la sécurité qui viendra consolider ce que l'UE a entrepris en RDC, par exemple, pour améliorer les institutions de sécurité de manière à ce que l'UE puisse réunir des expertises militaires, judiciaires et économiques avec un accès à un financement.
« En plus de la cohérence interne, l'UE a aussi besoin d'une coordination étroite avec d'autres organisations internationales comme l'OTAN et les Nations unies. L'UE et l'OTAN ont coopéré étroitement sur le terrain, en Bosnie-Herzégovine et au Darfour, et dans le domaine du développement des capacités. Elles ont coopéré étroitement en réaction à l'ouragan Katrina et au tremblement de terre en Asie ; en réaction à l'ouragan Katrina, la coordination entre les officiers de liaison de l'OTAN et de l'UE sur le terrain a permis d'acheminer efficacement l'assistance à partir du point de consolidation européen sur la base aérienne de Ramstein en Allemagne en utilisant le pont aérien de l'OTAN vers les Etats-Unis. En réaction au tremblement de terre, de nombreuses aides qui ont transité par le pont aérien de l'OTAN venaient du Centre de surveillance et d'information de l'UE (MIC). Un bon échange d'informations entre l'UE, les Nations unies et l'OTAN a permis de mieux cibler l'envoi des secours sur le terrain au Pakistan.
« En ce qui concerne la coopération institutionnelle, nous saluons l'accord intervenu dans les deux organisations sur le mandat des équipes de liaison entre l'Etat-major de l'UE et l'OTAN, qui va prendre forme. Ces équipes contribueront à la totale transparence entre les deux organisations et seront l'expression concrète de leur partenariat stratégique en matière de gestion de crise.
« Un surcroît d'activités en Afrique signifie que l'UE a aussi besoin de nouer un partenariat fort, étroit et solidaire avec l'Union africaine et les organisations subrégionales africaines. Nous essayons d'y parvenir en aidant ces organisations à construire leurs propres capacités de gestion de crise. Les principes de base à suivre sont les suivants : préparer et aider l'Afrique à maîtriser son destin, répondre aux besoins du continent, et se coordonner avec les autres organisations internationales, en particulier les Nations unies et le G8. Nous devons faire en sorte que les actions de PESD soient cohérentes avec la Stratégie élargie de l'UE pour l'Afrique, qui doit être entérinée par le Conseil européen la semaine prochaine.
« La présidence britannique, j'espère que vous en conviendrez, a tenu ses promesses : rendre la PESD plus efficace, plus cohérente et plus active sur le plan opérationnel. Ce n'est que par le biais de l'action que les Etats membres peuvent gagner leur propre confiance et celle de la communauté internationale dans l'efficacité de la PESD.
« Le contrôle des enjeux européens de sécurité et de défense par les parlements nationaux est vital. Comme il ressort des rapports soumis à la présente session, l'Assemblée de l'UEO reste un forum unique en son genre, facilitant le dialogue interparlementaire et le débat sur ces questions. L'Assemblée est inclusive et dépasse les frontières de l'UE, ce qui enrichit véritablement le débat paneuropéen sur la sécurité et la défense. Elle continue d'apporter une contribution précieuse et constitue, grâce aux parlementaires nationaux, un maillon important entre les citoyens et les gouvernements pour discuter de la sécurité et de la défense, thèmes vitaux qui préoccupent les citoyens. Merci de votre attention et de votre indulgence pour l'absence d'un ministre britannique qui n'a pas pu être des vôtres. »
B. LES DÉBATS INSCRITS À L'ORDRE DU JOUR DE CETTE DEUXIÈME PARTIE DE SESSION 2005 ET LES INTERVENTIONS DES PARLEMENTAIRES MEMBRES DE LA DÉLÉGATION FRANÇAISE
1. L'avenir de la Politique Européenne de Sécurité et de Défense et de son contrôle démocratique - Réponse au rapport annuel du Conseil - Les débats parlementaires et l'orientation de l'opinion publique sur la construction européenne
Au terme de ce débat, les textes proposés dans les Rapports 1915 et 1912 sont adoptés à l'unanimité (voir Recommandation n° 767 et Résolution n° 127).
2. Le maintien de la paix en Afrique sub-saharienne : une approche concrète
À l'issue de ce débat, qui mettait à profit les éléments tirés de la récente Conférence interparlementaire de Bruxelles (voir ci-dessus), le projet de Recommandation contenu dans le Rapport 1913, amendé, a été adopté à l'unanimité (voir Recommandation n° 768).
3. Le marché européen des équipements de défense : l'article 296 du Traité instituant la Communauté européenne et le Livre vert de la Commission européenne - Réponse au rapport annuel
A l'issue du débat, le projet de Recommandation, proposé dans le Rapport 1917, est adopté (voir Recommandation n° 769).
4. L'avenir de l'industrie navale européenne de défense
À l'issue du débat, le projet de Recommandation, proposé dans le Rapport 1916, est adopté à l'unanimité (voir Recommandation n° 770).
5. La surveillance de l'espace maritime et des zones côtières dans les pays européens
À l'issue du débat, le projet de Recommandation, proposé dans le Rapport 1920, est adopté (voir Recommandation n° 771).
6. Comptes relatifs aux dépenses de l'Assemblée pour 2004 - Rapport du Commissaire aux comptes et motion d'approbation des comptes définitifs pour l'année 2004
À l'issue du débat, la motion d'approbation des comptes définitifs de l'Assemblée pour l'exercice 2004 est adoptée à l'unanimité. Les comptes ainsi présentés sont adoptés et quitus est donné au Président de l'Assemblée de sa gestion.
7. Avis sur les budgets des organes ministériels de l'UEO pour 2005
À l'issue du débat, le projet de recommandation contenu dans le Rapport 1907 et ad, est adopté à l'unanimité (voir Recommandation n° 772).
8. Projet de budget de l'Assemblée pour 2006
À l'issue d'un débat au cours duquel nombre des membres manifestant leur impatience devant le traitement réservé à l'Assemblée par le Conseil des Ministres de l'UEO sur le plan budgétaire, c'est une question préalable (document 1923) qui est adoptée à l'unanimité. En conséquence, le projet de budget est retiré de l'ordre du jour, ainsi que du rôle des questions soumises à l'Assemblée.
9. L'Union européenne dans les Balkans : Althea et autres opérations - Les parlements et la mission Althea (discussion commune)
Au terme du débat, les trois textes présentés dans les Rapports 1919 et 1911 sont adoptés à l'unanimité, soit la Recommandation n° 773, la Résolution n° 128 et la Directive n° 121.
10. La coopération dans le domaine opérationnel entre l'UE et l'OTAN - Réponse au rapport annuel du Conseil
M. Jean-Pierre Kucheida , Député (Pas-de-Calais - Soc), présente le Rapport (n° 1918), qui constitue la réponse au Rapport annuel du Conseil avec lequel l'Assemblée estime ses liens par trop insuffisants :
« Après l'échec de la Communauté européenne de défense, le flambeau de la coopération européenne en matière de défense a été porté par l'UEO pendant cinquante ans. Il est aujourd'hui entre les mains de l'Union européenne. Depuis 1999, ses États membres coopèrent pour développer une capacité européenne autonome de gestion des crises militaires et civiles au service des intérêts stratégiques de l'Union. Ces intérêts stratégiques sont identifiés dans la Stratégie européenne de sécurité de l'Union européenne, adoptée par le Conseil européen le 12 décembre 2003. Ce texte est aujourd'hui le socle doctrinal à partir duquel l'Union européenne justifie son action en matière de sécurité et de défense en Europe et dans le monde extérieur. Ce domaine, où les intérêts nationaux priment, est aussi celui où les progrès de l'intégration européenne sont les plus visibles. Dans le paysage européen actuel, caractérisé par de multiples crises de confiance politiques et économiques, la défense européenne semble échapper, en partie heureusement, à la loi des séries en matière de déconvenues.
« La défense européenne est et doit rester une et indivisible. Mais elle possède deux visages : l'européen, caractérisé par l'Union européenne, et le transatlantique, incarné par l'Alliance atlantique. Depuis plus de 50 ans, l'Organisation du Traité de l'Atlantique nord a été l'alpha et l'oméga de la défense collective en Europe. Il est donc essentiel que l'Union européenne et l'OTAN entretiennent des relations de travail efficaces pour que la gestion des crises puisse se faire avec un maximum de succès. Entre 2000 et 2003, l'Union européenne et l'OTAN ont négocié, à propos de la coopération en matière de gestion des crises, une série de documents désignés par les spécialistes comme l'ensemble « Berlin plus », rendant possible le transfert de l'OTAN à l'Union européenne de la responsabilité du maintien de la paix dans l'ancienne République yougoslave de Macédoine et en Bosnie-Herzégovine.
« L'expression « Berlin plus » fait référence au fait que c'est à Berlin que s'est tenue, en 1996, la réunion au cours de laquelle les ministres des affaires étrangères des pays de l'OTAN avaient décidé de créer une identité européenne de sécurité et de défense et de mettre à disposition à cet effet des moyens de l'Alliance. Les Accords « Berlin plus » visent à éviter les doubles emplois inutiles et précises aussi plusieurs éléments comme, par exemple, la garantie de l'accès de l'Union européenne à des capacités de planification opérationnelles de l'OTAN ; la présomption de disponibilité, au profit de l'Union européenne, de capacités et de moyens communs de l'OTAN ; des options de commandement européen pour des opérations dirigées par l'Union européenne, y compris un renforcement du rôle de l'adjoint au Commandant suprême des forces alliées en Europe et l'adaptation du système de planification de la défense de l'OTAN pour y intégrer les forces disponibles pour des opérations de l'Union européenne.
« Les Accords « Berlin plus » ont été mis en pratique dans le cadre de l'opération Concordia, premier déploiement militaire de l'Union européenne dans l'ancienne République yougoslave de Macédoine en 2003, dont notre collègue, M. Mota Amaral, a largement parlé ce matin, et dans le cadre de l'opération Althea, en décembre 2004, évoquée ce matin par M. Gülçicek, pour prendre la relève de l'OTAN en Bosnie-Herzégovine. L'intégration de l'Union européenne sera ainsi plus facile à réaliser.
« En revanche, cette coopération doit faire face à des problèmes issus, l'on pourrait dire, de conflits d'intérêts, d'objectifs et de compétitions. Comme le soulignait parfaitement M. l'Ambassadeur Holmes tout à l'heure, l'Union européenne, avec sa politique monétaire, étrangère et de défense, est un projet politique, économique et social qui prend les caractéristiques d'un État - tandis que l'OTAN ne peut apporter, efficacement au demeurant, qu'une présence militaire. La compétition, qui s'exprime aussi et surtout dans le cadre des relations entre les États-Unis et l'Europe, peut parfois se transformer en compétition Union européenne-OTAN.
« Malgré cela, les deux organisations sont appelées à se rapprocher, même si l'Union européenne possède des avantages considérables sur l'OTAN du point de vue politique et diplomatique, qu'il s'agisse, par exemple, de la politique africaine ou de la politique de liaison entre la Grande-Bretagne et son ex-Commonwealth. En effet, l'Europe politique est bel et bien incarnée par l'Union européenne, en dépit de ses insuffisances et de ses divisions. C'est avec l'Union qu'il faudra compter de plus en plus, à l'avenir, pour équilibrer l'état actuel des relations internationales.
« De toute façon, il ne pourra y avoir de complémentarité efficace entre l'OTAN et les capacités européennes sans une coopération politique étroite entre l'Alliance et l'Union européenne, fondée sur une véritable égalité, sur un véritable partenariat, le plus solide possible, et sur un respect mutuel permanent. Les considérants et les recommandations qui vous sont proposés découlent de cette analyse, présentée plus longuement dans le rapport. »
Au terme du débat, le Rapporteur, M. Jean-Pierre Kucheida, a ainsi répondu aux orateurs :
« Pour ce qui est de la question de Chypre et sans vouloir m'immiscer dans un problème aussi difficile, j'observe que de nombreux pas ont déjà été réalisés. Sur un tel sujet comme sur d'autres, beaucoup encore seront faits à l'avenir. C'est la raison pour laquelle les crispations sont inutiles aujourd'hui parce que, demain ou après-demain, les réalités tout simplement prévaudront.
Je remercie l'ensemble de nos collègues qui sont intervenus sur cette importante question.
M'adressant à nos collègues turcs M. Tekeliogliu (Turquie - Justice et Développement-PPE) et M. Ates (Turquie - Soc), je leur dirai que vient toujours un jour où il faut choisir véritablement entre l'OTAN et l'Union européenne. Le choix devra être clair, parce que si l'Union européenne est une puissance militaire, c'est avant tout une puissance politique. Et y adhérer suppose d'adhérer à la puissance politique avant d'adhérer à la puissance militaire. C'est ce qui importe par rapport au reste du monde.
Le monde que nous essayons de construire est aussi celui de la démocratie pour l'ensemble des pays, afin que cette démocratie puisse s'étendre aux nombreux pays qui n'en bénéficient pas encore, en dehors de ceux qui sont présents aujourd'hui dans l'UEO ou dans l'OTAN. Je partage le sentiment de M. Clerides lorsqu'il dit que, quand nous parlerons d'une seule et même voix, à quelque niveau que ce soit, nous serons entendus, non seulement entendus mais surtout respectés. Aujourd'hui, nous ne le sommes peut-être pas toujours assez, en particulier par les Etats-Unis, mais aussi par d'autres pays du monde. Quand je constate de quelle manière la Chine peut se jouer de nous tous, à tout moment, en usant d'arguments économiques pour tenter de nous diviser, je reste assez dubitatif ...
Je précise à M. Ates qu'il n'a jamais été question d'exclure l'OTAN de notre système défensif. L'OTAN est avec nous, mais elle doit rester à la place qui est la sienne, et ce d'autant plus que si l'on avait à comparer les déficits publics des pays européens au déficit des Etats-Unis, la comparaison ne serait pas forcément à leur avantage. De même, la comparaison des systèmes de solidarité et d'aide au chômage européens et américains serait plutôt favorable à l'Europe. Enfin, quant au dernier argument qui consiste à dire que l'OTAN est entièrement prise en charge ou que les Etats européens devraient payer, demain, une défense excessivement importante, je rappelle que 70 % des charges militaires de l'OTAN sont déjà supportées actuellement par les pays européens.
Ce sont ces réalités qu'il faut prendre en compte et c'est pourquoi, dans le cadre de sa défense de demain, en liaison avec l'OTAN qui appartient à 70 % à l'Union européenne, nous avons des perspectives importantes. Nous devons continuer à tracer un chemin commun, collectif, qui permette de donner les moyens d'une paix durable à l'Europe, et à la démocratie de s'étendre à toute la surface de la terre. »
Après ces réponses de M. Jean-Pierre Kucheida, le projet de Recommandation est adopté à l'unanimité (voir Recommandation n° 774).
11. La lutte contre le terrorisme international : un défi pour l'Europe
Au terme de ce débat, le projet de Recommandation contenu dans le Rapport 1914 est adopté à l'unanimité (voir Recommandation n° 775).
Enfin, l'ordre du jour de cette dernière journée étant épuisé, le Président prononce la clôture de la 51 ème session de l'Assemblée de l'UEO - 2005.
Ont participé aux travaux de la seconde partie de session, outre M. Jean-Pierre Masseret, nouveau président de l'Assemblée de l'UEO, MM. Jean-Marie Bockel, Jean-Guy Branger, Mme Josette Durrieu, MM. Francis Grignon et Yves Pozzo di Borgo, Sénateurs, ainsi que MM. Alain Cousin, Jean-Marie Geveaux, Jean-Pierre Kucheida, Marc Reymann, François Rochebloine, André Schneider et Bernard Schreiner.
* (4) En raison du statut de l'Autriche, qui n'est qu'observateur à l'UEO, c'est la Grande-Bretagne qui continue d'exercer, pour le dernier trimestre de 2005 et les premiers mois de 2006, la Présidence de l'UEO.
* (5) Discours prononcé par Sir John Holmes, Ambassadeur du Royaume-Uni en France.