B. TROIS GRANDS DÉFIS À RELEVER

L'accroissement rapide de la population de Mayotte constitue un véritable défi pour l'Etat et les autorités locales car il s'agit de faire face à des besoins en permanente augmentation et donc de fournir à la population les moyens appropriés, notamment en matière d'éducation et de formation, mais également de santé et de logement.

1. Un droit pour tous : la santé

Le système de santé à Mayotte repose sur trois entités complémentaires :

- le centre hospitalier de Mayotte, établissement public de santé doté d'une autonomie administrative et financière ;

- les trente-deux centres de soins ruraux, dont dix-neuf dispensaires médico-sociaux, sept maternités rurales et trois cabinets dentaires : répartis sur les dix-sept communes de l'île, ils assurent des soins primaires de proximité ainsi que des actions de prévention ;

- le secteur privé libéral dont le nombre d'opérateurs est encore très limité.

Jusqu'aux derniers mois, le système de sécurité sociale, bien qu'instauré depuis 1996, n'était pas appliqué à Mayotte : les soins et les médicaments dispensés à l'hôpital étaient gratuits et les médecins généralistes, les spécialistes et les infirmiers rémunérés par la collectivité ou par l'Etat.

L'ordonnance n° 2004-688 du 12 juillet 2004 relative à l'adaptation du droit de la santé publique et de la sécurité sociale à Mayotte y a étendu la majorité des dispositions qui organisent le système de santé en métropole, avec les adaptations nécessaires pour tenir compte de la situation locale. Elle met fin à la gratuité des soins, le coût de la santé étant désormais supporté par les cotisations des affiliés. Ceux-ci étaient au nombre de 123.511 au 31 décembre 2004.

Elle a également supprimé, à compter du 1 er avril 2005, la gratuité des soins dans le secteur public pour les étrangers en situation irrégulière . Ceux-ci doivent désormais déposer une provision financière au centre hospitalier de Mayotte pour pouvoir bénéficier des soins à l'hôpital ou en dispensaire. Toutefois, cette provision n'est pas exigée des personnes dont les ressources sont inférieures à un plafond, lorsque la gravité et l'urgence de l'état de santé de la personne le justifient, ou lorsque les personnes reçoivent des soins dans le cadre des maladies transmissibles graves.

La mission a constaté avec satisfaction que ces nouvelles règles étaient réellement mises en oeuvre. Un bilan devra être fait pour cette première année, de façon à résoudre aussi rapidement que possible les éventuelles difficultés ou failles du nouveau système. Il paraît également important de bien transmettre à la population des Comores le message selon lequel les soins ne sont désormais plus gratuits à Mayotte.


La pharmacie à Mayotte

La dispensation du médicament à Mayotte se fait de façon particulière. Elle est aujourd'hui assurée par :

- l'hôpital et les dispensaires , pour environ 80 % des délivrances de médicaments à titre totalement gratuit ; quatre pharmaciens et douze préparateurs en sont responsables ;

- les pharmacies d'officines pour 20 % des délivrances, soit un volume de 2,5 millions d'euros de médicaments et une consommation de 12 euros par an et par habitant ; seize pharmaciens et six préparateurs sont employés pour ces délivrances.

La réforme du système de santé à Mayotte et notamment la mise en place de la sécurité sociale sont des atouts pour le développement de la pharmacie d'officine à Mayotte.

Néanmoins, compte tenu des particularités du contexte, d'importantes difficultés demeurent. Ainsi, la situation financière des officines est fragile voire précaire car, bien que de petite taille, elles ont nécessité un investissement supérieur à celui d'une officine métropolitaine et leurs charges de fonctionnement sont plus importantes, alors que, dans le même temps, elles réalisent en moyenne un chiffre d'affaires correspondant à un tiers de celui d'une officine métropolitaine.

Il est donc nécessaire de trouver une solution concertée et progressive pour mieux équilibrer et rationaliser la dispensation du médicament entre dispensaires et officines.

2. Le problème crucial du logement

Le logement est une priorité à Mayotte où les problèmes de l'habitat se posent en termes de précarité et d'insalubrité. Trois types d'habitat coexistent dans l'archipel :

- l'habitat traditionnel, constitué de cases en terre (banga) et de cases végétales fabriquées selon des procédés traditionnels, ne permet pas d'obtenir une construction pérenne ;

- l'habitat en dur, comprenant les cases Sim (Société immobilière de Mayotte), les cases construites sans aides de l'Etat et les logements locatifs aidés, qui assure sécurité et confort ;

- l'habitat insalubre, avec ses constructions en matériaux de récupération qui crée des zones de forte insalubrité.

De cette situation découle une politique de l'habitat visant avant tout à permettre à la population mahoraise d'accéder à un parc immobilier de meilleure qualité.

Entre 1997 et 2002, le rythme de la construction de logements a dépassé celui de l'accroissement de la population, pourtant élevé. Le taux de croissance annuel moyen du parc de logements est de 5,4 % depuis 1997, soit 1.700 logements de plus par an, pour une augmentation annuelle de la population de 4,1 %. Ainsi, le nombre moyen de personnes par logement diminue. Il est de 4,3 personnes par logement en 2002, au lieu de 4,6 en 1997. Le nombre de personnes par ménage reste toutefois important par rapport à La Réunion et à la France métropolitaine où il est respectivement de 3,3 et 2,4.

Sur les 37.000 logements recensés en 2002, un tiers a été construit après le dernier recensement de la population. Si le nombre de logements en dur a augmenté de 4.700 unités, ils ne représentent toujours que 57 % du parc, comme en 1997. Les maisons en dur sont plus grandes que le reste des logements : trois pièces en moyenne au lieu de 2,4 ; elles hébergent aussi un peu plus de personnes : 4,5.

Les dernières années sont surtout marquées par l'expansion des cases en tôle dont le nombre a doublé depuis 1997 : elles représentent désormais 21 % du parc de logements, au lieu de 12 % au précédent recensement. La tôle permet une construction moins onéreuse et plus rapide. Elle est inhérente au développement des zones de bidonvilles, de plus en plus fréquentes aux périphéries des villes et villages. Plus de la moitié de ces cases est occupée par des immigrés de nationalité comorienne. Si elles ont en moyenne moins de pièces que l'ensemble des logements, 1,7 pièce, elles hébergent en revanche autant de personnes : 4,2 personnes.

Les trois quarts des chefs de ménages nés à Mayotte sont propriétaires de leur logement et du sol sur lequel il est implanté. La propriété du sol concerne peu les étrangers, les terres se transmettant à l'intérieur des familles. En revanche de nombreux ménages étrangers se déclarent propriétaires de leur logement seulement. Ceci s'explique par le fait que la construction de leur logement se fait illégalement sur des terrains ne leur appartenant pas. La location de logement concerne surtout les étrangers. Plus de la moitié des locataires sont nés aux Comores, les autres sont à parts égales des personnes nées à Mayotte ou en métropole.

L'augmentation du nombre de logements est si rapide qu'il est difficile d'améliorer le taux d'électrification. En 2002, un quart des logements n'a pas l'électricité, comme en 1997. Au-delà de l'extension du réseau se pose aussi un problème de solvabilité. Les personnes qui utilisent la tôle pour construire n'ont souvent pas les moyens de payer l'électricité. Ainsi une case en tôle sur trois n'a pas l'électricité alors que ce n'est le cas que pour un logement en dur sur quatorze.


La Société immobilière de Mayotte

Créée en 1977, la Sim a pour objet d'effectuer toutes les opérations tendant à l'amélioration et au développement de l'habitat, à l'aménagement urbain à Mayotte.

Sim aménageur

Maître d'ouvrage des actions d'aménagement qui lui sont confiées par convention par les collectivités, la Sim assure en leur nom, pour leur compte et sous leur contrôle, la responsabilité juridique, financière, technique et commerciale de ces opérations, en s'entourant des maîtres d'oeuvre et des entreprises issus, en priorité, du milieu professionnel local.

Sim acteur du développement économique

En 1977, une politique originale de production de l'habitat a été décidée à Mayotte, oubliant les réflexes de technologies imposées.

Animée dès son origine par la Sim, elle a permis la réalisation de 16.000 logements avec l'implication, la participation active des artisans locaux et de la population mahoraise à son propre développement.

500 entreprises créées en deux décennies, qui possèdent une véritable capacité contributive au débat sur le logement économique, se sont mobilisées au côté de la Sim pour faire vivre ce projet.

Sim constructeur social

Opérateur de la politique d'habitat aidée par l'Etat sur Mayotte, la Sim assure la conception et la réalisation de logements sociaux pour les familles démunies qui lui sont désignées par l'Etat et les collectivités (plus de 16.000 logements réalisés depuis 1978).

Sim bailleur

Chargée de la production et de la gestion de logements locatifs intermédiaires et sociaux, la Sim privilégie, dans la conception de son patrimoine immobilier (près de 1.500 logements), les techniques de construction et les savoir-faire développés depuis plus de vingt ans. Elle assure la promotion de matériaux locaux et s'applique à donner accès à ses commandes de travaux aux entreprises du tissu artisanal local qu'elle mobilise en permanence et en priorité sur les programmes de logements en accession sociale.

Face aux difficultés rencontrées par la Sim, une réflexion a été entreprise pour moderniser la politique de l'habitat social . De nouveaux produits et de nouvelles procédures sont en effet étudiés pour répondre aux nouvelles attentes de la population mahoraise, face à la saturation de l'espace foncier et face à l'arrivée de l'allocation logement qui ouvre de nouvelles perspectives de financement permettant aux personnes concernées de régler un loyer ou de rembourser un prêt plus facilement.

3. D'immenses besoins en matière d'éducation et de formation

De moins de 3.000 en 1973 le nombre total d'élèves est passé à près de 60.000 en 2002. Cette marche forcée vers la scolarisation de masse a atteint peu à peu tous les niveaux d'enseignement.

Une forte action de rattrapage scolaire axée sur le primaire est engagée en 1976 quand Mayotte devient une collectivité territoriale à caractère départemental. Avec la convention Etat-Mayotte 1986-1991, un plan d'action cohérent en matière d'éducation est défini pour la première fois. Il vise notamment à accompagner une croissance démographique de près de 6 % par an sur cette période. Entre 1973 et 2002, le nombre total d'élèves est ainsi passé de 2.900 à plus de 56.500.

Les effectifs des écoles élémentaires ont été multipliés par cinq entre 1975 et 2002.

Un des enjeux majeurs reste toutefois la résorption du déficit de constructions scolaires avec comme objectif de disposer d'une classe par unité pédagogique. Ce déficit s'établit encore à environ 12 % en 2002. Quelque 270 divisions sont ainsi contraintes de travailler en rotation, deux divisons alternant entre matin et après-midi dans la même salle de classe.

Le premier établissement du secondaire remonte à 1963 avec la construction du collège de Dzaoudzi. Il faut attendre 1986 pour que se construise le premier collège en zone rurale à Tsimkoura. Depuis, les ouvertures de douze nouveaux collèges se sont succédé jusqu'à la rentrée 2000. Les collèges de Koungou et Dembéni ont ouvert à la rentrée 2003 et trois autres collèges sont programmés d'ici 2008. Avec ces constructions, les effectifs des collèges sont passés de 741 élèves en 1980 à près de 12.000 en 2002.

Grâce à la construction du lycée de Sada, livré à la rentrée 1996, et du lycée de Petite-Terre (rentrée 2000), la population scolaire en lycée d'enseignement général et technologique connaît les plus forts taux de croissance : elle est passée de quelque cinquante élèves il y a vingt ans à environ 4.000 actuellement. Le lycée du Nord a ouvert à la rentrée 2003 et cinq autres lycées sont prévus jusqu'en 2008.

La diversification et le développement de l'offre de formation professionnelle marquent particulièrement les années 1990 avec l'ouverture de trois lycées professionnels et restent un des objectifs majeurs du plan académique d'action pour les années à venir. Ainsi, en fin d'année scolaire 2003, 27 % des élèves de 3 ème ont été orientés en CAP et BEP contre 15 % l'année précédente.

L'enseignement préélémentaire est apparu plus tardivement. La première école maternelle n'a été ouverte qu'en 1993. Cette année là, quinze écoles et une section enfantine ont pu accueillir 1.971 élèves dans soixante-cinq divisions. Depuis lors, les effectifs scolarisés en maternelle ont augmenté au rythme annuel moyen de 20 %. On comptait 9.606 élèves en 2002, 317 divisions et soixante-huit écoles. Le taux moyen d'encadrement est passé de trente-quatre élèves par division en 1994 à trente en 2002, preuve d'une relative amélioration des conditions d'accueil des écoliers.

L'accès de tous les enfants à l'école primaire est maintenant quasiment réalisé à Mayotte. En 2002, les enfants de six à dix ans sont scolarisés à 97 %, alors que ce taux n'était encore que de 90 % cinq ans auparavant.

Dans le premier degré, le retard scolaire est encore important malgré une amélioration notable depuis cinq ans. En 2002, il y a encore 31 % des élèves de CP qui ont dépassé l'âge normal de six ans (contre 54 % en 1997). Le retard scolaire s'accroît avec le niveau d'enseignement et plus de 80 % des élèves de CM2 ont dépassé l'âge normal de dix ans (95 % en 1997). En France métropolitaine en 1999 (dernière année disponible), on ne comptait que 7 % d'élèves en retard en CP et 20 % en CM2. Le retard des élèves mahorais s'explique essentiellement par les redoublements qui s'accumulent tout au long du cycle primaire.

Les conditions de passage en 6 ème sont déterminées par l'évaluation territoriale effectuée en CM2 qui est propre à Mayotte. Les élèves éliminés à l'examen de 6 ème redoublent ou sont orientés vers les classes pré-professionnelles, créées au milieu des années 1980 pour leur permettre de poursuivre leur scolarité.

La mission a été impressionnée par l'ampleur des efforts mis en place pour assurer la scolarisation de la jeunesse mahoraise . Elle a néanmoins constaté que l'une des difficultés résultait, dans ce secteur aussi, de la forte population étrangère, dont les enfants sont scolarisés, conformément au principe de l'obligation scolaire, et qui vient accroître très significativement les besoins.

Elle estime aujourd'hui souhaitable que l'on mette l'accent sur les écoles maternelles car il s'agit d'une étape déterminante dans les apprentissages de l'école primaire et en particulier dans la bonne maîtrise de la langue française.


Une initiative originale du vice-rectorat de Mayotte :
la professionnalisation des « mamas brochetty »

Sur les deux cents écoles primaires, seize collèges et sept lycées actuellement à Mayotte, seuls trois établissements possèdent un service de restauration scolaire.

De fait, depuis l'origine, extrêmement peu d'élèves sont demi-pensionnaires. On en compte actuellement environ 700 pour plus de 20.000 élèves potentiels.

Il paraît néanmoins indispensable que les enfants puissent bénéficier d'un repas ou au minimum d'une collation en milieu de journée. C'est pourquoi, le vice-rectorat a engagé une réflexion approfondie sur le sujet. Celle-ci a abouti aux conclusions suivantes :

- pour le premier degré (40.000 élèves) : pas de restauration, le rythme scolaire actuel (cours en matinée ou l'après-midi) permettant de temporiser la mise en place d'une véritable offre de repas ;

- pour le second degré (20.000 élèves) : si le pourcentage d'élèves fréquentant la restauration scolaire est très faible, cela résulte essentiellement d'obstacles d'ordre matériel. De fait, même dans le cas des boursiers - nombreux dans tous les établissements -, les familles rechignent à voir leur « revenu » amputé du coût des repas.

Aussi, a-t-il été décidé d'expérimenter un soutien aux « mamas sandwiches et brochetty » qui exercent aux abords des collèges et lycées. Des locaux propres seront mis à leur disposition et une formation, notamment aux règles de base de l'hygiène alimentaire, leur sera donnée.

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