CHAPITRE II - LES VOIES ÉTROITES D'UNE CROISSANCE AUTONOME SOUTENUE
Les différentes projections de l'économie française proposées dans le présent rapport ont pour objectif de présenter différents scénarios de croissance (cinq au total) , qui, pour l'essentiel, permettraient, dans le contexte d'une politique budgétaire d'ajustement structurel , de rapprocher le rythme effectif d'activité de son niveau potentiel, voire, dans l'un d'entre eux de le dépasser.
A l'examen, ces conditions apparaissent exigeantes : l'environ-nement international de la France doit évoluer favorablement pour ne pas perturber la croissance intérieure ; en outre, celle-ci est dépendante de comportements des agents économiques nationaux nettement plus dynamiques que ceux observés en moyenne, même lorsqu'on imagine une contribution plus positive du commerce extérieur.
Ces modifications de comportements ne sont pas improbables, mais elles requièrent un contexte favorable et la politique économique doit les accompagner. Plus globalement, les autorités qui en ont la charge doivent tout entreprendre pour conforter la confiance des Français dans leur avenir.
Toutefois, les résultats des projections conduisent à s'interroger sur l'ordre des priorités des politiques économiques . Le contexte qui prévaut aujourd'hui est celui d'une économie française en retard sur le plan de sa croissance potentielle.
Un déficit de production de l'ordre de 2,5 points de PIB s'est accumulé. La croissance que décrivent le programme de stabilité du Gouvernement (dans son scénario qualifié de « bas ») et les projections, ne permettrait pas de combler ce retard alors que les conditions d'une croissance à 2,25 % l'an apparaissent difficiles à réunir quand on programme une réduction du déficit structurel de 0,4 point en moyenne chaque année.
Or, le premier défi à relever est celui d'un retour au niveau potentiel de production afin d'éliminer le chômage résultant du déficit passé de croissance. En effet, il faut retrouver les marges de manoeuvre qu'offre la croissance . Celle-ci permettrait d'accroître plus facilement le rythme de la croissance potentielle, objectif justifié par les perspectives démographiques mais dont le terme ne peut être immédiat, et de procéder à l'assainissement structurel des comptes publics, dans des conditions plus favorables.L' économie est cyclique et évolutive, et le calendrier des politiques économiques doit tenir compte de ces deux caractéristiques fondamentales . Pour remédier aux insuffisances structurelles de l'économie française, il faut d'abord retrouver un rythme de croissance plus élevé.
Cinq scénarios ont été élaborés sous les principales hypothèses suivantes : * le taux de croissance de la productivité du travail serait de 1,7 % entre 2007 et 2010, les salaires réels évoluant comme celle-ci, * les hypothèses de population active sont celles de la DARES (qui intègrent les effets de retraites anticipées), * les hypothèses d'emplois non marchands aidés sont celles de la DARES (baisse progressive de 100 000 entre début 2004 et fin 2008). On suppose qu'un fonctionnaire sur deux qui part à la retraite ne sera pas remplacé, * les hypothèses de dépenses publiques et de prélèvements obligatoires sont celles du programme de stabilité, * une réduction du déficit structurel de l'ordre de 0,4 point de PIB en moyenne, * l'hypothèse d'un taux de chômage structurel se situant aux alentours de 6 %, * sauf exception, une contribution du commerce à la croissance extérieure nulle. Dans le scénario 1 , les entreprises « font » la croissance. L'objectif de croissance de 2,25 % par an est atteint quasi exclusivement grâce à un comportement très dynamique des entreprises. En effet, le taux d'épargne des ménages se situe en moyenne sur la période 2007-2010 à 14,7 % de leur revenu disponible brut (RdB), soit son niveau atteint en 2006. L'objectif de croissance nécessite une forte augmentation du taux d'investissement des entreprises. Ce dernier doit augmenter de 0,8 point en moyenne annuelle, atteignant 21,4 % de la valeur ajoutée en 2010, niveau jamais atteint auparavant. Dans le scénario 2 , ce sont les ménages qui créent la croissance. L'objectif de croissance de 2,25 % par an est atteint quasi exclusivement grâce à un comportement très expansionniste des ménages alors que les entreprises restent neutres. Le taux d'épargne doit baisser considérablement au cours de la période 2007-2010. En cumulé sur quatre années, cette baisse doit être de 2,4 points, soit une baisse moyenne de 0,6 chaque année. Le taux d'épargne baisserait considérablement, pour atteindre 12,3 % du revenu disponible brut des ménages. Dans le scénario 3 , l'hypothèse de neutralité du commerce extérieur à moyen terme, standard dans ce type d'exercice, est abandonnée. En stabilisant le taux d'épargne des ménages et le taux d'investissement des entreprises, et compte tenu des hypothèses inchangées sur les finances publiques, la contribution positive du commerce extérieur (0,4 point en moyenne annuelle) ne permet cependant pas d'atteindre l'objectif de 2,25 % chaque année. La croissance serait de 1,9 %. De la même manière, le déficit public atteindrait, en 2010, 1,7 point de PIB contre 0,9 dans les scénarios 1 et 2. Le scénario 4 part du scénario précédent et consiste à évaluer le comportement des agents privés permettant de combler l'écart de croissance. D'après ce scénario, il serait alors possible de retrouver la croissance, le déficit et le taux de chômage des scénarios 1 et 2, avec un taux d'épargne qui s'établirait en moyenne à 14,9 % du RdB, soit 0,6 point en dessous de la moyenne des 20 dernières années. Le taux d'investissement des entreprises devrait, quant à lui, s'établir aux alentours de 18,6 % en moyenne sur la période 2007-2010, soit 1,4 point au-dessus de son niveau de long terme.
Enfin,
le scénario 5
est celui d'une
croissance à 3 %. Le chômage d'équilibre se situe aux
alentours de 5 %. Pour atteindre ce niveau en 2010, l'économie
française devrait croître à un rythme moyen de 3 % au
cours de la période 2007-2010. Cet objectif peut être atteint sous
les hypothèses de modifications des comportements des agents
privés des scénarios 1 et 2 et d'une contribution moins
restrictive des dépenses publiques, à objectif de solde public
inchangé.
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I. UN CONTEXTE DE POLITIQUE BUDGÉTAIRE D'AJUSTEMENT STRUCTUREL QUI FREINE LA CROISSANCE
Les projections sont construites sous l'hypothèse de la mise en oeuvre d'une politique budgétaire d'assainissement structurel . Ce processus, conforme aux annonces du Gouvernement, représente, à l'horizon de la projection, un frein à la croissance , même s'il contribue aussi à installer les finances publiques sur une trajectoire prudente.
A. LE REDRESSEMENT STRUCTUREL DES COMPTES PUBLICS IMPLIQUE UNE CROISSANCE SPONTANÉE SUPÉRIEURE À LA CROISSANCE POTENTIELLE
Les scénarios de croissance présentés ici sont construits sous l' hypothèse qu'une politique budgétaire d'ajustement structurel serait mise en oeuvre , conformément aux engagements pris par la France dans le cadre du pacte de stabilité et de croissance européen.
Pour l'essentiel, il s'agit de contenir la croissance en volume des dépenses publiques à 0,9 % par an, soit un rythme d'évolution sensiblement inférieur à celui de la croissance potentielle estimé à 2 % et à la croissance en projection, qui est de 2,25 % 21 ( * ) .
Ce différentiel de croissance entraînerait en soi une réduction du besoin de financement des administrations publiques à hauteur de 2,1 points de PIB, entre 2006 et 2009. Toutefois, la baisse discrétionnaire des prélèvements obligatoires atteindrait 0,6 point de PIB sur la période si bien que le retour à une tendance de « réépargne publique » et la réduction du déficit structurel sont plus modérés . Au total, le déficit structurel est réduit de l'ordre de 0,4 point de PIB par an et le solde budgétaire nominal s'améliorerait de 1,5 point de PIB. En revanche, la fonction distributive des administrations publiques serait très nettement réduite.
Une première conséquence directe s'ensuit. Le bilan des relations financières entre les administrations publiques et les autres agents économiques, en particulier les ménages, devient moins favorable à ces derniers.
La politique de redressement structurel des finances publiques exerce donc, au premier ordre, une contrainte sur l'activité économique. Cette impulsion budgétaire négative s'élève à environ 0,4 point de PIB en moyenne annuelle sur la période. Elle est le revers de la médaille du redressement structurel des comptes publics . S'y ajoute le jeu des stabilisateurs automatiques, la croissance projetée excédant la croissance potentielle de 0,25 point de PIB par an, une composante conjoncturelle de redressement du solde public nominal intervient, à hauteur d'environ 0,3 point de PIB sur la période.
La croissance sous-jacente, cohérente avec les performances retracées dans le « scénario central » à 2,25 % est ainsi de l'ordre de 2,8 %, soit un rythme supérieur à celui de la croissance potentielle telle qu'elle est estimée généralement.
Ces performances sont conditionnées à des enchaînements favorables dont le présent rapport rend compte dans sa partie consacrée aux finances publiques.
* 21 Dans l'hypothèse où la croissance atteindrait 3 %, le gouvernement prévoit une hausse des dépenses publiques plus modérée encore, de 0,6 % par an en volume.