N° 62

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2005-2006

Annexe au procès-verbal de la séance du 3 novembre 2005

RAPPORT D'INFORMATION

FAIT

au nom de la commission des Finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la Nation (1) sur l' informatisation dans le secteur de la santé,

Par M. Jean-Jacques JÉGOU,

Sénateur.

(1) Cette commission est composée de : M. Jean Arthuis, président ; MM. Claude Belot, Marc Massion, Denis Badré, Thierry Foucaud, Aymeri de Montesquiou, Yann Gaillard, Jean-Pierre Masseret, Joël Bourdin, vice-présidents ; M. Philippe Adnot, Mme Fabienne Keller, MM. Michel Moreigne, François Trucy secrétaires ; M. Philippe Marini, rapporteur général ; MM.  Bernard Angels, Bertrand Auban, Jacques Baudot, Mme Marie-France Beaufils, MM. Roger Besse, Maurice Blin, Mme Nicole Bricq, MM. Auguste Cazalet, Michel Charasse, Yvon Collin, Philippe Dallier, Serge Dassault, Jean-Pierre Demerliat, Eric Doligé, Jean-Claude Frécon, Yves Fréville, Paul Girod, Adrien Gouteyron, Claude Haut, Jean-Jacques Jégou, Roger Karoutchi, Alain Lambert, Gérard Longuet, Roland du Luart, François Marc, Michel Mercier, Gérard Miquel, Henri de Raincourt, Michel Sergent, Henri Torre, Bernard Vera.

Santé publique.

AVANT-PROPOS

Mesdames, Messieurs,

En application de l'article 57 de la LOLF, et suite au contrôle réalisé en 2004 par le président de votre commission des finances, notre collègue Jean Arthuis, sur l'informatisation de l'Etat 1 ( * ) , la commission des finances a décidé de poursuivre sa réflexion dans ce domaine en confiant à votre rapporteur spécial une mission de contrôle sur l'informatisation dans le secteur de la santé .

Après avoir réalisé de nombreuses auditions, effectué des déplacements dans des établissements de santé à Paris et en province et s'être rendu au Royaume-Uni, votre rapporteur spécial souhaite livrer les principales conclusions de ce contrôle budgétaire.

En préambule, votre rapporteur spécial indique que sa réflexion s'est attachée à déterminer où se situait la France par rapport à ses principaux voisins en termes d'informatisation de son système de santé et si les conditions de mise en oeuvre du dossier médical personnel (DMP) créé par la loi du 13 août 2004 relative à l'assurance maladie étaient réunies.

Si la France se situe globalement dans la moyenne des pays européens, votre rapporteur spécial met en évidence, dans le présent rapport d'information, plusieurs faiblesses auxquelles il devrait être remédié : défaillance du pilotage global de la politique d'informatisation, retard des établissements publics de santé dans ce domaine, cloisonnement des systèmes d'information et inadéquation de la formation des professionnels de santé.

Votre rapporteur spécial a également relevé les difficultés de mise en place du dossier médical personnel (DMP), qui constitue l'une des réformes structurantes récemment engagées . Il a ainsi constaté que le calendrier de mise en oeuvre apparaissait irréaliste et que chaque patient ne disposerait pas, en juillet 2007, d'un dossier médical personnel substantiel.

Au cours d'un déplacement effectué à Londres, votre rapporteur spécial a pu constater que la mise en place du programme anglais d'informatisation du système de santé reposait sur un triptyque essentiel, qui fait aujourd'hui défaut à la France : une volonté politique forte, qui s'appuie sur une « task force » administrative et des moyens budgétaires importants dans la durée.

Votre rapporteur spécial souhaite aujourd'hui que le gouvernement prenne la mesure des enjeux, clarifie ses orientations ainsi que le calendrier de mise en oeuvre du DMP et s'inspire du modèle anglais . Il rappelle enfin que l'informatisation du système de santé permettrait en premier lieu d'améliorer la qualité du système de santé, ce qui se traduirait ensuite par des économies.

Les dix propositions formulées par votre rapporteur spécial

1) Définir un véritable pilotage central de la politique d'informatisation, qui doit être du ressort de l'Etat et relever d'une structure administrative ayant une visibilité suffisante ;

2) Renforcer les moyens et la capacité d'expertise de la direction de l'hospitalisation et de l'organisation des soins du ministère de la santé et des solidarités ;

3) Pérenniser le Groupement pour la modernisation du système d'information hospitalier ( GMSIH ) en élargissant ses missions aux enjeux de l'informatisation de la médecine de ville ;

4) Impliquer les professionnels de santé dans la définition des orientations stratégiques en matière d'informatisation ;

5) Redéployer les crédits non consommés du plan « Hôpital 2007 » vers les actions d'informatisation des établissements de santé ;

6) Accroître les investissements consacrés aux systèmes d'information dans les établissements de santé ;

7) Clarifier le calendrier de mise en place du DMP, ses objectifs et les moyens qui devront y être consacrés à moyen-long terme ;

8) Affecter une part déterminée de la dotation du Fonds d'aide à la qualité des soins de ville à la mise en oeuvre du DMP ;

9) Développer les formations initiale et continue des professionnels de santé ;

10) Lancer une campagne globale de sensibilisation des professionnels de santé et du grand public, afin de s'assurer de leur adhésion, condition essentielle de la réussite de ce chantier.

I. LA RÉALITÉ CONTRASTÉE DE L'INFORMATISATION DU SECTEUR DE LA SANTÉ EN FRANCE AUJOURD'HUI

A. LA FRANCE SE SITUE DANS LA MOYENNE DES PAYS EUROPÉENS EN TERMES D'INFORMATISATION DU SECTEUR DE LA SANTÉ

1. Un degré inégal d'informatisation des professionnels de santé en France

Un constat s'impose de prime abord, celui de l'inégalité entre professionnels de santé en France du point de vue de l'informatisation. Il faut en effet distinguer la situation des professionnels libéraux et celle des établissements de santé. En outre, au sein de ces deux grandes catégories, des inégalités existent également et ne résultent pas uniquement du niveau d'investissement accordé aux systèmes d'information mais aussi de « l'appétence » des professionnels pour ce sujet.

a) L'informatisation des professionnels libéraux
(1) Les actions d'accompagnement de l'informatisation des cabinets médicaux

Le Fonds de réorientation et de modernisation de la médecine libérale (FORMMEL) a été créé au sein de la Caisse nationale d'assurance maladie des travailleurs salariés par l'article 4 de l'ordonnance n° 96-345 du 24 avril 1996 relative à la maîtrise médicalisée des dépenses de soins.

Lors de sa création, il avait vocation à financer, d'une part, l'allocation de remplacement (ADR) versée aux médecins dans le cadre d'un mécanisme d'incitation à la cessation anticipée d'activité (MICA), d'autre part, des actions d'accompagnement de l'informatisation des cabinets médicaux.

En 1998, les dépenses pour les actions d'accompagnement de l'informatisation des cabinets médicaux se sont élevées à 62,2 millions d'euros (à l'époque, 408 millions de francs) et ont pris la forme du versement d'une aide de 1.372 euros (9.000 francs) aux praticiens concernés. En 1999, il restait un reliquat de dépenses pour ces actions d'accompagnement de 4,25 millions d'euros (27,9 millions de francs). Toutefois il n'y a pas eu de dépenses prévues à ce titre en 2000 puisqu'à cette date les aides à l'investissement pour l'acquisition du matériel ont cessé . En revanche une aide pérenne à la transmission des feuilles de soins électroniques a été accordée conformément aux dispositions conventionnelles introduites par l'avenant n° 1 à la convention des médecins généralistes, approuvée par arrêté du 12 août 1999, dispositions étendues aux médecins spécialistes.

En 2005, la convention des médecins généralistes a prévu d'augmenter de plus de 11 % l'indemnisation versée au titre de la télétransmission de feuilles de soins électroniques sécurisées (à 0,07 euro par feuille de soins) et de supprimer son plafonnement. En outre, les partenaires conventionnels ont décidé de réserver prioritairement le montant excédentaire du FORMMEL pour le versement d'une aide à l'équipement informatique aux praticiens qui n'avaient pas perçu l'aide individuelle versée en 1998 et aux nouveaux installés.

Il convient toutefois de souligner que l'aide à la cessation anticipée d'activité des médecins de plus de 60 ans a absorbé la quasi-totalité des dépenses du FORMMEL en 2004 (130,3 millions d'euros sur 130,4 millions d'euros, le reliquat étant consacré à favoriser l'installation de médecins dans les zones déficitaires en matière d'offre de soins).

(2) Le niveau actuel d'informatisation des professionnels libéraux

D'après les informations fournies par la direction de l'hospitalisation et de l'organisation des soins (DHOS) du ministère de la santé et des solidarités, les cabinets de radiologie, les pharmacies et les laboratoires d'analyses médicales sont largement informatisés.

En revanche, si les médecins libéraux en cabinet ou en clinique, généralistes et spécialistes, sont informatisés en forte proportion (80 à 85 % seraient équipés, notamment grâce aux aides accordées par l'assurance maladie en 2000-2002 et à la mise en place du projet SESAM-Vitale), seuls 40 à 60 % d'entre eux ont recours à un dossier informatisé et peu d'entre eux disposent d'un dossier patient réellement ouvert, communicant et utilisant une application moderne .

La médecine libérale doit donc fournir un effort important d'adaptation de ses outils informatiques à court terme pour répondre aux impératifs de partage du dossier du patient.

Par ailleurs, l'utilisation de l'équipement informatique par les professionnels de santé libéraux reste principalement orientée vers la transmission des feuilles de soins électroniques : 79 % des généralistes l'assurent en 2005 contre 53 % des spécialistes. L'usage à des fins médicales n'est pas encore généralisé.

Enfin, les équipements des professionnels de santé libéraux sont encore majoritairement reliés à l'internet bas débit pour la télétransmission de feuilles électroniques. Seuls 20 % des médecins généralistes ont un accès à l'internet haut débit et 50 % d'entre eux disposent d'un ordinateur qui a moins de cinq ans .

* 1 Rapport d'information n° 422 (2003-2004).

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