2. Une préférence fiscale pour l'épargne liquide et/ou sans risque ?
a) Faut-il encourager fiscalement l'épargne liquide ?
Dans la structure de l'épargne, 19 % des encours restent « liquides », ce qui est manifestement excessif par rapport aux besoins des ménages et est sous-optimal par rapport aux besoins de financement des entreprises.
Les mesures dérogatoires en faveur de l'épargne, au lieu de jouer un rôle correctif par rapport à la tendance naturelle des Français de se constituer un « bas de laine », les y incitent au contraire. Les placements directs en actions des ménages restent en-deçà de ce qui paraît souhaitable en économie de marché. Les exonérations fiscales attachées à certaines catégories d'épargne liquide comme le livret A expliquent sans doute l'attachement des Français pour une épargne de court terme, peu risquée certes, mais aussi désormais peu rémunératrice et peu utile sur le plan économique.
On doit certes considérer que l'incitation fiscale du livret A permet d'alimenter les fonds d'épargne qui constituent le support des prêts au logement social. Si toutefois ce circuit, dont le monopole est confié aux Caisses d'épargne et à La Poste, n'existait pas, un mécanisme de collecte par le système bancaire de l'épargne destinée au logement social pourrait être mise en place, par exemple sur le modèle des CODEVI, et assurerait tout aussi bien le financement du logement social.
En outre, les encours dont bénéficie la Caisse des dépôts et consignations à travers l'épargne liquide réglementée pour financer la politique du logement social excèdent largement les besoins : selon les annexes au budget général , 55,8 % seulement des ressources des fonds d'épargne ont été employés au financement du logement social en 2004. Ceci s'explique assez largement par le coût excessif de la collecte et par le niveau trop élevé des taux susceptibles d'être consentis aux organismes H.L.M.
De plus, en ce qui concerne le livret A, présenté comme un produit d'épargne populaire, le plafond de dépôt (15.300 euros), comme la possibilité de disposer au sein d'un ménage d'autant de livrets que celui-ci compte de membres, dévoient en pratique l'objet social de ce produit.
En 2004, si 56,2 % des livrets disposaient d'un encours inférieur à 152 euros, une très petite minorité (6 %) enregistrait, par le jeu des intérêts cumulés, des dépôts supérieurs au plafond de dépôt de 15.245 euros. Cette toute petite minorité détenait 43,4 % des encours au 31 décembre 2004 (47,8 milliards d'euros). Elle profitait donc à ce titre de 43,4 % de la dépense fiscale liée au livret A (440 millions d'euros). Cette situation est une absurdité sociale et reflète une hypocrisie majeure, bien souvent dénoncée par votre rapporteur général.
Plusieurs pistes pourraient être imaginées afin de rendre une certaine vertu fiscale au livret A, tout en conservant à la fois son caractère social et son emploi en faveur du logement. La banalisation du livret A et sa distribution par l'ensemble du réseau bancaire permettrait d'abaisser le coût de collecte et de diminuer ainsi les taux pouvant être consentis en faveur des organismes du logement social. Cette banalisation compenserait les effets, en termes de décollecte, d'une fiscalisation partielle du livret A , au moins pour les revenus d'intérêt du livret A au delà du plafond de dépôt de 15.300 euros. Le contribuable aurait le choix entre le prélèvement libératoire de 27 % ou l'intégration à l'IRPP. Les ménages non imposables ne seraient donc pas touchés. Cette fiscalisation permettrait donc de rendre au livret A son caractère véritablement populaire. Il n'est pas compréhensible que les gouvernements successifs refusent de voir cette évidence.