II. COORDONNER LES ACTIONS ENTREPRISES PAR LE RÉGIME OBLIGATOIRE ET LES RÉGIMES COMPLÉMENTAIRES

Les travaux et débats préparatoires à la réforme de l'assurance maladie ont fait apparaître la nécessité d'une meilleure articulation entre les politiques menées, d'un côté, par les régimes obligatoires d'assurance maladie, et de l'autre, par les régimes d'assurance maladie complémentaire.

Le congrès de la Mutualité française à Toulouse en juin 2003, le rapport de la commission des comptes de la sécurité sociale pour 2003 8 ( * ) ou celui du Haut Conseil pour l'avenir de l'assurance maladie de janvier 2004 ont apporté, avec des sensibilités différentes, leur contribution à ce sujet difficile.

Dans ce contexte, un consensus s'est dégagé pour considérer qu'un renforcement de la coordination entre les actions entreprises par le régime obligatoire d'assurance maladie et les régimes complémentaires aurait des effets bénéfiques sur la gestion du système de soins, dont les assureurs complémentaires assurent une partie du financement, et permettrait une meilleure couverture des usagers.

Intégrant ces réflexions, les pouvoirs publics se sont attachés à créer les conditions d'une participation renforcée des organismes complémentaires au fonctionnement du système de soins. Cette volonté s'est traduite à travers différentes mesures visant à associer les régimes complémentaires à la politique de gestion du risque développée par les régimes obligatoires d'assurance maladie ; adapter le régime fiscal applicables aux contrats complémentaire de santé afin d'encourager la création de nouveaux contrats, les « contrats responsables », susceptibles d'inciter les assurés à suivre un parcours de soins vertueux ; mettre en oeuvre une nouvelle aide destinée à aider les ménages défavorisés à acquérir une assurance complémentaire.

Ces trois dispositifs confirment le rôle essentiel joué par les assureurs complémentaires. Ils soulignent également que le niveau de protection accordé par le régime obligatoire ne suffit plus à garantir un accès satisfaisant aux soins, ce que l'instauration de la couverture maladie universelle avait déjà mis en évidence.

A. UNE NOUVELLE ARCHITECTURE POUR MIEUX ASSOCIER LES RÉGIMES COMPLÉMENTAIRES À LA GESTION DU RISQUE

La première réponse apportée par la loi du 13 août 2004 est institutionnelle, avec la création de l'Union nationale des organismes d'assurance maladie complémentaire (UNOCAM).

Cette structure doit assurer la représentation des régimes complémentaires santé qui regroupent 1.500 opérateurs relevant d'un statut de droit privé et dont les cotisations perçues s'élevaient à 20 milliards d'euros en 2004.

L'UNOCAM forme, avec l'Union nationale des caisses d'assurance maladie (UNCAM) et l'Union nationale des professions de santé (UNPS), le socle de la nouvelle gouvernance de l'assurance maladie voulue par les pouvoirs publics.

1. La création d'une institution réunissant les acteurs de l'assurance maladie complémentaire : l'Union nationale des organismes d'assurance maladie complémentaire (UNOCAM)

L'article 55 de la loi du 13 août 2004 dispose que l'Union nationale des organismes d'assurance maladie complémentaire (UNOCAM) est composée des représentants des mutuelles régies par le code de la mutualité, des institutions de prévoyance régies par le code de la sécurité sociale, de l'instance de gestion du régime local d'assurance maladie complémentaire obligatoire des départements du Haut-Rhin, du Bas-Rhin et de la Moselle et des entreprises mentionnées à l'article L. 310-1 du code des assurances.

La détermination de ce périmètre permet de regrouper, outre le régime d'Alsace-Moselle, les trois principales « familles » d'assureurs complémentaires : la mutualité, les sociétés d'assurance et les institutions de prévoyance (contrats collectifs).

La représentation de ces familles au sein de l'UNOCAM est assurée par l'intermédiaire de structures déjà existantes : la mutualité autour de la Fédération nationale de la mutualité française (FNMF), les assureurs autour de la Fédération française des sociétés d'assurances (FFSA) et les instituts de prévoyance au sein du Centre technique des instituts de prévoyance (CTIP).

Ces associations vont constituer le noyau dur de l'UNOCAM.

a) Composition et répartition des compétences au sein de l'UNOCAM

La création, la composition et la répartition des pouvoirs au sein de l'UNOCAM ont fait l'objet d'un compromis trouvé entre la FNMF, la FFSA et le CTIP. Ensemble, ces structures ont créé l'UNOCAM, dont la personnalité juridique n'est pas fixée par la loi, sous la forme d'une association loi de 1901.

Le décret portant création de l'UNOCAM, publié le 29 mai 2005 au Journal officiel, avalise les termes de cet accord.

L'UNOCAM sera dotée d'un conseil de trente-trois membres répartis comme suit entre ses différentes composantes : dix-sept représentants de la FNMF, soit plus de 50 % des membres du conseil, huit de la FFSA, sept du CTIP et un représentant du régime local d'Alsace-Moselle. Cette répartition est proportionnelle à la part de chacun de ces acteurs dans le secteur de l'assurance maladie complémentaire.

Un Bureau composé paritairement élabore les projets de délibération du conseil et établit l'ordre du jour de ces réunions.

Si les trois partenaires fondateurs de l'UNOCAM occupent respectivement une place déterminante au sein de leur propre « famille », la question se pose de l'adhésion ou de la participation aux travaux de l'Union de structures de taille plus modeste, comme la Fédération nationale interprofessionnelle des mutuelles (FNIM) ou le Groupement des entreprises mutuelles d'assurances (GEMA).

Le choix pragmatique fait par le Gouvernement de traiter avec les organisations les plus importantes de chaque « famille » est d'ailleurs mis en cause par la FNIM. Celle-ci conteste la composition de l'UNOCAM, dont elle estime devoir être membre de droit, ainsi que la création d'un Bureau de l'UNOCAM, instance non prévue par la loi. Un recours devant le Conseil d'État a été déposé par cette organisation.

Au-delà de ce recours, la question de la légitimité des structures membres, ou candidates à l'adhésion, peut être posée. En effet, le choix des pouvoirs publics revient à reconnaître de facto la représentativité de ces structures les plus importantes, et ce sans enquête préalable.

Il faut toutefois reconnaître qu'une telle enquête serait fort complexe à mener en raison de l'hétérogénéité des prestations offertes par les acteurs (contrats individuels ou collectifs) et de la difficulté à retenir des indicateurs pertinents (chiffres d'affaires dans le domaine de l'assurance complémentaire santé, nombres de contrats, population couverte).

Dans l'attente de l'arrêt du Conseil d'État, il convient de retenir que l'UNOCAM est une association dont l'utilité et l'efficacité sont déterminées par sa capacité à rassembler les acteurs les plus importants de chaque « famille » afin d'assurer une véritable représentation des assureurs complémentaires, mais surtout, de garantir que les accords signés par cette institution soient appliqués.

b) Les compétences de l'UNOCAM

Les compétences attribuées à l'UNOCAM ont pour objectif de permettre la participation des assureurs complémentaires à l'optimisation du système de soins, à travers un dialogue régulier entre l'UNOCAM et l'Union nationale des caisses d'assurance maladie (UNCAM).

Ces attributions peuvent être regroupées autour de deux grands axes : les négociations avec les professionnels de santé, d'une part, la détermination du périmètre des biens et services remboursables, d'autre part.

Sur le premier point, la loi dispose que l'UNCAM et l'UNOCAM examinent conjointement leurs programmes annuels de négociations avec les professionnels de santé. Elle indique également que l'UNCAM peut associer l'UNOCAM à la négociation et à la signature de tout accord, contrat ou convention régissant les rapports entre l'assurance maladie et les professions de santé, et à leurs annexes et avenants.

La participation de l'UNOCAM aux négociations conventionnelles n'est possible qu'avec l'accord des organisations syndicales représentatives concernées et seulement si les dispositions en négociation intéressent directement les organismes d'assurance maladie complémentaire ou ont un impact sur les dépenses qu'ils prennent en charge.

L'intention du législateur est bien de créer les conditions d'un dialogue régulier entre le régime obligatoire et les régimes complémentaires regroupés au sein de l'UNOCAM. Ce dialogue a pour objet d'optimiser l'intervention de chacun des régimes et d'éviter les effets déresponsabilisants d'une absence de coordination : c'est le cas, par exemple, lorsque le ticket modérateur imposé par le régime obligatoire est pris intégralement en charge par les assureurs complémentaires.

Les effets de cette nouvelle collaboration entre régime obligatoire et régimes complémentaires ne peuvent pas encore être mesurés puisque l'UNOCAM n'était pas constituée au moment où s'est conclue la négociation conventionnelle entre l'UNCAM et les médecins.

Les négociations conventionnelles en cours avec les chirurgiens-dentistes seront peut-être l'occasion d'une première mise en oeuvre de cette collaboration. L'UNOCAM a d'ailleurs fait part de son souhait d'être associée aux discussions.

Il faut toutefois rappeler qu'un syndicat représentatif de la profession de santé concernée peut s'opposer à cette participation et que la loi ne fixe aucune obligation de résultats : formellement, elle n'impose qu'un examen annuel des programmes de négociation.

Ce faisant, les pouvoirs publics placent les différents partenaires face à leurs responsabilités et il apparaît clairement que l'objectif du législateur est d'instaurer une collaboration régulière et fructueuse, sans brider la capacité d'innovation des acteurs.

L'UNOCAM est également invitée à donner des avis à l'Union nationale des caisses d'assurance maladie lors de l'inscription de nouveaux actes, leur prix et leur taux de remboursement. Enfin, elle est membre du Comité économique des produits de santé.

Ces compétences sont complémentaires avec celle relative à la négociation conventionnelle. Elles couvrent à la fois les questions financières et le développement des « bonnes pratiques ».

On peut toutefois souligner que l'UNOCAM ne se prononce que sur l'inscription des nouveaux actes et non pas sur la revalorisation d'actes déjà remboursables. Ainsi, elle n'émettra pas d'avis sur des revalorisations tarifaires décidées à l'occasion d'une négociation conventionnelle.

In fine , c'est la capacité d'initiative des acteurs en présence, et leur volonté réciproque de coordonner leurs actions, qui permettront une meilleure articulation entre les interventions du régime obligatoire et celles des régimes complémentaires.

2. La création de dispositifs d'assurance maladie complémentaire de santé bénéficiant d'une aide : les contrats responsables

L'incitation au développement de nouveaux contrats d'assurance complémentaire s'inscrit dans cette démarche de gestion du risque que les pouvoirs publics souhaitent promouvoir dans le cadre de la nouvelle gouvernance de l'assurance maladie.

Ce projet vise à favoriser une meilleure prise en charge globale de tous les Français, à les inciter à respecter un parcours de soins vertueux et à optimiser les dépenses de santé.

Pour atteindre ces buts, les pouvoirs publics ont choisi de recourir à des incitations fiscales favorisant la création d'une nouvelle catégorie de contrat d'assurance santé complémentaire : les « contrats responsables ».

Cette méthode avait déjà été mise en oeuvre en 2002 avec la création des « contrats solidaires ». Rappelons qu'un contrat est qualifié de solidaire lorsque le bénéficiaire n'est pas soumis à un questionnaire médical et lorsque les cotisations ne sont pas fixées en fonction de son état de santé. En contrepartie, ces contrats spécifiques bénéficient d'une exonération de la taxe sur les conventions d'assurance (TCA) de 7 %.

Dans un esprit comparable, les contrats responsables bénéficieront d'un régime fiscal plus favorable que les contrats de droit commun.

a) Un dispositif fiscal incitatif

La loi a prévu trois mesures fiscales pour inciter les assureurs complémentaires à développer les nouveaux contrats responsables.

Ainsi, à compter du 1 er janvier 2006, seuls les contrats responsables pourront bénéficier :

- de l'exclusion de l'assiette des cotisations d'assurances sociales pour les contributions patronales destinées aux prestations de prévoyance ayant un caractère collectif et obligatoire ;

- de l'exonération de la taxe spéciale sur les conventions d'assurance ;

- de la déductibilité du revenu net imposable pour les primes versées à des régimes complémentaires obligatoires de salariés ou de professions libérales.

Ces incitations s'adressent directement aux assureurs complémentaires. Pour bénéficier de l'appellation de « contrat responsable » et des aides afférentes, les contrats devront respecter les règles fixées par la loi, complétées par un décret en Conseil d'État, publié au Journal officiel du 30 septembre 2005, pris après avis de l'UNCAM et de l'UNOCAM.

Il s'agit clairement de créer une nouvelle catégorie de contrat incitant leurs titulaires à respecter le parcours de soins élaboré dans la réforme de l'assurance maladie.

b) Le « cahier des charges » des contrats responsables

La loi détermine l'architecture du contenu des contrats responsables autour de cinq points :

- l'exclusion de la prise en charge de la participation forfaitaire prévue par l'article L. 322-2 du code de la sécurité sociale (forfait de un euro) ;

- l'exclusion totale ou partielle de la prise en charge de la participation imposée aux assurés qui n'ont pas accepté l'inscription du soin dans leur dossier médical ;

- l'exclusion totale ou partielle de la prise en charge des dépassements d'honoraires sur le tarif des actes et consultations applicables aux patients qui consultent un spécialiste sans passer par leur médecin traitant ;

- la prise en charge totale ou partielle des prestations liées à la prévention ;

- la prise en charge totale ou partielle des consultations et prescriptions du médecin traitant.

Dans sa note sur les couvertures complémentaires maladie (février 2005), le Haut Conseil pour l'avenir de l'assurance maladie considère que cette liste constitue à la fois un plancher et un plafond. Il estime que le Conseil d'État ne pourra pas maintenir les avantages fiscaux et sociaux pour des contrats qui ne prendraient pas en considération les cinq exigences énumérées par la loi. Il ne pourra pas non plus rajouter d'autres conditions : la loi a établi le cahier des charges des « contrats responsables ».

En revanche, le décret définit les prestations liées à la prévention visées par la loi, le niveau de prise en charge de celles-ci, des consultations et prescriptions de médecin traitant, ainsi que la prise en charge des dépassements d'honoraires appliqués aux assurés qui ne respecteront pas le parcours de soins.

Ce dernier point est au coeur de la problématique du parcours de soins. En effet, si le régime obligatoire d'assurance maladie participe à la prise en charge des dépenses de santé sur la base des tarifs opposables fixés par la convention, les assureurs complémentaires disposent de toute latitude pour la prise en charge de ces dépassements.

Le législateur ayant exprimé sa volonté de responsabiliser les assurés, notamment financièrement, il convient donc que les contrats responsables ne prennent pas en charge la totalité de ces dépassements, ce qui aurait pour effet de neutraliser les pénalités prévues en cas de non-respect du parcours de soins .

C'est pour cette raison que, outre la participation de un euro due par chaque assuré lors d'une consultation, les contrats responsables ne couvriront pas la totalité des dépassements d'honoraires versés par les assurés n'ayant pas respecté le parcours de soins.

A contrario , les assurés « vertueux » bénéficieront d'une couverture de qualité avec une prise en charge supplémentaire des frais résultant de la consultation du médecin traitant, du médecin correspondant et des prescriptions (médicaments et examens biologiques) afférentes.

Ce dispositif ambitieux pourrait faire l'objet de détournements si une interprétation extensive de la loi accordait les avantages fiscaux liés aux contrats responsables à des contrats constitués d'une formule de base qui respecte le « cahier des charges » desdits contrats et que ces contrats soient complétés, par des avenants ou par des contrats connexes, qui couvriraient les prestations exclues par la couverture de base.

L'ensemble des acteurs concernés, l'UNOCAM, le Haut Conseil pour l'avenir de l'assurance maladie, l'administration fiscale et les commissions compétentes des deux assemblées devront faire preuve de vigilance afin de conserver la valeur dissuasive des « contrats responsables ».

On observera que les organismes complémentaires conservent par ailleurs la possibilité d'offrir à leurs clients des contrats qui prennent en charge ces dépassements. Toutefois, ces contrats ne bénéficieront plus des exonérations fiscales attachées aux contrats responsables : leur coût d'acquisition s'en trouvera donc majoré.

c) Première contribution de l'UNOCAM à l'organisation du parcours de soins

A l'unanimité, le 8 juillet 2005, l'UNOCAM a rendu son premier avis sur le projet de décret relatif aux « contrats responsables ». Elle estime dans un premier temps que la non-prise en charge de la majoration de ticket modérateur sur les consultations effectuées hors du dispositif du médecin traitant « est de nature à encourager au parcours de soins ».

En revanche, cette instance reconnaît « qu'il n'a pas été possible d'établir un avis de consensus » concernant une autre disposition majeure du projet de décret : la prise en charge des dépassements d'honoraires des médecins spécialistes consultés directement.

Sur ce point, deux visions s'opposent : d'une part, celle de la Mutualité française qui a pris position en faveur du non-remboursement des dépassements hors parcours, d'autre part, celle de la Fédération française des sociétés d'assurance qui souhaite une prise en charge partielle, voire totale, de ces dépassements.

Ce désaccord apparent ne doit pas dissimuler le fait que l'UNOCAM se soit prononcée en faveur de sanctions à l'encontre des assurés ne respectant pas le parcours de soins, la divergence ne portant en réalité que sur le montant des sanctions.

En outre, le choix d'une solution radicale aurait eu des effets restrictifs sur l'accès aux soins et aurait été de nature à fragiliser l'activité des médecins pratiquant des dépassements d'honoraires autorisés par la loi et le système conventionnel.

B. L'AIDE À LA SOUSCRIPTION D'UNE ASSURANCE MALADIE COMPLÉMENTAIRE : LE CRÉDIT D'IMPÔT

L'article 56 de la loi du 13 août 2004 relative à l'assurance maladie crée une nouvelle aide à la souscription d'une assurance maladie complémentaire pour les ménages dont les revenus se situent entre le plafond ouvrant le bénéfice de la couverture maladie universelle complémentaire (CMUC) et ce plafond majoré de 15 %.

Il s'agit d'une aide financière réservée aux contrats à adhésion individuelle, accordée sous conditions de ressources et variable selon l'âge des bénéficiaires.

Novateur, ce dispositif permettra d'accroître la couverture complémentaire dont bénéficie la population. Cette couverture joue un rôle majeur dans l'accès aux soins primaires et permettra de réduire le nombre de ménages ne bénéficiant pas d'une couverture santé complémentaire ou de minorer la somme avancée par des ménages modestes déjà titulaires d'un contrat.

1. Le contexte général

Ce crédit d'impôt est destiné aussi bien à inciter les personnes privées non bénéficiaires d'une couverture complémentaire santé à souscrire un contrat qu'à alléger la charge financière, ou reste à charge, pesant sur ceux qui en ont déjà une.

Selon les estimations établies par les pouvoirs publics et les services de l'assurance maladie obligatoire, environ deux millions de personnes pourraient bénéficier de ce nouveau dispositif.

Il s'agit des bénéficiaires de minima sociaux : allocation de solidarité spécifique (372.000 personnes), allocation supplémentaire vieillesse (605.000 personnes), allocation adultes handicapés (728.000 personnes), allocation de solidarité spécifique et allocation de parent isolé (164.000 personnes), auxquelles s'ajoutent les personnes dont les ressources sont légèrement supérieures à ces minima.

a) Les dispositifs préexistants

Ce dispositif succède à « l'aide à la mutualisation » mise en place en mars 2002, par avenant à la convention d'objectifs et de gestion (COG) conclue entre l'État et la CNAMTS.

Cette « aide à la mutualisation » a été instituée pour aider les assurés, dont les ressources n'excédaient pas de plus de 12,7 % le plafond de ressources de la CMUC, à souscrire des contrats de couverture complémentaire santé.

Ce dispositif a été appliqué par la caisse centrale de mutualité sociale agricole (CCMSA) et la caisse nationale d'assurance maladie des professions indépendantes (CANAM). Cette dernière avait déjà développé de sa propre initiative, et ce dès 2000, un dispositif d'aide à l'acquisition d'une couverture complémentaire destiné à atténuer l'effet de seuil de la couverture maladie universelle (CMU).

Les contrats éligibles à l'aide garantissaient un panier de biens identique à celui de la CMU : prise en charge du ticket modérateur, du forfait hospitalier journalier et des dépassements prévus en matière optique, dentaire et de correction auditive dans les limites prévues par les arrêtés CMU du 31 décembre 1999. En outre, les titulaires bénéficiaient d'une dispense d'avance de frais.

En 2002, 118 millions d'euros avaient été réservés à cette aide à l'acquisition d'une couverture complémentaire santé complémentaire. Ces crédits n'ont été consommés qu'à hauteur de 38 millions d'euros.

Selon les conclusions d'un rapport de l'Inspection générale des affaires sociales 9 ( * ) , l'une des causes de cet échec tient à ce que le reste à charge des bénéficiaires demeure dans bien des cas élevé, voire quasi insupportable pour certaines tranches d'âge.

b) La mise en oeuvre du nouveau dispositif

Dans une circulaire du 15 février 2005 10 ( * ) , le ministère de la santé et des solidarités rappelle que le crédit d'impôt a vocation à se substituer à « l'aide à la mutualisation ». Deux raisons expliquent cette évolution : la première est d'ordre administratif et vise à éviter l'existence de plusieurs dispositifs à vocation similaire, la seconde tiendrait au caractère inopérant de ce système d'« aide à la mutualisation ».

Le financement de ce nouveau crédit d'impôt est à la charge des régimes d'assurance maladie obligatoire et s'effectue pour l'essentiel par redéploiement des crédits d'action sociale. Il s'applique à tout le territoire contrairement au dispositif d'action sociale auquel il succède et qui était proposé de façon facultative par les caisses d'assurance maladie.

La charge financière sera répartie entre les différents régimes d'assurance maladie et versée au fonds CMU qui compensera les déductions opérées par les organismes complémentaires au titre du crédit d'impôt.

Pour 2005, un crédit de 70 millions d'euros est prévu au budget du fonds de la CMUC ; à terme, un crédit de 250 millions d'euros pourrait s'avérer nécessaire.

2. Les conditions d'ouverture du droit à crédit d'impôt

A l'exception du plafond de ressources, les conditions d'ouverture du droit à crédit d'impôt sont identiques à celles prévues pour la CMUC. Elles tiennent, d'une part, à la résidence du demandeur, d'autre part, aux ressources du foyer considéré.

a) Des critères de résidence identiques à ceux utilisés pour l'accès à la CMUC

Le demandeur doit justifier qu'il réside en France métropolitaine, ou dans un DOM, de manière ininterrompue depuis plus de trois mois.

Outre cette résidence stable, les personnes de nationalité étrangère doivent justifier qu'elles sont en situation régulière à la date de leur affiliation, au regard de la législation sur le séjour des étrangers en France.

b) Des conditions de ressources propres

Ce crédit d'impôt s'adresse aux personnes dont les revenus ne dépassent pas de plus de 15 % le plafond de ressources fixé pour bénéficier de la CMUC, soit, pour une personne seule, un revenu compris entre 587,16 euros et 675,24 euros par mois.

Ce plafond varie en fonction de la composition du foyer et selon que le demandeur réside en France métropolitaine ou dans un DOM. Il est revalorisé suivant des modalités identiques à celles retenues pour la CMUC, soit au 1 er juillet de chaque année.

L'examen des ressources est effectué par la caisse d'assurance maladie dont relève le demandeur. La décision d'attribution du crédit d'impôt est de la compétence du préfet du département dans lequel est situé le siège de la caisse dont relève le demandeur. Cette compétence peut être déléguée au directeur de cette caisse.

La caisse d'assurance maladie a deux mois pour prendre sa décision à compter de la réception de la demande. A la différence de la CMUC, passé ce délai, le silence la caisse vaut décision implicite de rejet.

3. Montant et mécanismes du crédit d'impôt

Pour l'assuré, il s'agit d'un droit à déduction qui vient minorer le montant de la prime ou de la cotisation due à l'organisme de protection sociale complémentaire qu'il aura choisi.

Pour l'organisme complémentaire, l'aide prend la forme d'un crédit d'impôt sur la contribution due au fonds de financement de la CMUC.

a) Les bénéficiaires

Le montant de l'aide à l'acquisition d'une couverture maladie complémentaire varie selon le nombre et l'âge des personnes composant le foyer. En 2005, il s'établit comme suit :

- 75 euros par personne âgée de moins de 25 ans ;

- 150 euros par personne âgée de 25 à 59 ans ;

- 250 euros par personne âgée de 60 ans et plus.

Une fois prononcée la décision favorable de la caisse d'assurance maladie, le droit au crédit d'impôt est ouvert pour un an à compter de la date d'effet du contrat pour les nouveaux contrats, ou à la date de remise de l'attestation à l'organisme de protection sociale complémentaires pour les contrats en cours.

Le bénéficiaire du droit à déduction sur la prime ou cotisation dispose d'un délai de six mois pour faire valoir son droit. Passé ce délai, l'attestation n'est plus valable.

Sur présentation de l'original de l'attestation, remise par la caisse d'assurance maladie au bénéficiaire, à une mutuelle, une institution de prévoyance ou une société d'assurance, l'intéressé bénéficie d'une réduction égale au crédit d'impôt sur un contrat d'assurance santé individuel en cours ou sur celui qu'il a choisi de souscrire.

Cette réduction s'impute sur le montant de la cotisation ou de la prime annuelle à payer.

b) Les contrats éligibles

Le bénéficiaire peut opter pour la mutuelle, l'institution de prévoyance ou la société d'assurance de son choix, pour autant que le contrat proposé réponde à certaines conditions.

Les contrats collectifs obligatoires sont donc exclus du champ du crédit d'impôt. Toutefois, par circulaire, le ministère de la santé et des solidarités (circulaire DSS du 15 février 2005) a étendu le bénéfice du crédit d'impôt aux contrats collectifs à adhésion ou à souscription facultative et individuelle, pour lesquels l'assuré acquitte l'intégralité du coût de la couverture et sous réserve que ces contrats ne soient pas éligibles à la déduction de certaines cotisations sociales prévues par le code général des impôts.

La loi du 13 août 2004 dispose qu'une autre condition doit être respectée par le contrat complémentaire : il doit s'agir d'un « contrat responsable ».

Les organismes complémentaires ont l'obligation de prendre en charge les bénéficiaires du crédit d'impôt, dans le respect de l'interdiction du refus de vente ou de prestation de service et des cas de règles statutaires contraires (certaines mutuelles prévoient le type de population qu'elles sont autorisées à accueillir).

*

* *

Au 13 septembre, la CNAMTS avait délivré 148.998 attestations pour 260.571 personnes, soit environ 13 % de la population cible. Par extrapolation la CNAMTS table sur 410.000 attestations d'ici à la fin de l'année 2005 soit avec les autres régimes d'assurance maladie, environ 22 % des bénéficiaires potentiels.

RÉSULTATS

Nombre de foyers pour lesquels une ouverture de droit a été délivrée

Nombre de bénéficiaires pour lesquels une ouverture de droit à été délivrée

Janvier 2005

19.557

25.179

Février 2005

24.099

46.021

Mars 2005

18.709

32.841

Avril 2005

16.738

28.912

Mai 2005

20.583

38.031

Juin 2005

15.857

28.779

Juillet 2005

11.729

20.911

Août 2005

14.656

26.784

Du 31 août au 6 septembre

3.832

6.959

Du 7 au 13 septembre

3.238

6.154

TOTAL

148 . 998

260.571

A compter du 1 er janvier 2006, ces assurés ayant droit à l'aide à l'acquisition d'une complémentaire bénéficieront de la dispense d'avance de frais, pour la partie des dépenses prises en charge par le régime obligatoire d'assurance maladie.

* 8 La répartition des interventions entre les assurances maladie obligatoires et complémentaires en matière de dépenses de santé, Jean-François Chadelat, commission des comptes de la sécurité sociale : 2003.

* 9 IGAS, second rapport d'évaluation de la CMU, décembre 2003.

* 10 DSS/2A n° 2005-90 du 15 février 2005.

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