III. POUR UNE POLITIQUE COMMERCIALE FAISANT RESPECTER LA LOYAUTÉ DE LA CONCURRENCE
A. L'ÉCHELLE FRANÇAISE, UN NOUVEL ÉQUILIBRE ENTRE PRODUCTION ET DISTRIBUTION
Le déséquilibre entre producteurs et distributeurs que notait votre commission des finances dans son rapport d'information de 1993 s'est encore accentué. La France a ainsi laissé au fil des ans se concentrer les centrales d'achat. Ces dernières se comptent désormais aujourd'hui « sur les doigts d'une main ». Le rapport de forces est tel qu'elles jouissent d'une position dominante et qu'elles en usent au détriment de tous ceux qui tentent encore de produire sur notre territoire national.
Dans ce contexte, il est à craindre que l'action volontariste en faveur de la baisse des prix dans la grande distribution n'ait un effet défavorable sur l'emploi dans la production. On peut ainsi s'interroger sur la compatibilité, dans le contexte actuel, entre une action sur les prix et une politique en faveur de l'emploi. A chaque fois que les prix varient à la baisse, ce sont les fournisseurs, c'est-à-dire les producteurs, qui sont susceptibles « d'en faire les frais ».
Dès lors, si la réforme de la loi Galland est utile, mais ne permet pas de débusquer les hypocrisies des négociations commerciales entre distribution et production, il paraît souhaitable d'avancer dans deux directions : équilibrer le rapport de forces entre producteurs et distributeurs et assurer la transparence des conventions commerciales .
1. Favoriser les accords de producteurs, pour la création et la maintien de l'emploi, face à la concentration des centrales d'achat
Alors que certaines centrales d'achat sont très vraisemblablement en situation d'abus de position dominante, les producteurs éprouvent les plus grandes difficultés pour tenter de rassembler leurs moyens et parvenir à obtenir des conditions qui leur permettent encore de produire, de participer à la croissance et d'employer. Dans une économie largement mondialisée, la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes, la DGCCRF, n'est compétente qu'en France. Mieux vaut donc, lorsqu'on produit, s'entendre hors du territoire national.
Dans ce contexte, il paraît aujourd'hui nécessaire de rééquilibrer les forces économiques en présence, en autorisant les ententes et accords entre les producteurs lorsque ceux-ci visent la création ou le maintien d'emplois, et plus globalement, favorisent la compétitivité internationale des entreprises .
Aujourd'hui, la loi est souvent vaine lorsque les forces en présence sont excessivement déséquilibrées et la prohibition des ententes ne s'exerce pas de la même façon selon qu'il s'agit de ceux qui produisent ou de ceux qui distribuent.
2. Assurer la transparence des relations commerciales
Entre 1998 et 2004, les fameux accords de « coopération commerciale », c'est-à-dire les marges arrière, ont donné lieu à des versements par les fournisseurs de la grande distribution qui ont progressé, en valeur, de plus de 80 % alors que, dans la même période, les tarifs des prix facturés par les fournisseurs variaient d'à peine 20 % et que leur chiffre d'affaires « net-net », c'est-à-dire ce qu'ils facturent à la grande distribution, déduction faite de ces marges arrière, ne progressait que de 5 %. Telles sont les pratiques. Pour éviter que ce processus implacable conduise les producteurs à délocaliser leur production, la limitation des taux des marges arrière à 20 % constitue vraisemblablement une solution partielle, de court terme.
Elle ne permet pas, par exemple, de lutter contre les pratiques de certaines grandes enseignes qui consistent à conclure des accords internationaux en vue de percevoir en Suisse une redevance, payée par leurs fournisseurs, calculée sur 1 % à 2 % du montant de leurs approvisionnements destinés à la consommation en France. Il est permis de penser que le montant de cette « ponction » s'est situé entre 500 millions et 600 millions d'euros en 2004.
En matière de « contrats de coopération commerciale », et plus généralement de conventions commerciales, le principal levier réside désormais dans la transparence que l'on est en droit d'attendre des relations distribution - production.
Cette transparence constituerait un réel progrès pour les contrôles qu'entend mener, parfois sans en avoir réellement les moyens, la DGCCRF : face à une « coopérative de distribution européenne », dont le siège social serait établi en Italie, en Allemagne ou au Luxembourg, quelles seraient alors les prérogatives et les capacités d'action de la DGCCRF ? Elle doit être complétée par une action à l'échelle européenne.
La politique commerciale n'est-elle pas une prérogative essentielle de l'Union européenne ?