Rapport d'information sur colloque n° 336 (2004-2005) de M. Jacques VALADE , fait au nom de la commission des affaires culturelles, déposé le 11 mai 2005
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INTRODUCTION
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COMPTE RENDU DE LA TABLE RONDE
SUR LES CRITÈRES D'ATTRIBUTION DES AIDES
À LA PRODUCTION CINÉMATOGRAPHIQUE
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M. Jacques VALADE, président de la
commission des affaires culturelles
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M. Serge LAGAUCHE, rapporteur pour avis du budget
du cinéma et du théâtre dramatique de la commission des
affaires culturelles
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M. François HURARD, directeur du
cinéma au Centre national de la cinématographie (CNC)
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M. Pascal ROGARD, directeur
général de la Société des Auteurs et Compositeurs
Dramatiques (SACD)
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M. Pierre JOLIVET, président de la
Société civile des Auteurs Réalisateurs Producteurs
(ARP)
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M. Jean-François LEPETIT, président
de la Chambre syndicale des Producteurs et Exportateurs de Films
Français (CSPEFF)
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M. Guy VERRECCHIA, président l'Association
des Producteurs Indépendants (API)
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M. Patrick SOBELMAN, vice-président du
Syndicat des Producteurs Indépendants (SPI)
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M. Thierry de SEGONZAC, co-président de la
Fédération des industries techniques du cinéma
(FICAM)
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M. Stéphane POZPEREC,
délégué général du Syndicat National des
Techniciens et Travailleurs de la Production Cinématographique et de
Télévision (SNTTPCT)
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M. Pascal THOMAS, président de la
Société des Réalisateurs de Films (SRF)
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M. Claude MICHEL, délégué
général du Syndicat National des Techniciens et
Réalisateurs (SNTR-CGT)
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M. Jacques VALADE, président de la
commission des affaires culturelles
N° 336
SÉNAT
SESSION ORDINAIRE DE 2004-2005
Annexe au procès-verbal de la séance du 11 mai 2005 |
RAPPORT D'INFORMATION
FAIT
au nom de la commission des Affaires culturelles (1) sur les critères d' attribution des aides à la production cinématographique ,
Par M. Jacques VALADE,
Sénateur.
(1) Cette commission est composée de : M. Jacques Valade, président ; MM. Ambroise Dupont, Jacques Legendre, Serge Lagauche, Jean-Léonce Dupont, Ivan Renar, Michel Thiollière, vice-présidents ; MM. Alain Dufaut, Philippe Nachbar, Pierre Martin, David Assouline, Jean-Marc Todeschini, secrétaires ; M. Jean Besson, Mme Marie-Christine Blandin, MM. Jean-Marie Bockel, Yannick Bodin, Pierre Bordier, Louis de Broissia, Jean-Claude Carle, Jean-Pierre Chauveau, Gérard Collomb, Yves Dauge, Mme Annie David, MM. Christian Demuynck, Denis Detcheverry, Mme Muguette Dini, MM. Louis Duvernois, Jean-Paul Emin, Hubert Falco, Mme Françoise Férat, MM. Bernard Fournier, Hubert Haenel, Jean-François Humbert, Mme Christiane Hummel, MM. Soibahaddine Ibrahim, Pierre Laffitte, Alain Journet, André Labarrère, Philippe Labeyrie, Mme Lucienne Malovry, MM. Jean Louis Masson, Jean-Luc Mélenchon, Mme Colette Melot, M. Jean-Luc Miraux, Mme Catherine Morin-Desailly, M. Bernard Murat, Mme Monique Papon, MM. Jean-François Picheral, Jack Ralite, Philippe Richert, René-Pierre Signé, André Vallet, Marcel Vidal, Jean-François Voguet.
Arts et spectacles. |
INTRODUCTION
Mesdames, Messieurs,
La commission des affaires culturelles du Sénat avait, en mai 2003, publié un rapport d'information sur l'évolution de l'exploitation cinématographique. En 2005, elle a souhaité se pencher sur les préoccupations de la production et, plus particulièrement, sur les modalités d'utilisation du fonds de soutien à la production cinématographique et audiovisuelle.
En effet, de récentes décisions du tribunal administratif de Paris, dont les médias se sont largement fait l'écho, ont entretenu au cours des derniers mois un débat autour de la question suivante : les critères retenus par le Centre national de la cinématographie (CNC) pour soutenir la production cinématographique méritent-ils d'être révisés et, si oui, de quelle façon ?
A la demande de M. Renaud Donnedieu de Vabres, ministre de la culture et de la communication, le CNC a poursuivi la concertation avec les professionnels concernés afin que soient « trouvés les voies et moyens d'une ouverture régulée du compte de soutien aux capitaux extra-européens ».
Dans ce contexte, la commission des affaires culturelles a souhaité, sans interférer avec cette concertation, organiser une table ronde le 2 mars 2005 afin, à la fois, d'éclairer les sénateurs sur les enjeux de ce débat et de permettre aux acteurs de ce dernier de s'exprimer publiquement sur ce sujet.
Depuis lors, Mme Catherine Colonna, Directrice générale du CNC, a confié à Mme Isabelle Lemesle, maître des requêtes au Conseil d'Etat, présidente de la Commission du fonds de soutien à l'expression radiophonique, une mission sur la révision de la réglementation du soutien à la production. Les positions exprimées par les professionnels au Sénat le 2 mars dernier n'en demeurent pas moins pleinement d'actualité. C'est pourquoi, la commission des Affaires culturelles a souhaité en publier les comptes rendus dans le présent rapport.
COMPTE RENDU DE LA TABLE
RONDE
SUR LES CRITÈRES D'ATTRIBUTION DES AIDES
À LA
PRODUCTION CINÉMATOGRAPHIQUE
M. Jacques VALADE, président de la commission des affaires culturelles
Mesdames, messieurs, mes chers collègues, la commission des affaires culturelles a souhaité contribuer à l'évolution des idées, mais aussi au débat, qui agite aujourd'hui le monde du cinéma, sur l'ouverture éventuelle du compte de soutien du Centre national de la cinématographie (CNC), en faveur de la production cinématographique, à des sociétés extra communautaires. Il s'agit, pour nous, d'une question de principe. Il en est d'ailleurs de même pour vous. En outre, il s'agit d'une question d'efficacité. C'est pourquoi nous avons souhaité rassembler une série de personnes concernées par ce sujet. Ainsi, plutôt que de procéder à des auditions successives, nous pourrons engager un véritable débat entre les professionnels, mais aussi les politiques que nous sommes. Je remercie celles et ceux qui ont accepté de participer à cette table ronde.
Naturellement, il ne s'agit pas de faire doublon avec la concertation que le ministre de la culture et de la communication a confiée au CNC. Chacun doit assumer ses responsabilités. Cette concertation est en cours et nous ne souhaitons évidemment pas interférer avec la volonté exprimée par le ministre Renaud Donnedieu de Vabres. Néanmoins, nous avons souhaité jouer un rôle d'éclairage direct afin que les parlementaires que nous sommes, membres de la commission des affaires culturelles, soient bien informés des enjeux de cet important débat, ce qui nous permettra en particulier par la suite, si nous sommes saisis d'un texte, d'intervenir avec une compétence plus affirmée grâce à vous.
Je vous propose d'organiser cette table ronde de la manière suivante. Serge Lagauche, notre collègue sénateur, qui est rapporteur pour avis du budget consacré au cinéma et au théâtre pour notre commission, introduira brièvement le débat. Nous demanderons ensuite à François Hurard, directeur du cinéma au CNC, que je remercie pour sa présence, de nous présenter rapidement le fonctionnement actuel du compte de soutien à la production cinématographique et peut-être quelques projections sur son évolution, s'il le souhaite et s'il le peut. Puis, nous demanderons aux intervenants de cette table ronde de préciser leurs positions. Serge Lagauche leur posera quelques questions à partir desquelles ils pourront réagir spontanément et sans aucune retenue, mais de manière relativement concise afin que chacun puisse s'exprimer.
Notre commission porte un grand intérêt à l'évolution du secteur du cinéma qui est, pour nous, un vecteur majeur de la création et de la créativité artistique, mais aussi de la diversité culturelle dont notre pays s'enorgueillit. Nous avons publié, au mois de mai 2003, un rapport d'information sur l'évolution de l'exploitation cinématographique, dont le rapporteur était Marcel Vidal. Aujourd'hui, nous nous penchons sur les préoccupations de la production.
M. Serge LAGAUCHE, rapporteur pour avis du budget du cinéma et du théâtre dramatique de la commission des affaires culturelles
Monsieur le Président, mesdames et messieurs, mes chers collègues, le cinéma français peut aujourd'hui se réjouir de l'évolution très positive d'un certain nombre d'indicateurs en 2004. Les entrées dans les salles de cinéma ont progressé de 11,6 %, pour atteindre près de 200 millions. La part de marché des films français a augmenté de 22,5 %, atteignant 38,4 %. Le nombre de films français enregistrant plus de deux millions d'entrées s'est accru de manière significative. Huit films se sont trouvés dans cette situation en 2004, contre trois l'année précédente.
Pour autant, les avancées ne sont jamais acquises dans ce domaine. Surtout, les sujets de réflexion, voire de préoccupation, ne manquent pas. Je pense, en particulier, au bilan plus que mitigé des exportations de films français, au défi que représente le téléchargement illégal de films sur l'Internet ou à la question des modalités d'attribution des aides du CNC, thème de la présente table ronde.
En effet, comme vous le savez, le débat concernant l'utilisation des fonds de soutien à la production cinématographique et audiovisuelle a été relancé à la suite des récentes décisions du Tribunal administratif de Paris. Celui-ci a annulé les agréments délivrés par le CNC à deux films, « L'ex-femme de ma vie » de Josiane Balasko et « Un long dimanche de fiançailles » de Jean-Pierre Jeunet, pour lesquels une société partiellement détenue par une entreprise américaine a été coproductrice dans le premier cas et productrice déléguée dans le second. Cette situation a pu paraître paradoxale s'agissant de films entièrement tournés en France, en langue française, par un réalisateur français et avec une équipe technique et artistique française. Depuis lors, la question qui se pose est la suivante : les critères retenus par le CNC méritent-t-ils d'être révisés et, si oui, de quelle façon ?
Le ministre, Renaud Donnedieu de Vabres, a souhaité que, dans le cadre de la concertation qui se poursuit avec les organisations du cinéma, soient trouvés les voies et moyens d'une ouverture régulée du compte de soutien aux capitaux extra européens. Il s'est déclaré « soucieux que la France puisse accueillir les tournages européens et internationaux dans les meilleures conditions d'attractivité possible » et « ouvert aux propositions des professionnels, en particulier sur la définition des critères indispensables pour réguler cette ouverture ». Aucune décision n'a cependant été arrêtée à ce jour. Chacun doit exprimer ses positions afin que toute éventuelle révision du dispositif représente une avancée pour la création cinématographique et pour notre pays.
Je laisse maintenant François Hurard, directeur du cinéma du CNC, exposer brièvement les grands principes qui sous-tendent le fonctionnement du compte de soutien à la production parce que nous ne sommes pas tous, dans cette salle, des spécialistes de cette question.
M. François HURARD, directeur du cinéma au Centre national de la cinématographie (CNC)
Afin d'éclairer le débat qui va suivre, je vais effectivement tenter de vous présenter brièvement les principes guidant actuellement l'octroi des aides publiques au cinéma en France, en particulier pour le secteur de la production. En effet, certaines caractéristiques de cette aide à la production sont aujourd'hui sujettes à discussion. Le système est très sophistiqué, mais son ancienneté est probablement la meilleure preuve de son efficacité, indépendamment des résultats présentés par Monsieur le rapporteur.
En France, la politique publique en faveur du cinéma repose sur deux piliers : le compte de soutien et les financements encadrés de la production cinématographique.
Le compte de soutien est administré et géré par le CNC, sous le contrôle du Parlement, des tutelles et de la Cour des comptes. Pour le cinéma, ce budget représente une somme annuelle d'environ 260 millions d'euros. Ce budget est le produit de quatre taxes correspondant aux quatre marchés du cinéma, dont l'un est à peine émergeant. Il s'agit, par ordre chronologique, de :
- la salle, le prix du ticket étant taxé à hauteur de 10,9 % ;
- la vidéo, taxée à 2 % ;
- la télévision payante et gratuite, taxée à 5,5 % ;
- le commerce en ligne des films, taxé à 2 %.
Le compte de soutien au cinéma présente l'originalité de redistribuer le produit de ses taxes à plusieurs filières de l'industrie :
- la production, sous la forme du soutien aux producteurs ;
- la distribution des films, sous la forme du soutien aux distributeurs ;
- l'exploitation ;
- l'édition vidéo.
Cette redistribution prend deux formes distinctes. La première est le soutien automatique, souvent baptisé « prime au succès ». Ce soutien indexe le montant des subventions obtenues par les entreprises sur les succès commerciaux des films. Ces subventions sont versées sur des comptes d'entreprises ouverts au CNC. Les sommes doivent être réinvesties en France, dans le cinéma. Cette forme de redistribution représente environ 70 % des dépenses du compte de soutien. La seconde forme d'attribution est le système sélectif qui consiste en avances et subventions attribuées sur une base sélective et qualitative, après avis de commissions composées de professionnels du cinéma. Cette forme d'attribution représente 30 % des sommes versées au titre du compte de soutien.
Les financements encadrés de la production cinématographique comprennent actuellement :
- les dispositifs fiscaux d'aide à la production ;
- les SOFICA depuis 1985 ;
- le crédit d'impôt depuis 2004.
Les SOFICA et le crédit d'impôt sont financés sur le budget de l'Etat, à hauteur d'environ 50 millions d'euros, mais ces dépenses ne sont pas limitées dans leur principe.
Par ailleurs, les investissements obligatoires des chaînes de télévision dans la production ou le préachat d'oeuvres cinématographiques ont représenté, en 2004, un montant de 300 millions d'euros. Enfin, il faut signaler les apports de producteurs ou de systèmes d'aides étrangers, européens ou non, dans le cadre des accords de coproduction signés par la France avec plus d'une quarantaine de pays.
Pour le compte de soutien comme pour les financements encadrés, le CNC doit agréer les oeuvres et les films bénéficiaires de ses subventions. Ainsi, l'agrément est, en règle générale, une sorte de clé d'accès à la quasi-totalité des subventions pour les producteurs, les distributeurs et les éditeurs vidéo d'un film.
L'agrément des films relève de l'une des missions historiques du CNC qui consiste à assurer la transparence du financement des films. L'agrément est en effet soumis à l'avis d'une commission composée de professionnels qui connaissent l'ensemble des devis et du plan de financement du film. D'une certaine manière, il s'agit de garantir la solidité du financement d'un film.
L'agrément est délivré par le directeur général du CNC, après avis d'une commission composée de représentants des organisations professionnelles, en deux étapes. Un agrément provisoire est délivré avant le tournage de l'oeuvre et un agrément définitif est donné après la sortie de l'oeuvre. Cet agrément est délivré sur la base de deux séries de critères : certains sont liés aux oeuvres et d'autres aux entreprises de production.
Ces critères relatifs aux oeuvres reposent sur des barèmes de points. Ce dispositif a été créé au début des années 90 et s'inspire très largement du système canadien. Il existe deux clés d'accès pour les oeuvres.
La première est un barème européen qui comporte 18 points correspondant aux différentes caractéristiques du film. Ainsi, 12 points sont relatifs aux composantes artistiques et 6 points aux composantes techniques ; 14 points sur 18 sont nécessaires pour qu'un film soit qualifié d'oeuvre européenne et ait accès à l'ensemble des subventions d'Etat. Les points sont attribués sur la base de la nationalité française, européenne ou d'un pays signataire d'un accord de coproduction avec la France. Par conséquent, les coproductions réalisées avec les pays signataires d'accords sont possibles. Le système n'est pas limité aux seuls films européens. En revanche, un film entièrement tourné en France, avec des moyens techniques et des collaborateurs français, mais par un réalisateur américain et avec un premier rôle américain, perdrait 6 points sur ce barème européen, si bien qu'il serait disqualifié. Un exemple fameux, soumis à la commission d'agrément voici un an, est « Femme fatale » de Brian de Palma. Cette oeuvre a été entièrement tournée en France, mais n'a pas été agréée en raison de la nationalité du réalisateur.
Un deuxième barème plus précis, de 100 points, permet de calculer l'intensité de l'aide auquel le film pourra prétendre. Ces 100 points permettent d'obtenir 100 % du soutien, 50 points permettent de bénéficier de la moitié du soutien, mais 80 points permettent tout de même d'obtenir l'intégralité de l'aide. En effet, la Commission européenne recommande un taux de 20 % de « dé-territorialisation » des dépenses. Ce barème prévoit 40 points pour les dépenses artistiques, 40 points pour les dépenses techniques, critères d'octroi du crédit d'impôt, et 25 points pour la langue de tournage ; 25 points sont nécessaires pour obtenir l'agrément.
Il existe, par ailleurs, trois critères liés aux entreprises de production. Premièrement, la société productrice doit être établie en France et titulaire d'une autorisation délivrée par le CNC. Deuxièmement, les dirigeants de cette société productrice doivent être de nationalité française ou ressortissants d'un Etat membre de l'Union européenne ou encore avoir la qualité de résidant. Troisièmement, l'entreprise productrice ne doit pas être contrôlée, au sens de l'article 355-1 de la loi du 24 juillet 1966 (devenu l'article 233-3 du code de commerce) par une ou plusieurs personnes physiques ou morales ressortissantes d'Etats non européens. Cette dernière disposition a fait l'objet d'un débat juridique aujourd'hui porté devant la Cour administrative d'appel de Paris, concernant le film de Jean-Pierre Jeunet, « Un long dimanche de fiançailles », produit par la société 2003 Productions.
L'agrément permet de bénéficier d'un certain nombre d'avantages. D'abord, il permet d'accéder à l'ensemble des investissements encadrés par le système de soutien. En ce qui concerne le soutien du CNC à la production, l'agrément permet au producteur d'un film de se voir crédité, sur un compte ouvert au CNC, d'une somme calculée en fonction des recettes commerciales successives du film. En moyenne, le producteur d'une oeuvre agréée se voit attribuer 70 centimes d'euro pour un billet de cinéma vendu. Les sommes versées sur le compte ne peuvent être mobilisées que pour être réinvesties dans un film agréé. Si ces sommes sont investies dans la production d'un film en langue française, elles sont majorées de 25 %. En 2004, 53 millions d'euros ont été versés sur les comptes des producteurs au CNC et investis par 151 entreprises. Cette somme a été majorée de 17 millions d'euros, ce qui conduit à un total de 70 millions d'euros.
Le soutien automatique présente la particularité, par rapport aux autres formes d'aides, d'être mobilisable uniquement en cas de réinvestissement dans un film agréé et, en pratique, plus particulièrement dans un film agréé en langue française. Il s'agit d'une action de réinvestissement de long terme, contrairement au crédit d'impôt, par exemple.
J'évoquerai maintenant l'ouverture du compte de soutien du CNC aux entreprises extracommunautaires.
Le soutien automatique à la production cinématographique, comme toutes les autres formes de soutien automatique à l'exploitation et à la distribution, était ouvert aux entreprises de production sans condition de nationalité jusqu'en 1992. Jusqu'à cette date, des entreprises américaines, par exemple, établies en France, se voyaient ouvrir des comptes automatiques au CNC, alimentés par les sommes générées par les films produits ou coproduits par ces entreprises. Ces sommes pouvaient ensuite être mobilisées sur des films de réinvestissement. En 1992, une mesure d'harmonisation des textes applicables, d'une part, aux obligations des chaînes de télévision dans la production cinématographique et, d'autre part, au soutien financier de l'Etat, a entraîné l'instauration des trois critères relatifs aux entreprises, que j'ai énoncés précédemment. Cette norme n'a pas été étendue au soutien à la distribution, à l'exploitation et à l'édition vidéo qui continue de bénéficier à des entreprises non européennes établies en France.
A la suite de cette réforme, les sociétés de production contrôlées par des entreprises non européennes ont été exclues du bénéfice du soutien. Par exemple, en 1999, Polygram qui était sous le contrôle de Philips a été reprise par le groupe canadien Seagram, si bien qu'elle a perdu son soutien au CNC. Depuis 1992, Warner France, sous l'appellation « PECF », qui avait produit de nombreux films en France depuis les années 50, coproduit un certain nombre de films avec des producteurs français sans avoir accès au soutien des producteurs.
En 2003, la société 2003 Productions, dont Warner France détient 32 % du capital, a été l'unique producteur délégué du film de Jean-Pierre Jeunet qui, par ailleurs, a recueilli 99 des 100 points de la qualification européenne, toutes les dépenses de production du film, d'un montant de 46 millions d'euros, étant réalisées en France. La société 2003 Productions a déclaré n'être pas contrôlée par une entreprise extracommunautaire. Elle a sollicité l'accès au soutien financier de l'Etat, qui lui a été accordé par un agrément du directeur général du CNC, au mois d'octobre 2003. Cette décision a fait l'objet de plusieurs recours devant le tribunal administratif et a soulevé un débat sur deux points essentiels.
Le premier est relatif à la formulation même de la réglementation, qui exclut aujourd'hui les sociétés extracommunautaires du bénéfice du soutien. L'actuel renvoi à l'article 233-3 du code de commerce est-il suffisamment clair pour ne pas entraîner des débats juridiques complexes et des contentieux sur la nationalité des entreprises ? Si l'objectif est d'exclure clairement les sociétés extracommunautaires, n'existe-t-il pas une formulation moins sujette à caution ?
Le second point de débat est relatif à l'exclusion du bénéfice du soutien d'oeuvres susceptibles d'être produites et réalisées intégralement en France, en langue française, générant des dépenses importantes dans notre pays et répondant à la totalité des critères exigés pour l'accès au soutien, à l'exception de ceux concernant le contrôle des entreprises par des capitaux non européens. Une question a été soulevée sur l'opportunité que des oeuvres de ce type bénéficient du soutien, indépendamment de la nationalité des capitaux investis dans leur production, alors que le système actuel permet, à l'inverse, d'accorder l'agrément à des films comprenant un minimum d'éléments français et de dépenses réalisées dans l'Hexagone, et tournés dans une autre langue que le français.
Plusieurs réunions de travail ont été conduites par le CNC et les professionnels sur ce sujet en 2003 et 2004. A la suite de la demande formulée par le ministre de la culture et de la communication, le 30 novembre dernier, le CNC a lancé une concertation sur ce sujet. A ce jour, trois réunions se sont tenues en trois mois, avec 11 organisations professionnelles du cinéma, représentées au sein de la commission d'agrément des films de long métrage. A l'issue de ces réunions, il a été demandé à chacune de ces organisations professionnelles d'adresser par écrit ses positions et propositions. Le CNC a produit une synthèse de ces contributions qu'il a transmise au ministre.
M. Jacques VALADE
Merci, Monsieur le directeur pour la clarté de votre exposé qui nous permet d'engager le débat.
M. Serge LAGAUCHE
Quelle est l'opinion des uns et des autres sur les objectifs de ce dispositif de soutien. Envisagez-vous une évolution ou estimez-vous que le système actuel fonctionne parfaitement ?
M. Pascal ROGARD, directeur général de la Société des Auteurs et Compositeurs Dramatiques (SACD)
Monsieur le Président, je vous remercie d'avoir organisé ce débat sur un sujet qui passionne et divise. Je remercie également François Hurard qui est parvenu à expliquer clairement ce sujet relativement complexe.
Si l'on considère la philosophie du soutien financier géré par le CNC, l'on pourrait reprendre le titre d'une pièce de Bertolt Brecht, « L'exception et la règle ». L'exception est la fermeture du soutien. La règle est l'ouverture. Le soutien est ouvert pour l'exploitation. Si l'une des plus importantes entreprises d'exploitation en France était vendue à une société américaine, celle-ci bénéficierait évidemment du soutien financier. De plus, celui-ci est généré par la diffusion des films américains. Les exploitants de salles peuvent rénover leur cinéma grâce à la diffusion de ces oeuvres. Le soutien est également ouvert à la distribution. Une entreprise contrôlée par des capitaux extracommunautaires qui distribue des films agréés a accès au soutien financier. Lorsque les grandes entreprises du secteur, comme UGC et Gaumont, se sont associées à Walt Disney ou à la Fox, elles ont naturellement bénéficié de ce soutien pour tous les films français qu'elles ont distribués. Le soutien à la vidéo est aussi ouvert sans discrimination.
La seule exception est liée à cette règle définie en 1992. Cette exception découle d'une interprétation erronée de la directive « Télévision sans frontières » qui, dans le cadre des obligations de diffusion, stipulait qu'un film européen devait être produit par une société non contrôlée par des capitaux extracommunautaires. Cette règle, définie uniquement dans le cadre du droit de la communication, a été appliquée au compte de soutien ce qui, de fait, a limité les investissements extracommunautaires sur le territoire français. A l'époque, cette limitation était d'ailleurs purement théorique parce que les Américains avaient cessé d'investir massivement dans le cinéma français. François Truffaut, Louis Malle et Bertrand Tavernier ont travaillé avec des entreprises non européennes, sans aucune difficulté, sous le régime des droits d'auteurs français. Dans ce cadre, le régime du copyright n'a évidemment pas été appliqué. Depuis que Warner a repris ses investissements sur le territoire européen, elle a formulé un certain nombre de demandes d'ouverture qui, pour l'heure, ont toutes été refusées. Cette entreprise a construit un montage juridique que je juge personnellement catastrophique et qui a été condamné en première instance par le tribunal administratif. A mon sens, la question politique porte sur l'opportunité d'ouvrir, ou non, le soutien aux sociétés contrôlées par des capitaux extracommunautaires dès lors qu'elles investissent dans des films français. Au nom de l'attractivité du territoire et de la création d'emplois, je crois que nous devons aller dans ce sens en nous entourant d'un certain nombre de conditions.
Premièrement, il faut obliger ces sociétés à tourner en langue française. Je vous rappelle que, lorsque le soutien était ouvert aux entreprises détenues par des capitaux non européens, le régime de soutien n'était pas le même qu'aujourd'hui. A l'époque, il était nécessaire d'investir, soit en langue française, soit dans la langue du pays majoritaire en cas de coproduction. Il faut naturellement veiller à éviter les faux films américains, ce qui impose de définir une obligation spécifique d'investissement en langue française, qui n'est d'ailleurs en rien contraire aux obligations européennes. En effet, la langue constitue un critère discriminant, accepté par les autorités européennes.
Deuxièmement, il faut cantonner le soutien susceptible d'être généré. L'on peut craindre que les entreprises américaines, compte tenu de leur capacité à produire des recettes importantes et à produire des films à succès, génèrent des fonds de soutien de manière excessive, au détriment des sociétés françaises. Il est donc nécessaire de limiter le soutien qui pourrait être généré par les entreprises américaines.
Troisièmement, il serait nécessaire de mettre en place une période d'observation de trois ans, à l'issue de laquelle la règle devra être réexaminée afin de s'assurer que des comportements ne sont pas contraires à l'objectif défini.
Quatrièmement, les sociétés recevant l'agrément devraient prendre des engagements à l'égard de la production indépendante française. Lorsque nous avons ouvert le soutien financier aux sociétés de télévision, en 1975, nous avons construit un régime spécifique pour ces sociétés dont le poids sur le marché était différent de celui des sociétés de production indépendantes.
Nous sommes favorables à une ouverture régulée et encadrée, permettant de favoriser la création française. Il a été indiqué que le film de Jean-Pierre Jeunet, réalisé avec des investissements intégralement français, n'a pas bénéficié du soutien financier. En revanche, « Alexandre » d'Oliver Stone a obtenu ce soutien parce qu'il s'agit d'une coproduction réalisée avec la Grande-Bretagne.
M. Pierre JOLIVET, président de la Société civile des Auteurs Réalisateurs Producteurs (ARP)
Je souscris complètement aux propos de Pascal Rogard. La Société civile des Auteurs Réalisateurs Producteurs, qui regroupe 160 réalisateurs, pour la plupart également producteurs et auteurs de leurs films, a très rapidement pris position sur le problème qui nous réunit. Pour toutes les raisons exposées par Pascal Rogard, nous considérons qu'il serait extrêmement délicat de refuser cet apport à la production française, dès lors qu'il est régulé et ne crée pas de dérives. C'est pourquoi nous souscrivons à l'idée de surveiller le système pendant trois ans. Les réalisateurs ne souhaitent évidemment pas mettre en danger le tissu de la production française qui est si fort et original et pour lequel ils se battent depuis longtemps. La France est exemplaire en Europe sur ce sujet. Les réalisateurs sont très attentifs au fonctionnement du système de production français.
Quoi qu'il en soit, il est très délicat d'expliquer, dans différents pays étrangers, que le film de Jean-Pierre Jeunet n'est pas un film français alors que les gouvernements de droite, comme de gauche, travaillent depuis des années pour donner un sens à l'exception culturelle. Au-delà des questions techniques, la situation actuelle donne du cinéma français une image générale très complexe, voire malsaine.
En 2004, au-delà du film de Jean-Pierre Jeunet qui a connu un grand succès, la production française s'est bien exprimée. Elle n'a pas été déstabilisée par le poids de cette oeuvre très importante dont l'élaboration a donné lieu à 46 millions d'euros d'investissements et a permis à de nombreux techniciens français de travailler. Le cinéma français travaille. Les réalisateurs sont toujours prêts à inventer, à créer et faire primer la nature profonde de l'oeuvre sur les capitaux.
M. Jean-François LEPETIT, président de la Chambre syndicale des Producteurs et Exportateurs de Films Français (CSPEFF)
Sur un débat aussi important, je déplore que nous arrivions aussi rapidement à la caricature. En particulier, « Un long dimanche de fiançailles » a été comparé à « Alexandre ». Je reconnais que le problème est complexe. Comme a tenté de l'expliquer François Hurard, le soutien repose aujourd'hui sur deux piliers qui me semblent importants. Le premier est la nature de la société, qui doit être européenne. En tant que producteur et Européen convaincu, je ne suis pas choqué par le fait qu'un certain nombre de règles et de protections soient définies dans le cadre européen. Dans différents secteurs, les Américains n'ont aucun scrupule à mettre en place des règles extrêmement protectionnistes pour préserver leurs marchés.
Notre système, qui a fait ses preuves, permet de bénéficier d'un cinéma français très diversifié, capable d'accueillir des cinématographies du monde entier par le biais d'accords bilatéraux. Ce système n'est donc pas fermé ou replié sur lui-même. Je ne vois pas en quoi il serait choquant d'envisager des protections dans le cadre de l'Europe des marchés et de la culture que nous souhaitons créer.
Comme le soulignait d'ailleurs très justement François Hurard, notre système se fonde sur un certain nombre d'éléments. Dès lors qu'il est ouvert sur l'Europe, il semble naturel qu'un film tourné en France et en langue française donne lieu à l'intégralité du soutien et que celui-ci soit diminué si le film est en langue anglaise ou tourné dans un autre pays européen. D'une manière très caricaturale, les partisans d'une ouverture presque inconditionnelle présentent ces deux films, en les opposant, en expliquant que ce qu'ils considèrent comme une aberration est probablement lié à une absurdité de la réglementation française. A mon sens, il s'agit d'une caricature parce que ces personnes savent parfaitement que le film d'Oliver Stone, produit par Pathé, société européenne, a donné lieu à des millions de dépenses en France, en matière de post production. En outre, ce film a subi un abattement de 75 % sur le soutien généré. L'on peut donc difficilement opposer ces deux films.
Par ailleurs, aucune personne censée ne peut prétendre que le film de Jean-Pierre Jeunet n'est pas une oeuvre française. J'irai même plus loin. En l'état actuel de la réglementation, Jean-Pierre Jeunet qui tourne un film à très gros budget ou un réalisateur inconnu qui tourne une oeuvre vidéo ont également le droit de présenter leur film et d'obtenir un visa d'exploitation et ces deux films seront nécessairement français. Néanmoins, une autre condition est l'obtention du visa préalable. Chaque année, un certain nombre des 200 films qui sortent en France n'ont pas obtenu cet agrément, pour des raisons diverses. Entretenir la confusion entre les films français et les films qui ont obtenu l'agrément ne me choque pas de la part de la presse grand public, mais je déplore que la presse spécialisée ou des personnes connaissant aussi bien le système que Pascal Rogard ou Pierre Jolivet agissent ainsi. La caricature est dangereuse parce qu'elle bloque les positions des uns et des autres et ne facilite pas une réelle concertation et une véritable évolution.
Existe-t-il aujourd'hui un problème en ce qui concerne le cinéma français ? La France produit-elle beaucoup moins de films qu'auparavant ? Sommes-nous face à une grave crise du financement du cinéma qui imposerait que l'on se tourne vers des financements extracommunautaires ? Lorsque l'on évoque des financements extracommunautaires, il s'agit évidemment d'une manière pudique d'évoquer les capitaux et les studios américains.
En l'état actuel de la réglementation, les sociétés américaines qui souhaitent investir en France sont-elles empêchées ? Fort heureusement, elles ont pu de tout temps investir dans notre pays. Le cinéma français est suffisamment attractif, notamment pour les studios américains, du fait de ses parts de marché. Si notre cinéma stagnait à 2 ou 3 % de parts de marché, je ne pense pas qu'il intéresserait les sociétés américaines. De tout temps, des entreprises américaines sont intervenues en France et rien ne les en empêche aujourd'hui. Warner, par exemple, peut parfaitement intervenir dans notre pays en tant que distributeur, voire coproducteur, sur un film sans, pour autant, avoir accès au compte de soutien.
A ce propos, le compte de soutien correspond aux bénéfices générés par l'exploitation d'un film. Il n'est pas nécessairement logique que certains aient accès au soutien, c'est-à-dire aux sommes générées. Toutefois, l'accès au soutien implique l'accès aux financements encadrés. Chaque année, les chaînes de télévision, publiques et privées, sont obligées d'investir un pourcentage de leur chiffre d'affaires sous forme de préachats de films. Ce système permet à la France de conserver un tissu de producteurs suffisamment important et dynamique. Si ce système n'existait pas, il n'y aurait plus de producteurs indépendants et de diversité dans la production. Est-il réellement nécessaire de permettre à des studios américains d'accéder à ces financements encadrés ? Par définition, ces financements correspondent à une enveloppe définie. Ils ne sont pas extensibles.
Warner, producteur délégué du film de Jean-Pierre Jeunet, n'est pas dans la même position qu'un producteur indépendant ou même qu'un groupe français lorsqu'il s'agit de discuter avec une chaîne de télévision pour avoir accès à ces financements encadrés. A mon sens, nous devons nous garder de la caricature, sans quoi nous ne progresserons pas dans ce débat. Cela dit, la Chambre syndicale des Producteurs et Exportateurs de Films Français n'est pas opposée à une véritable réflexion sur le compte de soutien, en général, parce qu'il existe quelques anomalies. Je pense, par exemple, au fait que la distribution ait accès au compte de soutien à des conditions beaucoup plus laxistes que la production. Je considère qu'il est logique que les salles de cinéma aient accès au soutien, mais cet accès devrait être lié à la qualité de leur programmation et à leur engagement en matière de diversité.
Par ailleurs, je déplore que le ministre ait expliqué que l'ouverture du compte de soutien était absolument nécessaire pour relocaliser l'emploi en France. Je pense que cette mesure n'aura aucun effet sur la relocalisation. En revanche, elle aura des conséquences inflationnistes sur le coût des films. Si demain, des sociétés comme Warner peuvent investir en France, en tant que producteurs délégués, sur quelques films, nous assisterons à une inflation des coûts de production parce qu'un certain nombre de « stars » n'hésiteront pas à profiter de cet effet de concurrence, comme nous le constatons aujourd'hui avec le crédit d'impôt.
M. Guy VERRECCHIA, président l'Association des Producteurs Indépendants (API)
J'aborderai le sujet sous un angle légèrement différent. Au-delà de la question de l'ouverture du compte de soutien, ou plus exactement de l'agrément qui ne concerne pas que le fonds de soutien, je raisonnerai en termes d'objectifs, sachant que l'ouverture de l'agrément est un moyen. Quels sont les objectifs visés par cette ouverture de l'agrément ? Quels bénéfices en attend-on et quels risques cette évolution comporterait-elle ?
Selon les chiffres de l'Observatoire de la production, 238 films ont été produits en France en 2003, dont 212 ont été agréés. Ces films ont été produits par plus de 150 sociétés de production, ce qui n'est pas négligeable. Espère-t-on de ce changement réglementaire une augmentation du nombre de films produits ? Je ne le crois pas. D'aucuns estiment que l'on peut en attendre de cette évolution des bénéfices en termes d'emplois. Or, je ne vois pas en quoi le fait que Warner produise « Chouchou » ou « L'ex femme de ma vie » pourrait constituer un apport en termes d'emplois. Nous avons évoqué longuement « Un long dimanche de fiançailles ». Il s'agit du quatrième film de Jean-Pierre Jeunet en France. Nous avons produit les trois autres. Je vous assure qu'il était bien plus difficile de produire « Délicatessen » sans chaîne de télévision que le film suivant « Amélie Poulain », qui a totalisé 8 millions d'entrées en France et 25 millions dans le monde. A mon sens, dix producteurs auraient pu produire « Un long dimanche de fiançailles » et une trentaine aurait été disposée à aider Warner à produire ce film, dans les conditions habituelles.
Warner peut parfaitement participer à la production française dans le cadre de la réglementation actuelle, ce qui signifie que cette entreprise n'a pas accès au compte de soutien. Est-ce dramatique ? Nous ne le pensons pas. Si nous faisons évoluer le dispositif actuel, nous créerons un déséquilibre au profit de sociétés qui ont un pouvoir de négociation extrêmement fort, notamment face aux chaînes de télévision. Aujourd'hui, la situation est relativement équilibrée puisque les entreprises américaines, de taille très importante, n'ont pas accès aux financements encadrés. Si cet accès leur est ouvert, la production ne sera pas plus importante. Elle pourra même se réduire parce que nous assisterons à des effets inflationnistes sur les budgets et la part que les entreprises américaines prendront sur les financements encadrés. Les autres films devront être financés avec les sommes restantes. Dès lors, je parie que, dans quelques années, il n'y aura plus 150 entreprises de production.
Certains considèrent que nous pouvons nous engager dans cette voie et revenir en arrière dans trois ans si nous constatons que nous nous sommes trompés. Or, je n'y crois absolument pas parce qu'aucune marche arrière n'est possible. Si nous constatons dans trois ans que nous nous sommes trompés, il sera trop tard parce que la dépendance économique de notre cinéma, à l'égard des capitaux américains, sera plus forte qu'aujourd'hui. Il faut savoir que la totalité des cinémas européens qui ont perdu pied ne sont jamais parvenus à revenir à leur niveau d'activité antérieur. Je n'affirmerai pas que le cinéma français se porte merveilleusement bien, mais ses performances feraient pâlir d'envie de nombreux pays. La France s'honore d'être un pôle alternatif de production par rapport aux Etats-Unis. Il existe, non seulement des films français, mais aussi des coproductions qui permettent à notre pays de rayonner par le biais de partenariats. A ce jour, il existe 44 accords de coproduction, ce qui n'est pas négligeable. Le dispositif actuel est donc très ouvert et intelligent, du fait du système de points. L'on a effectivement opposé de manière caricaturale « Un long dimanche de fiançailles » et « Alexandre », mais Oliver Stone a dépensé 30 millions d'euros en France, ce qui me semble intéressant en matière d'emplois.
Nous considérons qu'il ne faut pas s'inscrire dans un blocage philosophique dans le cadre duquel l'on serait pour ou contre l'ouverture. Nous devons mesurer les avantages que nous attendons de cette évolution. Nous considérons, pour notre part, que ces avantages sont illusoires et que les risques sont, en revanche, très importants. C'est pourquoi nous souhaitons que soit réalisée une étude d'impacts sérieuse, mesurant précisément les bénéfices attendus, les risques et les opportunités. En outre, aucune urgence ne justifie de se précipiter vers une évolution qui pourrait s'avérer irréversible.
J'intègrerai, enfin, une dimension politique. Nous évoquons ici l'ouverture du compte de soutien ou des financements encadrés aux entreprises américaines. Celles ci n'ont de cesse de combattre ce système français auquel l'on estime aujourd'hui qu'il serait souhaitable de leur donner accès. Je comprends que l'on souhaite engager une négociation avec les Américains, mais nous n'y parviendrons pas en leur octroyant un avantage nouveau et en attendant un retour de leur part. Il suffit de considérer l'attitude actuelle des entreprises américaines, dans le cadre des négociations de l'UNESCO, pour comprendre la nécessité d'engager de véritables négociations. Cependant, avec qui pouvons-nous négocier ? Pour l'heure, les Américains n'ont pas formulé de demande explicite. L'on nous a expliqué, pendant des mois, que 2003 Productions était une entreprise européenne. Subitement, lorsqu'il a été décidé que cette société était américaine, l'on a soulevé la question de l'évolution de la réglementation. Je pense que nous devons y réfléchir à deux fois. Quoi qu'il en soit, nous souhaitons qu'une étude d'impact très sérieuse soit conduite.
M. Patrick SOBELMAN, vice-président du Syndicat des Producteurs Indépendants (SPI)
Jean-François Lepetit et Guy Verrecchia ont réalisé un examen très complet de la situation, avec lequel le Syndicat des Producteurs Indépendants est totalement en accord. Puisqu'il a pris part, avec l'Association des Producteurs Indépendants, au recours contre l'agrément donné à 2003 Productions. Je souscris à tous les propos tenus, sur lesquels je ne reviendrai pas.
Je pense que des dégâts très importants ont été causés au début de cette affaire par quelques articles de presse affirmant que le film de Jean-Pierre Jeunet n'était pas français. Ces affirmations simplistes ont créé un affolement médiatique. Il aurait été plus compliqué d'expliquer que, compte tenu de la complexité de notre réglementation, un film français peut ne pas obtenir l'agrément. De la même manière, un film peut obtenir l'agrément sans être français, ce qui démontre à la fois la complexité du système et son ouverture.
L'affolement créé par ces articles de presse nous conduit aujourd'hui à examiner la situation alors qu'à ma connaissance, aucun studio extracommunautaire ne demande l'ouverture du compte de soutien. Nous pensons que l'évolution du système actuel ne présente aucune urgence ou sous-tend de véritables risques de déstabilisation.
Nous avons interrogé plusieurs fois le CNC et le ministre sur l'objectif recherché. S'il s'agit de créer des emplois en attirant des films non européens sur le territoire français, il existe probablement des outils plus efficaces que l'ouverture du compte de soutien, avec les risques de déstabilisation qu'elle comporte.
M. Thierry de SEGONZAC, co-président de la Fédération des industries techniques du cinéma (FICAM)
Patrick Sobelman a, en quelque sorte, introduit mon propos. Comme vous le comprenez certainement, nous avons une vision très économique des conséquences, sur notre industrie et l'emploi culturel, de la localisation des productions françaises ou étrangères sur notre territoire. Notre filière est largement impliquée dans le cinéma français puisqu'elle soutient très en amont le renouvellement des talents, notamment au travers des courts métrages et des premiers films, bien au-delà des justifications économiques. Nous sommes très concernés par ce débat parce que nous sommes conscients de la qualité de cet outil que constituent le compte de soutien et l'ensemble des mesures financières.
Toute évolution doit être des plus prudentes, mais l'on ne peut rester dans un statu quo qui serait une sorte de position de repli. Cette position serait, à notre sens, relativement rétrograde et ne correspondrait pas à la nature même de nos entreprises. Sur le principe, nous avons tendance à être favorables à l'ouverture de notre système. Nous ne devons pas rester figés. Nous devons évoluer avec l'Europe, mais aussi le monde cinématographique. Néanmoins, nous sommes trop conscients de la qualité et des bienfaits de notre système pour nous contenter de cela. Nous souhaitons donc introduire des notions de régulation et d'encadrement, mais aussi un certain nombre de réserves concernant, en particulier, les obligations des diffuseurs.
En tout état de cause, comme nous l'avons indiqué par écrit à la direction générale du CNC, l'on ne peut considérer que le compte de soutien doit être ouvert à des productions étrangères opportunistes. L'on peut évoquer cette question dès lors qu'il s'agit de développement durable et de l'implantation durable d'entreprises, avec des engagements de moyen et long terme. Est-il possible de définir des engagements de ce type ? Ce n'est pas certain.
Depuis de nombreuses années, nous appelons de nos voeux une forme d'incitation à la production étrangère qui réponde à la demande des producteurs étrangers. Au-delà des décors et des atouts techniques qu'elle offre, la France souffre d'un certain nombre de handicaps par rapport au Canada et à d'autres pays européens. Pour la production française et internationale, nous devons mettre en place des systèmes permettant de renforcer l'attractivité du territoire, comme des crédits d'impôt internationaux, des incitations éventuellement sociales. Ainsi, il serait possible de créer de la valeur, mais aussi de développer le périmètre de notre marché, ce qui me semble essentiel. Je rejoins Guy Verrecchia sur le fait qu'il n'est pas véritablement intéressant de bénéficier d'un dollar supplémentaire s'il se substitue à un euro. Nous sommes évidemment demandeurs de ce dollar, mais il doit venir s'ajouter à l'euro.
Nous ne souhaitons pas que les producteurs entrent dans un système très concurrentiel avec des entreprises américaines extrêmement puissantes. En revanche, nous sommes favorables à l'ouverture du compte de soutien afin de ne pas rester dans une position de repli. Surtout, nous désirons offrir aux producteurs américains des solutions attractives les incitant à venir en France pour profiter de nos décors, de nos talents et de notre savoir-faire, afin de créer du développement.
Comment se situe « Un long dimanche de fiançailles » ? Est-ce une production opportuniste à laquelle nous aurions dû octroyer un crédit d'impôt international ou le film d'un producteur installé durablement sur notre territoire, ce qui justifierait l'ouverture du compte de soutien ? En toute humilité, nous ne nous sentons pas capables de répondre à cette question. Notre seule recommandation est la mise en place d'un crédit d'impôt international. Ce système pourrait se fonder sur un modèle très simple, créateur de valeur. La question de l'ouverture du compte de soutien est infiniment plus complexe.
M. Stéphane POZPEREC, délégué général du Syndicat National des Techniciens et Travailleurs de la Production Cinématographique et de Télévision (SNTTPCT)
Je représente un millier de techniciens qui sont évidemment très sensibles à toutes les questions évoquées, concernant notamment l'emploi. La position de notre organisation se fonde sur quelques considérants de principe. D'abord, il convient de définir la nature de la question qui nous est posée. S'agit-il d'ouvrir, ou non, le bénéfice du compte de soutien, dans son intégralité ? S'agit-il d'examiner le soutien que l'on peut accorder à des productions assurées par des entreprises non assimilables aux sociétés de production normales ? Dans ce second cas, il est évident que l'on ne peut totalement exclure ces entreprises. Il convient toutefois de définir une réglementation qui ne puisse s'assimiler à l'ensemble du mécanisme de soutien. J'admets que cela puisse être complexe et qu'un délai de réflexion est probablement nécessaire, mais je crois que cela n'est pas impossible. Nous avons formulé des propositions de mise en place d'un système réglementaire susceptible de ne pas bouleverser les équilibres actuels du soutien à la production française.
Quoi qu'il en soit, je pense que l'on ne peut répondre par la négative au film de Jean-Pierre Jeunet dans ces conditions. Comme l'a souligné François Hurard, le problème de la langue doit être examiné. En outre, il est probablement nécessaire de limiter le compte de soutien. De plus, des entreprises de ce type doivent se voir refuser les coproductions qui pourraient conduire à des détournements. Ces points doivent être extrêmement réfléchis et approfondis.
M. Serge LAGAUCHE
Nous pensions que la situation était beaucoup plus tendue. Les propos des uns et des autres démontrent que le manichéisme est rejeté. A priori, la réflexion n'est pas bloquée et l'évolution du dispositif actuel peut donc être envisagée.
M. Pascal THOMAS, président de la Société des Réalisateurs de Films (SRF)
A mon sens, la prudence des partisans de l'ouverture du système, notamment la préconisation de Pascal Rogard concernant un engagement à l'égard de la production indépendante, conduirait au rejet de la proposition d'ouverture. A qui celle-ci pourra-t-elle bénéficier ? Les Américains ont déjà pratiquement tout. Leur empire est en marche dans un domaine sur lequel ils règnent depuis longtemps. Le compte de soutien a d'ailleurs été créé pour gêner cette invasion et tout le monde s'accorde sur la nécessité de faire preuve de la plus grande prudence. La société contemporaine considère toujours que la fermeture est néfaste. Or je ne suis pas certain que cette vision soit exacte. Face à ces tentatives de conquête, il me semble nécessaire d'étudier très précisément et longuement cette question de l'ouverture.
Par ailleurs, il faut rappeler que, lorsque François Truffaut produisait ses films avec Warner, le cinéma était différent et les chaînes de télévision ne participaient pas à la production cinématographique.
La Société des Réalisateurs de Films considère que l'ouverture doit s'accompagner d'une surveillance très étroite et être précédée d'études extrêmement approfondies. Cette société regroupe de petits réalisateurs qui n'auraient certainement pas accès à cette ouverture dans la mesure où les productions concernées ne seraient pas les leurs.
M. Jacques VALADE
Pierre Jolivet a réaffirmé notre souci partagé de défendre l'exception française. Nous tenons à cette exception culturelle, mais pas d'une manière totalement bloquée. Il nous faut précisément définir les termes de ce déblocage éventuel.
M. Claude MICHEL, délégué général du Syndicat National des Techniciens et Réalisateurs (SNTR-CGT)
Monsieur le Président, je vais peut-être vous paraître manichéen, mais cela ne vous étonnera peut être pas de la part du SNTR-CGT. Je suis très satisfait des propos de Pascal Thomas qui sont très justes. L'on souhaite accréditer l'idée selon laquelle la fermeture est nécessairement régressive, négative et frileuse. Je rappelle que nous avons construit tous nos dispositifs propres à l'exception culturelle en refusant, par exemple, l'une des règles fondamentales du libre échange : la règle du traitement national. Les entreprises sont traitées différemment en fonction de leur origine nationale. C'est d'ailleurs pour cette raison que nous résistons à l'OMC et que nous ne formulons pas d'offre de libéralisation. Nous ne souhaitons pas que l'on nous applique la règle du traitement national.
Ceux qui nous expliquent qu'il est nécessaire d'ouvrir le compte de soutien parce qu'il s'agit d'une exception aberrante et que la règle est l'ouverture souhaitent finalement appliquer, au moins partiellement, la règle du traitement national. Le rapport Leclerc, l'un des derniers rapports rédigés sur la production cinématographique, évoque ce concept.
La France est le seul pays à résister au rouleau compresseur hollywoodien. Nous avons totalisé, l'année dernière, 38 % de parts de marché. La part de marché du cinéma américain est supérieure à 75 % en Europe et atteint 100 % dans certains pays. Je cite le rapport Leclerc : « Le soutien automatique est l'une des principales raisons de la résistance du cinéma français face au cinéma américain ». Pourquoi faudrait-il ouvrir le compte de soutien alors qu'Hollywood ne le demande pas et que nous n'avons aucune garantie de reconnaissance de nos systèmes ? L'on nous invite à ne pas faire preuve de protectionnisme, mais nous ne sommes pas protectionnistes. Le nombre de films coproduits n'a jamais été aussi important. L'on nous invite à être souple à l'égard des Américains afin qu'ils soient plus sages et gentils à l'UNESCO. Vous avez pu constater à quel point ils ont été sages et gentils, voici une dizaine de jours, alors que le ministre de la culture et de la communication avait indiqué, à plusieurs reprises, être favorable à l'ouverture du compte de soutien.
Il me semble que la guerre des modernes et des anciens n'est pas traitée de la bonne manière. Comme l'a indiqué François Hurard, le système français est très sophistiqué. Du fait de cette sophistication, le fait de modifier un élément peut avoir des conséquences incalculables. Nous ne sommes pas favorables à l'ouverture du compte de soutien. En revanche, nous sommes tout à fait favorables à l'ouverture d'une grande concertation et une étude d'impact, qui devrait prendre des mois parce que le sujet est très sérieux.
Les partisans de l'ouverture affirment leur intention de définir des conditions draconiennes. Je leur reconnais ce mérite, mais sont-ils certains que nous pourrons maintenir ces conditions draconiennes ? L'on nous affirme que l'exception est la règle. Si l'on ouvrait le compte de soutien aux capitaux américains en assortissant cette ouverture de conditions draconiennes, quelle serait l'exception et quelle serait la règle ? Alors qu'au niveau européen, nous devrons ajuster notre système de territorialisation, l'on voudrait nous assurer que l'on posera aux entreprises américaines des conditions absolues. Il s'agira donc d'une exception. Comment pourrons-nous maintenir cette exception alors que le système nous obligera, au niveau européen, à faire preuve d'une plus grande souplesse ? Comment peut-on être sûr de pouvoir maintenir ces règles draconiennes pour les sociétés américaines alors que nous ne pourrons les maintenir pour les entreprises françaises et européennes ? J'invite les partisans de l'ouverture à réfléchir à cette question.
Le SNTR-CGT se félicite que l'on s'intéresse à l'emploi, mais aurait souhaité que, lors de la négociation de l'accord du 26 juin 2003 sur l'assurance chômage des artistes et des techniciens, les organisations aujourd'hui favorables à l'ouverture fassent davantage pression sur la FESAC pour servir les intérêts des salariés. J'affirme cela sans esprit polémique. J'ai simplement une bonne mémoire.
Nous sommes dans une année de péril. La directive Bolkenstein est pour l'instant mise à l'ombre, mais elle comporte, sur le cinéma, des dispositions très inquiétantes, susceptibles de conduire à la contestation des crédits d'impôt. Pour créer des emplois, il est nécessaire de déplafonner les crédits d'impôt. Nous sommes tout à fait favorables à cette mesure, mais elle risque d'être contestée si la directive Bolkenstein revient à la une de l'actualité.
Je terminerai en indiquant que nous avons appris ce matin, lors d'une conférence de presse à l'Assemblé nationale, que le ministre de la culture a envoyé à l'ensemble des députés UMP un courriel leur demandant de ne pas signer la proposition de loi concernant les intermittents du spectacle. Cette proposition de loi est pourtant soutenue par l'ensemble du Comité de suivi, c'est à dire l'ensemble des groupes politiques et, à ce jour, 54 députés UMP et un très grand nombre de sénateurs, de toutes appartenances politiques. Les artistes, techniciens et réalisateurs vivent, depuis deux ans, dans une grande difficulté. Comme nous l'avons déclaré lors des Césars, il ne peut exister de culture sans droits sociaux. Faut-il ajouter aux difficultés actuelles des professionnels du spectacle un nouveau péril en ouvrant le compte de soutien aux entreprises hollywoodiennes alors même qu'elles ne le demandent pas ? Mes propos sont peut-être manichéens. Vous en jugerez.
M. Jacques VALADE
Claude Michel, vous avez élargi le débat et je ne peux vous laisser proférer, surtout dans l'enceinte du Sénat, des propos contradictoires avec l'attitude que nous avons eue depuis le début. Nous n'avons pas créé ici un comité de soutien. Un certain nombre de personnes qui font partie du comité de suivi sont membres de la commission des affaires culturelles. Comme vous le savez parfaitement, notre attitude s'est traduite par la publication d'un rapport qui, je crois, donne satisfaction à la plupart d'entre nous. Nous nous sommes engagés dans une direction qui me semble plus sérieuse et profonde que la signature d'une proposition de loi qui, à défaut de rassembler tout le monde, oppose ce qui peut être réalisé à l'Assemblée nationale, dans le cadre du comité de suivi, à ce qui a pu être engagé au Sénat. Nous ne pouvons signer un texte commun avec nos collègues députés parce que cela irait à l'encontre du règlement du Parlement, même si nous partageons leurs préoccupations et si nous proposons, notamment au ministre de la culture et de la communication, des solutions qui se rapprochent de vos souhaits. Si vous le voulez bien, laissons ce sujet de côté parce qu'il s'agirait effectivement d'un amalgame un peu manichéen et revenons au sujet qui nous réunit.
M. Pierre JOLIVET
Je n'ai pas bien compris les positions de la Société des Réalisateurs Français et de la CGT. Quoi qu'il en soit, il est nécessaire de prendre le temps de la réflexion. Nous avons pris ce temps dès que le problème s'est posé, voici un an et demi. L'on nous demande aujourd'hui de réfléchir à une situation problématique qui s'est posée voici un an et demi. Nous étions très seuls à réfléchir très tôt, ce qui se produit souvent. Nous en avons l'habitude. Le problème est apparu lors de la création de 2003 Productions. Nous avons demandé que ce problème soit posé parce que nous savions qu'à terme, il serait délicat et complexe. Or, il est toujours aussi délicat et complexe.
L'on nous a accusés de caricature. Or les conditions draconiennes qu'évoque Pascal Rogard sont extrêmement éloignées de la caricature. Elles sont, au contraire, extrêmement responsables. Lorsqu'il est question de l'ouverture à des pays extracommunautaires, l'on évoque uniquement les Etats-Unis, mais il faut également tenir compte de la Chine, et de la Corée qui lutte pour conserver ses quotas et réussit à sauvegarder son cinéma. La Corée souhaiterait travailler avec nous et, pour ma part, j'aimerais travailler avec les Coréens. Par conséquent, la question des pays extracommunautaires est plus large que celle des Etats-Unis.
J'entends également ceux qui affirment qu'un accord de trois ans serait automatiquement reconduit, ce qui est faux. Un accord de ce type peut parfaitement ne pas être reconduit au bout de trois ans. Nous ne souhaitons pas signer un accord automatiquement reconductible à l'issue de trois ans. Nous devrons réaliser un bilan et introduire des évolutions s'il est négatif. Cela ne nous posera aucune difficulté. Depuis 15 ans, nous avons été à la tête de différents combats face aux Etats-Unis et nous n'avons fait aucune concession. Si nous décidons d'une ouverture, elle devra être précisément évaluée et nous ne laisserons rien au hasard.
Par ailleurs, je constate que l'ouverture du compte de soutien aux exploitants et aux distributeurs ne dérange personne. En revanche, le fait d'aligner la production sur ce mode de fonctionnement pose un problème au prétexte que le poids des Américains pervertirait le système. Ces derniers auraient un poids disproportionné dans les négociations avec les chaînes de télévision et les artistes. Bien entendu, ce ne serait pas le cas aujourd'hui. Personne ne peut croire qu'actuellement, les grands groupes ont le même poids que les petits producteurs indépendants lorsqu'il s'agit de négocier avec les chaînes de télévision. L'inflation des cachets des artistes n'a pas attendu le film de Jean-Pierre Jeunet pour se développer d'une manière considérable, y compris pour les oeuvres françaises dont les vedettes bénéficient de salaires très élevés alors que l'on demande aux techniciens de se satisfaire du minimum syndical, souvent avec des heures supplémentaires ou de nuit non payées. Il n'y a pas lieu de faire croire que l'arrivée des Américains pervertirait le système. D'ailleurs, celui-ci n'est pas très perverti. Il découle de la loi de l'offre et de la demande et de la loi du puissant face au plus faible. C'est pourquoi nous devons sans cesse le surveiller et le réguler. Je ne crois pas que l'ouverture, qui nous paraît fondatrice en matière de richesse culturelle, pourrait déstabiliser un système qui serait incroyablement vertueux.
M. Jean-François LEPETIT
Selon Pierre Jolivet, l'ouverture à des capitaux extracommunautaires ne concerne pas uniquement les entreprises américaines. Il estime qu'il n'y a pas lieu de se priver de relations avec le Japon ou d'autres pays. Dans l'état actuel de la réglementation, il existe plus de 44 accords bilatéraux de coproduction entre la France et différents pays non européens. Un nouvel accord est, je crois, en cours de finalisation avec le Japon. Dans le cadre de chacun de ces accords bilatéraux, les deux pays reconnaissent leurs aides mutuelles et accordent leur nationalité à un film produit par l'autre Etat.
Si l'on ouvre notre compte de soutien à des capitaux extracommunautaires, quelle sera la légitimité des accords bilatéraux de coproduction ? A mon sens, ces accords n'auront plus de légitimité ou d'intérêt si l'on ouvre le système français à des capitaux non européens, sans faire reconnaître ce système. Par ailleurs, aujourd'hui, à notre connaissance, les Etats-Unis ne demandent pas un débat sur ce sujet. S'il existait une demande, il me semblerait plus intéressant de négocier, en contrepartie, un minimum de reconnaissance du système.
Pour faire avancer le débat, j'entrerai dans une problématique de concertation. Pascal Rogard, comme Pierre Jolivet, a souligné le fait qu'une ouverture à des capitaux extracommunautaires devait être encadrée et répondre à des objectifs de relocalisation et de création d'emplois. Dès lors, des sociétés dépendant de capitaux non européens auraient accès au compte de soutien, donc aux financements encadrés, à condition de produire des films français, en langue française, tournés dans notre pays avec des équipes françaises. Cette conception n'est-elle pas quelque peu rétrograde, voire poujadiste ? Les auteurs et les réalisateurs ont-ils véritablement réfléchi à ces implications ? Dans cette logique, Jean-Jacques Annaud qui tourne « L'amant », en anglais, au Vietnam serait un peu moins Français. Il en serait de même pour Régis Wargnier qui vient de tourner un film en langue anglaise. L'on créerait donc une catégorie de films français qui aurait le label « véritablement français ».
Aujourd'hui, toutes les sociétés de production sont soumises au même régime et aux mêmes contraintes. Elles peuvent produire des films en langue française ou coproduire des oeuvres avec des partenaires européens en français, ou non. Des metteurs en scène peuvent parfois avoir envie de tourner dans une autre langue que le français. Ne serait-il pas dangereux de créer une troisième catégorie ? Celle-ci pourrait-elle être réellement défendable ? S'il s'agit uniquement du critère de la langue, nous pourrions le justifier à Bruxelles. En revanche, des critères concernant, à la fois, la langue et le fait de tourner en France avec des techniciens français, peuvent-ils être défendus à Bruxelles ? Je soumets très sincèrement cette question à Pascal Rogard, spécialiste de ces sujets.
Les partisans de l'ouverture ont conscience de la nécessité de ne pas déstabiliser le système, donc de réglementer. Néanmoins, jusqu'où pensez-vous que cette réglementation puisse aller ? Ne pensez vous pas qu'une réglementation extrême soit dangereuse pour les auteurs ?
M. Pascal ROGARD
Il faut savoir que le Japon ne peut pas signer d'accord de coproduction avec la France ou n'importe quel autre pays du monde. En effet, le Japon n'a pas souscrit, dans le cadre des Accords de Marrakech, de dérogation à la clause de la nation la plus favorisée. Si ce pays signait un accord de coproduction avec la France, il serait aussitôt obligé d'accorder les mêmes avantages à l'ensemble des Etats du monde, donc aux Etats-Unis. En revanche, les accords de coproduction peuvent ouvrir l'accès à des capitaux japonais, par le biais d'entreprises situées sur le territoire français.
Par ailleurs, Claude Michel ne peut nous accuser de braver la diversité culturelle. Nous travaillons ensemble sur les mêmes sujets. Nous luttons de concert à l'UNESCO, à l'OMC et nous combattrons la directive Bolkenstein. Je considère simplement que le protectionnisme lié à la nature et à la nationalité des capitaux gêne la diplomatie française dans ses actions en faveur de la diversité culturelle. Lorsque nous nous présentons dans les pays étrangers, nous expliquons que notre critère de discrimination est de nature clairement culturelle et que nos protections visent à défendre les films français, tournés en langue française, du fait de leurs spécificités. Or le fait de ne pas accorder aux films français produits par des capitaux extracommunautaires les avantages dont nous faisons bénéficier les autres films français constitue un critère de discrimination autre que celui que nous mettons en avant dans le cadre des négociations commerciales internationales.
Nos propositions ressemblent au régime mis en place pour les filiales des chaînes de télévision. Lorsque l'on a reconnu le soutien financier pour ces entreprises, nous nous sommes posés un certain nombre de questions parce qu'elles n'avaient pas, sur le marché, le même poids économique que les intervenants cinématographiques. Nous avons défini un certain nombre de barrières et nous avons pris des précautions.
Actuellement, les chaînes de télévision n'ont pas du tout les mêmes avantages que les producteurs indépendants ou que les producteurs qui ne sont pas liés à une chaîne de télévision. Ces dernières bénéficient d'un soutien limité. En outre, un certain nombre d'avantages sont reconnus, par notre système, aux producteurs délégués. Nous proposons de réaliser une ouverture encadrée et d'engager une véritable concertation sur cet encadrement. Vous avez parfaitement raison de poser le problème de l'accès des chaînes de télévision, mais celui-ci ne se pose que dans le cadre de la coproduction. Un film de langue française créé par une société extracommunautaire est automatiquement soumis aux quotas de diffusion. En revanche, Canal Plus peut parfaitement investir dans un film d'expression originale française, comme « Un long dimanche de fiançailles ». Nous estimons que nous sommes capables de bâtir ce régime.
En ce qui concerne la Commission européenne, nous n'avons aucune difficulté avec le critère linguistique. Nous serions confrontés à un problème si nous essayions d'imposer aux entreprises extracommunautaires des règles concernant les industries techniques plus strictes que celles que nous imposons aujourd'hui aux producteurs indépendants. En effet, l'on considèrerait que nous cherchons à fermer notre marché au seul bénéfice des entreprises françaises.
Nous sommes favorables à une ouverture extrêmement réglementée. Nous ne souhaitons pas revenir à la situation antérieure à 1992 parce que la situation a évolué depuis lors.
M. Jacques VALADE
François Hurard, voulez-vous nous faire part de votre sentiment, compte tenu des différentes interventions, sans outrepasser vos responsabilités et votre devoir de réserve ?
M. François HURARD
Il a été rappelé, à plusieurs reprises, que le débat a été alimenté depuis maintenant près de deux ans, parfois de manière difficile. En effet, parallèlement à des débats courtois, des actions ont été conduites devant les tribunaux, avec des conséquences non négligeables pour certains films. Néanmoins, la concertation engagée depuis trois mois et le débat que vous avez organisé ont permis de progresser en clarifiant les positions des uns et des autres et de déterminer si celles-ci peuvent être conciliables. Il existe certainement des pistes de conciliation. Nous avons soumis l'ensemble des positions au ministre de la culture et de la communication à qui il appartient maintenant de trancher.
M. Jacques VALADE
En tant que sénateurs et membres de la commission des affaires culturelles, nous sommes préoccupés par la question du calendrier. Pourrions-nous convenir d'aboutir, au cours du dernier semestre de l'année 2005, à un texte sur lequel les uns et les autres pourraient s'exprimer ?
M. Pascal THOMAS
Je ne souhaite pas laisser croire que l'on discute depuis 18 mois ou deux ans. L'on a d'abord tenté, pendant plusieurs mois, de nous expliquer que 2003 Productions était une entreprise européenne. Il ne s'agissait donc pas d'une réflexion sur la possibilité d'ouvrir le compte de soutien à des sociétés extracommunautaires. La réflexion a seulement été entamée lorsque le tribunal administratif a sanctionné l'agrément donné par le CNC. Par conséquent, nous ne discutons pas depuis 18 mois de l'opportunité d'ouvrir le compte de soutien aux entreprises non européennes.
En outre, je signale que les films de François Truffaut, qui ont été produits par Artistes Associés, et non par Warner, ne sont pas visibles. Des procédures sont en cours entre les héritiers de François Truffaut et Artistes Associés. Cet exemple démontre que les entreprises américaines accordent peu d'intérêt à ce type de production cinématographique. Même si elles s'y sont intéressées à une certaine époque, il ne s'agit pas de leur coeur d'activité. Nous avons tendance à considérer que l'économie du cinéma français doit reposer, pour l'essentiel, sur des entreprises dont le centre de gravité économique se situe en France.
Concernant la question du délai, il n'y a aucune raison, à mon sens, d'agir de manière précipitée si la réflexion porte sur l'opportunité d'ouvrir le compte de soutien, et non sur les modalités de cette ouverture. Jusqu'à présent, la question a d'ailleurs été posée de manière relativement ambiguë. L'on nous a réunis essentiellement pour nous demander de quelle manière l'ouverture du compte de soutien pouvait être réalisée. Le ministre a d'ailleurs fait de nombreuses déclarations dans ce sens.
M. Jacques VALADE
Excusez-moi de vous interrompre, mais ce n'est pas l'esprit de notre réunion. Je souhaite que chacun s'exprime sur l'opportunité de cette ouverture et les conséquences éventuelles qu'elle pourrait avoir pour les producteurs, les salariés et l'ensemble des intervenants. Je crois que nous sommes allés jusqu'au terme de l'exercice. J'ai posé la question des délais, non pas parce que nous sommes impatients, mais parce que nous souhaitons progresser sur ce dossier. Nous souhaiterions parvenir rapidement à un texte présentant la position de l'Etat à qui il incombera in fine de trancher.
M. Pascal THOMAS
A mon sens, la première étape doit consister à mesurer et comparer les avantages et les inconvénients attendus de cette modification. La réunion de ce jour est probablement utile, mais il serait souhaitable d'organiser des entretiens bilatéraux permettant de comprendre véritablement les positions des uns et des autres. Ensuite, il peut être envisageable de rédiger un rapport qui tente de mesure les avantages et les inconvénients. Puis, chacun se déterminera et le ministre prendra ses responsabilités. Il est d'abord nécessaire de définir les modalités méthodologiques avant d'envisager un délai.
M. Patrick SOBELMAN
J'évoquerai un point technique qui n'a pas encore été développé. Il concerne l'un des deux piliers essentiels de notre réglementation. Il s'agit des quotas et, notamment, des obligations des chaînes de télévision qui correspondent à une somme fixe. Nous avons éprouvé une inquiétude relative au fait que le jeu de la concurrence serait faussé par le poids de ces sociétés. Pascal Rogard nous a expliqué, lors d'une réunion du CNC, que cette somme pourrait être décomptée dans le quota des obligations dépendantes, c'est-à-dire des 25 % que les chaînes peuvent attribuer à des films « dépendants », sachant que la dépendance découle, soit d'une liaison capitalistique, soit du nombre de mandats détenus par une chaîne de télévision sur le film, de manière directe ou indirecte.
Ce mode de financement est évidemment très important, surtout pour les films dont les budgets sont conséquents et qui, de toute façon, sont réalisés avec des chaînes de télévision. Les sommes allouées à des films produits par des Américains se substitueraient à celles dont bénéficient les films français. Or, beaucoup de producteurs indépendants choisissent aujourd'hui de financer des oeuvres ambitieuses nécessitant un budget important grâce à la contribution des chaînes de télévision et des mandats, c'est à dire grâce au quota des « dépendants ». Ces sommes ne s'ajouteraient pas aux autres. Elles s'y substitueraient puisque l'enveloppe globale est fixe. Dès lors, il n'est pas surprenant qu'une sorte de clivage naisse entre les producteurs, qui sont pour le moins extrêmement réservés sur cette ouverture, et des sociétés représentant essentiellement des auteurs et des réalisateurs, qui pensent que certains pourraient profiter d'un effet d'aubaine. Or, il s'agit d'un clivage dangereux.
M. Jean-François LEPETIT
Concernant la question des délais, je souhaite évoquer un autre point sur lequel je peux m'exprimer d'autant plus aisément que l'organisation que je représente n'a pas été à l'initiative du recours contre 2003 Productions. Il n'y a pas véritablement eu de concertation sur ce dossier et, ce qui est pire, nous considérons que le CNC a commis deux erreurs. La première a consisté à accorder un agrément à « Un long dimanche de fiançailles ». La seconde, plus récente et beaucoup plus grave pour la poursuite de la concertation, a été de faire appel de la décision du tribunal administratif. Cette décision, très claire, fait état d'une fraude manifeste et précise qu'une société a manifestement été créée pour contourner la réglementation et avoir accès à un certain nombre d'avantages. Le CNC a fait appel de cette décision, ce qui est son droit le plus strict, mais il a ainsi créé, de fait, une incertitude juridique.
L'on nous demande de réfléchir à une éventuelle ouverture du compte de soutien à des entreprises extracommunautaires et les partisans de cette ouverture, eux-mêmes, soulignent la nécessité de prévoir des garde-fous. Qu'adviendra-t-il si, à l'issue de cet appel, le tribunal administratif décidait d'infirmer la première décision, donc de considérer qu'une société comme 2003 Productions peut avoir accès au compte de soutien ?
Contrairement à ce qu'indiquait François Hurard, 2003 Productions n'est pas une entreprise contrôlée par 30 % de capitaux américains. Cette société appartient à des salariés de Warner et est présidée par le président de Warner France. Si le tribunal administratif revenait sur sa première décision, qu'est-ce qui empêcherait Patrick Le Lay de demander à ses salariés de créer une société et d'y consacrer la majorité de ses investissements ? Le CNC ne s'est malheureusement pas mis dans une position d'arbitre, c'est-à-dire dans la meilleure posture, pour organiser et animer la concertation souhaitée par l'ensemble de la profession.
M. François HURARD
Lorsqu'il a pris sa décision, le directeur général du CNC a clairement indiqué qu'il pouvait, soit refuser l'agrément, soit l'accorder. Il a expliqué que des consultations juridiques approfondies, qui avaient duré trois mois, ne permettaient pas d'obtenir une réponse satisfaisante et penchaient plutôt dans le sens de l'agrément. Il a même ajouté que l'issue d'un l'éventuel recours dont pourrait faire l'objet cet agrément serait incertaine. La décision a donc été prise en connaissance de cause. Le jugement de première instance est aujourd'hui porté en appel.
Le CNC n'a jamais affirmé que 2003 Productions était une société française. Il a indiqué qu'un faisceau d'indices juridiques ne lui permettait pas de refuser l'agrément, ce qui démontre que le texte actuel n'est pas suffisamment clair sur la question de l'exclusion.
M. Jacques VALADE
Merci pour cette précision importante. Je pense que nous ne pouvons nous engager plus avant dans la discussion sur ce sujet. Il est donc plus sage d'en rester là.
Mesdames et messieurs, merci pour votre contribution. Nous avons le sentiment d'être parfaitement informés, mais nous estimons aussi que nous avons encore un chemin à parcourir ensemble, à la vitesse qui devra être définie par le ministre de la culture et de la communication.
COMPTE RENDU DE LA TABLE RONDE
SUR LES
CRITÈRES D'ATTRIBUTION DES AIDES
À LA PRODUCTION
CINÉMATOGRAPHIQUE
A la veille de l'ouverture de la 58 e édition du Festival de Cannes, le débat sur une éventuelle ouverture du compte de soutien en faveur de la production cinématographique aux capitaux extra-européens reste au coeur d'un important débat.
Tandis que la concertation menée par le Centre national de la cinématographie (CNC) se poursuivait, la commission des affaires culturelles du Sénat a souhaité organiser un débat public avec l'ensemble des professionnels concernés, sur ce sujet essentiel qui ne sera pas sans impact sur l'avenir de la création cinématographique, mais aussi sur l'emploi culturel dans notre pays.
Compte tenu de la richesse de ces échanges et de leur caractère fructueux, la commission des affaires culturelles a souhaité publier les comptes rendus de la table ronde qui s'est ainsi tenue le 2 mars 2005.
Tel est l'objet du présent rapport.