B. LA PROBLÉMATIQUE DU RETOUR À L'EMPLOI
La complexité de notre système de minima sociaux et les effets de seuil qu'elle engendre contribuent-ils à enfermer les personnes qui en bénéficient dans leur situation de non emploi et de précarité ? Peut-on mettre en lumière des phénomènes de « trappes à inactivité » ?
La notion de trappe fait référence à la théorie de l'offre de travail, pour laquelle l'individu doit arbitrer de façon rationnelle entre travail et loisir. Dans ce contexte, tout revenu que l'individu peut se procurer sans travail biaise son choix en faveur des loisirs. Si ce revenu est trop important par rapport au salaire auquel il pourrait prétendre, il se trouve pris dans une « trappe », c'est à dire un piège, qui le condamne à l'inactivité.
On distingue généralement la notion de trappe
à inactivité qui évoque la désincitation
financière à entrer sur le marché du travail pour les
inactifs, celle de trappe à chômage qui renvoie plus
précisément à la question de l'incitation
financière pour les chômeurs à accepter un emploi compte
tenu de l'existence d'une indemnisation et celle, plus large, de trappe
à pauvreté qui fait référence à la situation
des personnes, exerçant ou non un emploi, pour lesquelles l'augmentation
du revenu d'activité se heurte à des effets de seuil qui les
maintiennent sous le seuil de pauvreté.
|
On parle de « trappe à inactivité » pour décrire une situation où la reprise d'un emploi faiblement rémunéré par un allocataire de minimum social conduit à une stagnation, voire une baisse du niveau de vie, de telle sorte que celui-ci pourrait « préférer » demeurer dans le dispositif d'assistance.
L'utilisation du terme de « préférence » ne doit en aucun cas être interprétée comme un jugement moral porté sur le comportement des individus concernés. Il s'agit d'un terme employé par les économistes pour caractériser des situations où le travail n'est pas suffisamment rémunérateur et où les bénéficiaires de minima sociaux se trouvent, en quelque sorte, pris au piège d'un système où les allocations perçues deviennent des « maxima indépassables » , selon l'expression utilisée par Martin Hirsch dans son rapport sur la pauvreté des familles 21 ( * ) . L'expression de « trappe à inactivité » elle-même vient d'ailleurs de l'anglais « to trap », c'est à dire « piéger ».
L'expérience de terrain et les multiples enquêtes effectuées auprès de bénéficiaires de minima sociaux montrent en effet que les personnes confrontées à ces situations ne choisissent pas délibérément de rester dans l'assistance : elles n'ont pas une préférence explicite pour l'inactivité ; simplement, l'ensemble des contraintes et des frais à engager pour retrouver le chemin de l'emploi constituent parfois des obstacles insurmontables.
1. Depuis 2000, une volonté forte d'accroître l'incitation financière à la reprise d'activité
a) Une forme ancienne d'incitation à la reprise d'activité : les mécanismes d'intéressement
Dès 1988, le législateur a souhaité encourager les bénéficiaires du RMI à rejoindre le monde du travail : conçu comme un revenu de transition temporaire, le montant du RMI demeure volontairement faible et un mécanisme d'intéressement à la reprise d'activité est prévu, permettant de cumuler - dans une certaine mesure et pour un temps limité - l'allocation avec un revenu du travail : il s'agissait donc d'inciter à la reprise d'emploi et, une fois passée une « période d'essai », initialement fixée à trois et désormais établie à six mois, de retirer progressivement à l'allocataire le support de l'État.
Un tel mécanisme existe désormais pour six minima sociaux : le RMI, l'AAH, l'API et l'ASS, l'allocation d'insertion et l'allocation veuvage, même si leur fonctionnement reste différent.
Le dispositif d'intéressement prévu pour le RMI et étendu, par la loi d'orientation du 29 juillet 1998 relative à la lutte contre les exclusions, à l'API permet au bénéficiaire qui reprend un emploi de cumuler son revenu d'activité avec l'allocation intégralement pendant les deux premiers trimestres, puis en appliquant un abattement de 50 % sur la moyenne des revenus d'activité pour les trois trimestres suivants. Le prolongement de l'intéressement peut, en outre, être autorisé si la durée totale de travail des quatre derniers trimestres est restée inférieure à 750 heures et que le parcours d'insertion du bénéficiaire le justifie.
Deux cas particuliers sont prévus :
- celui de la création d'entreprise : pour les créateurs d'entreprise bénéficiaires de l'aide aux chômeurs créateurs ou repreneurs d'entreprise (ACCRE), la loi prévoit la possibilité de conserver le bénéfice intégral du RMI ou de l'API pendant deux trimestres, un abattement de 50 % sur les revenus d'activité étant encore possible pendant les deux trimestres suivants ;
- celui du cumul avec un CES : les allocataires se voient alors appliquer un abattement de 33 % du montant de base du RMI (de 37,5 % sur celui de l'API), pendant toute la durée du contrat, dès le deuxième trimestre de la reprise d'activité. Ce dispositif, assurément moins favorable à court terme autorise toutefois une durée d'intéressement plus longue, puisque celle-ci peut aller jusqu'à vingt-quatre mois.
La loi de lutte contre les exclusions a également étendu le bénéfice d'un dispositif d'intéressement aux allocataires de l'ASS et de l'allocation d'insertion 22 ( * ) . Celui-ci autorise un cumul de ces allocations avec un revenu d'activité pendant douze mois, sauf pour les allocataires de cinquante-cinq ans et plus pour lesquels aucune limitation de durée n'est prévue. Un allongement de la période d'intéressement est possible, si le nombre total d'heures travaillées pendant les douze mois réglementaires est inférieur à 750 heures. Le cumul est d'abord intégral pendant les six premiers mois, à condition que le salaire brut mensuel soit inférieur à un demi-SMIC brut, soit 607,56 euros 23 ( * ) . Les six mois suivants, l'ASS est réduite, dans une proportion de 40 % de la rémunération perçue divisée par le montant journalier de l'indemnité.
On pourrait s'étonner de la différence de taux entre l'ASS d'une part et le RMI et l'API d'autre part, mais le premier s'applique sur des revenus bruts, alors que les seconds s'appliquent sur des revenus nets. Les deux types d'intéressement sont alors proches, si l'on retient un taux de cotisations sociales de l'ordre de 17 %.
En cas de cumul avec un CES, l'allocation est réduite à proportion de 60 % de la rémunération brute divisé par le montant journalier de l'indemnité. Enfin, depuis la loi du 1 er août 2003 relative à l'initiative économique, les bénéficiaires de l'ASS et de l'allocation d'insertion créateurs d'entreprise, et qui bénéficient pour cela d'une aide de l'État, ont droit au maintien de leur allocation pendant un an.
Le mécanisme prévu pour l'AAH est sensiblement différent, puisqu'il autorise un cumul permanent de l'allocation avec un revenu d'activité : un abattement est en effet appliqué aux revenus d'activité de la personne, lui permettant de les cumuler sans limitation de durée avec la prestation, sous réserve que le total de ces ressources reste inférieur au plafond de l'allocation. Au total, un cumul permanent - total ou partiel selon le niveau de rémunération - est donc possible jusqu'à un SMIC environ pour une personne seule à temps plein et jusqu'à 1,8 SMIC pour un couple. En cas de cumul avec une rémunération de centre d'aide par le travail (CAT), le cumul est plafonné à 100 ou 110 % du SMIC net, selon le montant de rémunération directe versé par le CAT.
Si ces mécanismes permettent, la plupart du temps, à leurs bénéficiaires de voir leurs revenus dépasser le seuil de pauvreté 24 ( * ) , de nombreuses critiques leur ont été adressées, dénonçant notamment leur complexité et leur opacité pour les usagers : ainsi, parmi les allocataires de l'ASS, quatre bénéficiaires potentiels de l'intéressement sur dix en ignoraient l'existence. Au total, la part des allocataires en intéressement stagne, voire recule. L'impact du dispositif s'avère particulièrement faible pour les bénéficiaires de l'API, car la reprise d'activité se heurte pour ces derniers à la question cruciale de la garde des enfants.
Proportion de personnes en intéressement lors d'une reprise d'activité
Décembre 1998 |
Décembre 1999 |
Décembre 2000 |
Décembre 2001 |
Décembre 2002 |
|
RMI |
12,3 % |
14,1 % |
13,6 % |
12,2 % |
13,3 % |
API |
n.c |
n.c |
5,1 % |
5,1 % |
5,6 % |
ASS |
16 % |
16 % |
13,8 % |
12,8 % |
13,2 % |
Source : « Synthèse des bilans de la loi d'orientation du 29 juillet 1998 relative à la lutte contre les exclusions », IGAS, rapport n° 2004-054 de mai 2004 - Calculs DREES (France métropolitaine, décembre 2003)
La faible attractivité des mécanismes de cumul d'une activité rémunérée et d'un minima social tient également aux taux marginaux effectifs d'imposition très dissuasifs à long terme et à la chronologie des revenus particulièrement heurtée à court terme qu'ils imposent. Or, l'imprévisibilité des ressources d'un trimestre à l'autre fragilise ces ménages qui ont déjà des budgets très serrés, l'instabilité de leur situation étant accrue par le fait que l'intéressement concerne essentiellement des emplois à temps très partiel, à durée déterminée et faiblement rémunérés.
b) La situation en 2000 : reprendre un emploi entraînait souvent des pertes de revenus
Une étude de l'INSEE 25 ( * ) sur les minima sociaux et leur insertion dans le système socialo-fiscal français en 2000 met en lumière trois spécificités de ces dispositifs :
• A cette date, le revenu disponible n'augmente pas de façon continue en fonction de la durée du travail
Pour des durées du travail bien précises, accepter une heure de rémunération en plus provoque une baisse de revenu disponible de plusieurs centaines d'euros. Ces ruptures de ressources brutales tiennent notamment au fait que la perte du RMI ou la perte du statut de RMIste a des répercussions sur le montant des allocations logement perçues ou sur celui de la taxe d'habitation à acquitter.
L'OFCE comparait ainsi, en 2001, les revenus tirés du RMI et les revenus tirés d'un emploi rémunéré au SMIC, avec les résultats suivants :
Gains mensuels à la reprise d'activité
( en francs )
du RMI à ½ SMIC |
du RMI à 1 SMIC |
|
Célibataire sans enfant |
- 149 |
+ 1.782 |
Couple 2 enfants,
|
- 1.479 |
+ 779 |
Couple 2 enfants,
|
+ 2.097 |
+ 4.088 |
• L'encouragement à la reprise du travail, lorsqu'il existe, n'est que temporaire
Les effets financiers du mécanisme de l'intéressement ne dépassent guère en effet l'horizon de la deuxième année. Au-delà d'un an, les taux marginaux d'imposition deviennent franchement dissuasifs : ainsi, en reprenant un emploi à temps plein au SMIC, représentant normalement un revenu annuel d'environ 10.800 euros, l'allocataire ne conserve 5.600 euros la première année et à peine 3.400 la deuxième et au-delà, soit un taux moyen d'imposition de 69 %. S'il reprend un travail à mi-temps, il perd de l'argent dès la deuxième année, puisqu'en ne travaillant pas, son revenu disponible aurait été supérieur de 500 euros.
• Le dispositif encourage paradoxalement le mi-temps à court terme
A court terme (soit à l'horizon d'un an, durant le temps de l'intéressement), le taux moyen d'imposition est plus faible pour le mi-temps que pour le plein temps (37,5 % contre 47 %). La tendance s'inverse en revanche à long terme, puisqu'à échéance de deux et trois ans, le taux moyen d'imposition s'établit à 103 % pour le mi-temps, quand il n'est que de 69 % pour le plein temps.
Cet état de fait semble résulter d'un a priori selon lequel il serait trop difficile pour un allocataire du RMI de retrouver d'emblée un travail à temps plein et qu'il faudrait donc plutôt l'encourager, dans un premier temps, à retrouver un travail à temps partiel.
c) Les réformes engagées ont permis une réduction sensible des trappes à inactivité
A la suite des mouvements de chômeurs de l'hiver 1997, le Gouvernement avait missionné Marie-Thérèse Join-Lambert pour examiner la cohérence du système français d'indemnisation du chômage et des minima sociaux.
Son rapport, présenté en février 1998 et suivi en 2000 d'un rapport sur le même sujet du Commissariat général du plan, a permis une première prise de conscience de l'existence d'effets de seuil et de trappes à inactivité importantes, imposant aux bénéficiaires de minima sociaux souhaitant retravailler des taux d'imposition confiscatoires. Les pouvoirs publics ont alors engagé, par petites touches, un toilettage du système des minima sociaux et, plus largement, des aides aux travailleurs pauvres.
Jusqu'en 2000, les titulaires du RMI bénéficiaient d'une exonération de la taxe d'habitation à partir du moment où ils pouvaient justifier de leur statut de RMIste pour tout ou partie d'une période s'écoulant entre le 1 er janvier de l'année fiscale de référence et la date de paiement de l'impôt. La loi de finances pour 2000 a prolongé la période pour laquelle cette exemption est valable, puisqu'il s'agit désormais de prouver sa qualité de RMIste à un moment quelconque des deux dernières années. Cet allongement de la période de référence permet donc de lisser dans le temps les effets des variations de revenu des allocataires du RMI. Il est vrai que cette exemption automatique ne s'étend pas aux bénéficiaires d'autres minima sociaux. Cependant, le mécanisme de prise en compte des ressources dans le calcul de la taxe d'habitation a été revu, afin d'étendre en pratique le bénéfice des dégrèvements à ces derniers.
Avant la réforme décidée en 2000, les revenus d'activité n'étaient pas pris en compte pour l'attribution et le calcul des aides au logement lorsque la personne percevait le RMI, ce qui lui permettait de continuer à bénéficier du droit à une allocation logement à taux plein. En revanche, lorsque celle-ci quittait le dispositif du RMI, ses revenus d'activité étaient réintégrés dans le calcul des ressources et il s'en suivait une révision brutale de l'allocation logement versée et, par conséquent, une diminution du revenu disponible. La réforme des aides au logement, appliquée à partir de 2001, prévoit désormais une neutralité du barème d'attribution par rapport à l'origine des ressources. Ainsi, l'aide est maintenue à un niveau constant jusqu'à un seuil de revenu, d'activité ou non, correspondant au montant du RMI de base puis elle décroît régulièrement en évitant tout effet de seuil.
Auparavant, la décote avait pour effet de doubler le taux marginal de l'impôt sur le revenu en entrée de barème. Maintenant, elle ne le multiplie plus que par 1,5 et l'ensemble des taux marginaux a également fait l'objet d'un ajustement à la baisse.
Ce dispositif fiscal fonctionne comme un crédit
d'impôt en faveur des contribuables qui ont exercé une
activité professionnelle dont la rémunération est comprise
- pour un célibataire sans enfant - entre 0,3 et 1,4 SMIC
à temps plein. Il a deux objectifs : renforcer les incitations
financières à la reprise d'activité et distribuer du
pouvoir d'achat aux salariés à bas revenus.
|
L'ensemble des analyses conduites à la suite de ces réformes converge pour montrer une nette diminution des phénomènes de trappes à inactivité en France.
• L'INSEE a chiffré, en 2002, les
conséquences de ces réformes pour les personnes qui reprennent un
emploi
26
(
*
)
: ainsi,
un célibataire au RMI qui accède à un emploi à
mi-temps au SMIC voit son revenu s'accroître de 72 euros par mois
par rapport à la situation avant réforme et ce revenu est
désormais supérieur de 64 euros à celui un
célibataire au RMI simple. Avant réforme, son revenu aurait en
effet décru. Pour un couple sans emploi avec deux enfants, le gain est
de 226 euros par mois si l'un des membres du foyer est embauché
à temps plein au SMIC. En l'absence de toute réforme, son revenu
se serait accru de moins de 120 euros.
• Dans le cadre des travaux de l'Observatoire
national de pauvreté et de l'exclusion sociale pour 2003-2004, la DREES
a également analysé l'évolution des écarts de
ressources entre RMI et bas salaires. Cette étude permet de confirmer
l'absence, désormais, de situation de perte financière pour les
bénéficiaires du RMI qui reprennent un emploi, et ce quelle que
soit la configuration familiale.
Il convient toutefois de souligner que l'amélioration
ne s'est pas effectuée dans les mêmes proportions dans tous les
cas de figure et que s'il n'y a plus à proprement parler de
désincitation financière au travail, les écarts restent
parfois très faible, surtout si on tient compte des frais liés
à la reprise d'activité (transport, habillement, garde
d'enfants).
Évolution entre 1989 et 2003 de l'écart de ressources entre RMIstes et bas salaires
Écart en 1989 |
Écart en 1993 |
Écart en 2003 |
||
Personnes seules |
0,5 SMIC |
- 32 % |
- 1 % |
+10 % |
1 SMIC |
+ 41 % |
+ 50 % |
+ 53 % |
|
Parents isolés avec 2 enfants |
0,5 SMIC |
+ 8 % |
+ 7 % |
+11 % |
1 SMIC |
+ 49 % |
+ 45 % |
+ 36 % |
|
Couples avec 2 enfants |
0,5 SMIC |
- 3 % |
- 2 % |
+ 3 % |
1 SMIC |
+ 14 % |
+ 13 % |
+ 15 % |
|
Couples avec 4 enfants |
0,5 SMIC |
+ 5 % |
- 1 % |
+ 2 % |
1 SMIC |
+ 34 % |
+ 25 % |
+ 18 % |
Calculs : INSEE
Note de lecture : en 1989, les couples avec quatre enfants et un seul actif rémunéré à temps plein au SMIC disposaient d'un revenu supérieur de 34 % à celui des mêmes couples sans revenu d'activité.
Source : rapport 2003-2004 de l'Observatoire national de la pauvreté et de l'exclusion sociale.
• Une étude de l'INSEE, montre que les
réformes conduites depuis 2000 en matière de lutte contre les
trappes à inactivité ont fait évoluer de manière
sensible les caractéristiques de notre système
socialo-fiscal :
- le revenu disponible est maintenant une fonction croissante de la durée du travail, quelle que soit l'allocation considérée (RMI, API ou ASS), même s'il reste quelques situations de seuil pour des durées d'activité en deçà du mi-temps dans le cadre du système de l'intéressement ;
- les phénomènes de trappes ont disparu à court terme et les taux marginaux d'imposition ont régressé à plus long terme : à l'horizon d'un an, les taux ne dépassent jamais 25 % (contre 47 % auparavant). Concernant la deuxième année, l'effort de correction est également impressionnant : 69 % à mi-temps et 45 % à temps plein (contre respectivement 103 % et 69 % auparavant).
Évolution du revenu disponible d'un bénéficiaire du RMI avant et après réformes
Source : « L'impact conjugué de trois
ans de réforme sur les trappes à inactivité »,
Cyrille Hagneré et Alain Trannoy, Economie et Statistique, n°
346-347, 2001
Au total, les réformes ont permis un lissage et une augmentation très substantielle des incitations à reprendre un emploi, incitations qui sont d'autant plus fortes que l'on progresse vers le plein temps. Il convient de souligner le rôle primordial de la réforme des allocations logement dans cette correction des trappes à inactivité : ces aides correspondent au minimum au tiers du gain de pouvoir d'achat enregistré par les bénéficiaires.
• en ce qui concerne plus
particulièrement la prime pour l'emploi, l'OFCE
27
(
*
)
note qu'elle n'introduit aucun
bonus à la reprise d'activité à temps très partiel,
puisqu'il faut travailler un tiers de l'année au SMIC horaire pour en
bénéficier et qu'elle n'entraîne une augmentation du revenu
disponible que si l'individu travaille plus de cinquante et une heures par
mois.
Cet instrument s'avère donc assez faiblement ciblé sur les travailleurs les plus modestes, car ceux-ci connaissent fréquemment des parcours d'emploi marqués par le temps partiel ou discontinu tout au long de l'année : ainsi, 14 % seulement de la masse versée au titre de la PPE revient aux ménages du premier décile, contre 16 % en moyenne pour les deuxième et troisième déciles. Sa distribution annuelle minore également ses effets incitatifs à la reprise d'activité car un tel mécanisme semble ne pas convenir à des ménages très modestes qui ne parviennent pas à raisonner avec un budget annuel.
Deux éléments viennent toutefois nuancer ce constat : une première réforme de la PPE en 2003, en introduisant une majoration de la prime en faveur des temps partiels a en partie permis un meilleurs ciblage sur les plus modestes. Sur le plan des trajectoires individuelles, le bénéfice de la PPE prend le relais du RMI et des allocations logements, ce qui permet d'éviter des effets de seuil brutaux dans le profil des revenus.
d) Des situations de pertes de revenus demeurent pour les emplois à temps très partiel
Si la situation s'est nettement améliorée pour toutes les configurations d'emploi à partir du mi-temps, force est de constater que des phénomènes de désincitation financière subsistent pour les personnes qui reprennent une activité à temps très partiel.
Une étude de la direction de la sécurité sociale, pour 2004, réalisée à la demande de la commission « Familles, vulnérabilité, pauvreté », présidée par Martin Hirsch, montre ainsi qu'une reprise d'activité à quart temps au SMIC n'engendre que de très faibles gains nets, jamais supérieurs à 150 euros par mois pendant l'intéressement et que ces gains s'annulent le plus souvent une fois la période d'intéressement terminée. Il paraît évident que ces montants sont insuffisants pour couvrir les frais associés à toute reprise d'activité. Par ailleurs, compte tenu d'un seuil de perception fixé à 0,3 SMIC, la prime pour l'emploi ne joue pas ou seulement très marginalement pour une aussi faible durée du travail.
Même à mi-temps, les gains restent encore faibles, de l'ordre de 100 et 200 euros par mois pendant la période d'intéressement et 20 à 50 euros à l'issue de cette période. Ramenés à un niveau mensuel, les montants de PPE perçus sont toujours très peu significatifs, se situant entre 20 et 30 euros.
* 21 « Au possible, nous sommes tenus : la nouvelle équation sociale, 15 résolutions pour combattre la pauvreté des enfants », rapport de la commission « Famille, vulnérabilité, pauvreté » présidée par Martin Hirsch, avril 2005.
* 22 Il existait auparavant, pour l'ASS, un régime d'activité réduite, mais il était très marginal.
* 23 Si le salaire est supérieur à un demi-SMIC brut, une déduction de 40 % de la partie du revenu supérieur au seuil est appliquée.
* 24 Le seuil de pauvreté est mesuré par l'INSEE à 50 % du revenu médian, soit en 2001, à 602 euros par unité de consommation.
* 25 « L'impact conjugué de trois ans de réforme sur les trappes à inactivité », Cyrille Hagneré et Alain Trannoy, INSEE, Économie et Statistiques, n° 346-347, 2001.
* 26 INSEE, L'Economie française, édition 2002-2003.
* 27 « Un bilan des études sur la prime pour l'emploi », Elena Stancanelli et Henri Sterdyniak, Revue de l'OFCE, janvier 2004.