ANNEXE 2 : LES PRINCIPALES FIÈVRES HÉMORRAGIQUES
(source : Institut Pasteur)
BUNYAVIRIDES
Virus de la fièvre de la Vallée du Rift. Quand les barrages font des ravages...
Quatre épidémies de fièvre hémorragique de la Vallée du Rift ont sévi en Afrique : l'une en Egypte en 1977, l'autre en Mauritanie en 1987 et, plus récemment, au Kenya en 1997-98 et de nouveau en Egypte en 2003. Elles ont été provoquées par un virus transmis par les moustiques et d'autres insectes piqueurs. Ce virus avait été isolé dès 1931 : il avait alors été responsable d'une épizootie chez de petits ruminants. Il a ensuite été à l'origine de plusieurs épizooties chez les ovins, en Afrique de l'Est et du Sud. Des éleveurs en contact avec des animaux malades ou morts furent contaminés, mais sans gravité. Après 1970 par contre, plusieurs décès furent signalés. A la suite de la mise en eau du barrage d'Assouan, commencée cette année-là, 200 000 personnes ont été infectées et 600 ont décédé, sans compter les pertes en bétail, faisant prendre conscience du risque d'épidémie lié à ce virus. En effet, la mise en eau avait favorisé la pullulation des moustiques (Aedes, Culex, Mansonia) et de certaines mouches (simulies, culicoïdes) vecteurs du virus et créé des concentrations humaines et animales favorisant les contaminations. De même en Mauritanie, la mise en eau du barrage de Diama en 1987 fut à l'origine de 224 victimes. Le virus a resurgi en 1993, en Egypte. Mais la plus importante épidémie des années 90 a eu lieu en décembre 1997 au Kenya, où on estime que 89 000 personnes ont été infectées et 500 ont décédé. En 2000, le virus est pour la première fois sorti du continent africain, touchant des personnes en Arabie Saoudite (863 cas et 120 morts) et au Yémen (un millier de cas, 121 morts). Enfin, en 2003, le virus a resurgi en Egypte, touchant 45 personnes, dont 17 ont décédé.
Congo-Crimée
Les tiques de la Mort noire.
La première épidémie documentée provoquée par ce virus est survenue en 1945 en Crimée. Mais des descriptions de cette fièvre hémorragique ont été faites dès le IIème siècle de notre ère en Ouzbekistan, où l'on surnommait cette infection " Mort noire ". Le virus responsable ne fut isolé qu'en 1966 à partir d'un cas bénin de la maladie survenue au Zaïre, ex-Congo belge, en 1956. Le virus fut alors baptisé Congo. Il a ensuite été reconnu responsable de l'épidémie de Crimée et re-baptisé Congo-Crimée. Il est transmis à l'homme par diverses espèces de tiques et touche prioritairement le personnel d'abattoirs. Des épidémies nosocomiales (au sein des hôpitaux) ont également été rapportées. La mortalité des infections en Afrique ou en Europe Centrale est de 28%. La transmission de la maladie peut être évitée par la lutte contre les vecteurs, via l'utilisation d'acaricides. Le virus a été responsable d'une épidémie au Kosovo en 2001-2002 (69 cas et 6 morts). Il avait été trouvé en Albanie, en Iran, au Pakistan et en Afrique du Sud en 2001, et a été retrouvé en Mauritanie en 2003.
Hantaan
La guerre de Corée révèle, via les casques bleus, une maladie millénaire.
Entre 1951 et 1953, pendant la guerre de Corée, plus de 2000 soldats des Nations Unies furent atteints d'une maladie mortelle dans 10% des cas qu'on nomme depuis 1983 "fièvre hémorragique avec syndrome rénal" (ou HFRS, maladie caractéristique des hantavirus), mais qui fut décrite voici 1000 ans dans un traité de médecine chinoise. Malgré les efforts déployés par les virologistes, l'agent ne fut identifié qu'en 1976 dans les poumons du mulot des champs Apodemus agrarius, son principal réservoir en Corée - un rat présent en abondance dans les rizières. Quatre années furent encore nécessaires pour isoler le virus et préparer les réactifs permettant un diagnostic sérologique. Ce virus fut nommé Hantaan, du nom de la rivière qui marque la frontière entre la Corée du Nord et la Corée du Sud. Il circule du Japon à la Russie, et un virus très proche à l'origine d'une maladie aussi grave est présent dans les Balkans. La maladie n'a pas pour autant disparue avec la guerre : en 1986, 14 Marines américains ont été infectés lors de manoeuvres dans une région endémique de Corée du Sud, et deux ont succombé. Cinq cents à 1000 cas surviennent chaque année dans l'ex URSS, 300 à 900 personnes seraient infectées chaque année en Corée, et d'après les enquêtes réalisées dans les régions endémiques de ce pays, environ 5% de la population possède des anticorps contre le virus. Au total, environ 100 000 personnes sont contaminées chaque année, principalement en Chine, où des vaccins expérimentaux sont actuellement testés.
Séoul
Virus des villes, virus des champs.
En recherchant le virus Hantaan en Corée, les scientifiques ont découvert un virus proche mais distinct qu'ils dénommèrent Séoul, et dont les réservoirs sont des rats (Ratus norvegicus et Ratus rattus). Cet hantavirus a provoqué des épidémies, peu mortelles, à Osaka (Japon), dans la ville de Séoul et dans certaines régions urbaines en Chine où les cas se sont multipliés depuis 1981. Des cas sporadiques ont également été décrits en Europe (y compris en France) et en Afrique.
Puumala
Une fièvre hémorragique européenne...
Une forme plutôt bénigne de "fièvre hémorragique avec syndrome rénal" existe en Europe. Dès 1934, on décrivait en Suède des cas de "néphrite épidémique". Plusieurs milliers de personnes furent touchés par cette maladie durant la seconde guerre mondiale. C'est en 1980 que l'agent fut identifié dans les poumons d'un rongeur, le campagnol roussâtre Clethrionomys glareolus. Cet hantavirus fut véritablement isolé en 1983 en Finlande et baptisé du nom d'un lac de ce pays : Puumala. Il ne circule pas qu'en Scandinavie : il a depuis été reconnu en France, en Belgique, en Allemagne et en Grande-Bretagne, les contaminations étant toujours associées à des activités rurales. En France, le nombre de cas diagnostiqués oscille entre 20 et 200 cas par an, toujours dans le quart Nord-Est de la France. On sait aujourd'hui que les épidémies surviennent tous les trois ans, suivant la dynamique des populations des rongeurs réservoirs du virus. Les cas sont groupés dans cinq foyers principaux : massif forestier des Ardennes, Picardie, Franche-Comté, Lorraine et un domaine englobant Côte-d'Or et Marne. Depuis 1982, environ un millier de cas ont été confirmés sérologiquement en France. Six épidémies ont été décrites en 1985, 1990, 1991, 1993, 1996 et en 1999 au cours desquelles la majorité des cas est survenue en été. La maladie est assez peu hémorragique et guérit spontanément en une à trois semaines.
Belgrade/Dobrava
En Bosnie-Herzégovine, la guerre chasse les grands prédateurs et les rongeurs se multiplient.
Proche du virus Hantaan et aussi létal que lui, le
virus Belgrade a été isolé d'un cas humain mortel il y a
environ sept ans, tandis que le virus Dobrava était isolé chez un
mulot. Ces deux virus sont proches sinon identiques.
En 1995, en Bosnie,
environ 700 militaires appartenant aux différentes factions sont
tombés malades ainsi que quelques soldats des Nations-Unies. Parmi ces
700 infections, on ne connaît pas celles dues au virus Puumala et au
virus Dobrava/Belgrade. Cette épidémie était due à
la fois à une pullulation exceptionnelle de rongeurs et aux conditions
de vie des soldats qui vivaient dans les forêts.
Sin Nombre
Ou comment la pluie multiplie les pignons de pin et les souris qui s'en nourrissent...
Cet antavirus a été isolé en 1993 aux Etats-Unis. L'abondance de pluie et de neige qui a caractérisé le printemps 1993 dans la région de montagnes et de déserts des états du Nouveau-Mexique, du Nevada et du Colorado, aurait favorisé le développement de la souris Peromyscus maniculatus. L'humidité exceptionnelle a en effet eu pour conséquence une production particulièrement abondante de pignons de pin, dont cette souris se nourrit : la densité de cette population de souris a décuplé entre 1992 et 1993, multipliant considérablement les risques de contact entre l'homme et ces excrétrices de virus. Les quelques cas recensés entre 1992 et 1993 ont permis la reconnaissance de la maladie et de son agent. Une maladie différente de celle provoquée par les autres hantavirus, dominée par des symptômes pulmonaires plus que rénaux : le "syndrome de détresse respiratoire de l'adulte" (ARDS). En octobre 1993, 48 cas étaient recensés dans 12 états, dont 27 morts, certains chez les indiens Navajos. Depuis cette date, d'autres virus proches ont été reconnus responsables de l'ARDS également, dans divers pays d'Amérique du Sud et au Canada. Au total, environ 300 cas ont été recensés à ce jour.
ARENAVIRUS
Lassa
D'une chambre d'hôpital à l'autre...
En janvier 1969, à Lassa, au Nigeria, une religieuse infirmière tomba malade dans l'hôpital où elle travaillait. Elle fut évacuée dans une ville voisine où elle contamina, avant de décéder, deux autres religieuses dont l'une mourut. Un an plus tard, une épidémie éclatait dans ce même hôpital. Une enquête rétrospective montra que 17 des 25 personnes touchées avaient probablement été contaminées dans la salle où la première malade avait été hospitalisée. La transmission du virus à l'origine s'est effectuée par le biais d'un rongeur (Mastomys). Une autre épidémie a éclaté en 1993 en Sierra Leone avec une mortalité de 15%. En 1996, plus de 400 cas y ont été rapportés. Le virus circule désormais en permanence en Guinée, en Sierra Leone, au Liberia et dans certaines régions du Nigéria. Par ailleurs, plusieurs cas d'importation ont été recensés en Europe et aux Etats-Unis. Un traitement existe, par la ribavirine.
Junin
Ou comment être contaminé en récoltant du maïs...
Le virus Junin, responsable de la « fièvre hémorragique d'Argentine », a été identifié en 1958. La maladie est apparue à la fin des années 40 à l'est de Buenos Aires, dans la région de la pampa. A l'époque, de grandes surfaces de culture de maïs avaient été développées. Conséquence : ce changement d'écosystème a favorisé la pullulation de certains rongeurs (Callomys musculinus, Callomys laucha), qui se trouvent être des réservoirs du virus. Les contacts se sont donc multipliés entre ces rongeurs réservoirs et les ouvriers agricoles. La plupart des personnes touchées étaient des hommes adultes ayant inhalé des poussières souillées par les excrétas des rongeurs, au moment où ils récoltaient le maïs à la main. Aujourd'hui, avec la mécanisation, ce sont les conducteurs de machines agricoles qui sont en première ligne. Outre les poussières en suspension, ils inhalent également un aérosol de sang infectieux lorsque les moissonneuses broient les rongeurs... 3000 cas d'infections ont été rapportés en 1964. Un vaccin préparé à partir de virus attenué a été développé en Argentine et largement administré à la population de la région à risque.
Machupo
Quand une révolution pousse l'homme vers les forêts...
Le virus Machupo est apparu en Bolivie en 1952. Une révolution avait alors poussé les populations vivant dans la plaine du Béni, à l'est du pays, à proximité de la limite de la forêt amazonienne, où ils développèrent une agriculture de subsistance. Le rongeur réservoir du virus Machupo (Callomys callosus) est plutôt anthropophile : il pénètre dans les maisons. Une épidémie a fait 650 malades et 122 morts en 1963-64. Grâce à une lutte engagée contre ce rongeur, les contaminations humaines ont ensuite disparu, dès 1974. Mais durant l'été 1994, le virus a frappé à nouveau, au même endroit, contaminant sept personnes d'une même famille...
Guanarito
Ou comment attraper un virus en défrichant une forêt...
Ce virus a été découvert lors d'une épidémie survenue au Venezuela en 1989, qui a touché 104 personnes dont 26 ont décédé. Les 15 premiers cas sont survenus dans une communauté rurale du centre du pays, qui avait entrepris de défricher une zone forestière. Le réservoir du virus est désormais connu : le rongeur Zygodontomis brevicauda. Lorsque les paysans se sont mis à défricher la forêt, ils ont soulevé des poussières infectées par les urines ou les excréments desséchés des rongeurs. La contamination a donc eu lieu par voie respiratoire, un des modes de transmission les plus fréquents de ces virus.
Ebola
L'homme semble contaminé par le singe, mais comment le singe est-il infecté?
Le virus Ebola a été identifié pour la première fois en 1976 en République Démocratique du Congo (ex-Zaïre), et doit son nom à une rivière de ce pays. Le même virus a ensuite resurgi au Gabon en novembre 1994, faisant 28 morts sur 44 cas enregistrés lors d'une épidémie initialement attribuée à la fièvre jaune. En 1995, à Kikwit, RDC, une épidémie, qui avait touché environ 318 personnes et provoqué 249 décès (81% de mortalité), était également due à la "souche Zaïre". Celle-ci est réapparue en 1996 au Gabon et en Afrique du sud, puis en 2001-2002 à nouveau au Gabon et en République du Congo, et de nouveau en RDC en 2003. D'autres souches de virus Ebola ont provoqué des épidémies : la souche Soudan, qui a infecté 284 personnes en 1976, puis a resurgi en Ouganda en 2000-2001 (425 cas et 53% de mortalité). La souche Ebola-Côte d'Ivoire, isolée par des chercheurs de l'Institut Pasteur, n'a fait qu'un cas humain : une personne infectée par la manipulation de prélèvements de chimpanzés sauvages en Côte d'Ivoire. Ces chimpanzés étaient alors touchés par une étrange épidémie, à laquelle certains avaient succombé. Enfin, la souche Reston, apparue en 1989 en Virginie (Etats-Unis) chez des singes provenant des Philippines - et qui ne semble pas pathogène pour l'homme -, a encore frappé au Texas, en avril 1996, tuant plusieurs macaques là encore d'origine philippine. Le réservoir animal du virus Ebola est activement recherché mais reste à l'heure actuelle inconnu.
Marburg
Le risque biologique : manipulation de singes au laboratoire...
En 1967, à Marburg (Allemagne), 25 personnes préparant des cultures de cellules à partir de reins de singe tombèrent malades, et 7 décédèrent. D'autres cas furent rapportés simultanément à Francfort et en Yougoslavie, toujours dans des laboratoires où l'on avait reçu des singes en provenance d'Ouganda. Les singes moururent eux aussi de la maladie, mais les recherches faites en Afrique de l'Est n'ont pas permis de découvrir le réservoir du virus. Par ailleurs, quelques cas d'infection naturelle ont été rapportés depuis en Afrique du Sud (1975), au Zimbabwe et au Kenya (1980, 1987). En 1998-1999, une épidémie eu lieu à Durba, en République Démocratique du Congo, touchant essentiellement des personnes travaillant dans une mine d'or. Les modes de contamination n'ont pas été identifiés. Comme pour le virus Ebola, le réservoir naturel du virus Marburg reste inconnu.