II. MISE EN PLACE ET FONCTIONNEMENT DU FIVA
A. UNE LENTE MISE EN PLACE
Les premières indemnisations définitives par le FIVA ne sont intervenues qu'à compter d'avril 2003, soit plus de deux ans après l'adoption du principe de sa création en décembre 2000 : plus de 10 mois se sont écoulés entre l'adoption de la loi et la parution du décret ; 6 mois ont été nécessaires entre cette parution et la réunion du premier conseil d'administration ; 9 mois ont encore été nécessaires pour l'adoption du barème indicatif par le conseil d'administration.
En attendant l'adoption de ce barème indicatif au début de l'année 2003, le FIVA a répondu par le versement de provisions aux demandes d'indemnisation déposées par les victimes des maladies de l'amiante depuis le 1 er juillet 2002, date de mise à disposition des formulaires de renseignements nécessaires à l'instruction des demandes.
Cette lenteur de la mise en place est d'autant plus regrettable que les mésothéliomes sont des maladies fatales à brève échéance. Mais cette lenteur a eu également des conséquences en matière de gestion des dossiers.
Les procédures devant les CIVI ont été suspendues dans l'attente de la parution du décret permettant de les transférer au FIVA mais les autres contentieux ont continué à se développer. La Cour de cassation fut amenée à se prononcer dans les arrêts du 28 février 2002 sur les principes généraux de reconnaissance de la faute inexcusable en matière de risques professionnels, prenant ainsi « de vitesse » le dispositif institutionnel en cours de mise en place.
Le Fonds de garantie automobile associé aux réflexions sur la mise en place de l'indemnisation et qui pensait en être chargé se trouvait également placé dans une situation d'attente délicate à gérer.
Enfin, un an après le début des indemnisations, le stock de dossiers à traiter s'est accumulé. Il est aujourd'hui stabilisé autour de 6000 dossiers, soit entre 7 et 8 mois de traitement ainsi que le montre le graphique ci-dessous, soit un à deux mois de plus que le délai maximum de 6 mois que le législateur avait fixé pour le traitement des dossiers.
Flux des dossiers et des offres
Source : FIVA
Evolution des stocks des dossiers du FIVA
Source : FIVA
La période FGA
L'article 9 du décret prévoyait qu'en attendant la mise en place des structures de gestion du FIVA le fonds pouvait conclure une convention de gestion à titre transitoire avec le fonds de garantie contre les accidents de circulation et de chasse (FGA) 17 ( * ) afin de lui confier, pour une durée d'un an, « l'instruction des dossiers de demandes, la préparation des offres et toute autre mission notamment d'assistance juridique au fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante ». Cette convention a été signée le 7 juin 2002 pour un an et complétée le 17 juillet 2002 d'une convention de gestion administrative et financière relative aux provisions à verser aux victimes.
La convention initiale ayant fixé au 7 juin 2003 l'échéance de la collaboration, un avenant a permis sa prorogation pour le règlement des derniers dossiers en modifiant l'article 4 de la convention et en prévoyant des dispositions transitoires. Elle a permis également la mise à la disposition du FIVA du responsable du pôle indemnisation du FGA contre remboursement calculé au prorata du temps passé, mise à disposition qui a assuré le relais entre les deux organismes.
La convention du 7 juin 2002 respectait les compétences du conseil d'administration, du directeur et de l'agent comptable du FIVA. Concrètement, le FGA soumettait à la décision du FIVA les dossiers de demande de provisions appuyés d'une proposition et d'un bordereau récapitulatif. Après vérification des dossiers individuels et, éventuellement, modification des montants des provisions ou refus des dossiers, le directeur du FIVA signait un bordereau récapitulatif qui valait accord pour une mise en règlement par le FGA des provisions ainsi déterminées. L'agent comptable du FIVA contrôlait la présence des documents justificatifs des dossiers de demandes de provisions visés par le directeur 18 ( * ) .
Plus de 6600 dossiers ont été ouverts par le FGA. Les ouvertures intervenues après juin 2003, date de la fin de convention, présentent un caractère résiduel. En revanche le FGA devait traiter tous les dossiers qu'il avait ouverts, ce qui explique que l'action du FGA se soit poursuivie au-delà du 30 juin 2003. A la fin avril 2004, il restait 1500 dossiers en traitement au FGA qui envisageait la fin de ce traitement pour septembre 2004.
Situation des dossiers du FIVA traités par le FGA
Mois d'ouverture |
Nombre de dossiers ouverts |
Dossiers terminés |
juillet-02 |
470 |
378 |
aout-02 |
175 |
141 |
septembre-02 |
609 |
523 |
octobre-02 |
648 |
540 |
novembre-02 |
504 |
415 |
décembre-02 |
584 |
467 |
janvier-03 |
463 |
380 |
février-03 |
471 |
353 |
mars-03 |
445 |
322 |
avril-03 |
477 |
366 |
mai-03 |
526 |
374 |
juin-03 |
1188 |
803 |
juillet-03 |
27 |
14 |
aout-03 |
18 |
9 |
sept-03 |
7 |
3 |
oct-03 |
7 |
4 |
novembre-03 |
3 |
1 |
décembre-03 |
3 |
1 |
Total |
6625 |
5094 |
Source : FGA
Ce nombre de dossiers a nécessité un effort important de la part du Fonds de garantie qui avait affecté plus de 60 régleurs 19 ( * ) , parmi les plus expérimentés, aux dossiers du FIVA, soit l'équivalent de 12 à 13 % de son effectif temps plein, ce qui a pesé sur les autres activités du Fonds de garantie. Le FGA estimait même que la partie du temps consacrée aux dossiers du FIVA était excessive en raison d'une gestion non optimale des dossiers amiante. Les modalités de fonctionnement avec le FIVA avaient notamment pour conséquence de rompre la chaîne informatique de traitement des dossiers, accroissant les délais et les coûts. Le FGA pensait ainsi que, pour les provisions, les délais étaient trop importants et que les règles relatives aux offres n'avaient pas été suffisamment précisées alors même que le contrôle d'Etat souligne que les pièces justificatives transmises au fonds n'étaient pas toujours conformes à ce qu'avaient prévu les conventions.
La décision pour l'ensemble des dossiers est restée de la seule compétence du directeur du FIVA ou, par délégation, des agents qui ont progressivement rejoint le FIVA. De même, l'ensemble des paiements (provisions et offres) a fait l'objet d'un contrôle du comptable public du FIVA. D'autre part, la décision quant à la politique d'indemnisation a relevé de la compétence du seul Conseil d'administration du FIVA.
Le partage des compétences entre le FGA (instruction) et le FIVA (décision) pouvait être considéré comme structurellement difficile en raison de la difficulté opérationnelle à séparer l'instruction d'un dossier de la phase de décision ; le décideur ne pouvait déléguer sa signature à l'instructeur mais il ne pouvait en même temps voir tous les dossiers et devait donc disposer d'équipes.
Au regard des objectifs de rapidité et d'efficacité, la création du FIVA apparaît avoir été en deçà des attentes. Plus de deux ans ont été perdus pour les victimes entre l'adoption des principes de l'indemnisation et l'offre d'indemnisation alors que quelques semaines avaient été suffisantes pour l'indemnisation des victimes du terrorisme ou du VIH.
* 17 Le Fonds de Garantie est un organisme privé chargé d'une mission de service public institué par l'article L 421-1 du code des assurances. Doté de la personnalité civile, soumis au contrôle du ministère de l'Economie et des Finances, il groupe obligatoirement toutes les entreprises d'assurance agréées pour couvrir les risques de responsabilité civile automobile.
Depuis sa création, le Fonds de Garantie s'est vu confier la gestion de Fonds d'indemnisation spécifiques pour les victimes d'actes de terrorisme depuis 1986, pour les victimes d'infractions depuis 1991 et pour les transfusés et hémophiles contaminés par le virus du VIH depuis 1992.
* 18 Décision de reconnaissance de la maladie professionnelle par l'organisme social ou certificat médical attestant la maladie spécifique valant justification de l'exposition à l'amiante (arrêté du 5 mai 2002), copie d'une pièce d'identité ou d'un document précisant le lien de parenté avec la personne décédée.
* 19 En équivalent temps plein, 5,37 ont été facturés au FIVA en 2002, 15,62 en 2003 et 10 sur les trois premiers trimestres 2004.