TROISIÈME PARTIE :
LES CONDITIONS TECHNIQUES ET POLITIQUES DU
SUCCÈS DE LA RÉFORME
La réforme du pacte de stabilité est donc globalement insuffisante. Le Conseil européen ayant écarté la possibilité d'adapter l'interdiction d'avoir un déficit public supérieur à 3 % du PIB au taux d'endettement de chaque Etat membre, une telle réforme semble devoir être abandonnée à moyen terme. Cependant, la réforme essentielle consistant à inciter les Etats membres à mener une politique budgétaire appropriée en période de croissance forte pourrait être mise en oeuvre dans un cadre national. Avant d'examiner ce point, on s'interrogera sur les modalités d'une autre réforme, dont le succès est un préalable à toute réforme du pacte de stabilité : celle d'Eurostat.
I. UN PRÉALABLE : RÉALISER UNE VÉRITABLE RÉFORME D'EUROSTAT
Les Etats membres sont tenus de fournir des données statistiques relatives à leurs finances publiques à la Commission européenne, conformément à l'article 3 du protocole sur la procédure concernant les déficits excessifs annexé au traité CE, au règlement n° 3605/93 du Conseil relatif à l'application dudit protocole et au règlement n° 2223/96 du Conseil sur le système européen des comptes nationaux et régionaux dans la Communauté (SEC 95).
La pleine transparence de ces statistiques est importante non seulement pour le bon fonctionnement du pacte de stabilité, mais aussi pour celui des marchés financiers, qui doivent pouvoir convenablement évaluer la solvabilité des différents Etats membres, afin de signaler les erreurs de stratégie.
A. UNE INFORMATION STATISTIQUE À AMÉLIORER
1. Une nécessité reconnue depuis plusieurs années
La nécessité d'améliorer les données statistiques relatives aux finances publiques pour la mise en oeuvre du pacte de stabilité est reconnue depuis plusieurs années par les institutions communautaires.
Ainsi, le Conseil ECOFIN du 18 février 2003 a adopté des conclusions contenant un code de bonnes pratiques, conformément à une communication de la Commission européenne 46 ( * ) .
Ensuite, le Conseil ECOFIN du 2 juin 2004 a invité la Commission européenne « à renforcer le contrôle de la qualité des données budgétaires enregistrées et à lui faire rapport avant la fin de 2004 » et à lui présenter, d'ici juin 2005, une proposition en vue de la mise au point de « normes européennes minimales pour l'organisation institutionnelle des autorités compétentes en matière de statistiques (...) qui accentueraient la probité, l'indépendance et l'obligation de rendre des comptes exigées des instituts nationaux de statistique des Etats membres ».
2. La notification budgétaire grecque de septembre 2004
C'est dans ce contexte que la notification budgétaire grecque de septembre 2004 a fait apparaître d'importantes révisions des chiffres du déficit et de la dette pour les années 2000 à 2003.
Selon les données publiées par la Commission européenne, depuis 1997 le déficit public a en effet été supérieur d'environ 2 points de PIB chaque année aux chiffres communiqués par la Grèce. Il a en particulier toujours été supérieur à 3 % du PIB, comme l'indique le graphique ci-après.
Le solde public de la Grèce
(en points de PIB)
Source : Commission européenne
La procédure relative aux déficits excessifs a été déclenchée à l'encontre de la Grèce le 19 mai 2004, la Commission européenne ayant estimé le 7 mai que le déficit public en 2003 avait été non de 3 %, mais de 3,2 %. Bien que cette procédure soit en principe indépendante de l'affaire des statistiques budgétaires grecques, cette dernière n'a pas incité le Conseil à faire preuve de clémence. Ainsi, la Grèce est le seul Etat à avoir fait l'objet d'une mise en demeure par le Conseil, le 17 février 2005, de prendre des mesures afin de mettre fin à son déficit excessif (de 5,5 % du PIB en 2004, selon le chiffre communiqué par les autorités grecques à la Commission européenne).
Selon Eurostat, la révision à la hausse des déficits publics grecs s'explique, pour 90 %, par une sous-estimation des dépenses militaires et une surévaluation de l'excédent de la sécurité sociale ainsi que des recettes fiscales.
La Commission européenne a ouvert une procédure d'infraction contre la Grèce, à laquelle elle a adressé en décembre 2004 une lettre de mise en demeure.
3. Les récentes propositions de la Commission européenne
Inspirée notamment par l'affaire grecque, et conformément à la demande précitée du Conseil du 2 juin 2004, la Commission européenne a fait des propositions de réforme.
a) La communication du 22 décembre 2004
Le 22 décembre 2004, elle a adressé au Conseil et au Parlement une communication 47 ( * ) , proposant de renforcer la gouvernance de l'UE en matière de statistiques budgétaires. La réforme proposée comporterait trois points :
- modification de la législation, afin de permettre à Eurostat de contrôler directement les comptes des Etats ;
- augmentation des capacités opérationnelles de la Commission européenne, et plus particulièrement d'Eurostat et de la direction générale des affaires économiques et financières ;
- mise au point de normes européennes pour l'indépendance, l'intégrité et la responsabilité des instituts nationaux de statistique.
b) La mise en oeuvre de cette communication
(1) Le projet de règlement
La Commission européenne a adopté le 2 mars 2005 un projet de règlement modifiant le règlement précité n° 3605/93 sur deux points essentiels.
Tout d'abord, le projet de règlement prévoit qu'Eurostat se rendra dans les Etats membres afin d'effectuer des visites de contrôle approfondi, en plus de ses missions régulières, le but étant de vérifier les données fiscales transmises.
Ensuite, il entérine dans un texte juridique le code de bonnes pratiques précité du 18 février 2003.
(2) L'augmentation des capacités opérationnelles de la Commission européenne
Le renforcement des moyens financiers et humains d'Eurostat semble devoir être limité :
- dans un premier temps, cinq postes seraient pourvus par redéploiement interne ;
- en 2005-2006, douze nouveaux postes seraient créés (pour un effectif total de l'ordre de 650 personnes) ;
- les moyens financiers d'Eurostat seraient accrus de près de 400.000 euros (pour un budget annuel global de 65 millions d'euros) 48 ( * ) .
(3) Des propositions à venir en matière de réforme des instituts nationaux de statistique
Enfin, la Commission européenne devrait faire, avant la fin du premier semestre 2005, des propositions afin d'améliorer les normes européennes minimales concernant l'indépendance, l'intégrité et la responsabilité des instituts nationaux de statistique et d'Eurostat 49 ( * ) .
4. Les principes adoptés par le Conseil européen des 22 et 23 mars 2005
Le rapport précité du Conseil du 20 mars 2005, adopté par le Conseil européen des 22 et 23 mars , comprend un assez long développement relatif à l'amélioration des statistiques nationales en matière de finances publiques.
Deux points méritent une attention particulière.
Tout d'abord, le Conseil européen prévoit que « la Commission et le Conseil se penchent, durant l'année 2005, sur la question d'une meilleure gouvernance du système statistique européen ». La réforme du système statistique communautaire est donc, plus que jamais, à l'ordre du jour.
Ensuite, il affirme que « l'imposition de sanctions à l'encontre d'un Etat membre devrait être envisagée lorsqu'il y a violation de l'obligation de transmettre dûment les données gouvernementales ».
* 46 Communication de la Commission au Parlement européen et au Conseil sur la nécessité et les moyens d'améliorer la qualité des statistiques budgétaires. (COM(2002)670 final).
* 47 « Vers une stratégie européenne de gouvernance des statistiques budgétaires », communication de la Commission au Conseil et au Parlement européen, 12 décembre 2004.
* 48 Agence Europe, 3 mars 2005.
* 49 Source : Commission européenne, communiqué de presse du 2 mars 2005