(2) L'existence, néanmoins, de désaccords
Nul ne conteste les vertus des biocarburants en terme de lutte contre l'effet de serre et d'opportunités de débouchés pour l'agriculture.
Les débats se focalisent sur l'ampleur, l'urgence, la faisabilité et le coût des mesures à prendre pour les promouvoir, ainsi que sur la portée réelle de leurs avantages socio-économiques.
Ainsi, l'étude précitée de Price Waterhouse Coopers insiste sur le fait qu'une partie des coûts de la défiscalisation dont bénéficient les biocarburants est couverte par les recettes fiscales 61 ( * ) que leur production génère (dans la proportion de 15 % pour l'éthanol et de 33 % pour le gazole).
Les auteurs de ce document ont tenté de chiffrer aussi les externalités positives (diminution de l'effet de serre) et les autres avantages (indépendance énergétique, créations d'emplois) qui peuvent résulter d'un développement de l'utilisation de ces produits d'origine végétale.
Au total, 80 à 90 % du montant de la réduction d'impôt qui leur est accordée (245 millions d'euros pour 2005) seraient, en réalité, compensés par ces différents effets favorables.
Cette tentative rejoint celle de l'ADEME qui, de son côté, a essayé de calculer la valeur de la tonne de carbone économisée par l'usage des biocarburants pour évaluer le coût réel de leur défiscalisation.
La direction de la prévision du MINEFI conteste cette approche, principalement au motif que le coût - selon elle - trop élevé du soutien aux biocarburants (quel que soit son mode de prise en charge) conduirait à effectuer un prélèvement sur la consommation nationale de plus d'un milliard d'euros en 2010 (à fiscalité inchangée), si les objectifs de la directive européenne de mai 2003 étaient respectés.
En tout état de cause, de toutes les solutions envisageables pour réduire les émissions à effet de serre des transports terrestres 62 ( * ) , le développement de la consommation, en mélange avec les carburants fossiles, des additifs végétaux actuellement disponibles 63 ( * ) est la seule qui puisse être mise en oeuvre rapidement et à la large échelle.
(3) Des mesures importantes prises ou annoncées
Sur la base des considérations qui précèdent concernant leurs avantages et en vue de se conformer aux objectifs des directives européennes 64 ( * ) , un certain nombre de mesures importantes ont été prises ou annoncées à la fin de 2003 et durant l'année 2004.
- Tout d'abord, le Parlement a voté, à l'initiative de l'Assemblée nationale, dans le cadre de l'examen du collectif budgétaire de la fin de l'année 2003, un amendement tendant à accorder à l'éthanol, utilisé en mélange direct à l'essence, une réduction de TIPP .
Jusqu'à présent, cet avantage était réservé, en effet, à l'ETBE 65 ( * ) dont le bilan écologique est beaucoup moins favorable car il comprend, majoritairement, un hydrocarbure, l'isobutène, résidu du raffinage de produits pétroliers.
Il en était résulté, comme le reconnaît le Conseil économique et social et selon les propres termes de son avis précité, un « freinage important », par le passé, de l'expansion de la filière éthanol, soumise ainsi à un « verrouillage pétrolier ».
- Puis, toujours à l'initiative de nos collègues députés, a été introduit dans le projet de loi d'orientation sur l'énergie , actuellement en cours de navette entre les deux Assemblées, le 5 mai 2004, un article enjoignant l'Etat de créer les conditions permettant de respecter les objectifs de la directive « promotion » européenne (soit 2 % d'incorporation au 31 décembre 2005 et 5,75 % au 31 décembre 2010).
- Au mois de juillet 2004, le ministère de l'écologie et du développement durable a publié un « plan climat » assez vague, puisqu'il se contente d'annoncer la mise en place « progressive » d'une utilisation « renforcée » des biocarburants pour se conformer aux objectifs européens. Ces derniers impliquent un décuplement de nos capacités de production actuelles d'ici 2010, dont devrait résulter une diminution de 7 millions de tonnes d'équivalent CO 2 de nos émissions de gaz à effet de serre.
- Ensuite, le Premier ministre , dans son discours de Venette du 7 septembre 2004, a fixé comme objectif pour 2007 le triplement de la production de biocarburants par la construction de quatre usines de nouvelle génération (non comprise celle de Sète 66 ( * ) ) produisant chacune 200.000 tonnes par an. Il serait procédé à un premier appel d'offres avant le printemps 2005 et un effort comparable serait à accomplir, dans une deuxième phase, pour atteindre l'objectif de 5,75 % en 2010. Le calendrier correspond à celui des scénarios de l'ADEME qui exclue, dans l'hypothèse d'une incorporation obligatoire, que le seuil de 2 % puisse être atteint avant 2007.
- Enfin, l'Assemblée nationale, lors de l'examen de la première partie du projet de loi de finances pour 2005 a adopté des amendements tendant à accroître de 130.000 tonnes le quota soumis à une réduction de TIPP et à majorer l'impôt sur les sociétés des distributeurs de carburants qui ne respectent pas les taux d'incorporation préconisés par l'Union européenne .
Le Parlement a donc été le « moteur » des progrès enregistrés pour la promotion de l'usage des biocarburants, en conformité avec les objectifs communautaires .
* 61 L'« effet volume », notamment, induit par la moindre capacité énergétique d'un volume de biocarburant par rapport au même volume de carburant classique, conduirait à des recettes supplémentaires de TIPP et de TVA susceptibles de couvrir une part substantielle du coût de la défiscalisation découlant des normes d'incorporation européennes (à hauteur du tiers, selon l'ADEME, pour l'objectif de 2 % et de la moitié pour celui de 5,75 %).
* 62 Mise au point de nouveaux moteurs plus économes en carburants, d'éthanol à base de ligno-cellulose, de piles à combustible permettant l'utilisation d'hydrogène....
* 63 Ethanol à base de betterave, de blé ou de maïs ou huiles végétales à base de colza ou de tournesol.
* 64 Directives : « promotion » n° 2002-1756 du 30 décembre 2002 et « taxation » 2003/96/CE du 27 octobre 2003.
* 65 Ethyl-tertio-butyl-éther.
* 66 Unité de trituration de soja en cours de reconversion.