3. L'expérience danoise : une réussite bien réelle qui mérite attention
a) Un modèle fiscal atypique
Votre président et votre rapporteur général se sont rendus à Copenhague les 18 et 19 octobre 2004 afin de tirer certains enseignements de l'expérience danoise.
En effet, le Danemark a adopté en 1987 une réforme fiscale d'envergure : entre 1987 et 1989 , les cotisations sociales versées par les employeurs ont été pratiquement supprimées tandis que le manque à gagner pour les finances publiques a été compensé par une augmentation de 3 points du taux de TVA , qui s'établit à 25 %.
Ce niveau du taux de TVA, inchangé depuis lors, a été fixé dans le cadre d'un compromis tripartite entre le gouvernement, le patronat et les syndicats. Il était alors destiné à stabiliser l'économie danoise, à un moment où une surchauffe de cette économie et les contraintes du taux de change fixe avec le deutschemark faisaient craindre pour elle une perte de compétitivité. Le transfert de charge au consommateur est apparu comme la solution raisonnable. Il en résulte un modèle fiscal tout à fait original .
Le tableau suivant retrace la structure des prélèvements au Danemark, en la comparant à la moyenne de celles de l'Union européenne et de l'OCDE :
Structure comparée des prélèvements au Danemark (2002) |
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(en %) |
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Danemark |
UE à 15 |
OCDE |
Impôt sur le revenu des personnes physiques |
53,2 |
25,8 |
26,0 |
Impôt sur les sociétés |
5,8 |
8,6 |
9,3 |
Cotisations sociales |
3,4 |
28,1 |
25,4 |
Taxes sur la propriété |
3,5 |
4,9 |
5,5 |
Taxe générale sur la consommation |
19,9 |
18,6 |
18,7 |
Taxes spécifiques sur la consommation |
11,4 |
9,9 |
11,3 |
Divers |
0,5 |
1,9 |
1,8 |
TOTAL |
100 |
100 |
100 |
Source : ministère danois des finances |
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Votre rapporteur général tient à souligner que, en dépit du niveau particulièrement élevé de ses prélèvements obligatoires, le Danemark présente l'un des plus hauts degrés d'acceptation du système fiscal par l'opinion. Ni le montant considérable, pour chaque ménage, de l'impôt sur le revenu, ni le niveau élevé du taux de TVA, ni l'étendue de son assiette qui est la plus large d'Europe, ni l'absence de taux réduits n'y sont considérés comme faisant problème.
L'accord passé sur la TVA sociale n'a jamais été remis en question depuis 1987. L'ensemble des interlocuteurs rencontrés par votre président et votre rapporteur général estiment, en effet, que l'instrument fiscal a essentiellement besoin de stabilité , doit être modifié le moins souvent possible et qu'il ne doit pas l'être pour des raisons de politique conjoncturelle. Les règles fiscales sont claires et appliquées à tous, ce qui permet de lutter contre le sentiment d'injustice ou de favoritisme fiscal. Soucieux en permanence de « benchmarking » et désireux d'accroître au maximum l'efficacité de la dépense (concept du « best value for money »), les danois sont ainsi peu sensibles aux allègements conjoncturels des prélèvements qu'ils jugent factices car devant être nécessairement financés à terme.
Le « modèle fiscal » danois
Le « modèle fiscal » danois combine les traits suivants :
- le niveau de prélèvements obligatoires est très élevé : selon les méthodes de comptabilisation ce niveau tourne autour de 50 %. A méthodologie comparable, le niveau des prélèvements obligatoires est au moins supérieur de 5 points de PIB à celui de la France.
- la répartition des prélèvements obligatoires entre leurs différentes sources suit un modèle tout à fait original parmi les pays de l'OCDE , ainsi que l'a montré le tableau précédent. Ce sont essentiellement les impôts d'Etat et la fiscalité locale, auxquels s'ajoutent quelques cotisations sociales à la charge des seuls salariés, qui financent les dépenses de santé, la politique de l'emploi, l'éducation et la formation professionnelle, ainsi que le premier étage du système de retraites.
- l'essentiel du financement du système de protection sociale relève des ménages, par le biais de l'impôt sur le revenu et de la TVA. Au total, en incluant la part prélevée par les communes et comtés, le taux marginal d' impôt sur le revenu s'élève à 62,9 % pour un revenu supérieur à 331.304 couronnes danoises (soit environ 44.500 euros). Le taux moyen effectif de prélèvement s'établit à environ 45 %. Ce sont donc des taux particulièrement élevés , même si des possibilités de déductions de la base imposable assez larges existent : intérêts des emprunts immobiliers sous plafond, déductibilité totale des cotisations retraites. Le taux de TVA, qui s'établit à 25 %, est le plus élevé d'Europe, ce qui peut inciter au développement de l'économie parallèle ou au commerce transfrontalier. Il ne connaît pas de taux réduit, et que très peu d'exonérations (éducation, presse, services financiers, assurances, transports de personnes). De même, les accises sont très élevées. Il faut en outre souligner que, depuis 1996, le Danemark ne connaît plus d'impôt sur le patrimoine, à l'exception des impositions foncières.
- par voie de conséquence, l'imposition venant grever les coûts de production des entreprises sont réduits au minimum . Les entreprises ne supportent pratiquement plus de charges sociales depuis 1987. Le seul élément restant à leur charge est leur contribution partielle au deuxième étage du système de retraites, qui en comporte trois, et qui peut s'analyser comme un élément de salaire différé.
Le retour à un financement des dépenses sociales par cotisations sociales affectées n'a paru, à aucun de ces interlocuteurs, comme une piste d'avenir au Danemark , même si le gouvernement précédent a requalifié en 2001 une fraction de l'impôt sur le revenu en une sorte de CSG de 8 % assise sur le revenu imposable. Dans les faits, l'opinion ne fait pas la différence entre l'impôt sur le revenu et cette CSG, prélevée comme lui à la source et sur la même assiette.
Il faut rappeler qu'il est difficile de comparer la répartition des prélèvements au Danemark entre collectivités selon un schéma français : il n'existe pas de charges sociales car les prestations sociales sont financées par l'impôt. De ce fait, l'impôt collecté est destiné à la fois, comme en France au financement des dépenses de fonctionnement, de santé, d'éducation mais aussi de prestations sociales (indemnités de chômage, congés maladies, maternité, allocations vieillesse, invalidité, dépendance, etc...).