I. LA MISE EN PLACE RAPIDE DE L'AUTORITÉ DES MARCHÉS FINANCIERS : UN SUCCÈS À CONFIRMER
L'Autorité des marchés financiers a été installée le 24 novembre 2003, moins de quatre mois après la publication de la loi de sécurité financière du 1 er août 2003. Elle est issue de la fusion du Conseil des marchés financiers (CMF), créé en 1996, de la Commission des opérations de bourse (COB), constituée en 1967, et du Conseil de discipline de la gestion financière (CDGF), mis en place en 1989.
A titre liminaire, votre rapporteur général se félicite que la mise en place de l'AMF n'ait entraîné aucune rupture dans l'action du régulateur .
A. UN STATUT RENFORÇANT L'EFFICACITÉ DU RÉGULATEUR
1. Le statut original d'une autorité conjuguant les cultures de la Commission des opérations de bourse et du Conseil des marchés financiers
L'AMF dispose de la personnalité morale , ce qui la distingue des autorités antérieures ayant fusionné en son sein, dotées d'un statut d'autorité administrative indépendante, s'agissant de la COB et du CDGF, ou qui s'en rapprochait dans le cas du CMF. Dans son rapport en première lecture sur la loi de sécurité financière, votre rapporteur général avait mis en exergue ces différences statutaires :
« La COB est une autorité administrative indépendante (AAI) , comme l'a reconnu le Conseil constitutionnel en 1989. Le législateur a entériné cette qualification en 1996 . Aujourd'hui, elle se retrouve à l'article L. 621-1 du code monétaire et financier. Partie intégrante de l'Etat comme toute AAI, la COB n'est pas dotée de la personnalité morale.
« Le Conseil des marchés financiers (CMF) a connu des qualifications juridiques diverses : le législateur l'a qualifié d' « autorité professionnelle dotée de la personnalité morale » ; la Cour d'Appel de Paris, d'« organisme privé » ; le Conseil d'Etat, d'« organisme administratif ». Une partie de la doctrine a ainsi pu lui reconnaître le statut d'AAI à raison notamment de sa composition collégiale et de ses pouvoirs propres, mais la notion d'autorité « administrative » (c'est-à-dire faisant partie intégrante de l'Etat), dotée d'une personnalité morale propre (c'est-à-dire distincte de l'Etat) heurte les raisonnements traditionnels.
« Quant au Conseil de discipline de la gestion financière (CDGF) , s'il n'est pas qualifié dans les textes législatifs, il est reconnu par la doctrine comme réunissant les caractéristiques d'une AAI , à raison notamment de sa composition et de son pouvoir disciplinaire à l'égard des gestionnaires de l'épargne collective. En toute logique, le CDGF ne dispose pas de la personnalité morale » 41 ( * ) .
S'agissant de l'AMF, « dans le nouvel article L. 621-1 du code monétaire et financier, tel que proposé par le présent article, l'AMF inaugure un nouveau statut, celui d'« autorité publique indépendante dotée de la personnalité morale ».
« L'AMF est assurément une « autorité » . Elle dispose de prérogatives de puissance publique qui vont au-delà d'un simple rôle consultatif puisqu'il est prévu, comme pour la COB actuellement, que l'AMF soit dotée de nombreux pouvoirs de décision, d'injonction, d'avis, de sanction, d'investigation ».
« Le gouvernement a en outre conféré la personnalité morale à l'AMF, ce qui la distingue de la COB et du CDGF. Cette qualification juridique présente essentiellement trois avantages :
« 1 - la personnalité morale permet de renforcer la souplesse de fonctionnement de l'AMF (tant à l'égard de ses ressources puisqu'elle peut disposer de recettes fiscales affectées , que de son patrimoine ou de son personnel) ;
« 2 - elle permet également à l'AMF d'être pleinement responsable de ses actes, ce qui devrait renforcer son autorité : elle peut agir en justice et être attraite devant les tribunaux et ce n'est désormais plus la responsabilité de l'Etat qu'elle engage par ses actes dommageables mais sa responsabilité propre ;
« 3 - elle permet de renforcer la visibilité internationale de l'autorité.
« L'AMF est une personne publique , ce qui la distingue du CMF qui est doté d'une personnalité privée (...).
« Enfin, le texte précise que l'AMF est « indépendante » . Le simple octroi de la personnalité morale ne garantit pas l'indépendance. En effet, un établissement public est une personne morale de droit public dont l'indépendance est limitée par l'exercice du pouvoir de tutelle. Dans le cas de l'AMF, ses principales règles de fonctionnement confirment ce caractère d'indépendance puisqu'elle n'est pas soumise au pouvoir hiérarchique du ministre ni à sa tutelle : elle ne reçoit ni ordre ni instruction du gouvernement ; sa composition collégiale (avec notamment la présence de membres des hautes juridictions), le statut de ses membres et notamment le caractère irrévocable de leur mandat, la durée fixe et longue de celui-ci, et le régime des incompatibilités, la dispense de contrôle financier préalable, sont autant d'éléments qui attestent cette indépendance. Elle constitue une garantie renforcée de l'impartialité de notre système de régulation , particulièrement importante pour la crédibilité internationale de décisions à caractère économique et financier » 42 ( * ) .
Ce nouveau statut - qui a été étendu à la CCAMIP, sur l'initiative de votre commission - garantit l'indépendance nécessaire à un régulateur unique des marchés financiers, dont la légitimité est réaffirmée à l'égard de ses homologues étrangers. L'AMF a su conjuguer les qualités traditionnellement reconnues à la COB - sa rigueur et sa sévérité - et celles du CMF, dont la réactivité, en implication avec les professionnels, était saluée. Votre rapporteur général juge cette rigueur indispensable à l'affermissement de la confiance dans les marchés financiers .
Lors de la présentation de la nouvelle architecture de l'AMF, le 12 février 2004, M. Gérard Rameix, secrétaire général de l'AMF, a estimé que la mise en place d'une seule direction pour la surveillance des marchés était plus particulièrement facteur de « synergies » entre la COB et le CMF. Celles-ci devaient en particulier se traduire par l'intégration des deux logiciels de recherche et de détection des irrégularités de marché utilisés précédemment par le CMF et la COB (cf. encadré ci-dessous) .
Le système informatique IRIS de détection des irrégularités de marché utilisé par l'AMF
Afin de détecter les irrégularités de marché, l'AMF dispose du système IRIS qui permet de visualiser la totalité du carnet d'ordres , y compris les ordres cachés, et d' identifier immédiatement les intermédiaires grâce à leur code.
Largement automatisé, le dispositif est fondé sur environ 70 tests statistiques qui analysent la nuit les transactions de la veille. Les transactions sur lesquelles ont été détectées le taux d'anomalies le plus élevé font ensuite l'objet d'un examen plus approfondi.
L'AMF utilise également des moteurs de recherche des forums de discussion, susceptibles de révéler des faits délictueux.
La qualification d'autorité publique indépendante dotée de la personnalité morale peut toutefois comporter certains inconvénients : l'AMF doit apprendre à gérer elle-même les ressources qui lui sont affectées et recruter son propre personnel ; en outre, la responsabilité de l'AMF - et non plus celle de l'Etat - peut être engagée devant les tribunaux, ainsi que l'a relevé M. Gérard Rameix, secrétaire général de l'AMF, lors de son audition par votre rapporteur général.
Votre rapporteur général se félicite toutefois de constater que, en raison probablement de la mise en place rapide de l'AMF, elle semble avoir plus facilement surmonté que la CCAMIP les obstacles que pouvait comporter son nouveau statut .
* 41 Sénat, rapport n° 206 (2002-2003), p. 49-50.
* 42 Ibid., p. 49-50.