EXAMEN EN COMMISSION
Réunie le mardi 20 juillet 2004, la commission a entendu la communication de M. Jean Arthuis, président, sur l'informatisation de l'Etat.
M. Jean Arthuis, président, a exposé que, malgré l'énormité des sommes et des projets en jeu, l'informatisation était trop souvent considérée comme une question technique complexe et obscure, à laisser entre les mains de spécialistes. Il a ajouté que les enjeux devraient pourtant conduire à envisager cette question sous son aspect politique et que le Parlement était vraiment dans son rôle quand il se préoccupait de l'informatisation de l'Etat. Il a rappelé le cadre dans lequel intervenait sa communication, observant que le contrôle budgétaire avait été « sanctuarisé » par l'article 57 de la loi organique du 1er août 2001 relative aux lois de finances (LOLF) et élevé au « rang de priorité » par la commission des finances lors de son séminaire de Compiègne en février 2004.
Il a estimé préférable, dans un premier temps, pour le traitement d'un sujet particulièrement vaste, d'aborder la problématique générale de l'informatisation publique.
M. Jean Arthuis, président, a indiqué qu'il avait procédé pour cela à l'audition de diverses personnalités, par exemple les conseillers pour la société de l'information de cabinets ministériels et des directeurs de services d'information et de communication de ministères, des représentants de sociétés d'audit ou de conseil, précisant en outre que des questionnaires assez complets avaient été adressés aux quinze principaux ministères, qu'il a remerciés pour la qualité de leurs réponses.
Il a proposé que, après la publication d'un « rapport d'étape », la commission poursuive dans une seconde phase son travail avec des investigations plus concrètes au moyen de « coups de projecteurs » sur certains ministères ou services de l'Etat, ce qui permettrait à chaque rapporteur spécial intéressé de participer à cette mission de contrôle. Il a suggéré, d'abord, d'évaluer l'effort financier de l'Etat pour son informatisation, puis de voir comment une meilleure coordination et un vrai pilotage politique seraient de nature à favoriser une meilleure maîtrise du processus et, enfin, de déterminer dans quelle mesure la réforme de l'Etat était subordonnée à une bonne informatisation.
M. Jean Arthuis, président, a exposé que la problématique de l'informatisation de l'Etat était ancienne puisqu'il avait existé dès 1967 un délégué à l'informatique, alors M. Robert Galley, chargé de mettre en oeuvre le « Plan calcul ». Il a observé que les objectifs étaient cependant alors bien davantage liés à des préoccupations de politique industrielle, le développement d'une industrie nationale de l'informatique, qu'à la volonté de moderniser l'administration par des outils nouveaux.
Il a précisé que des préoccupations de gestion étaient apparues dès les années 1980 dans certains ministères pilotes, comme celui des finances, où avaient été introduits de longue date des systèmes chargés d'automatiser le traitement de données économiques et fiscales.
M. Jean Arthuis, président, a observé que des structures administratives de coordination existaient également, qui avaient suscité des schémas directeurs informatiques au sein des ministères, comme celui de l'intérieur dès 1994.
A propos du sentiment de retard français, ressenti vers les années 1996 1997 au moment de l'apparition des nouvelles technologies et de la bulle Internet, il a formulé l'hypothèse selon laquelle la dépense informatique, d'un montant limité, serait restée alors sans doute trop concentrée sur quelques projets, dans certains ministères, sans avoir irrigué le fonctionnement de l'administration. Il a observé que la relation au citoyen n'était pas perçue en termes de service et que, à l'époque, la greffe informatique n'avait pas encore pris dans l'administration.
M. Jean Arthuis, président, a souligné que, depuis, un effort de rattrapage avait été engagé, observant le caractère multiforme de la dépense informatique, puisqu'elle comprenait des équipements, des logiciels, de la maintenance, de la formation et de l'ingénierie, et que ses contours budgétaires restaient parfois flous, comme au ministère de l'intérieur, où les dépenses de formation des utilisateurs étaient, ainsi, à la charge du service du personnel et non du service de l'informatique.
Il a précisé qu'en 2003, les dépenses d'informatisation de l'Etat s'étaient élevées à 2,496 milliards d'euros et qu'elles représentaient ainsi 0,9 % des dépenses nettes du budget général, contre 2,2 milliards d'euros, soit 0,85 % des dépenses nettes en 2000. Il a estimé que la tendance depuis ces dernières années était donc à la constance dans l'effort et précisé que, parmi ces dépenses, celles de personnel représentaient 39 %, celles de logiciels 9 % du total, celles de matériels 27 % et celles consacrées aux réseaux 8 %, spécifiant que les prestations sous-traitées correspondaient à 17 % des dépenses informatiques de l'Etat.
M. Jean Arthuis, président, se félicitant de cette progression des crédits, a regretté que les crédits alloués à l'informatique n'étaient pas été exempts de toute régulation budgétaire en 2002 et 2003, puisque les dépenses informatiques représentaient 0,92 % du budget général en 2001, que leur part était tombée à 0,87 % en 2002, puis s'était légèrement redressée en 2003. Il a souligné que, comme au ministère de l'intérieur, les crédits informatiques étaient plus fortement « régulés » que les autres dépenses, ce qui expliquait le taux insuffisant de consommation des crédits, qui, hors chapitres globalisés et dépenses de personnel, s'élevait à 73,1 % en 2002 et à 81,9 % en 2003.
M. Jean Arthuis, président, a observé que les efforts variaient fortement d'un ministère à l'autre, puisqu'à Bercy, les dépenses informatiques représentaient 6 % des crédits du ministère. Il a évoqué l'engagement, lié à la mise en oeuvre d'un contrat de performances, pris par M. Bruno Parent, directeur général des impôts (DGI), lors de son audition par la commission des finances le 13 juillet 2004, consistant à réduire les effectifs de 2.500 unités en trois ans, ce qui correspondait au non-remplacement d'environ un départ à la retraite sur deux. Il a ajouté que l'effort était également significatif au ministère de la défense, où les dépenses informatiques représentaient 1,9 % du total, et au ministère de l'équipement où ce chiffre s'élevait à 3,5 %, mais que l'effort paraissait très limité pour l'enseignement scolaire, où l'investissement informatique représentait 0,5 % des dépenses totales, au ministère de la santé et pour l'enseignement supérieur où ces pourcentages étaient respectivement de 0,3 % et de 0,4 %. Il a observé que les ministères de l'économie, des finances et de l'industrie et de l'équipement étaient ceux où la réforme des administrations avait le plus progressé et ceux où les effectifs avaient le plus diminué ces dernières années, précisant que l'investissement informatique pouvait y être mené à enveloppe budgétaire constante. Il a rappelé que M. Bruno Parent, directeur général des impôts (DGI), avait précisé, lors de son audition, que les contrats de performances avaient permis à la DGI d'échapper aux mesures de régulation budgétaire, y compris en ce qui concernait ces enveloppes informatiques, et que cet avantage constituait le corollaire des efforts de réduction des effectifs. Il a relevé que la démonstration inverse était vraie, notamment au sein du ministère de l'éducation nationale, où les gains de productivité apparaissaient plus limités.
Abordant ensuite les points de comparaisons tant avec les Etats étrangers qu'avec les autres administrations publiques françaises et les entreprises privées, M. Jean Arthuis, président, a indiqué que, selon le cabinet Accenture, la France se caractérisait par un taux de pénétration d'Internet relativement faible, puisque moins de 30 % des Français se connectaient à Internet au moins une fois par semaine, contre 80 % en Suède ou 53 % au Royaume-Uni, mais aussi par un taux élevé de pénétration de l'administration électronique parmi les utilisateurs d'Internet (85 %).
Il a souligné que le palmarès établi par Accenture plaçait la France au 8 e rang sur 22 pour son administration électronique, ajoutant que l'Etat apparaissait plutôt en avance sur les autres administrations publiques, puisque sa part dans les investissements atteignait 60 %, contre 16 % pour les collectivités territoriales, 16 % pour le secteur social et 8 % pour le secteur de la santé. Il a estimé que la mutualisation avec les collectivités territoriales devait donc constituer une priorité, pour que l'informatisation devienne un vecteur de la réforme de l'Etat, au plus près des citoyens.
M. Jean Arthuis, président, se référant à une estimation de Pierre Audoin Consultants, a précisé que le secteur privé représentait 85 % des dépenses en technologies de l'information en France et que l'ensemble des administrations n'avait donc réalisé que 15 % de cette dépense en 2003, chiffre qu'il a rapproché des 55 % de PIB représentant le montant total de la dépense publique. Il a toutefois relevé que le rythme de progression des dépenses publiques d'informatisation était deux à trois fois supérieur (4 % par an) à celui de l'ensemble des dépenses de l'Etat (1 % à 2 % par an).
Il a jugé que, d'une manière générale, l'inversion des priorités, du fonctionnement vers l'investissement, était susceptible d'enclencher un « chaînage vertueux » de substitution d'une catégorie à l'autre et que, tout particulièrement, le développement des investissements informatiques pouvait être à l'origine de la transformation d'une « administration de main-d'oeuvre » vers une « administration de compétences ». Il a exposé qu'au ministère de l'économie, des finances et de l'industrie, les gains de productivité engendrés par la mise en place de systèmes informatiques, permettant de fusionner de nombreuses applications existantes et évitant les doublons entre la direction générale des impôts et la direction générale de la comptabilité publique, s'établissaient à un peu plus de 1 % chaque année.
M. Jean Arthuis, président, a estimé possible pour le budget de l'Etat de tirer profit des dividendes de ces gains de productivité, car ceux-ci permettaient des économies de personnel, précisant que sans doute 1,14 % des effectifs budgétaires de Bercy seraient en conséquence supprimés en 2004. Il a précisé que la direction générale des impôts estimait, ainsi, que les gains issus de la seule procédure de télédéclaration des revenus s'élèvaient à environ 140 ou 150 emplois, pour 1,25 million de télédéclarants.
Il a indiqué que, conscient de ces perspectives, le gouvernement évaluait les gains de productivité à attendre du développement de l'administration électronique à un montant compris entre 5 et 7 milliards d'euros par an à partir de 2007 et que les gains observés en France et à l'étranger sur les projets d'administration électronique dépasseraient en effet le plus souvent les 25 à 30 %, bien que, par prudence, le gouvernement ait retenu une approche de 7 à 10 %, ce taux s'appliquant aux seules dépenses de fonctionnement courant de l'Etat, soit environ 70 milliards d'euros.
M. Jean Arthuis, président, a jugé que le retour sur investissement à attendre des dépenses informatiques était donc considérable, ce qui devait inciter à dépenser davantage en matière d'administration électronique, en portant l'effort de 0,9 % à 1 % du budget général, ajoutant qu'il convenait naturellement d'éviter le gaspillage et de privilégier les projets les plus performants. Il a souligné que la négociation des crédits informatiques entre la direction du budget et les services devait s'effectuer sur la base des gains de productivité attendus, qu'il s'agisse de la réduction du nombre d'agents, de la diminution de dépenses récurrentes ou au contraire de l'accroissement de recettes récurrentes.
Il a fait valoir que, dès lors que les retours sur investissement étaient démontrés, il convenait ensuite de « sanctuariser » ces crédits et de prohiber tout gel ou annulation les concernant et que la maîtrise du processus d'informatisation requérait une coordination efficace des politiques conduites.
M. Jean Arthuis, président, a rappelé que le gouvernement avait procédé à la rationalisation et au renforcement des structures de coordination interministérielle, aujourd'hui regroupées au sein de l'Agence pour le développement de l'administration électronique (ADAE), successeur en 2003 de l'Agence pour le développement des technologies de l'information et de la communication dans l'administration (ATICA).
Il a précisé que le rattachement de l'ADAE aux services du Premier ministre devrait lui donner l'autorité nécessaire pour coordonner les projets d'informatisation de l'Etat et que l'ADAE avait pu assister en 2004 aux conférences budgétaires, la confortant dans son rôle de coordinateur de la politique d'informatisation de l'Etat qui devait disposer d'une vue d'ensemble cohérente.
M. Jean Arthuis, président, a jugé que les projets informatiques de l'administration souffraient d'un éclatement qui reproduisait les cloisonnements de l'administration entre ministères, voire entre les directions de certains ministères, citant en particulier le cas du ministère de l'économie, des finances et de l'industrie. Jugeant impératif de « casser l'administration en silos » pour dégager des gains de productivité, il a ajouté que les mêmes carences s'observaient au niveau local, chaque service déconcentré dépendant des orientations arrêtées au niveau central, qu'il s'agisse des choix d'équipement ou du développement des « applications métiers ». Il a précisé qu'il n'existait aucune commission départementale susceptible de conforter le préfet dans un rôle de coordinateur, jugeant souhaitable la mise en place d'agences régionales comme interfaces de l'ADAE pour répondre à ce défaut de coordination.
Il a regretté que près de 30 systèmes informatiques des ressources humaines aient été développés dans les administrations centrales, précisant que, avec l'appui des services du Premier ministre, le rôle de l'ADAE visait à piloter la constitution d'un centre de ressources et, plus généralement, à permettre une gestion globale des crédits, dans le cadre de la fongibilité asymétrique prévue par la loi organique du 1er août 2001 relative aux lois de finances (LOLF).
Abordant le pilotage de la politique d'information et de communication, il a observé que le responsable des services d'information et de communication du ministère de l'intérieur était le seul responsable informatique d'un ministère ayant le grade de directeur, se situant donc à un niveau lui permettant de « compter » lorsque les arbitrages devaient être pris.
M. Jean Arthuis, président, a fait valoir que les arbitrages nécessaires ne pouvaient être valablement attendus de services et de fonctionnaires n'ayant pas une position hiérarchique suffisamment élevée. Il a proposé que les services ministériels chargés de l'impulsion de la politique informatique soient érigés en directions et que les responsables administratifs de ces services aient le grade de directeur.
Il a exposé que plusieurs responsables de sociétés d'audit ou de conseil s'étaient étonnés, lors de leur audition, de ce qu'en France, contrairement à la situation qui prévalait dans les pays anglo-saxons, les gouvernements étaient victimes d'une « illusion technologique » selon laquelle la mise en place d'outils technologiques tenait lieu de politique d'informatisation et pouvait dispenser les politiques de leurs responsabilités alors qu'il leur appartenait de décider des missions de l'administration et des moyens qui doivent être mis en oeuvre.
M. Jean Arthuis, président, a préconisé un nouveau regard sur l'informatisation de l'Etat, qui ne pouvait plus être considérée comme une «obscure question » du ressort de quelques techniciens de rang hiérarchique modeste et que, s'agissant d'une question politique, une autre communication soit mise en place pour en finir avec cette « vision technique démobilisatrice».
Il a proposé que la stratégie informatique de l'Etat soit plus fortement subordonnée à des orientations politiques clairement définies. Il a souhaité ainsi que le rang de ministre soit conféré au membre du gouvernement chargé de la réforme de l'Etat et que lui soit adjoint un ministre délégué pour les nouvelles technologies et pour l'informatisation de l'Etat.
Traitant de la mise en oeuvre des projets, il a observé que ceux conduits par une volonté politique forte, comme le système de gestion de la politique agricole commune, « ne pouvaient souffrir aucun retard », comme l'avait souligné le ministère de l'agriculture, celui-ci reconnaissant que, en dehors d'un contexte d'une telle nature, les délais étaient nécessairement plus longs.
M. Jean Arthuis, président, a évoqué, parmi les explications fournies par les ministères au sujet des lenteurs administratives, l'application du code des marchés publics, qui supposait une procédure longue et complexe, ainsi que la mise en oeuvre de la législation sur les données personnelles.
Il a fait valoir que certaines résistances pouvaient provenir d'interrogations d'agents publics sur le devenir de leur poste de travail et sur la crainte d'une surcharge de travail, d'une période transitoire incertaine ou encore du souci de préserver des avantages acquis, ajoutant que des « résistances corporatistes » pouvaient parfois bloquer un processus d'informatisation. Préconisant l'association des personnels à l'informatisation de l'Etat, il a relevé la préoccupation du secrétariat d'Etat à la réforme de l'Etat de privilégier la préparation des agents aux nouvelles technologies et leur association aussi étroite que possible aux évolutions.
M. Jean Arthuis, président, soulignant l'importance de la formation pour permettre aux agents de percevoir tout l'intérêt qu'ils pourraient tirer du profil de leur nouveau métier, a précisé que le plan du gouvernement pour l'administration électronique prévoyait, pour chaque entité administrative, l'affectation, à enveloppe constante, de 20 % de ses crédits de formation à la préparation des agents à l'administration électronique.
Abordant ensuite le thème de l'évaluation critique de la gestion des personnels informatiques de l'Etat, il s'est interrogé sur la « frilosité » de l'administration française devant l'externalisation, contrairement à la situation dans les pays anglo saxons. Il a relevé que le recours à des moyens externes, souvent limité par la crainte de devoir « affronter » le code des marchés publics, n'était envisagé que pour pallier la faiblesse des ressources internes, et non comme un moyen de réaliser des économies.
M. Jean Arthuis, président, a considéré que les corps de fonctionnaires affectés à l'informatique n'apparaissaient pas valorisés : les «nouveaux métiers » avaient dû se fondre dans des statuts rigides et donc inadaptés à la réalité de leurs missions, les promotions obéissant à des procédures statutaires qui n'intégraient pas les réalisations accomplies dans les domaines des technologies de l'information.
Traitant ensuite de l'apport de l'informatisation à la réforme de l'Etat, il s'est référé à la « grille de lecture » proposée par le cabinet Accenture, distinguant le service rendu à l'usager, dit « front office », du développement d'applications spécifiques aux métiers et à la fonction administrative, le «back office ».
Concernant les services rendus aux usagers, M. Jean Arthuis, président, a observé que les orientations françaises tendaient à concilier la simplification de la vie administrative avec la préservation des libertés et que les formalités administratives en ligne permettaient de s'affranchir des contraintes spatiales et temporelles, tout en gagnant en rapidité, voire en simplicité. Jugeant la diffusion de l'accès à Internet comme une condition déterminante des progrès de l'administration en ligne, il a estimé fondamental que le programme gouvernemental vise à mettre tous les Français qui le souhaitaient en capacité d'accéder à Internet et à l'administration électronique d'ici à l'horizon 2007. Jugeant également important que les usagers bénéficient d'une incitation financière à l'usage des téléprocédures, il a rappelé la mise en place, à l'initiative de la commission des finances du Sénat, d'une réduction d'impôt sur le revenu de dix euros en faveur des télédéclarants, souhaitant élargir des mesures d'une telle nature à d'autres impôts et à la sphère sociale, particulièrement en direction des PME. Il a rappelé l'objectif gouvernemental prévoyant que 100 % des procédures administratives puissent faire l'objet d'une téléprocédure en 2007 et cité plusieurs exemples significatifs de l'état d'avancement de ce programme.
M. Jean Arthuis, président, a ainsi précisé qu'il existait aujourd'hui plus de 200 téléservices publics, que plus de 90 % des formulaires administratifs étaient disponibles en ligne, contre 74 % en avril 2002, et que le programme « ADELE » visait 100 % de formulaires disponibles en ligne à fin 2005. Il a ajouté que plus de 600.000 Français avaient déclaré leur impôt sur le revenu en ligne en 2003, soit 5 fois plus qu'en 2002, et que ce chiffre avait été porté à 1.250.000 Français en 2004. Il a observé que ces télédéclarations de 2004 avaient concerné 18 % des Français disposant d'Internet, soit 6,9 millions de foyers, et finalement seulement 3,7 % des déclarations au nombre de 33,9 millions. Il a indiqué qu'aux Etats-Unis, 53 millions de déclarations d'impôt sur 130 millions étaient transmises en ligne, soit 40,8 %. Il a ajouté que plus de 50 % des feuilles de soins étaient traitées au travers de « SESAM Vitale », soit plus de 600 millions de feuilles maladie par an, et que la moitié des demandes de certificat de non-gage, soit plus de 2 millions de demandes par an, s'effectuait désormais par Internet via le service « téléc@rtegrise ».
Evoquant ensuite les applications spécifiques aux métiers, dites « back office », M. Jean Arthuis, président, a exposé que celles-ci correspondaient, par exemple, au système Copernic, qui se traduisait auprès des usagers par les services TéléIR ou TéléTVA, ajoutant à ce sujet que M. Bruno Parent, directeur général des impôts, avait rappelé à la commission qu'il serait sans doute difficile d'accroître sensiblement le nombre de télédéclarations à la TVA. Il a souligné que des efforts étaient néanmoins entrepris pour convaincre les entreprises de procéder par télédéclaration, en faisant valoir les économies possibles en termes de jours de valeur, et donc de trésorerie, pour les redevables.
Il a souligné par ailleurs que certains projets semblaient particulièrement porteurs, donnant l'exemple du projet de carte nationale d'identité électronique (CNIE), qui permettait de simplifier la procédure de délivrance du titre en collectant au niveau des mairies, lors du dépôt de la demande, les données nécessaires à son établissement. Il a observé que les sous préfectures seraient progressivement déchargées d'une de leurs principales compétences et que la délivrance de la carte d'identité électronique serait beaucoup plus rapide.
M. Jean Arthuis, président, a cependant noté que de nombreux secteurs accusaient un retard manifeste, citant les hôpitaux, pour lesquels les dépenses d'informatique ne recouvraient que 1,5 % de la dépense hospitalière en France contre 8 % aux Etats-Unis, ainsi que le secteur social, la justice et l'éducation nationale.
Evoquant le projet de loi relatif à l'assurance maladie, il a estimé que l'un des problèmes majeurs à traiter était celui de l'administration des hôpitaux, où, à défaut d'une bonne transmission des informations en temps utile, analyses médicales et radiographies étaient trop fréquemment « dupliquées », jugeant que le remède ne résidait pas tant dans une réforme législative que dans un développement de l'informatisation de ces établissements de soins.
A propos des difficultés rencontrées dans le développement du projet Accord 2, M. Jean Arthuis, président, a déploré que, pour respecter l'échéance du 1 er janvier 2006 prévue pour la mise en oeuvre de la loi organique du 1 er août 2001 relative aux lois de finances (LOLF), le choix ait été fait de se limiter à des adaptations de l'ancien système. Il s'est interrogé sur les difficultés prévisibles du contrôle budgétaire, pour lequel la nouvelle nomenclature coexisterait avec une présentation quelque peu obsolète des dépenses de l'Etat.
En conclusion, M. Jean Arthuis, président, a réaffirmé que l'enjeu de l'informatisation de l'Etat était de réaliser des économies budgétaires tout en réformant l'Etat et en le rapprochant des citoyens, soulignant son caractère réellement politique et non simplement technique. Il a donc souhaité que la commission poursuive ses investigations sur ce sujet central au moment où la LOLF serait mise en oeuvre.
Puis un large débat s'est instauré.
M. Gérard Braun, faisant référence à ses propres travaux de contrôle sur « l'e-administration », s'est réjoui des efforts du gouvernement pour le développement de l'administration électronique, a exprimé la crainte que les usagers « ne suivent pas » et a préconisé la promotion de l'usage d'Internet par les personnes privées et par les entreprises. Il s'est étonné de ce que certaines perceptions des impôts n'acceptent pas les paiements par carte bancaire.
M. Jean Arthuis, président, a observé que la population ne percevait pas toujours l'informatisation comme un vecteur de simplification des formalités administratives, préconisant en conséquence une communication plus claire sur les téléprocédures ainsi que des mesures d'incitation à celles-ci.
M. Gérard Braun a souligné le caractère positif que comporterait l'octroi de quelques jours de délais supplémentaires de paiement de la TVA au profit des télédéclarants, ce qui leur apporterait un avantage de trésorerie appréciable. Il a considéré que, grâce à l'action des opérateurs, le recours à Internet devrait connaître un développement non négligeable.
M. Joël Bourdin a exposé que la plupart des Etats du Canada étaient plus informatisés que la France. Il a suggéré de faire valoir, pour promouvoir le développement de l'informatisation, non seulement les gains de productivité, mais encore l'amélioration du service rendu à l'usager. Il a observé que certains sites publics laissaient assez largement les utilisateurs «sur leur faim », et qu'ainsi, de ce fait, le maire était encore trop souvent interrogé sur diverses procédures administratives ne relevant pas des compétences des communes.
M. Jean Arthuis, président, a regretté le fait que, fréquemment, des mesures de gel ou d'annulation de crédits pour l'informatique retardent des projets et a réaffirmé la nécessité de « sanctuariser » ces crédits, afin de ne pas remettre en cause les améliorations de productivité de l'administration. Se référant, à titre d'exemple, au projet de carte nationale d'identité électronique, il a précisé que les mairies des communes les plus peuplées, comme par exemple les communes sièges de cantons ou d'établissements publics de coopération intercommunale (EPCI), pourraient servir de guichet pour l'accomplissement de diverses formalités administratives. Il a considéré que l'informatisation de l'Etat était aussi importante que la mise en oeuvre de la loi organique précitée relative aux lois de finances, en particulier parce que cette dernière ne pourrait être pleinement appliquée sans cette informatisation.
Après avoir relevé les avancées enregistrées en France lors du lancement du Minitel, M. François Marc a regretté l'actuel retard de la France par rapport à nombre de ses partenaires, tout en estimant que celui-ci pourrait être comblé, citant à titre d'exemples des domaines comme ceux de l'état civil et des élections. Il s'est interrogé sur les difficultés de la mise en place d'Accord 2 et a demandé quel serait le coût final des dispositions qui seraient prises pour y porter remède.
M. Jean Arthuis, président, a reconnu que le Minitel avait en France contribué au ralentissement de l'accès à Internet. Il a indiqué, au sujet d'Accord 2, qu'il n'y avait pas de dérapage financier puisque les dispositions nécessaires n'étaient pas définitivement arrêtées, exprimant son souhait de disposer d'une meilleure information à ce sujet. Il a regretté que l'administration ait, dans cette affaire, privilégié le respect de l'échéance de 2006, sans suffisamment percevoir l'importance politique du contenu du projet. Il a craint que les orientations en préparation s'avèrent trop coûteuses.
A M. François Marc qui évoquait la complexité de cette opération, M. Jean Arthuis, président, a répondu qu'il appartenait d'abord aux responsables politiques d'exprimer leur choix.
M. Roger Besse a évoqué les difficultés d'accès à l'Internet à haut débit dans les départements les moins peuplés, indiquant que la couverture des communes concernées n'était généralement obtenue qu'après d'âpres négociations avec les opérateurs, peu intéressés par le bénéfice financier potentiel d'une telle extension de la couverture. Il a suggéré que soit étudiée l'informatisation du cadastre, précisant que dans une petite commune, la gestion manuelle de celui-ci pouvait occuper un agent, alors même que, dans le département du Cantal, l'informatisation des 290 communes avait été évaluée à 8.000 euros.
M. Jean Arthuis, président, admettant que les opérateurs se situaient dans une logique marchande, a ajouté qu'ils attendaient des pouvoirs publics une participation financière aux investissements. Estimant que France Telecom avait fait de réels efforts, il a considéré que la couverture des zones d'ombre relevait d'une politique d'aménagement du territoire. Sur l'informatisation du cadastre, il a précisé que celle-ci se heurterait à des incohérences entre les données de l'INSEE et celles du service du cadastre.
M. Aymeri de Montesquiou a observé que l'informatisation publique au Canada et en Nouvelle-Zélande, très avancée, avait permis une contraction du nombre d'agents. Il a souligné la dimension sociale de l'informatisation puisqu'elle permettait aux fonctionnaires d'effectuer un travail plus gratifiant.
M. Jean Arthuis, président, a invité les commissaires à intégrer, dans leur rapport spécial sur la prochaine loi de finances, un « coup de projecteur » sur l'informatisation dans leur secteur de compétence. Il a aussi souligné l'importance de l'association des fonctionnaires au processus d'informatisation.
M. Paul Girod a évoqué la mise en place d'un moteur de recherche commun à toutes les administrations afin de faciliter la quête d'informations par les usagers.
M. Jean Arthuis, président, a indiqué que le portail « mon.service public.fr » permettrait à chacun un accès personnalisé à l'ensemble des services électroniques des administrations et que le numéro de téléphone unique « allo, service public », le 3939, devrait permettre d'obtenir, en trois minutes, une réponse ou une orientation à toute demande de renseignement, précisant que ces innovations seraient de nature à faciliter les relations entre l'administration et le public.
En conclusion, M. Jean Arthuis, président, a mis en relief le caractère globalement positif des évolutions en cours et souligné, à nouveau, l'enjeu politique de l'informatisation de l'Etat.
La commission a alors donné acte à M. Jean Arthuis, président, de sa communication et décidé à l'unanimité d'autoriser sa publication sous la forme d'un rapport d'information.