Rapport d'information n° 395 (2003-2004) de M. Jacques CHAUMONT , fait au nom de la commission des finances, déposé le 30 juin 2004

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N° 395

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SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2003-2004

Annexe au procès-verbal de la séance du 30 juin 2004

RAPPORT D'INFORMATION

FAIT

au nom de la commission des Finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la Nation (1) sur l' outil diplomatique en Turquie ,

Par M. Jacques CHAUMONT,

Sénateur.

(1) Cette commission est composée de : M. Jean Arthuis, président ; MM. Jacques Oudin, Gérard Miquel, Claude Belot, Roland du Luart, Mme Marie-Claude Beaudeau, M. Aymeri de Montesquiou, vice-présidents ; MM. Yann Gaillard, Marc Massion, Michel Sergent, François Trucy, secrétaires ; M. Philippe Marini, rapporteur général ; MM. Philippe Adnot, Bernard Angels, Bertrand Auban, Denis Badré, Jacques Baudot, Roger Besse, Maurice Blin, Joël Bourdin, Gérard Braun, Auguste Cazalet, Michel Charasse, Jacques Chaumont, Jean Clouet, Yvon Collin, Jean-Pierre Demerliat, Eric Doligé, Thierry Foucaud, Yves Fréville, Paul Girod, Adrien Gouteyron, Hubert Haenel, Claude Haut, Roger Karoutchi, Jean-Philippe Lachenaud, Claude Lise, Paul Loridant, François Marc, Michel Mercier, Michel Moreigne, Joseph Ostermann, René Trégouët.

Affaires étrangères.

AVANT-PROPOS

Mesdames, Messieurs,

Dans le cadre de ses fonctions de rapporteur spécial du budget des affaires étrangères, et en application des dispositions de l'article 57 de la loi organique du 1 er août 2001 relative aux lois de finances, votre rapporteur a effectué une mission d'évaluation et de contrôle en Turquie, du 14 au 20 septembre 2003, afin d'y évaluer l'outil diplomatique et de coopération français. Il souhaitait, notamment, évaluer les conséquences d'une part, du vote de la loi n°  2001-70 du 29 janvier 2001 relative à la reconnaissance du génocide arménien par le Parlement français, et d'autre part, de la perspective de l'adhésion de la Turquie à l'Union européenne, sur notre coopération.

Il tient à adresser ses remerciements à M. Bernard Garcia, ambassadeur de France en Turquie, à M. Jean-François Peaucelle, Consul général de France à Istanbul, pour la qualité de leur accueil, et à M. Jean-Pierre Debaere, Conseiller de coopération et d'action culturelle, qui l'a accompagné durant l'ensemble de sa mission, pour la qualité du programme préparé à son intention.

Le présent rapport d'information reprend les principales observations de votre rapporteur spécial à l'issue de sa mission . Il comprend un certain nombre de remarques et de préconisations plus générales relatives à la gestion par le ministère des affaires étrangères de sa politique immobilière, votre rapporteur spécial ayant constaté au cours de sa mission en Turquie l'ampleur des carences et des errements sur ce point. Il intègre ainsi le compte-rendu de l'audition par votre commission des finances, le 30 juin 2004, de M. Hubert Colin de Verdière, secrétaire général du ministère des affaires étrangères , et de M. Patrick Roussel, directeur du service de l'équipement, sur la gestion de la politique immobilière du ministère.

Le présent rapport d'information ne présente que brièvement la situation de la Turquie, l'état des relations bilatérales avec la France et la problématique de l'adhésion de la Turquie à l'Union européenne. Votre rapporteur spécial suggère, sur ces questions, de consulter les rapports d'informations de nos excellents collègues Xavier de Villepin, Hubert Durand-Chastel et Jean-Pierre Masseret au nom de la commission des affaires étrangères 1 ( * ) , et de nos excellents collègues Robert del Picchia et Hubert Haenel au nom de la délégation pour l'Union européenne 2 ( * ) .

INTRODUCTION : VERS UNE ADHÉSION DE LA TURQUIE
À L'UNION EUROPÉENNE ?

La Turquie se trouve à la croisée des religions et des continents. Istanbul est à cet égard symbolique de la multiplicité des influences qui ont constitué la Turquie moderne. Siège de l'empire romain d'orient, sa chute en 1453 constitue un tournant dans l'histoire de l'Europe, quelques décennies avant la chute de Grenade (1492) et la « Reconquista » des rois catholiques espagnols. Depuis toujours, la Turquie a constitué un carrefour stratégique essentiel, et en particulier, Istanbul, compte tenu de sa situation géographique : elle contrôle l'accès de la sphère d'influence russe aux mers chaudes, et constitue un point de passage entre l'Europe, l'Asie centrale et le Proche-Orient. Marquée au travers de l'histoire par de multiples influences (empire romain d'Orient, passage des croisés, empire ottoman, rivalités avec les grecs...), la Turquie conserve aujourd'hui plusieurs visages. Là encore, Istanbul en est la métaphore : du quartier occidental d' Istiqlal kaddesi aux banlieues dortoirs où se pressent les émigrés d'Anatolie, la ville offre mille portes d'entrées différentes.

Cette diversité est importante à rappeler, à une période où des enjeux essentiels se dessinent pour l'avenir de la Turquie et de l'Union européenne , et dans un contexte où les fantasmes sont nourris par les craintes de la mondialisation de l'économie et la menace de la montée d'un islamisme intolérant.

La question de l'adhésion de la Turquie à l'Union européenne se pose depuis plus de 40 ans. Elle n'a jamais été autant d'actualité, alors que l'élargissement à 10, bientôt 12 nouveaux pays, est désormais une réalité. Cet élargissement pose la question toujours pendante du statut de Chypre, et celle du devenir des Etats des Balkans, qui apparaissent déjà comme une enclave au sein de l'Union européenne ayant une vocation « naturelle » à se résorber. La Turquie, qui a toujours réaffirmé sa vocation européenne, n'est pas dans cette position favorable de « prétendant naturel » à l'adhésion. Aux confins de l'Union, elle en constitue indubitablement une marche, une frontière. Mais doit-elle être à l'intérieur ou à l'extérieur des frontières de l'Union européenne européenne ? Cette question n'est pas au coeur du présent rapport d'information, mais c'est la question que les interlocuteurs turcs ont souvent posée à votre rapporteur spécial, et c'est également la question qui se pose quant à l'évolution de notre coopération avec ce pays.

L'historique des négociations entre la Turquie et l'Union européenne

12 septembre 1963 : Premier accord d'association entre la Communauté européenne et la Turquie (dit accord d'Ankara), qui fixe les objectifs fondamentaux de l'association tels que le renforcement continu et équilibré des relations commerciales et économiques et la mise en place d'une union douanière.

14 avril 1987 : La Turquie devient officiellement candidate à l'adhésion à la Communauté européenne.

18 décembre 1989 et 5 février 1990 : La Commission puis le Conseil européen déclarent que la Turquie peut se porter candidate mais refusent son adhésion.

Juin 1993 : Le Conseil européen de Copenhague définit les critères d'adhésion à l'Union européenne.

15 décembre 1995 : Le Parlement européen ratifie le traité d'union douanière signé en mars entre les Quinze et la Turquie, qui doit entrer en vigueur à la suite de l'adoption par le Parlement turc de réformes démocratiques.

12-13 décembre 1997 : Au sommet de Luxembourg, les négociations d'adhésion sont ouvertes avec tous les demandeurs sauf la Turquie.

4 mars 1998 : La Commission adopte la communication « Stratégie européenne pour la Turquie ». Le rapprochement des législations et la reprise de l'acquis communautaire figurent parmi les principaux éléments de la stratégie de pré-adhésion vis-à-vis de la Turquie.

Juin 1998 : A Cardiff, la Turquie n'est pas admise à adhérer en même temps que les anciens pays d'Europe de l'est, mais la Commission propose de l'assister pour préparer sa candidature.

13 décembre 1999 : Le Conseil européen d'Helsinki marque l'acceptation définitive de la Turquie dans les pays candidats : « Au vu des éléments positifs qui ont récemment marqué l'évolution de la situation en Turquie, et que relève d'ailleurs la Commission européenne dans son rapport sur les progrès réalisés par les pays candidats, le Conseil européen déclare que la Turquie est un pays candidat ayant vocation à rejoindre l'Union européenne sur la base des mêmes critères que ceux qui s'appliquent aux autres pays. La Turquie bénéficiera donc d'une stratégie de préadhésion visant à encourager et à appuyer ses réformes. Elle aura également la possibilité de participer à des programmes communautaires, d'être associée à des organismes de la Communauté et de prendre part à des réunions organisées entre les pays candidats et l'Union dans le cadre du processus d'adhésion » .

12 décembre 2002 : Au Conseil européen de Copenhague, les Etats de l'Union européenne entérinent l'élargissement à 25 membres, et repoussent l'ouverture des négociations d'adhésion avec la Turquie à décembre 2004, en insistant sur le respect des « critères de Copenhague ».

Décembre 2004 : L'Union européenne doit se prononcer sur l'ouverture des négociations d'adhésion avec la Turquie.

Source : La Turquie aujourd'hui - Olivier Roy

La Turquie fait peur à l'Europe. C'est une réalité peu contestable, la relative impopularité de l'idée d'adhésion de la Turquie à l'Union Européenne 3 ( * ) et la prudence des responsables politiques européens, voire leur opposition affichée, en témoigne largement. Quant au gouvernement français, il privilégie une approche prudente sur ce sujet sensible, comme en témoigne l'encadré ci-après.

La position du gouvernement français sur la question de l'adhésion de la Turquie à l'Union européenne

En réponse à une question orale de notre collègue député Philippe de Villiers, le 7 avril 2004, M. Michel Barnier, ministre des affaires étrangères, indiquait : « Le processus d'une éventuelle adhésion de la Turquie ne date pas de 1999, mais a été confirmé en 1999 au cours d'un Conseil européen auquel ont participé le Président de la République et le Premier ministre de l'époque, Lionel Jospin. Ce processus a été engagé en 1963 et j'ai dit tout à l'heure, en faisant attention à ce que je disais, que les chefs d'Etat des deux principaux pays de l'Union étaient à l'époque le général de Gaulle et le chancelier chrétien-démocrate allemand Konrad Adenauer. Déjà, à cette époque, ces hommes d'Etat européens pensaient à autre chose qu'aux seuls intérêts nationaux et ne regardaient pas derrière eux. Ils ne vivaient pas tournés vers le XIXème ou le XVIIIème siècle, mais tenaient compte de la géopolitique (...).

« Ce n'est donc pas par hasard qu'ils ont voulu engager un dialogue avec ce grand pays qui est à la charnière, en effet, entre deux continents. Depuis 1963, cette perspective n'a jamais été interrompue.

« Je confirme qu'il n'est pas question d'une entrée de la Turquie à moyen ou à court terme dans les circonstances actuelles. Les critères sont connnus. Quand on veut adhérer à l'Union européenne, il faut respecter un cahier des charges extrêmement précis qui touche à la fois aux conditions politiques - droits de l'homme, démocratie - et aux conditions économiques et sociales. Pour l'instant, je constate que la Turquie ne respecte pas le cahier des charges, même si elle s'y prépare. (...)

« Il reviendra à la Commission, comme c'est son rôle, de proposer d'engager des négociations d'adhésion. Ce n'est pas le cas aujourd'hui .

« Monsieur de Villiers, quand vous dites, comme vous allez le répéter dans les prochaines semaines, que la Turquie entrera dans l'Union européenne demain ou après-demain, ce n'est pas la vérité. (...)

« Je vous recommande d'aborder ce débat en ayant le souci de la vérité et de la sincérité. C'est en tout cas de cette manière que je suis prêt à débattre avec vous et tous ceux qui le voudront » 4 ( * ) .

Par ailleurs, en réponse à une question orale de notre collègue député Hervé Morin, M. Jean-Pierre Raffarin, Premier ministre, indiquait : « le débat sur l'adhésion de la Turquie à l'Union européenne n'a rien de léger ni de superficiel. Nous le savons tous, les eaux du Bosphore sont turques. Pourtant, si une rive est asiatique, l'autre est européenne. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

« La question est donc complexe et le débat mérite d'être ouvert dans tout le pays. Pour le Gouvernement, il s'articule en trois étapes.

« La première étape est le parcours turc pour atteindre les critères de Copenhague : critères de démocratie, critères économiques, critères sociaux. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle).

« Deuxième étape, l'Union européenne devra apprécier ce parcours. C'est seulement à ce moment-là que - troisième étape - des négociations pourront éventuellement s'engager. Il faut donc que le débat ait lieu, mais il faut faire en sorte qu'il n'y ait pas de confusion dans l'esprit des Français. Une décision d'ouverture sera prise prochainement à Copenhague. Dix pays aujourd'hui sont en phase finale d'adhésion. La Turquie n'est pas dans ce cas. Elle est en phase préalable. Nous devons donc bien faire la différence. Au nom de la France, je souhaite qu'à Copenhague puisse être lancé un message de consensus qui soit un message d'ouverture, mais aussi de vigilance, car nous ne jugerons le Gouvernement turc que sur ses actes, et le peuple turc que sur sa capacité à adhérer à nos valeurs. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.) » 5 ( * ) .

Le Président de la République, Jacques Chirac, a adopté, de manière constante, une position plus ouverte sur la question de l'adhésion de la Turquie à l'Union européenne. A l'occasion du sommet de l'OTAN d'Istanbul, le 28 juin 2004, il a répondu à plusieurs questions de journalistes sur ce sujet :

« QUESTION - Monsieur le Président, vous avez eu un entretien avec le Président Sezer : pouvez-vous nous parler des sujets essentiels de l'entretien ?

« LE PRESIDENT - Je n'ai pas pour vocation de commenter les propos du Président Sezer, mais nous avons évoqué d'une part, l'organisation de ce Sommet, deuxièmement les relations franco-turques, pour constater que dans les domaines politiques, économiques, culturels, elles sont excellentes. Troisièmement, nous avons évoqué la procédure d'examen de l'entrée de la Turquie dans l'Union européenne. C'est un sujet qui préoccupe beaucoup les autorités turques et en particulier le Président Sezer. Je lui ai redit quelle était ma position dans ce domaine.

« J'ai toujours pensé que l'intégration de la Turquie dans l'Union européenne était souhaitable dès qu'elle serait possible, naturellement. D'abord parce que la Turquie a une vocation européenne, historique, très ancienne. Ensuite, parce que depuis plus de quarante ans maintenant, la Turquie s'est vue offrir la perspective d'entrer un jour dans l'Union européenne, ceci s'agissant de la France, par tous les chefs d'Etat et tous les chefs de gouvernement successifs depuis cette période. Cette perspective a été, je le rappelle, confirmée en 1999 lors du Sommet européen d'Helsinki avec la reconnaissance du statut de candidat, et la France était représentée au Sommet d'Helsinki à la fois par moi-même comme Président de la République, et par M. Lionel Jospin comme Premier ministre.

« Ensuite, au-delà de ces problèmes de principe, je pense que cette vocation est justifiée parce que c'est de notre intérêt politique européen, de notre intérêt économique également, d'avoir une Turquie stable, démocratique, moderne, et qui a fait le choix de la laïcité depuis 1923. C'est de notre intérêt de l'avoir avec nous et non pas en dehors. Elle pourrait d'ailleurs, à ce titre, servir d'exemple à beaucoup de parties de la grande région dans laquelle elle se trouve. Alors avant de pouvoir rentrer, il faut comme toujours dans tous les clubs, si j'ose dire, respecter les règles. Les règles ce sont ce que nous appelons les critères de Copenhague, c'est-à-dire les règles relatives aux droits de l'homme, aux libertés et à l'économie de marché.

« Chacun reconnaît que la Turquie a fait un effort considérable depuis ces dernières années, notamment sur le plan législatif et institutionnel pour assumer ces critères de Copenhague, sur ces sujets. Personne ne le conteste. Par conséquent, la Commission européenne va, au mois d'octobre, transmettre au Conseil européen un rapport dans lequel elle portera un jugement. Est-ce que la Turquie remplit la totalité des conditions, ou est-ce qu'elle n'est pas tout à fait prête à remplir ces conditions ? Est-ce que ces conditions, qui ont été incontestablement décidées au niveau législatif, constitutionnel, sont bien arrivées jusque sur le terrain ?

« Il ne m'appartient pas de préjuger de ce que sera le rapport de la Commission, mais ce rapport, nous en prendrons connaissance. Et si la Commission dépose un rapport favorable, à ce moment-là, il appartiendra au Conseil européen, sur la base de ce rapport, de décider l'engagement des négociations d'adhésion dont il ne faut pas se faire d'illusions, elles seront longues et difficiles, aussi bien pour l'Europe que pour la Turquie. Car la mise en commun de nos forces vives dans tous les domaines, économique, politique, culturel, social, etc prendra du temps, mais enfin, on commencera. Si d'aventure la Commission estimait que la Turquie n'est pas encore prête, alors il faudrait différer de six mois, d'un an Nous verrons ce que proposera la Commission.

« Mais si voulez mon sentiment, je crois qu'aujourd'hui, le mouvement conduisant à l'entrée de la Turquie, dans l'avenir, et dès qu'il sera possible, des deux parties, des deux côtés, ce mouvement est irréversible et au total souhaitable ».

(...)

« QUESTION - Monsieur le Président, j'aurais voulu revenir sur la question de la Turquie. Le Président BUSH a affirmé que l'Union européenne devrait ouvrir immédiatement des négociations afin de faire entrer pleinement la Turquie comme Etat membre de l'Union européenne. Vous semblez plaider un peu plus pour la lenteur. Est-ce que vous trouvez que le Président BUSH a été un peu trop loin ?

« LE PRESIDENT - D'abord, je ne plaide pas pour la lenteur, je plaide pour la raison. Ensuite, si le Président BUSH a véritablement dit cela, tel que je l'ai lu, eh bien, non seulement il est allé trop loin mais il est allé sur un terrain qui n'était pas le sien. Et il n'avait aucune vocation à donner une indication ou une voie quelconque à l'Union européenne dans ce domaine. Un peu comme si j'expliquais aux Etats-Unis la façon dont ils doivent gérer leurs relations avec le Mexique ».

Source : site internet de la présidence de la République

Il existe une appréhension, une peur, qui peut s'expliquer par plusieurs facteurs, et en particulier, par l'image distordue que nous avons de ce pays, et qui résulte, pour une part, du passé : rôle des militaires, régime répressif, comme a pu l'illustrer un film comme Midnight Express , et du présent : l'image de la Turquie qui nous est donnée par les populations ayant émigré en Europe est surtout celle des régions arriérées du centre et de l'est du pays, d'où ces populations sont originaires.

Le premier facteur, celui qui est sans doute le plus fortement ancré dans l'inconscient collectif, tient à la nature même de l'identité européenne . C'est le caractère essentiellement musulman de la population turque (98 % de sa population est musulmane) qui, sans que l'on ose toujours se l'avouer, pose problème. Certes, il s'agit d'un pays laïc, au sein duquel l'islam est largement encadré, et même administré, par l'Etat. Toutefois, dans un contexte de politique internationale largement marqué par l'émergence d'un « terrorisme islamiste », et compte tenu de l'existence d'un gouvernement qualifié d'« islamiste » en Turquie, cette question prend une dimension particulière.

Le caractère essentiellement musulman de la population turque constitue à l'évidence un élément central des questions que soulève la problématique de son intégration dans l'espace européen. Il serait toutefois réducteur de la rapporter à cette seule dimension. Nous avons dit plus haut que les pays des Balkans constituent des « prétendants naturels » à l'adhésion à l'Union européenne. Or, ces pays comptent parmi eux des pays dont la population est, à l'instar de la Turquie, majoritairement musulmane. Il convient donc de discerner d'autres paramètres distinguant et singularisant la problématique turque.

La Turquie, à la différence de la Bosnie ou de l'Albanie, pèserait lourd au sein de l'Union européenne, compte tenu de sa puissance économique et militaire mais surtout, de son dynamisme démographique , alors que les pays d'Europe centrale et orientale qui ont d'adhéré récemment à l'Union connaissent depuis plusieurs années un phénomène de dépopulation lié tant à l'émigration des élites qu'à leur faible dynamisme démographique. Aujourd'hui forte de 65 millions d'habitants, la population turque pourrait rapidement dépasser celle de l'Allemagne, et devenir durablement le pays le plus peuplé de l'Union. Cela pose évidemment les problèmes en termes institutionnels et politiques : quel sera le poids politique de la Turquie dans les institutions de l'Union ? Le problème de l'adhésion de la Pologne, déjà complexe (notamment du fait de la question agricole, mais aussi des frontières et de la taille du pays) se trouverait amplifié dans le cas de la Turquie, qui serait inévitablement un bénéficiaire important des aides européennes.

Par ailleurs, il convient de peser les conséquences de l'inclusion de la Turquie dans l'Union européenne du point de vue de la politique extérieure et de sécurité commune (PESC), que la France souhaiterait voir développée au sein de l'Union européenne. De ce point de vue, l'adhésion de la Turquie à l'Union européenne verrait cette dernière confrontée à de nouvelles problématiques stratégiques, compte tenu des frontières terrestres de la Turquie avec la Géorgie, l'Arménie, l'Iran, l'Irak et la Syrie . L'Europe doit à l'évidence mesurer tant les intérêts que les risques liés à la position géostratégique centrale de la Turquie. Les risques sont plus que jamais évidents, compte tenu de la situation particulièrement confuse et instable en Irak. Les avantages doivent également être pesés : à cheval sur deux continents, la Turquie est en mesure de jouer un rôle d'intermédiaire utile pour l'avenir de l'Europe. C'est également un pays de transit pour le gaz et le pétrole du Caucase, une plate forme d'influence pour l'Asie Centrale turcophone, et un point d'appui important dans la lutte contre les trafics de drogue mondiale et pour le contrôle de l'immigration vers l'Europe.

Sur ces questions, votre rapporteur spécial s'interroge sur les raisons de l'encouragement très évident et constamment réaffirmé des Etats-Unis à l'entrée de la Turquie dans l'Union européenne : les Etats-Unis ne souhaiteraient-ils pas, par ce biais, diviser l'Europe, ou à tout le moins, éviter la création d'une politique étrangère et de défense autonome ?

A contrario , on rappellera que la Turquie est un pays laïque, pro-européen, se voulant occidental (l'ambition kémaliste était très ancrée dans l'Occident, la substitution de l'alphabet latin à l'alphabet arabe en est un vibrant témoignage). L'accord d'association avec la Turquie date de 1963, ce qui en fait le plus ancien pays candidat à l'adhésion à l'Union européenne. En 1995, elle a signé un accord douanier avec l'Union européenne.

Par ailleurs, le gouvernement islamiste actuel prend de nombreuses mesures d'ajustement pour mettre en conformité la législation turque avec les conditions fixées par l'Union européenne, tant en matière politique qu'économique. Les mesures prises au cours des dernières années par le présent gouvernement et le gouvernement précédent ont été importantes, s'agissant en particulier de l'abolition de la peine de mort et de la reconnaissance des langues minoritaires. Conformément aux demandes de l'Union européenne, le rôle de l'armée dans les institutions est progressivement réduit. Cette politique rencontre toutefois des résistances, tant de la part de l'administration (en particulier, dans les domaines régaliens), qui est relativement impopulaire, que de l'armée, qui, elle, a conservé une très grande popularité dans le pays et est perçue comme le garant de la laïcité et de la stabilité des institutions. Toutefois, il convient de souligner qu'aucun conflit majeur n'est intervenu à ce jour, en dehors des frictions ayant eu lieu sur le sujet essentiel de l'éducation.

Enfin, en mars 2002, un sondage montrait que 75 % de la population turque souhaitait l'adhésion du pays à l'Union européenne 6 ( * ) , à une date qui pourrait être comprise entre 2010 et 2015. Si l'adhésion à l'Union européenne est populaire en Turquie, il convient d'apporter quelques réserves à ce constat, car la population est mal informée sur les exigences liées à la reprise de l'acquis communautaire, et ont une vision quelque peu magique de l'Europe, avant tout perçue comme le mirage de la prospérité.

Quel que soit le règlement final de la question de l'adhésion de la Turquie à l'Union européenne, votre rapporteur spécial souligne la nécessité pour la France de tenir compte de cette aspiration, et de l'inéluctable rapprochement de la Turquie vers l'Europe : la coopération française est appelée à s'orienter davantage, à l'avenir, vers des actions co-financées par l'Union européenne.

CHAPITRE PREMIER : L'AJUSTEMENT NÉCESSAIRE DE LA COOPÉRATION AVEC LA TURQUIE

De manière générale, les relations entre la France et la Turquie sont particulièrement soutenues, à tous égards : la France est le premier investisseur en Turquie, près de 500.000 touristes français se rendent en Turquie chaque année, et près de 400.000 ressortissants turcs vivent en France.

I. UNE COOPÉRATION IMPORTANTE DONT LES CRÉDITS SONT RELATIVEMENT PRÉSERVÉS

A. UN POSTE DE COOPÉRATION MAJEUR POUR LA FRANCE

Les crédits de coopération bilatérale avec la Turquie se sont élevés, sur le chapitre 42-15 du budget du ministère des affaires étrangères (« coopération internationale et développement »), à 6,5 millions d'euros en 2003, soit, si l'on ne tient pas compte des pays du Maghreb et d'Afrique francophone, le troisième poste français de coopération dans le monde, juste après la Russie et la Chine. C'est (toujours hors Afrique) le premier poste de coopération s'agissant de la coopération culturelle et du français, avec plus de 3 millions d'euros. Pour la coopération scientifique, universitaire et de recherche, notre coopération avec la Turquie se situe au quatrième rang, après l'Inde, la Russie et la Chine.

Ces chiffres soulignent l'importance de notre coopération, d'autant que la Turquie n'est devancée (hors Afrique) que par des « géants » : Chine et Russie. Par ailleurs, les effectifs relevant du service de coopération et d'action culturel (SCAC) de l'ambassade de France, y compris ceux travaillant dans les établissements scolaires français, sont très importants puisqu'ils s'élevaient à 439 personnes à la rentrée 2003, parmi lesquels 49 sont résidents, 126 bénéficient d'un contrat « MICEL » (cf. infra ), et 201 sont en contrat local. Dans ce contexte, la masse salariale pèse sur l'enveloppe des crédits de coopération, puisqu'elle représente environ 60 % de celle-ci. Afin de redonner davantage de souplesse dans ses interventions, la France souhaite rapporter progressivement cette proportion à 50 %, ce qui implique un ajustement conséquent de notre dispositif.

B. UNE ENVELOPPE RELATIVEMENT PRÉSERVÉE POUR PALLIER LES CONSÉQUENCES DE LA RECONNAISSANCE DU GÉNOCIDE ARMÉNIEN

Le vote par le Parlement français de la loi n° 2001-70 du 29 janvier 2001 relative à la reconnaissance du génocide arménien 7 ( * ) a eu des effets désastreux sur le développement de nos coopérations avec la Turquie, tant en matière économique que scientifique ou culturelle : de nombreux projets ont été interrompus ou bloqués. Les Turcs interprètent encore ce vote comme un acte inamical à leur égard ; ils contestent l'appellation de « génocide » donnée par la France, qui suppose que la Turquie souhaitait faire disparaître le peuple arménien. Votre rapporteur spécial n'avait pas voté ce texte, considérant qu'il ne revient pas au Parlement de qualifier des faits historiques pour des motifs de politique intérieure et qu'un tel vote aurait des conséquences négatives pour les intérêts de la France. Il estime néanmoins que la Turquie se doit d'examiner son passé, et, en particulier, les évènements qui ont marqué la période entre la Première guerre mondiale et la fondation de la république kémaliste, avec lucidité, afin d'envisager des relations durablement apaisée avec ses voisins, notamment la Grèce et l'Arménie.

Afin de pallier les inconvénients liés à cette situation, le ministère des affaires étrangères a, dans un contexte de forte contrainte budgétaire, relativement épargné l'enveloppe de crédits destinée à financer les coopérations avec la Turquie. En particulier, l'application de la régulation budgétaire a été en Turquie, en 2003, moins violente que dans d'autres pays : l'enveloppe n'a été amputée que de 4,31 % de ses crédits, soit la plus faible diminution après l'enveloppe destinée à nos actions de coopération avec le Liban. On notera toutefois que, compte tenu du poids élevé des dépenses de rémunération, cette régulation a pesé assez lourdement sur les dépenses d'intervention de l'ambassade.

II. UNE COOPÉRATION ÉDUCATIVE ET UNIVERSITAIRE PARTICULIÈREMENT DÉVELOPPÉE

La coopération est particulièrement développée sur le plan de l'enseignement, tant au niveau secondaire qu'au niveau universitaire.

A. LES LYCÉES FRANÇAIS : « PIERRE LOTI » À ISTANBUL ET « CHARLES DE GAULLE » À ANKARA

La France dispose en Turquie de deux lycées français, relevant de l'AEFE (agence pour l'enseignement français à l'étranger) et gérés par des comités de parents d'élèves, l'un situé à Istanbul, l'autre à Ankara. L'enseignement du turc y est obligatoire jusqu'en 4 ème ou en 3 ème et peut ensuite être poursuivi si les élèves le souhaitent.

Le lycée « Pierre Loti » d'Istanbul accueillait, à la rentrée scolaire 2003, 819 élèves (dont 380 français, 326 turcs et 113 d'autres nationalités). Les cours y sont assurés par 56 enseignants, dont 2 expatriés, 32 résidents et 22 recrutés locaux. Il convient d'ajouter quatre expatriés assurant la direction et l'administration de l'établissement, et une trentaine de recrutés locaux assurant diverses tâches. Les droits de scolarité s'échelonnent, à la rentrée 2003, entre 2.415 euros et 3.675 euros pour les élèves français, et entre 2.970 euros et 4.860 euros pour les élèves étrangers.

Le lycée « Charles de Gaulle » d'Ankara accueillait pour sa part, à la rentrée 2003, 456 élèves. Les cours y sont assurés par 35 enseignants, dont 1 expatrié, 17 résidents et 17 recrutés locaux. Trois expatriés assurent la direction et l'administration, 13 recrutés locaux assurant diverses tâches au sein de l'établissement. Les droits de scolarité s'échelonnent, à la rentrée 2003, entre 2.550 euros et 2.850 euros pour les élèves français et turcs, et entre 3.600 euros et 3.870 euros pour les élèves étrangers autres que turcs.

Compte tenu de leur coût, les postes d'expatriés ont donc presque tous disparu : il ne restait plus, à la rentrée 2003, qu'un poste de professeur expatrié au lycée Charles de Gaulle à Ankara, et deux au lycée Pierre Loti à Istanbul. Ces emplois sont désormais réservés aux postes de direction, les autres bénéficiant soit de statuts de résidents de l'AEFE, soit de contrats locaux. Le service de coopération a pu financer une amélioration de la rémunération des résidents (pour lesquels le taux de participation à la rémunération s'élève à 78 %) grâce à cette diminution du nombre d'expatriés.

B. LA COOPÉRATION DANS L'ENSEIGNEMENT PRIMAIRE ET LE SECONDAIRE

Au niveau de l'enseignement primaire et secondaire, outre les deux lycées français précités, plusieurs institutions importantes dispensent des cours en français en Turquie. Il s'agit de lycées turcs bilingues, qui bénéficient du soutien de la France :

- l'école et le lycée Galatasaray (soit, à la rentrée 2002, 610 élèves pour l'école primaire et le collège et 561 pour le lycée) ;

- les 3 lycées Tevfik Fikret d'Ankara, Izmir et Bursa 8 ( * ) (lycées bilingues dépendant d'une fondation privée turcs), qui accueillent plus de 2.000 élèves (pour la rentrée 2002, 1.590 élèves pour l'école primaire et le collège et 580 au lycée) ;

- les 6 lycées de la Fédération des Ecoles Catholiques Françaises de Turquie et leurs écoles associées, qui accueillent au total plus de 4.500 élèves (soit, pour la rentrée 2002, 1.520 élèves pour l'école primaire et le collège et 3.070 au lycée).

1. Les lycées congréganistes

Il existe en Turquie six lycées congréganistes, dont cinq sont situés à Istanbul, et un à Izmir. Ces lycées privés, dont le caractère confessionnel s'est progressivement estompé, puisque aucun religieux n'y enseigne désormais, sont de véritables institutions et font partie des plus réputés de Turquie. On y entre par concours et les frais de scolarité (environ 6.000 euros) y sont élevés, quoique plutôt dans la fourchette basse des lycées d'élite privés en Turquie. Ces lycées sont installés dans des bâtiments parfois prestigieux, comme le lycée Saint-Joseph à Istanbul. Deux d'entre eux en sont propriétaires, tandis que les autres relèvent de la loi de dévolution, qui accorde aux écoles un droit d'usage des terrains à condition qu'ils soient affectés à l'enseignement.

Les lycées congréganistes relèvent du droit turc, et les programmes scolaires sont les programmes turcs. Ils assurent toutefois un enseignement bilingue turc et français - plus de 50 % de l'enseignement se fait en français -, ce qui implique notamment la traduction en français des manuels scolaires turcs. Ces lycées bénéficient du concours de professeurs de français, financés en partie par la France. Les lycées de la Fédération des Ecoles Catholiques Françaises de Turquie fournissent un vivier important d'étudiants déjà bilingues pour les universités de Galatasaray (25 % du contingent leur est réservé) et de Marmara.

Ces établissements, qui constituent un outil important au service de la francophonie en Turquie, sont actuellement confrontés principalement à deux types de problèmes :

un problème de recrutement : il leur devient de plus en plus difficile de trouver des professeurs français, en particulier pour les matières scientifiques (chimie, biologie, informatique, physique, mathématiques), car les rectorats sont réticents à autoriser leur départ. Lorsque les établissements obtiennent la venue d'un professeur français, ils ne sont souvent informés qu'au mois de juin ou de septembre. Or, le maintien d'un quota de professeurs français est indispensable pour conserver un bon niveau de français et maintenir une culture française ;

un problème financier : la participation de la France a significativement diminué au cours des dernières années, passant, pour les six lycées, de plus de 2 millions d'euros pour l'année scolaire 1996-1997 à environ 700.000 euros pour l'année scolaire 2003-2004. Or les établissements ont vu leur situation financière se dégrader au cours des dernières années, en raison de la réforme de l'enseignement primaire en Turquie, de l'assujettissement des établissements d'enseignement privés à l'impôt sur les excédents, comme les entreprises, de la crise financière, de la disparition progressive des revenus liés aux comptes placés, et des investissements nécessaires pour mettre en place une pédagogie moderne. Sur les six établissements, trois d'entre eux connaissent une situation financière fragile. C'est le cas, en particulier, du lycée Saint-Joseph à Izmir. Enfin, les lycées congréganistes doivent faire face à une concurrence importante de la part des écoles étrangères (américaines, italiennes, autrichienne et allemande), qui bénéficient d'un soutien important de leur ambassade, et des lycées turcs prestigieux, qui sont souvent soutenus par de grandes entreprises turques. Le maintien d'un enseignement d'excellence est donc une condition indispensable à la pérennité des établissements, dont la réputation se mesure aisément, en raison de l'existence d'un concours général pour l'accès aux écoles privées en Turquie.

Le tableau ci-après retrace l'évolution de l'aide financière accordée par le ministère des affaires étrangères aux 6 lycées de la Fédération des Ecoles Catholiques Françaises de Turquie depuis 1996-1997.

Evolution de l'aide apportée par le ministère des affaires étrangères français à l'association des écoles catholiques françaises de Turquie

Année scolaire

Montant total des subventions accordées aux
6 établissements

Nombre total de postes attribués
aux 6 établissements

Enveloppe financière accordée aux 6 établissements

 

Détachés budgétaires

CSN

CRSP

Conventions-types puis contrats MICEL

 

1996-1997

601.510 FRF

14 postes soit 7.912.800 FRF

5 postes soit 650.000 FRF

1 poste soit 220.000 FRF

38 postes soit 4.187.600 FRF

13.571.910 FRF

1997-1998

240.000 FRF

10 postes soit 5.652.000 FRF

5 postes soit 650.000 FRF

2 postes soit 440.000 FRF

38 postes soit 4.187.600 FRF

11.169.600 FRF

1998-1999

165.000 FRF

8 postes soit 4.521.600 FRF

5 postes soit 650.000 FRF

2 postes soit 440.000 FRF

39 postes soit 4.297.800 FRF

10.074.400 FRF

1999-2000

231.400 FRF

6 postes soit 3.391.200 FRF

4 postes soit 520.000 FRF

1 poste soit 220.000 FRF

43 postes soit 4.738.600 FRF

9.101.200 FRF

2000-2001

214.400 FRF

4 postes soit 2.260.800 FRF

4 postes soit 520.000 FRF

0 poste soit
0 FRF

46 postes soit 5.069.200 FRF

8.064.400 FRF

2001-2002

29.000 FRF

3 postes soit 1.695.600 FRF

4 postes soit 520.000 FRF

0 poste soit
0 FRF

43+2 non attribués = 45 postes soit 4.959.600 FRF

7.203.600 FRF

2002-2003

0 €

0 poste soit 0

0 poste soit
0 €

0 poste soit
0 €

46 postes soit 772.800 €

772.800 € soit 5.069.200 FRF

2003-2004

0 €

0 €

0 €

0 €

46 postes soit 695.474 €

695.520 € soit 4.562.280 FRF

Coûts paramétriques utilisés (référence à un document émis par le Service Culturel d'Ankara le 22/03/01) :

- 1 poste de détaché budgétaire : 565.200 FRF/an

- 1 poste de CRSP : 220.000 FRF/an

- 1 poste de CSN : 130.000 FRF/an

- 1 poste MICEL (50 % - 50 %) 110.200 FRF/an = 16.800 €/an

- 1 poste MICEL (45 % - 55 %) 99.180 FRF/an = 15.120 €/an

En 8 ans l'aide accordée a été réduite de 66,4 %.

Ce tableau montre clairement que si le nombre de professeurs français est relativement stable, les conditions de la participation financière de la France à leur rémunération diminue. Après avoir supprimé les postes de professeurs détachés, la France diminue en effet sa participation à la rémunération des professeurs bénéficiant de contrats avec la Mission de coopération éducative et linguistique (MICEL) - voir infra - : à la rentrée 2003, celle-ci passait de 50 % à 45 %, et devrait progressivement être rapportée à 35 %.

Si ce désengagement semble nécessaire en raison du poids élevé de la rémunération des personnels dans notre enveloppe de coopération, il convient d'éviter qu'il soit trop brutal ou important, de manière à permettre à nos partenaires de s'adapter aux nouvelles conditions de notre participation. C'est toute la difficulté à laquelle est confrontée notre coopération en matière d'enseignement : s'il est nécessaire de trouver les moyens d'une plus grande souplesse d'intervention et de diversifier les coopérations existantes, il convient de faire en sorte que les projets que la France a soutenus de longue date ne soient pas contraints de s'interrompre du fait de notre désengagement.

Le même problème existe au niveau universitaire, compte tenu du poids de l'université de Galatasaray dans notre dispositif de coopération : il s'agit, là aussi, comme cela est précisé plus loin, de dégager des marges de manoeuvre tout en préservant l'existant.

2. Les lycées de la fondation Tevfik Fikret

Les lycées de la fondation Tevfik Fikret sont des lycées bilingues réputés, relevant d'une fondation privée turque à but non lucratif, créée en 1964 par 14 universitaires francophones, anciens élèves du lycée de Galatasaray.

Votre rapporteur spécial, qui a eu l'occasion de visiter les établissements de cette fondation à Ankara et à Izmir, a constaté qu'ils disposaient de locaux récents et d'équipements modernes.

Ces établissements assurent un enseignement bilingue turc et français. Par ailleurs, l'apprentissage de l'anglais y est obligatoire à compter de la classe de sixième. Ils bénéficient, à l'instar des établissements congréganistes, avec lesquels, à certains égards, ils sont en concurrence, du concours de professeurs français, financés en partie par la France. Le nombre de professeurs français est de 18 dans l'établissement d'Ankara, de 11 dans celui d'Izmir, et de 4 dans celui de Bursa. Par ailleurs, la France aide directement la fondation Tevfik Fikret, pour un montant de 6.900 euros pour l'année 2003. Le passage progressif d'un financement paritaire des professeurs bénéficiant d'un contrat avec la MICEL à un financement à hauteur de 35 % seulement par la France semble avoir été compris et accepté par les responsables de la fondation.

Afin de limiter le poids des rémunérations dans nos dépenses de coopération, ainsi que pour faire face à la difficulté de recrutement de professeurs français dans les matières scientifiques, la France réduit progressivement le nombre de professeurs français pour les remplacer par des professeurs turcs francophones ayant préalablement bénéficié d'une formation en France, financée par les crédits de coopération. Ainsi, 11 professeurs turcs ont été formés en 2 ans pour le seul lycée Tevfik Fikret d'Ankara. Cette solution est, à l'évidence, beaucoup plus économe que la rémunération de professeurs français.

Votre rapporteur spécial considère que la coopération avec la fondation Tevfik Fikret est exemplaire : d'une part, elle s'appuie sur une initiative privée de qualité. Elle est donc parfaitement intégrée au « paysage local » et constitue un mode de coopération efficace pour un coût budgétaire modeste ; d'autre part, notre implication budgétaire se réduit progressivement, mais de manière à assurer la pérennité de l'outil de coopération : en formant des professeurs turcs en France, nous donnons à ces lycées une capacité autonome d'enseignement en langue française, tout en limitant la prise en charge de la rémunération des enseignants pour l'avenir.

Toutefois, ce modèle séduisant n'est pas aisément transposable à l'étranger, dès lors qu'il suppose l'existence d'une initiative privée locale suffisamment solide pour permettre la création d'un outil de qualité.

3. Le lycée de Galatasaray

Le lycée de Galatasaray est l'une des institutions d'enseignement les plus anciennes et les plus prestigieuses de Turquie, qui bénéficie d'une longue tradition francophone. L'établissement actuel, alors lycée impérial, a été fondé en 1868. Il avait pour objet de former les futurs cadres de l'empire ottoman selon les standards occidentaux, et a joué un rôle important dans l'histoire de la Turquie moderne, compte tenu de sa tradition d'ouverture et de modernité et de son caractère multiconfessionnel. La France a, depuis 1868, apporté un soutien constant au lycée de Galatasaray, qui accueille aujourd'hui plus de 1.200 élèves. Elle assure la rémunération d'une trentaine de professeurs français qui enseignent au sein de l'établissement.

C. LA COOPÉRATION UNIVERSITAIRE ET DE RECHERCHE, UN PARTENARIAT PROMETTEUR

La coopération scientifique, universitaire et de recherche représente environ 2,5 millions d'euros, soit un peu plus d'un tiers de la programmation totale du poste (cette proportion s'est avérée constante au cours des 4 dernières années, et s'élève à 35,3 % en 2003). Plus de 70 % de ce montant est consacré à l'université de Galatasaray (1,84 million d'euros, soit 72,8 % en 2003), dont plus de 72 % est consacré au financement de 35 enseignants pour l'année 2002-2003. En dix ans, la France a consacré environ 35 millions d'euros à la coopération avec l'université de Galatasaray.

1. L'université francophone de Galatasaray

L'université francophone de Galatasaray ne constitue pas une création aussi ancienne que le lycée du même nom. Ce n'est qu'en 1992, à l'occasion de la visite d'Etat du président de la République, François Mitterrand, qu'a été signé un accord bilatéral créant une école primaire et un enseignement supérieur au sein de l'établissement d'enseignement intégré de Galatasaray, dont l'histoire est retracée dans l'encadré ci-après.

L'université francophone de Galatasaray est gérée par un comité paritaire franco-turc de concertation comprenant des responsables des ministères des affaires étrangères et de l'éducation nationale, de la recherche et de l'enseignement supérieur des deux pays, ainsi que le recteur de l'université, M. Erdogan Tezic, et le recteur-adjoint français, M. Jean-Claude Verez. Un conseil académique composé d'experts et d'universitaires des deux pays assurent le suivi pédagogique des différentes disciplines. Il existe également un haut comité de parrainage franco-turc, présidé par l'ancien premier ministre M. Raymond Barre. Le président de la République française est le président honoraire de ce comité.

Très bien installée dans un ancien palais sur les rives du Bosphore, et très bien équipée - votre rapporteur spécial a eu l'occasion de visiter le chantier de la future bibliothèque de l'établissement, à la pointe de la technologie -, l'université francophone de Galatasaray accueille plus de 1.500 étudiants, dont une centaine en troisième cycle.

Histoire de l'université de Galatasaray

Le Galatasaray d'aujourd'hui remonte à la création, par le Sultan Bajazet II en 1481, d'un « Enderun », foyer d'instruction institué dans les palais ottomans pour la formation des futurs cadres de l'Empire, portant le nom de Galata Sarayi . Celui-ci était situé à l'emplacement du lycée actuel de Galatasaray et avait pour but de former les cadres pour les diverses administrations de l'Etat, en donnant une instruction générale adaptée aux besoins de l'époque.

Le mot de « saray » dans l'appellation « Galatasaray », où l'enseignement était dispensé par rapport aux nécessités de l'époque, faisait référence à l'administration de l'Etat et indiquait une école supérieure d'Enderun. C'est pratiquement la seule école qui ait réussi à perpétuer son nom, sa fonction, et en partie ses traditions, jusqu'à nos jours.

Comme chaque établissement, Galatasaray a connu aussi des périodes de récession, de stagnation et de progrès. En 1838, le bâtiment existant fut reconstruit et devint le Tibbiye-i Adliye-i ahane (Grande Ecole Impériale de Médecine) qui forma des cadres de l'Etat et aussi les premières sages-femmes turques. C'est ainsi qu'un premier pas a été fait, dans le domaine de l'instruction civile, vers la science occidentale.

En 1868, ouvrit le Mekteb-i Sultani (l'Ecole Impériale), troisième étape de Galatasaray. Cette école historique, où l'enseignement était donné en grande partie en français, était un établissement d'enseignement et d'éducation dans lequel les liens fonctionnels, géographiques et humains des jeunes se consolidèrent, en raison de l'atmosphère communautaire et de la liberté de conscience qui y régnaient et, en particulier, du système d'internat. Le Sultan Abdulaziz fonda trois grandes écoles en 1874 : l'école de Droit de Galatasaray, l'école de Génie Public de Galatasaray, l'école des Lettres de Galatasaray , unités d'instruction supérieures réunies sous le nom de Mekteb-i Aliye-i Sultaniye , (Grande Ecole Impériale). Cette école supérieure était organisée sur le modèle des facultés de la Sorbonne pour leurs programmes et leur administration. Le Mekteb-i Hukuk (faculté de Droit) ouvert au sein de Galatasaray constitue une phase importante du développement des Facultés de Droit d'aujourd'hui.

L'établissement Mekteb-i Aliye-i Sultaniye devint en 1877 le Darülfunun-u Sultani (l'Université du Sultan) et organisa des séminaires de culture et d'information pour les fonctionnaires. A partir de l'époque de la République, Galatasaray a continué sa mission sous les réformes kémalistes, et est devenu l'actuel lycée de Galatasaray.

L'association fondée par les anciens élèves du lycée de Galatasaray ainsi que les clubs et les différentes institutions qui gravitaient tout autour, ont travaillé et travaillent encore chacun dans son domaine. Il faut signaler ici, vu son projet et la primauté accordée à l'enseignement, la Fondation pour l'Education , créée par un groupe de Galatasaray sous la tutelle de Monsieur nan Kýraç, qui en devint le Président. De sa création à ce jour, consciente des besoins et des objectifs de Galatasaray, que les moyens financiers du Ministère de l'Education Nationale ne peuvent couvrir que partiellement, la Fondation remplit parfaitement sa mission, définie comme suit dans l'article premier de son règlement : « le désir et l'espoir de ceux qui ont été diplômés, ont acquis une culture générale, et ont été éduqués pour le bien du pays dans le grand lycée de Galatasaray, vieux d'une tradition demi-millénaire, de payer leur dette à l'égard de cette institution en la développant, en permettant que des milliers d'autres jeunes gens turcs puissent en bénéficier, en aidant la Turquie, sur les plans de la culture et de l'éducation, à continuer à un niveau supérieur la mission éducative assurée par le Lycée »

Peu à peu, la Fondation, qui avait aidé pendant dix ans le lycée et l'association des anciens de Galatasaray, envisagea un projet d'Université. Ce projet, initié en 1989, a été soumis aux autorités turques et françaises, qui y ont donné leur appui, et, ces travaux ainsi achevés, le protocole de l'Université a été signé le 6 décembre 1991 par les délégations française et turque. Enfin, l'Université Galatasaray est née officiellement lors de la cérémonie de signature au lycée de Galatasaray, le 14 avril 1992, avec la participation solennelle des Présidents de l'époque des deux pays, M. François Miterrand pour la France et M. Turgut Özal pour la Turquie. De cette manière, le projet préparé par la Fondation a reçu son identité juridique par une cérémonie et un document international.

L'Etablissement d'Enseignement Intégré de Galatasaray (EEIG)

Réalisé par un projet de la Fondation et créé par l'accord du 14 avril 1992, l'Etablissement d'Enseignement Intégré de Galatasaray a fonctionné sous ce nom jusqu'en juin 1994. Le statut en vigueur, publié dans le Journal Officiel n° 21397 du 6 novembre 1992, a été annulé par l'article 6 de la loi 3993 du 6 juin 1994. L'EEIG, institution ayant personnalité juridique et constituée d'une école primaire, d'un lycée et d'un établissement d'enseignement supérieur comprenant différents départements et cycles, a fonctionné pendant 19 mois, dirigé par un conseil d'administration qui a tenu compte de l'accord de 1992, du statut juridique de l'établissement et des décisions du Comité paritaire. Ce conseil, sous la présidence du professeur Yýldýzhan Yayla , était composé des vice-présidents turc et français, respectivement le professeur Barlas Tolan et Mme. Annie Petit, du directeur de la Haute Ecole d'Ingénierie et de Technologie, le professeur Ethem Tolga, du directeur du Lycée Galatasaray, le professeur Erdoðan Teziç et du Secrétaire Général , Yalçýn Çakalir, maître de conférences.

La Première Université fondée par un accord bilatéral

Par la loi publiée dans le Journal Officiel n° 21952 du 6 juin 1994, l'EEIG est devenu l'Université Galatasaray. Devenue université de plein exercice, l'institution a toutefois gardé sa caractéristique d'établissement d'éducation et d'enseignement intégré, incluant un lycée, dont dépend l'école primaire, ainsi que toutes les unités directement rattachées au Rectorat.

Source : Université de Galatasaray - site internet

L'université francophone de Galatasaray dispose de cinq facultés:

- faculté de Droit ;

- faculté de Sciences économiques et Administratives (qui comprend trois départements : économie, gestion et relations internationales) ;

- faculté de Communication (qui est composée de trois modules : journalisme et publication sur internet, relations publiques et publicité et radio, télévision et cinéma) ;

- faculté d'Ingénierie et de Technologie (qui comprend deux départements : génie industriel et génie informatique) ;

- faculté des Sciences et Lettres (qui comprend deux départements : philosophie et sociologie).

Dans ces cinq facultés, les cours sont assurés en français sauf pour les cours de turc et certaines matières spécialisées. Les étudiants suivent également un enseignement en anglais afin de maintenir ou de développer leur maîtrise de cette langue. Pour entrer à l'université francophone de Galatasaray, les élèves doivent passer un concours national particulièrement sélectif. Sur environ 300 étudiants entrant chaque année à l'université francophone de Galatasaray, la moitié environ est issue des lycées turcs francophones (et au minimum, un quart des lycées congréganistes), les autres ayant effectué leur scolarité dans le cadre d'établissements turcophones ou anglophones. Ces derniers ne maîtrisent pas la langue française et effectuent donc une ou deux années d'apprentissage et de perfectionnement du français, afin d'être en mesure ensuite de suivre les cours dispensés par l'université.

Le partenariat entre la France et la Turquie s'exprime par un consortium de trente universités et grandes écoles françaises, ayant comme chef de file l'université de Paris I - Panthéon Sorbonne.

Les sept premiers membres du consortium d'appui à Galatasaray ont été l'université Paris I Panthéon - Sorbonne, l'université de Lille, l'université de Provence Aix-Marseille, l'université de Picardie Jules-Verne, l'Ecole supérieure de génie industriel de l'Institut national polytechnique de Grenoble, l'Ecole internationale des sciences du traitement de l'information de Cergy-Pontoise et l'Institut d'études politiques de Paris et la Fondation nationale des sciences politiques.

Ces établissements ont participé à l'élaboration des programmes et leurs représentants siègent au Conseil académique chargé de suivre le projet et de favoriser la coopération pédagogique entre Galatasaray et les membres du consortium.

Les établissements d'enseignement supérieur et de recherché signataires de la convention de coopération relative à l'Université Galatasaray sont, outre l'université Galatasaray : le Centre d'Etudes Européennes de Strasbourg, le Conservatoire National des Arts et Métiers (CNAM), l'Ecole Internationale des Sciences du Traitement de l'Information (EISTI), l'Ecole Nationale d'Administration (ENA), les instituts d'études politiques (IEP) de Bordeaux, de Lille, de Lyon et de Grenoble, l'Institut Français des Etudes Anatoliennes ; l'Institut International d'Administration Publique, Institut National Polytechnique de Grenoble (INP), les université d'Amiens, d'Artois, Blaise Pascal de Clermont-Ferrand, Bordeaux IV Montesquieu, l'université de Droit, d'Economie et des Sciences d'Aix-Marseille III, les universités de Provence Aix-Marseille I, de Reims Champagne-Ardennes, de Rennes I, de Rennes II, l'université des Sciences et Technologies de Lille, les universités d'Evry, Louis Pasteur - Strasbourg I, Paris I Panthéon-Sorbonne, Paris II Panthéon-Assas, Paris IV Sorbonne, Paris V René Descartes, Paris IX Dauphine, Paris X Nanterre, Paris XII, Robert Schuman (Strasbourg III) et Bordeaux III Michel de Montaigne.

A la sortie de l'université, un certain nombre d'étudiants bénéficient de bourses pour s'inscrire en 3 ème cycle en France. Par ailleurs, dans le cadre des programmes européens Socrates et Erasmus, auxquels la Turquie participe, des échanges d'étudiants ont lieu entre l'université et des établissements français d'enseignement supérieur. Comme ailleurs dans le monde, la France souffre de la concurrence internationale, et notamment, de celle avec les universités américaines et britanniques. Toutefois, sur 370 étudiants diplômés de l'université de Galatasaray, 30 poursuivent un 3 ème cycle en Europe.

La coopération avec l'université de Galatasaray traverse actuellement une période d'adaptation. Il s'agit notamment :

- de développer la recherche au sein de l'établissement ;

- de préparer la relève par le renforcement de la formation doctorale eu augmentant le nombre de bourses pour les doctorats encadrés ou en co-tutelle, et en encourageant les échanges de recherche ;

- de poursuivre son insertion dans l'espace européen (à travers des projets de recherche communs et les échanges d'élèves et de professeurs avec la France et les autres pays européens) ainsi que son rapprochement avec les entreprises françaises, afin de développer les stages d'étudiants turcs dans les entreprises françaises.

Le développement de la recherche et la publication dans des revues constitue une priorité pour asseoir la réputation internationale de l'université. Il existe actuellement cinq centres de recherche au sein de l'université :

- le centre de recherche et de documentation sur l'Europe ;

- le centre de recherches de réformes kémalistes ;

- le centre de recherches en gestion ;

- le centre de recherches de criminologie et de droit pénal ;

- le centre de recherches stratégiques.

Au total, on constate que la masse salariale a consommé jusqu'à 75,4 % du budget de la coopération universitaire avec la Turquie en 2001. Cette part a été rapportée à 69,5 % en 2003, et un objectif a été fixé de la rapporter à 65 % en 2004 puis 60 % en 2005. Cette évolution, rendue difficile par les réductions budgétaires et l'augmentation des coûts salariaux, vise à permettre la mise en place d'un réseau de coopération universitaire diversifié, d'une part, et à augmenter le nombre de bourses d'études accordées à des étudiants turcs, d'autre part.

Cette évolution n'est pas sans susciter des tensions avec nos partenaires. En effet, dans un contexte de diminution de notre enveloppe de coopération bilatérale, et où la France souhaite maintenir le nombre d'intervenants dans les établissements avec lesquels elle est engagée dans un processus de coopération, l'ajustement s'effectue essentiellement sur la participation du ministère des affaires étrangères à leur rémunération. Ainsi, les deux derniers postes d'enseignants en détachement budgétaire ont été supprimés à la rentrée 2003, tandis que le niveau des indemnités de résidence des universitaires en délégation a été réduit.

Par ailleurs, le statut public de l'université de Galatasaray, où les professeurs français sont pris en charge intégralement par la MICEL, empêche de former des professeurs turcs en France, car compte tenu de la faible rémunération des professeurs turcs, ils pourraient alors, forts de cette formation, quitter l'université pour enseigner dans des institutions privées.

2. L'université Marmara

L'autre principal projet de coopération universitaire française en Turquie a pour partenaire le département francophone des sciences politiques et administratives de l'université Marmara, qui est d'ailleurs installé dans un bâtiment prêté par la France sur le terrain de Tarabya . Ce projet crée en 1988 sur le modèle des Instituts d'Etudes Politiques français, accueille chaque année 70 étudiants. Il est entré en 2003 dans une nouvelle phase de développement, conforme à l'adaptation générale des actions de coopération de la France : réduction du nombre d'enseignants français et suppression de la subvention au consortium de soutien, afin de dégager des moyens pour renforcer les échanges universitaires et développer un réseau diversifié de coopération universitaire entre la France et la Turquie, d'une part, et de lancer un nouveau programme de bourses d'études. Les crédits consacrés au financement de ce projet sont donc passés de 369.000 euros pour l'année 2000 à 210.000 euros pour l'année 2003.

3. Les bourses universitaires

Les bourses d'étude ont connu, entre 2000 et 2003, une augmentation sensible, passant de 10,2 % à 15,2 % des crédits de la coopération scientifique, universitaire et de recherche.

Ces bourses sont désormais ouvertes à l'ensemble des étudiants francophones ayant un diplôme universitaire équivalent à la maîtrise, et non plus aux seuls étudiants sortant de Galatasaray ou de Marmara (qui disposaient jusqu'ici d'un quota réservé de, respectivement, 12 et 4 bourses annuelles). Leur nombre a augmenté de manière substantielle au cours des dernières années et au total, 53 étudiants turcs bénéficient d'une bourse du gouvernement français pour des études universitaires en 2003-2004 : 26 bourses de DEA/DESS/Master, un boursier à l'école Polytechnique, 2 boursiers en cycle long à l'ENA, 10 bourses de doctorats en co-tutelle, 3 bourses artistiques, 10 bourses d'excellence Eiffel (offertes et gérées par le ministère des affaires étrangères, et financées depuis Paris).

Par ailleurs, la France co-finance avec la fondation turque pour l'éducation une dizaine de bourses sur des sujets spécifiques, qui sont remboursées une fois que l'étudiant dispose d'un emploi. Enfin, neuf étudiants turcs bénéficiant de bourses européennes Jean Monnet sont partis étudier en France à la rentrée 2003.

S'agissant des bourses d'études, votre rapporteur relève que la facturation des déplacements vers la France par les partenaires du ministère des affaires étrangères, le centre national des oeuvres universitaires et scolaires (CNOUS) et EGIDE, dont il est le principal mandant, suscite des interrogations. Cette association à but non lucratif met en oeuvre des coûts paramétriques qui s'avèrent beaucoup plus élevés, pour les voyages en France, que le prix d'un billet d'avion acheté depuis le pays d'origine (ainsi, un billet d'avion Paris-Ankara reviendrait environ trois fois plus cher en passant par EGIDE que s'il était acheté sur place).

4. L'Institut français d'études anatoliennes (IFEA)

Un institut dédié à l'archéologie et à la turcologie a été fondé par la France en 1931 à Istanbul. Il a été transformé en 1975 en « Institut français d'études anatoliennes » (IFEA), traduisant un recentrage de ses activités sur la Turquie et un élargissement des disciplines. Cet institut, qui accueille de jeunes chercheurs travaillant sur la Turquie en partenariat avec des universités françaises, est financé par une subvention de 400.000 euros du ministère des affaires étrangères, versée indépendamment de l'enveloppe de crédits de coopération. Installé dans un bâtiment relativement vétuste (et très loin de respecter les normes para-sismiques) sur le site du Palais de France, résidence du consul général à Istanbul, il ne dispose, comme les lycées et les établissements culturels français, d'aucun statut vis-à-vis de la Turquie, étant considéré comme une simple émanation de l'ambassade.

L'IFEA accueille des chercheurs de qualité, mais les publications qui y sont réalisées souffrent probablement d'un manque de publicité : il convient de s'interroger sur l'exposition dont bénéficie ses travaux et les moyens d'y remédier, en particulier en développant les liens avec les organismes universitaires et de recherche turcs.

D. LA MICEL, UN OUTIL ORIGINAL AU SERVICE D'UNE COOPÉRATION PARTENARIALE AVEC LES ÉTABLISSEMENTS D'ENSEIGNEMENT TURCS

La MICEL, (Mission de coopération éducative et linguistique), est un établissement doté de l'autonomie financière, dépendant du ministère des affaires étrangères, qui lui verse une subvention de fonctionnement. Cet organisme original a été créé en 1992 afin de permettre au ministère des affaires étrangères de financer tout ou partie des postes de professeurs français dans des établissements turcs, à des conditions moins avantageuses que les statuts existants. Il s'agissait notamment de mettre à la disposition de l'université de Galatasaray des enseignants « moins coûteux » que les postes d'expatriés qui y étaient progressivement supprimés. Le statut des personnels français relevant de la « MICEL » a ensuite été étendu aux établissements scolaires avec laquelle la France était engagée dans des projets de coopération, afin d'harmoniser les conditions d'emploi. Le directeur de la MICEL était, à l'origine, le recteur-adjoint de l'université de Galatasaray ; c'est actuellement le conseiller de coopération et d'action culturelle de l'ambassade de France. A la rentrée 2003, la MICEL finançait 126 postes dans les lycées et universités turques.

Les bénéficiaires de contrats « MICEL » sont placés sous l'autorité hiérarchique du Conseiller de coopération et d'action culturelle en Turquie. Le fonctionnement de la MICEL est différent selon les établissements avec lesquels la France a noué des coopérations :

- pour les universités et pour le lycée de Galatasaray, les enseignants sont pris en charge intégralement par la MICEL, qui est l'unique employeur ;

- pour les lycées turcs dits « bilingues » (établissements congréganistes et fondation Tevfik Fikret) ayant passé une convention avec la MICEL, les enseignants signent à la fois un contrat avec l'établissement et un contrat avec la MICEL. Ils perçoivent donc deux bulletins de salaire, celui de la MICEL faisant apparaître les cotisations patronales et salariales à reverser aux organismes d'assurance sociale en France pour la totalité de la rémunération. Ainsi que cela a été mentionné plus haut, la France réduit sa participation à la rémunération de ces enseignants, afin de dégager de nouveaux moyens pour financer les axes prioritaires de sa coopération : de 50 % en 2002-2003, celui-ci doit passer progressivement à 35 %, le complément étant à la charge des établissements d'enseignement bilingues turcs.

Statutairement, la MICEL peut servir à financer toutes les actions de coopération de la France en Turquie, toutefois, son activité a été réduite au paiement des salaires des personnels travaillant dans des établissements d'enseignement turcs, qui représente en 2003 98 % de ses dépenses. Par le passé, la MICEL a toutefois servi à financer de nombreuses actions pour l'université de Galatasaray, y compris l'achat d'équipements. Or, ces biens mis à la disposition de l'université de Galatasaray n'ont même pas, à l'époque, fait l'objet d'un inventaire.

Au total, la MICEL apparaît comme un facteur de souplesse important, qui permet à l'ambassade de France de moduler les conditions de sa participation financière. Pour autant, la généralisation de ce modèle susciterait des interrogations, compte tenu des risques inhérents à une telle souplesse, qui permet notamment de contourner aisément le principe d'annualité budgétaire.

E. CONCLUSIONS SUR NOTRE COOPÉRATION SCOLAIRE ET UNIVERSITAIRE EN TURQUIE

On a, en quelque sorte, crée une filière d'élite francophone en Turquie, qui constitue incontestablement une réussite , si l'on considère notamment le prestige de Galatasaray. Cette coopération universitaire est toutefois confrontée à deux défis :

- en premier lieu, de nombreux étudiants francophones préfèrent désormais partir dans les pays anglo-saxons plutôt qu'en France pour poursuivre leurs études. Ce phénomène n'est toutefois pas spécifique à la Turquie, mais constitue une tendance lourde à l'échelle mondiale ;

- en second lieu, la politique d'assistance que nous avons mis en place nous empêche, compte tenu de la contrainte budgétaire, de diversifier nos actions . Nous sommes donc en train d'alléger progressivement les conditions de notre participation financière, sans y avoir toujours, dès l'origine, préparé nos partenaires.

On peut également se demander si la France n'a pas été quelque peu « aveuglée » par la qualité du projet de coopération avec l'université prestigieuse de Galatasaray, négligeant de ce fait la nécessaire diversification de la coopération universitaire dans le pays. Une évaluation de notre coopération avec l'université de Galatasaray a été réalisée en 2001 par des universitaires français. Ceux-ci avaient critiqué le fait que notre coopération consistait davantage à soutenir une structure qu'un véritable projet.

Ce constat traduit de manière plus générale les difficultés auxquelles sont confrontés nos dispositifs de coopération à l'étranger : il s'agit, en effet, de concilier l'objectif de pérennisation des dispositifs avec celui de souplesse de notre intervention ; il convient donc, de manière systématique, de prévoir la viabilité des projets, à l'extinction de notre soutien, en suscitant très en amont l'émergence de nouvelles sources de financement, publiques ou privées. Votre rapporteur spécial relève toutefois que la communication sur le désengagement financier relatif de la France d'un certain nombre de projets de coopération a permis de faire comprendre aux institutions partenaires les raisons de celui-ci, et de leur donner l'assurance que la France ne les abandonnait pas.

III. LA COOPÉRATION CULTURELLE, INSTITUTIONNELLE, SCIENTIFIQUE ET TECHNIQUE

En matière de coopération institutionnelle, scientifique et technique, votre rapporteur constate que nous préparons en Turquie, comme dans d'autres pays, la perspective d'un rapprochement avec l'Union européenne : nos actions sont de plus en plus orientée pour devenir complémentaire des actions engagées par l'Europe dans le contexte de « pré-adhésion » de la Turquie. Cette stratégie correspond d'ailleurs à la demande des autorités turques.

A. LA COOPÉRATION INSTITUTIONNELLE

La coopération institutionnelle porte notamment sur la formation des fonctionnaires turcs, en partenariat avec les écoles françaises d'administration, le développement d'actions spécifiques sur les questions relatives à l'état de droit et aux libertés publiques, et la sécurité civile.

Elle prend une importance particulière dans le contexte de pré-adhésion de la Turquie à l'Union européenne, puisque la Turquie doit préparer ses institutions en formant ses fonctionnaires aux standards européens. Dans ce cadre, les actions françaises de coopération visent à devenir complémentaires de celles engagées par l'Union européenne.

Par ailleurs, l'ambassade apporte son soutien aux administrations françaises pour les aider à mettre en oeuvre des jumelages administratifs entre les institutions françaises et turques dans le cadre défini par l'Union européenne. Il convient de rappeler que la Turquie a fait l'objet, en décembre 2001, d'un « règlement financier unique » apparenté au programme PHARE 9 ( * ) , qui prévoit un alignement de l'aide de pré-adhésion accordée à la Turquie par l'Union européenne sur celle dont bénéficient les autres candidats.

Enfin, depuis trois ans, la France dispense gratuitement, dans le cadre de ses centres culturels, des cours de français aux fonctionnaires turcs de plusieurs départements ministériels. Cette opération coûteuse qui vise à développer la maîtrise du français dans l'administration turque, doit nous permettre de disposer d'interlocuteurs privilégiés.

B. LA COOPÉRATION TECHNIQUE

La coopération technique est orientée vers les priorités fixées par l'Union européenne, afin de pouvoir susciter des projets et de bénéficier de financements européens. Des rencontres bilatérales d'experts visent à finaliser des stratégies sectorielles nationales et à produire des fiches de projet spécifiques à caractère européen.

Les actions de coopération portent notamment sur les secteurs clef de l'éducation technique, de l'agriculture, de la pêche, de l'environnement, de la santé, de l'habitat et de l'aménagement urbain. Elles viennent en complémentarité ou en amont des actions menées par l'Union européenne qui développe aussi, dans les domaines techniques, des opérations de jumelages administratifs en sus de sa coopération technique traditionnelle.

C. LA COOPÉRATION SCIENTIFIQUE

La coopération scientifique bilatérale porte principalement sur les projets suivants :

- une campagne de recherches bathymétrique et sismique en mer de Marmara, conduite par le Centre national de la recherche scientifique (CNRS) et l'Institut français de recherche pour l'exploitation de la mer (IFREMER) en relation avec le TUBITAK (équivalent du CNRS en Turquie) depuis plusieurs années ;

- la mise en place du 6 ème programme commun européen de recherche (PCRDT) auquel la Turquie a décidé de participer en janvier 2003. Des rencontres sont organisées régulièrement entre des chercheurs français et turcs dans ce cadre.

CHAPITRE II : L'ETAT DU PATRIMOINE IMMOBILIER FRANÇAIS EN TURQUIE SOULIGNE LES DIFFICULTÉS DE GESTION DU MINISTÈRE

I. LA SITUATION COMPLEXE ET INSATISFAISANTE DES BIENS IMMOBILIERS DE LA FRANCE EN TURQUIE

Le parc immobilier de l'Etat français en Turquie est important, et, pour partie, très ancien. Cette ancienneté explique, d'une part, le mauvais état de certains immeubles, et, d'autre part, la relative incertitude quant à la propriété réelle d'un grand nombre d'implantations françaises. En effet, une partie des terrains occupés par la France relève de statuts particuliers datant de l'époque des sultans. Ainsi, avant 1924, on mettait fictivement les propriétés au nom des épouses des Consuls, les hommes étrangers n'ayant pas le droit d'être propriétaires dans le droit ottoman. Les épouses devenaient pour leur part automatiquement sujettes du Sultan et pouvaient être propriétaires fonciers ; elles faisaient ensuite une déclaration notariée en France dans laquelle elles reconnaissaient n'avoir été que des prête-noms pour le compte des autorités françaises.

Bien que ces statuts soient recensés au cadastre turc, l'interdiction de consultation de ce dernier par des étrangers en rend la connaissance parfois incertaine. Votre rapporteur spécial a souhaité, au cours de sa mission, visiter l'ensemble de ce parc immobilier, afin d'en tirer des enseignements sur sa gestion par le ministère des affaires étrangères.

A. LES IMPLANTATIONS FRANÇAISES À IZMIR : UNE SITUATION JURIDIQUE COMPLEXE

La France dispose à Izmir d'un centre culturel et d'un magnifique bâtiment de plus de 900 m 2 en marbre massif, avec une cour intérieure de 120 m 2 , sur la promenade longeant la baie. Ce bâtiment, qui hébergeait le consulat de France jusqu'en 1991, avait été reconstruit en bord de mer en 1906 après le tremblement de terre qui avait largement détruit la ville d'Izmir en 1904. Il avait ensuite été remis en état en 1928, après l'immense incendie qui avait ravagé la ville en septembre 1922. Depuis 1981, il n'existait plus à Izmir de poste de consul, le fonctionnement du poste ayant été assuré, de 1981 à 1991, par un agent consulaire. En 1991, le bâtiment avait été abîmé par un attentat anti-français, alors que la France participait à l'opération militaire « Tempête du désert » contre l'Irak. Par conséquent, outre l'aménagement du bâtiment, son utilisation impliquerait d'y effectuer des réparations non négligeables.

Le bâtiment n'accueille aujourd'hui qu'une petite antenne du consulat et de la mission économique, ce qui n'occupe environ qu'un quart de l'ensemble des surfaces.

Le bâtiment accueillant le centre culturel français, très proche de celui de notre ancien consulat, a été construit dans les années 40 par la Chambre de commerce franco-turque d'Izmir, sur les débris du premier consulat. En 1960, la France a repris le bâtiment pour y installer le centre culturel français d'Izmir, et y a effectué des travaux d'agrandissement en 1962, notamment pour y installer une salle de spectacle, qui a fait récemment l'objet d'une rénovation, financée pour partie grâce à des mécènes locaux. Votre rapporteur remarque que ce centre est bien géré, et développe ses actions grâce à un autofinancement croissant (augmentation du mécénat et des partenariats avec des entreprises turques, location de la salle de spectacle, développement des cours de langue...).

Sur le terrain d'environ 5.000 m 2 du centre culturel d'Izmir, est installé, « à titre provisoire », mais depuis les années 1930, un club de tennis, appelé « Petit Club d'Izmir » et un restaurant, au mépris des règles d'extraterritorialité. Ce club très réputé dispose d'une convention avec l'ambassade autorisant l'utilisation du terrain contre une redevance très modeste d'à peine 10.000 francs par an, pour la période 1991-2001. Une nouvelle convention, et une hausse substantielle de la redevance, étaient à l'étude lors de la visite de votre rapporteur.

En 1983, une décision conjointe du Premier ministre, du ministre des affaires étrangères et du ministre des finances avait été prise de fermer dix consulats, dont celui d'Izmir, afin de dégager les financements nécessaires à l'achèvement de l'ambassade de France à Washington. En engageant les démarches préalables à la mise en vente, les autorités françaises se sont rendues compte que les terrains d'Izmir avaient un statut juridique complexe, qu'il convenait d'éclaircir, le point étant de savoir si la France dispose d'un droit de propriété ou d'un simple droit d'usage concédé par une fondation. Lorsque la République kémaliste avait remplacé le sultanat en 1924, les autorités françaises n'avaient pas procédé aux vérifications nécessaires, et, par conséquent, n'avaient pas engagé de négociations sur ce point.

Une solution consisterait à solliciter un investisseur privé qui serait intéressé par le terrain du centre culturel, constructible et situé au centre de la ville, et prendrait à sa charge le dédommagement du club de tennis ainsi que les travaux nécessaires pour permettre l'implantation du centre culturel français dans l'ancien bâtiment du consulat.

L'installation du centre culturel français dans le bâtiment de notre ancien consulat permettrait d'offrir une magnifique « vitrine » de la France à Izmir, alors que notre image est aujourd'hui ternie par l'utilisation très partielle et l'entretien limité de ce bâtiment. Il convient de trouver rapidement une solution, car la France fait mauvaise impression en laissant presque à l'abandon un bâtiment prestigieux.

Votre rapporteur considère, compte tenu de la complexité juridique du statut de nos implantations à Izmir, que le règlement de cette situation devra impliquer des interventions politiques de haut niveau afin d'éviter que les décisions y afférent soient fragiles et puissent être remises en cause par les autorités locales.

B. LES LYCÉES FRANÇAIS

Les deux lycées français de Turquie, « Pierre Loti » à Istanbul et « Charles de Gaulle » à Ankara, sont actuellement installés de manière provisoire, la mise en oeuvre de projets immobiliers devant leur permettre de retrouver une implantation définitive.

1. Le lycée « Charles de Gaulle » à Ankara

A Ankara, la construction d'un nouveau lycée « Charles de Gaulle » était prévue depuis longtemps : la France avait acheté à cette fin, en 1998, un terrain de 3.500 m 2 situé au centre de la ville, à proximité du mausolée de Mustapha Kemal Atatürk.

Un concours d'architecture avait ensuite été organisé en 2002 en vue de la construction de ce lycée, et un lauréat avait été désigné en avril 2003. Le coût prévisionnel de construction était de l'ordre de 6 millions d'euros, que le ministère des affaires étrangères, après s'y être engagé, a indiqué ensuite ne pas être en mesure de financer. Du fait de l'installation provisoire satisfaisante du lycée, du caractère assez inconfortable du terrain, mais surtout des contraintes budgétaires, l'opération a toutefois été récemment suspendue. L'ambassade de France serait aujourd'hui à la recherche d'un nouveau terrain en dehors de la ville, qu'elle pourrait échanger avec le terrain initialement prévu pour accueillir le lycée. La solution qui sera trouvée pourrait être plus adaptée que le projet initial, notamment parce que la plupart des établissements privés réputés à Ankara s'installent à l'extérieur de la ville ; mais là encore, le provisoire dure, et engendre des coûts : ainsi, plus de 150.000 euros ont été dépensés pour l'organisation du concours et les études depuis l'achat du terrain, d'après les informations obtenues par votre rapporteur spécial auprès du ministère des affaires étrangères. La conduite de ce projet souligne, en tout état de cause, une mauvaise appréciation des conditions dans lesquelles le lycée français devait être installé. En effet, le projet initial d'implantation du lycée « Charles de Gaulle sur le terrain acheté par la France aurait conduit à construire un bâtiment accueillant environ 500 enfants de 3 à 18 ans sur six étages.

2. Le lycée « Pierre Loti » à Istanbul

Pour le lycée « Pierre Loti », situé dans le quartier de Beyoglu à Istanbul, dont une partie seulement (maternelle et primaire) est ouverte après avoir été mise aux normes de sécurité, une solution provisoire satisfaisante a été trouvée en installant des bâtiments préfabriqués d'excellente qualité dans la banlieue d'Istanbul, sur le terrain de Tarabya , situé à 17 kilomètres du site du lycée. Ce terrain de 7 hectares situé sur les rives du Bosphore, qui avait été donné à la France par le sultan en 1860, était l'ancienne résidence d'été de l'ambassadeur de France. Une dépendance du palais d'été de l'ambassadeur, qui a été détruit, est d'ailleurs louée au département francophone de science administrative et politique de l'université de Marmara, qui accueille entre 250 et 300 élèves.

Votre rapporteur a pu constater les prouesses réalisées pour accueillir les élèves du lycée français sur ce terrain à la rentrée 2003 : en deux mois, au cours de l'été, des préfabriqués confortables et respectant l'ensemble des normes applicables aux bâtiments destinés à l'accueil du public ont été installés. Ils accueillaient, à la rentrée 2003, 362 élèves (223 élèves dans les classes de collège et 139 dans les classes de lycée). Le coût des travaux d'installation s'est élevé à 826.000 euros. La communauté scolaire semble satisfaite de cette solution décidée dans l'urgence compte tenu des restrictions de capacité du lycée « Pierre Loti » liée à la fermeture de la partie des locaux qui n'a pas fait l'objet d'une mise aux normes para-sismiques.

Toutefois, cette installation ne semble que tolérée pour une durée provisoire. Il convient de décider rapidement, soit d'engager les travaux de mise aux normes sismiques de la seconde tranche du lycée « Pierre Loti » dans le quartier de Beyoglu , soit d'envisager le maintien, voire le développement à Tarabya de la structure existante, dans des conditions à définir avec les autorités turques. Cette dernière solution semble préférable, au regard des conditions d'étude des élèves. En effet, même si les financements destinés à la mise aux normes complète du site de Beyoglu étaient dégagés, ce qui est incertain compte tenu du coût des travaux, proche de 7 millions d'euros, le site est devenu trop exigü pour accueillir l'ensemble des élèves français : la surface par élève n'est que de 2,3 m 2 , contre une norme habituelle de 4,5 m 2 dans les établissements français. Du point de vue du confort des élèves comme de leur sécurité, le site de Tarabya paraît donc plus adapté.

Compte tenu de la réglementation turque très stricte relative à l'urbanisation des rives du Bosphore, une solution pour installer définitivement le lycée « Pierre Loti » à Tarabya pourrait consister à y reconstruire l'ancien palais d'été de l'ambassadeur de France, dont les plans sont connus : une telle solution recueillerait en effet certainement l'assentiment de la commission du Bosphore chargée de faire respecter les règles de construction, et donnerait un cachet certain à cette nouvelle implantation du lycée.

C. L'INSTITUT D'ÉTUDES FRANÇAISES D'ANKARA

L'institut d'études françaises d'Ankara a été ouvert en 1962. Le bâtiment est situé au centre de la ville, sur l'une des principales artères d'Ankara. Il a été fermé en décembre 1999 : à la suite du tremblement de terre de Kocaeli, le bureau d'étude « Veritas Turquie » a effectué une expertise du bâtiment qui a conduit l'ambassade de France à fermer le centre aux activités recevant du public, pour non-conformité aux normes de sécurité, notamment aux normes para-sismiques.

Il reste en fait discrètement ouvert pour permettre aux personnes qui le souhaitent de demander des informations ou de commander des ouvrages, auxquels ils n'ont toutefois plus d'accès direct. Par ailleurs, des personnels français de l'Institut travaillaient encore dans le bâtiment, dans une ambiance plutôt lugubre.

Suite à la fermeture de l'Institut, 15 salles de classe ont été louées dans un lycée anglophone voisin, pour un loyer mensuel de 5.800 dollars, afin de poursuivre l'enseignement du français, dispensés chaque année à environ 3.000 apprenants. Cette solution interdit toutefois l'organisation de cours dans la journée et pendant la période des vacances scolaires, mais le nombre d'apprenants resterait toutefois en progression (+ 14 % en 2001, + 17 % en 2002 et + 12 % au cours du premier semestre 2003). Si le secteur des cours de langue est bénéficiaire malgré les frais supplémentaires liés à la location des salles, les activités culturelles de l'institut sont déficitaires, d'une part, parce qu'elles sont organisées exclusivement à l'extérieur du bâtiment, d'autre part, parce que les tarifs pratiqués sont très faibles.

En bientôt cinq ans, le bâtiment de l'Institut français d'Ankara, faute d'entretien, s'est dégradé. Le coût des réparations et de sa mise aux normes ne fera que s'accroître avec le temps, coût auquel il convient d'ajouter celui de la location des salles de cours. Indépendamment des considérations financières et de la qualité moindre des prestations proposées par le centre dans un tel contexte, votre rapporteur spécial insiste sur la mauvaise impression que fait la France en laissant une telle situation perdurer et l'institut d'études française « tomber en ruine » dans l'une des plus importantes artères d'Ankara.

Il considère qu'il convient donc de prendre rapidement une décision au sujet de ce centre :

- soit l'on considère que cette implantation est inutile, inadaptée, ou encore, que le coût des travaux nécessaires, qui devrait être de l'ordre d'un million d'euros, ne rend pas « rentable » leur engagement. Dans ce cas il convient de mettre en vente ce bâtiment, puisque la France est propriétaire (si le bâtiment n'a sans doute pas une valeur marchande considérable, compte tenu de son état actuel, tel n'est probablement pas le cas du terrain sur lequel il est construit), quitte à chercher un lieu plus restreint pour accueillir de manière pérenne les activités les plus essentielles (centre de ressources, cours de langue...). Ce choix sera toutefois certainement mal interprété par les autorités locales et nationales turques, qui considéreront qu'il s'agit d'un désengagement de la France ;

- soit il convient de retenir la solution la plus évidente et d'engager rapidement les travaux de rénovation nécessaires à sa mise aux normes ainsi qu'à la restauration de sa façade.

Les études se multiplient, mais avec lenteur, depuis 1999, pour évaluer le coût des travaux. Les autorisations de programme ont été ouvertes en 2002. Toutefois, une nouvelle étude devrait être engagée, dans le courant de l'année 2004, afin d'obtenir un devis définitif. Reste qu'une incertitude totale existe quant à la disponibilité des crédits une fois que ce coût sera établi. L'institut d'études françaises se trouve donc dans une situation provisoire, coûteuse et totalement insatisfaisante, sans disposer de la moindre visibilité pour l'avenir.

C. LES TRAVAUX AU SEIN DE L'AMBASSADE DE FRANCE À ANKARA

Le bâtiment de l'ambassade de France à Ankara ne permettait pas d'accueillir de manière adaptée certains de ses services, en particulier, le service consulaire et le service de coopération et d'action culturelle (SCAC). Deux bâtiments similaires ont donc été construits à l'intérieur du périmètre de l'ambassade afin d'héberger ces deux services. Votre rapporteur spécial a eu l'occasion de visiter le premier de ces deux bâtiments, accueillant les services consulaires. Le second bâtiment, destiné à accueillir les services de coopération et d'action culturelle (SCAC), était en cours de construction lorsque votre rapporteur spécial a effectué sa mission. Achevé depuis lors, il semble donner pleine et entière satisfaction à leurs utilisateurs.

Toutefois, d'après les informations recueillies par votre rapporteur spécial à l'occasion de sa mission, la France avait obtenu un devis intéressant auprès de l'entreprise chargée de la réalisation des travaux, en échange de son engagement de payer comptant les sommes dues. Or, pendant plusieurs mois, l'Etat français n'a pas été en mesure de payer l'entrepreneur chargé de réaliser ces travaux. Votre rapporteur spécial déplore vivement cette situation, qui donne de la France une image de « mauvais payeur » assez peu flatteuse, et constitue de surcroît une très mauvaise opération financière : le coût des pénalités de retard est en effet largement supérieur au coût de l'emprunt pour l'Etat. Les travaux ont toutefois été réceptionnés début novembre 2003 et les entreprises ont pu être payées en totalité des travaux réalisés, soit un montant d'environ 650.000 euros. L'ambassade serait depuis en discussion avec l'entrepreneur afin de trouver une position de compromis ; ce dernier lui réclamerait le paiement de 4.200 euros au titre des intérêts de retard.

L'insuffisance des crédits d'investissement a été telle, au cours de l'exercice 2003, que le ministère des affaires étrangères n'a pas été en mesure de régler l'ensemble des factures correspondant à ses investissements. En réponse à une question de votre rapporteur spécial, le ministère des affaires étrangères avait indiqué en décembre 2003 que le montant total des factures correspondant à des opérations immobilières qui resteraient impayées à l'issue de l'exercice 2003 serait supérieur à 11 millions d'euros

D. LA SÉCURITÉ DES SITES

La sécurisation des implantations diplomatiques françaises constitue l'une des priorités du ministère des affaires étrangères. Celui-ci avait en effet indiqué, en réponse à une question de votre rapporteur spécial sur le projet de loi de finances pour 2004, que parmi les priorités du ministère pour l'année 2004, figurait : « assurer la sécurité, la cohérence et l'efficacité du réseau des services de l'Etat à l'étranger ».

Or, votre rapporteur spécial a eu l'occasion de constater, en Turquie, l'insuffisance de la sécurisation des sites de l'ambassade de France à Ankara et du Palais de France, résidence du consul général de France, à Istanbul.

1. L'ambassade de France à Ankara

L'enceinte de l'ambassade de France à Ankara n'était, lors de la visite de votre rapporteur spécial, protégée que par des grillages sans surveillance dans sa partie arrière, où est installée provisoirement l'école primaire du lycée Charles de Gaulle. D'après les informations recueillies par votre rapporteur spécial, des dispositifs de vidéo-surveillance auraient été installés et un appel d'offre portant sur les travaux de sécurisation du site devrait être lancé afin d'engager ces travaux dès l'année 2004.

2. Les services français à Istanbul

A Istanbul, la conciergerie du Palais de France, qui permettait un filtrage de l'entrée du terrain, s'est écroulée à la suite de la construction du métro stambouliote. Outre l'absence de fermeture de l'accès au palais, cette destruction entraîne l'incapacité pour les gardes de sécurité de loger sur place. D'après les informations recueillies par votre rapporteur spécial, après que la France ait obtenu une indemnisation pour les dégâts causés par le chantier du métro, un appel d'offre aurait été lancé et les travaux auraient été engagés au cours de l'année 2004.

S'agissant des services français à Istanbul, les services consulaires et l'Institut français d'Istanbul partagent un même bâtiment, situé sur Istiqlal Kaddesi, l'une des artères les plus fréquentées de la ville. Une première tranche de travaux a été réalisée pour aménager une galerie d'exposition et une salle de spectacle au sein de l'Institut français d'Istanbul, ainsi que pour améliorer le traitement des visas, pour un montant d'environ 2 millions d'euros. Le reste du bâtiment est toutefois assez dégradé : à l'intérieur de celui-ci, de nombreux murs présentent d'importantes fissures apparentes. La deuxième tranche des travaux a fait l'objet d'études qui ont été finalisées au cours de l'année 2001. Depuis cette date, aucune réalisation n'a été engagée. D'après les informations recueillies par votre rapporteur spécial, la question serait désormais posée du maintien de l'ensemble des services dans ce bâtiment, suite à la visite récente d'une mission de sécurité, qui aurait préconisé le déménagement des services consulaires. Force est de constater que, si les services consulaires sont isolés des espaces culturels destinés à accueillir du public, la cohabitation d'un service consulaire, qui requiert sécurité et confidentialité, et d'un institut français, qui doit être, autant que possible, ouvert sur l'extérieur, ne constitue pas une solution pleinement satisfaisante au regard du souci de sécurité des implantations françaises à l'étranger.

Les constats réalisés par votre rapporteur spécial prennent, à l'évidence, une portée particulière, depuis les attentats commis par un groupe islamiste turc ayant atteint des locaux de la banque britannique HBSC et le consulat du Royaume-Uni en novembre 2003 à Istanbul. Ces attentats soulignent, si besoin était, la pertinence des priorités données par le ministère des affaires étrangères à l'occasion de la discussion du projet de loi de finances pour 2004 : « Veiller à la sécurité des Français à l'étranger » et « Assurer la sécurité, la cohérence et l'efficacité du réseau des services de l'Etat à l'étranger ». Ils justifieraient toutefois que des travaux tels que ceux évoqués ci-dessus soient effectués sans délais. On peut, en effet, considérer que si la France n'a pas été la cible des attentats, dont ont malheureusement été victimes les britanniques, cela est dû aux positions différentes que les autorités françaises ont prises au sujet de l'intervention militaire en Irak, mais certainement pas en raison de la sécurisation de ses implantations en Turquie.

II. LA GESTION DE LA POLITIQUE IMMOBILIÈRE DU MINISTÈRE DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES

Le ministère des affaires étrangères dispose d'un parc immobilier important dont la surface totale est de l'ordre de 2,4 millions de mètre carrés. Près de 90 % de ce parc est situé à l'étranger, et le ministère des affaires étrangères en est propriétaire d'un peu moins des trois quarts.

A. UN PROBLÈME STRUCTUREL DE FINANCEMENT

Votre rapporteur spécial a pris conscience, au cours de sa mission, de l'ampleur des difficultés auxquelles est confronté le ministère des affaires étrangères pour la gestion de ses investissements immobiliers à l'étranger. Le décalage entre les besoins recensés par les postes à l'étranger et les crédits disponibles sur le titre V du budget du ministère des affaires étrangères est croissant, ce qui entraîne des conséquences particulièrement néfastes. Lors de sa communication relative à sa mission en Turquie, le 22 juin 2004, votre commission des finances a souhaité approfondir ce sujet. Elle a donc entendu, le 30 juin 2004, M. Hubert Colin de Verdière, secrétaire général du ministère des affaires étrangères, et M. Patrick Roussel, directeur du service de l'équipement du ministère des affaires étrangères, sur la politique de gestion immobilière du Quai d'Orsay. Le compte rendu de cette audition figure, comme la communication de votre rapporteur spécial, en annexe au présent rapport.

1. Un décalage croissant entre les besoins et les ressources...

Votre rapporteur spécial observe, depuis plusieurs années, une diminution régulière des crédits du titre V du ministère des affaires étrangères, dont le montant est loin de permettre le financement de l'ensemble des opérations prévues par le ministère.

La contrainte budgétaire pesant sur les crédits d'investissement du ministère s'est ainsi considérablement alourdie au cours des dernières années. A l'instar de l'ensemble du budget du ministère des affaires étrangères, et compte tenu de l'importance des frais de personnel et de fonctionnement, mais également de la priorité accordée par le président de la République à l'aide publique au développement, la dotation du titre V a été progressivement réduite, contraignant à l'abandon de certains projets, et, plus généralement, à des retards considérables par rapport aux prévisions initiales pour la plupart d'entre eux. Dans ce contexte, le ministère des affaires étrangères se voit contraint de « parer au plus pressé », en fonction des priorités politiques, d'une part, et de la nécessaire mise aux normes de sécurité de ses bâtiments (désamiantage, mise aux normes anti-sismiques notamment), d'autre part.

Votre rapporteur spécial a obtenu du ministère des affaires étrangères la liste des opérations immobilières en cours. Le ministère lui a transmis cette liste, en précisant toutefois : « les restrictions budgétaires apportées par les réserves d'innovation et les annulations des AP et des CP en 2003, rendent la lisibilité des opérations immobilières incertaine. Dans ce contexte, certaines opérations n'ont pu être lancées ou poursuivies faute de ressources suffisantes. (...) Les perspectives 2004 ne permettent pas encore d'évaluer les retards qui seront causés par la situation des crédits accordés ».

L'ensemble des opérations immobilières en cours représente un coût prévisionnel global de 752,2 millions d'euros. Sur cette somme, un montant d'autorisations de programme (AP) de 296 millions d'euros a été ouvert avant 2003, et de 24,3 millions d'euros, au cours de l'année 2003. S'agissant des crédits de paiement (CP), un montant de 179,4 millions d'euros a été dépensé avant 2003 et de 31,4 millions d'euros au cours de l'année 2003. Le fossé est donc considérable : au rythme actuel, il faudrait entre 15 et 20 ans pour financer l'ensemble des opérations prévues à la fin de l'année 2003.

Se sont ajoutées à la diminution des crédits d'investissement, pour l'année 2003, les mesures de régulation budgétaire décidées par le gouvernement, dont votre rapporteur spécial a eu l'occasion de souligner à plusieurs reprises les effets négatifs sur l'exécution du budget du ministère des affaires étrangères. On rappellera en effet que, dès le 3 février 2003, 3,974 milliards d'euros avaient été mis en réserve pour le budget général. Dès le 14 mars 2003, un premier décret d'annulation était publié, portant sur 1,4 milliard d'euros, soit 36 % des crédits mis en réserve et 0,52 % des ouvertures de crédits votées en loi de finances pour 2003. Sur le budget du ministère des affaires étrangères, la mise en réserve des crédits avait porté (hors aide publique au développement) sur environ 63 millions d'euros en février 2003, dont la moitié a fait l'objet d'une annulation en mars 2003. Par ailleurs, une part importante des crédits reportables à la fin de l'année 2002 avait été gelée.

Dans la synthèse de son rapport sur l'exécution des lois de finances pour l'année 2003, la Cour des comptes a insisté sur les difficultés de gestion résultant de ces mesures, et émis un certain nombre de remarques générales sur la gestion des crédits de paiement et des autorisations de programme :

« L'exercice 2003 a été caractérisé par une régulation complexe et drastique, marquée par des à-coups. Freinage de la dépense et annulations ont dominé l'exercice et pesé sur l'ensemble des gestionnaires de crédits.

« Dans le cadre d'un budget d'investissement en stagnation globale, les affichages de la LFI ont été souvent contredits en exécution : le budget exécuté en 2003 s'écarte ainsi notablement de l'autorisation parlementaire initiale.

« La gestion des crédits de paiement (CP) :

« La gestion des crédits de paiement a été dominée par le souci de limiter la dépense sans remettre en cause les priorités affichées. Cette gestion a entraîné des retards de paiement sur des opérations engagées, générateurs d'intérêts moratoires, et des reports de charges sur l'exercice suivant, même si les dotations disponibles ont été mieux utilisées, comme en témoigne la baisse tendancielle des reports de crédits. L'échéancier de la couverture des autorisations de programme par les crédits de paiement a été systématiquement étalé. Les dépenses d'investissement des services civils ont progressé de 1,1 %, soit une baisse en termes réels, les dépenses militaires augmentant en 2003 quatre fois plus vite que les dépenses civiles.

« La gestion des autorisations de programme (AP) :

« La LFI pour 2003 affichait une stagnation des AP (soit une diminution en euros constants), en même temps qu'une nouvelle et forte priorité pour la défense, alors même que la loi de programmation militaire 1997-2002 a été engagée en quasi-totalité. Les dotations en AP civiles étaient en chute sensible. (...)

« Dans le cadre de l'exécution annuelle, les efforts de gestion des ministères se sont souvent révélés efficaces, même si, dans une perspective pluriannuelle qui est celle des autorisations de programme, la baisse des ouvertures d'AP si elle se poursuivait pourrait remettre en cause le respect des engagements de l'Etat » 10 ( * ) .

En loi de finances pour 2004, les crédits inscrits au titre V, qui financent les investissements exécutés par l'Etat, ont été marqués par une nouvelle diminution des autorisations de programme : - 23,48 %, après - 13,3 % en 2003 et - 3,1 % en 2002.

Le total des autorisations de programme s'établit donc à 45 millions d'euros, dont :

- 26,08 millions d'euros pour l'« acquisition, la construction, la réhabilitation et l'entretien du domaine de l'Etat à l'étranger - contrôle des flux migratoires » (soit une diminution de 1,92 million d'euros, après une diminution de 6,3 millions d'euros dans la loi de finances pour 2003) ;

- 8,17 millions d'euros pour les établissements d'enseignement (contre 15 millions d'euros dans la loi de finances pour 2003) ;

- 3,13 millions d'euros pour les instituts et centres culturels français (soit un retour au niveau de 2002, après une dotation de 10 millions d'euros dans la loi de finances pour 2003) ;

- 4,21 millions d'euros pour les travaux de gros entretien à l'administration centrale (contre 2 millions d'euros dans la loi de finances pour 2003). Par ailleurs, les autorisations de programme concernant le chiffre et la communication sont en très légère diminution, à 3,42 millions d'euros.

Après une diminution de 13,5 % en loi de finances pour 2003, les crédits de paiement diminuent à nouveau en 2004 de 10,3 %, pour s'établir à 42 millions d'euros.

On rappellera par ailleurs que le ministère des affaires étrangères verse, sur les crédits du titre VI (chapitre 68-80, article 40), des subventions d'investissement immobilier au bénéfice des Alliances françaises et des Centres culturels franco-nationaux. Ces subventions ont pour objectif de contribuer à :

- l'entretien lourd du patrimoine existant et son adaptation aux besoins des établissements culturels dont la vocation et les méthodes de travail évoluent avec la généralisation des nouvelles technologies de l'information ;

- l'accession à la propriété d'établissements pilotes jouant un rôle régional et servant de relais à l'action culturelle des postes, afin de les mettre à l'abri de la spirale inflationniste des marchés locatifs.

En réponse à une question posée par votre rapporteur spécial à l'occasion de l'examen du projet de loi de finances pour 2004, le ministère des affaires étrangères a indiqué que « compte tenu de l'érosion importante des moyens disponibles au cours des trois derniers exercices (...)

« Il n'est plus vraiment possible de poursuivre la mise en oeuvre d'une politique qui commençait à porter ses fruits.

« Cette évolution budgétaire défavorable met en difficulté, outre le service gestionnaire, les Ambassades et nos partenaires des Alliances Françaises à l'étranger, à qui il est demandé de constituer des dossiers complexes et détaillés impliquant la participation de nombreux partenaires locaux (municipalités, mécènes, architectes, banquiers, membres des comités...) ».

2. ...dont la traduction pose d'importants problèmes...

L'insuffisance des crédits d'investissement a été telle, au cours de l'exercice 2003, que le ministère des affaires étrangères n'a pas été en mesure de régler l'ensemble des factures correspondant à ses investissements. En réponse à une demande de votre rapporteur spécial, le ministère des affaires étrangères a indiqué les opérations immobilières pour lesquelles des factures resteraient impayées à l'issue de l'exercice 2003, qui sont retracées dans le tableau ci-dessous.

Opérations immobilières dont les factures demeureraient impayées

Lieu

Opération

Montant (en euros)

Abidjan

rénovation ambassade et consulat

300.000

Annaba

extension du consulat général

1.100.000

Alger

lycée

1.500.000

Bamako

rénovation ambassade

500.000

Milan

lycée

1 500.000

Moscou

lycée

500.000

Nairobi

résidence rénovation

250.000

Oran

consulat (études)

230.000

La Courneuve

archives (études)

550.000

Paris

rue La Pérouse (solde Léon grosse)

2.100.000

Rome

lycée site de Strolh Fe

600.000

Tokyo

ambassade (concours)

320.000

Varsovie

ambassade

700.000

Zagreb

ambassade

300.000

Diverses opérations

 

1.000.000

Total

 

11.450.000

Source : ministère des affaires étrangères

Le montant des factures impayées correspondant aux opérations d'investissement immobilier du ministère des affaires étrangères s'élèverait donc à plus de 11 millions d'euros à l'issue de l'exercice 2003.

Votre rapporteur spécial souligne que ce phénomène n'est pas spécifique au ministère des affaires étrangères. Ainsi, la Cour des comptes a souligné, dans son rapport sur l'exécution des lois de finances pour l'année 2003, que « au 31 décembre 2003, les dettes commerciales de l'Etat auprès des fournisseurs publics interrogés s'élevaient à 807 millions d'euros hors EDF, contre 585 millions d'euros au 31 décembre 2002. (...) Pour les entreprises dont les données 2002 sont connues à périmètre égal, cette dette a augmenté de près de 29 % en un an. La tendance est donc à la hausse de la dette commerciale de l'Etat, qui s'analyse comme un transfert d'une partie de son déficit courant sur les comptes de ses fournisseurs » 11 ( * ) .

La forte érosion des crédits consacrés aux investissements immobiliers entraîne donc d'importantes difficultés :

- non-paiement des factures et intérêts moratoires, évoqué ci-dessus ;

- opérations différées rendant nécessaire de recourir à des solutions provisoires qui durent, et absence de visibilité, dans les postes, quant à l'échéancier des travaux devant être réalisés ;

- entretien insuffisant du parc immobilier et surcoûts provoqués par le fait de laisser en déshérence des bâtiments qu'il convient de rénover ;

- conditions de travail des agents du ministère et d'accueil du public dégradées ;

- temps considérable consacré sur place par les diplomates français pour gérer les questions immobilières et leurs conséquences, tant vis-à-vis des communautés françaises que des autorités locales.

3. ...qui impliquent des choix drastiques

Le financement du patrimoine de l'Etat à l'étranger constitue un problème structurel : en effet, les dotations actuelles ne lui permettent pas à la fois d'entretenir correctement le parc existant et d'engager des opérations nouvelles de grande envergure (telles que la construction d'une nouvelle ambassade de France à Berlin, et, s'agissant des projets en cours, des ambassades à Pékin et Tokyo, ou de la construction d'un bâtiment pour le service des archives du ministère à la Courneuve) 12 ( * ) .

La décision de construire de nouvelles ambassades prestigieuses, commandées à des architectes renommés, apparaît, dans ce contexte budgétaire fortement contraint, quelque peu déplacée. Votre rapporteur spécial en veut pour exemple la réalisation de l'ambassade de France à Berlin : s'il comprend et accepte tant les motifs politiques que la portée symbolique de la réinstallation de l'ambassade de France sur son terrain historique, il n'en considère pas moins que cette construction a été excessivement coûteuse et que le ministère des affaires étrangères devra acquitter d'importantes charges d'entretien et de fonctionnement à l'avenir, de l'ordre de 1 million d'euros par an.

Par ailleurs, votre rapporteur spécial s'interroge également, dans ce contexte budgétaire, sur la capacité de la France à entretenir un des réseaux diplomatiques et consulaires les plus importants du monde. Depuis de nombreuses années, il souligne la nécessité pour la France de fermer un certain nombre de consulats dans l'Union européenne, en particulier en Allemagne. Il considère en effet que ces consulats, s'ils rendent un réel service aux populations françaises expatriées, ne constituent plus des priorités pour la France dans un contexte d'approfondissement de l'Union européenne et de développement des moyens de communication. Leur fermeture permettrait de dégager des économies, à la fois par la vente des biens immobiliers correspondants, et par la possibilité de redéployer les personnels qui y travaillent.

4. La mise en oeuvre de ces choix est rendue difficile par des procédures complexes

La politique immobilière du ministère des affaires étrangères apparaît toutefois manquer de priorités clairement définies, les arbitrages semblant être effectués « au coup par coup », en fonction du degré d'urgence des besoins exprimés par les postes à l'étranger. Elle apparaît également manquer de réactivité, s'agissant de la capacité du ministère à procéder à des ventes ou à des achats de bien immobiliers. Des efforts ont certes été engagés : inventaire des biens français à l'étranger, volonté de regrouper l'ensemble des services français dans les capitales à l'étranger sur un site unique... Toutefois, des problèmes importants persistent. Ils tiennent certes, pour partie, à la difficulté liée à la coexistence de services relevant de différents ministères à l'étranger, en particulier, entre le ministère des affaires étrangères et la direction des relations économiques extérieure (DREE) du ministère de l'économie, des finances et de l'industrie. Toutefois, ces difficultés, qui appellent une meilleure coordination entre les services français à l'étranger, sont ponctuelles. Une difficulté davantage structurelle résulte de la lourdeur des procédures : soumis au droit domanial français, le ministère des affaires étrangères ne peut procéder facilement à des opérations d'achat ou de vente de ses biens à l'étranger.

B. LA NÉCESSITÉ D'INTRODUIRE DAVANTAGE DE SOUPLESSE DANS LA GESTION DE LA POLITIQUE IMMOBILIÈRE

1. La mise en oeuvre de la loi organique du 1er août 2001 relative aux lois de finances (LOLF)

La mise en oeuvre de la loi organique n° 2001-692 du 1 er août 2001 relative aux lois de finances (LOLF) devrait permettre de résoudre, pour partie au moins, les difficultés rencontrées par le ministère des affaires étrangères en matière de politique immobilière, compte tenu de la réforme de la comptabilité de l'Etat, d'une part, et d'une fongibilité accrue des crédits, d'autre part, qui permettra de réallouer des moyens vers les dépenses d'investissement, et autorisera une plus grande réactivité.

La mise en oeuvre d'une comptabilité générale, fondée sur le principe de la constatation des droits et des obligations, devrait permettre de disposer d'une connaissance précise de la valorisation du patrimoine de l'Etat à l'étranger, alors qu'il n'est pas possible de savoir, aujourd'hui, si celui-ci voit sa valeur augmentée ou réduite, autrement qu'en constatant, ponctuellement, la dégradation des biens immobilier mal entretenus de l'Etat. La mise en oeuvre de nouvelles normes comptables devrait donc permettre de disposer d'une évaluation précise de la valeur du patrimoine de l'Etat, ce qui constitue un outil particulièrement utile au gouvernement dans l'allocation des crédits, de même qu'une source d'information pertinente pour l'exercice par le Parlement de sa mission de contrôle.

Par ailleurs, votre rapporteur spécial constate que les procédures sont parfois lourdes et inadaptées, tant en matière de prises de décision de construction qu'en matière domaniale. L'absence de visibilité quant à la gestion du parc immobilier du ministère des affaires étrangères résulterait donc à la fois de l'insuffisance des crédits et des mécanismes de prise de décision.

2. Les pistes de réforme

Quelles pourraient être les solutions aux problèmes de gestion du parc immobilier du ministère des affaires étrangères évoqués plus haut ?

- l'augmentation des crédits affectés aux investissements du ministère sera rendue possible par l'application de la LOLF, y compris à niveau constant du budget global du ministère des affaires étrangères. Une telle augmentation pourrait être nécessaire pour entretenir de manière décente le patrimoine immobilier du ministère, et maintenir ainsi sa valorisation. Toutefois, elle ne pourrait, dans le contexte budgétaire actuel, se faire qu'au détriment d'autres actions du ministère. En tout état de cause, elle ne saurait exonérer le ministère des affaires étrangères d'une réflexion d'ensemble sur la gestion de sa politique immobilière ;

- de nouvelles sources de financement, en particulier, par la vente d'une partie du patrimoine de l'Etat à l'étranger, afin de dégager des marges de manoeuvre nouvelles : certains locaux, notamment la résidence de notre représentant permanent auprès de la Commission européenne à Bruxelles, l'ancienne résidence à Bonn, ou la résidence de Buenos Aires sont en effet inadaptés ; par ailleurs, la fermeture d'un certain nombre de consulats, voire de certains centres culturels dans l'Union européenne, pourrait permettre de dégager des ressources financières ; enfin, des procédures pourraient être créées pour permettre la location de certains biens (résidences prestigieuses, telles que le Palais Farnèse ou le Palais d'Abrantès, notamment), par exemple, par des entreprises françaises pour y organiser des évènements de prestige ;

- la mise en oeuvre d'une politique immobilière plus modeste, qui impliquerait par exemple le renoncement à construire certains projets architecturaux prestigieux mais coûteux ;

- la réforme des procédures existantes.

A cet égard, il conviendrait d'envisager un certain nombre de pistes nouvelles, comme :


• l'applicabilité de la procédure des partenariats publics privés - PPP - à la construction de bâtiments à l'étranger ;


• l'allègement des règles du droit domanial français pour les opérations d'achat et de vente des biens immobiliers à l'étranger ;


• la création d'une agence disposant de capacités d'emprunt, chargée de la gestion du patrimoine immobilier du ministère des affaires étrangères. On notera toutefois qu'une telle solution irait à l'encontre de l'objectif de responsabilisation des gestionnaires publics recherché par la LOLF, puisqu'elle conduirait à isoler les crédits relatifs aux dépenses d'équipement. Par ailleurs, la décision prise de ne pas créer d'Agence des propriétés immobilières de l'Etat, comme le proposait le rapport de M. Olivier Debains, conseiller à la Cour des comptes, sur la gestion de l'immobilier public, montre qu'une telle solution n'est sans doute pas appropriée.

EXAMEN EN COMMISSION

Réunie le mardi 22 juin 2004, sous la présidence de M. Jean Arthuis, président, la commission des finances a entendu une communication de M. Jacques Chaumont, rapporteur spécial, sur l'outil diplomatique en Turquie .

M. Jacques Chaumont, rapporteur spécial , a indiqué qu'il avait effectué une mission d'évaluation et de contrôle en Turquie à l'automne dernier, et qu'il avait eu, depuis, l'occasion de suivre l'évolution de certains dossiers, s'agissant notamment des problèmes immobiliers.

Il a considéré que l'influence culturelle française était importante auprès des élites turques, mais a souligné que des événements avaient compliqué nos relations bilatérales avec la Turquie au cours des dernières années.

Il a rappelé que le vote de la loi n° 2001-70 du 29 janvier 2001 relative à la reconnaissance du génocide arménien avait eu des effets non négligeables sur les entreprises françaises en Turquie et sur le développement de nos coopérations, de nombreux projets ayant été interrompus ou bloqués. Il a souligné que les Turcs interprétaient encore ce vote comme un acte inamical à leur égard. Par ailleurs, il a rappelé que les Turcs s'étaient émus des déclarations de M. Valéry Giscard d'Estaing, en novembre 2002, qui exprimait son désaccord quant à la perspective de l'adhésion de la Turquie à l'Union européenne.

Il a indiqué que, depuis, la question de l'adhésion de la Turquie avait constitué l'un des principaux sujets de débat à l'occasion de la récente campagne pour les élections européennes, la plupart des partis adoptant sur ce point une position plutôt réservée ou franchement défavorable. Il a toutefois considéré que l'impact de ces prises de position partisanes était atténué par la déclaration de M. Jacques Chirac, Président de la République, et le sentiment que ces prises de position étaient liées à la campagne des élections européenne, et non à des positions définitives.

M. Jacques Chaumont, rapporteur spécial , a rappelé que le premier accord d'association entre la Communauté européenne et la Turquie datait du 12 septembre 1963 et fixait les objectifs fondamentaux de l'association. Il a souligné que la Turquie était devenue officiellement candidate à l'adhésion à la Communauté européenne en 1987, et qu'en décembre 1999, le Conseil européen d'Helsinki avait marqué l'acceptation définitive de la Turquie parmi les pays candidats.

Il a précisé que la prochaine étape, en décembre 2004, était celle où l'Union européenne devrait se prononcer sur l'ouverture des négociations d'adhésion avec la Turquie.

M. Jacques Chaumont, rapporteur spécial , a alors abordé la question de la présence française en Turquie. Il a rappelé que les crédits affectés à la Turquie figurant au chapitre 42-15 « coopération internationale et développement » s'étaient élevés à environ 6,5 millions d'euros en 2003, soit, hors Afrique, notre troisième poste de coopération dans le monde, juste après la Russie et la Chine. Il a précisé que la Turquie était, toujours hors Afrique, le premier poste s'agissant de la coopération culturelle et du français, avec plus de 3 millions d'euros. S'agissant de la coopération scientifique, universitaire et de recherche, il a indiqué que la coopération avec la Turquie se situait au quatrième rang mondial, après l'Inde, la Russie et la Chine.

Il a considéré que ces chiffres soulignaient l'importance de notre coopération. Il a précisé que ces crédits avaient été relativement épargnés par les mesures de régulation budgétaire, afin de maintenir notre coopération après l'effet négatif du vote de la loi reconnaissant le génocide arménien.

M. Jacques Chaumont, rapporteur spécial , a souligné que notre coopération était particulièrement importante sur le plan de l'enseignement, tant au niveau secondaire qu'au niveau universitaire.

Au niveau primaire et secondaire, outre les deux lycées publics français, Pierre Loti à Istanbul et Charles de Gaulle à Ankara, il a indiqué que plusieurs institutions importantes dispensaient des cours en français :

- le lycée de Galatasaray (soit environ 1.200 élèves) à Istanbul ;

- les 3 lycées de la fondation Tevfik Fikret (lycées privés turcs francophones), qui accueillaient plus de 2.000 élèves ;

- les 6 lycées de la fédération des écoles catholiques françaises de Turquie et leurs écoles associées, qui accueillaient au total plus de 4.500 élèves.

M. Jacques Chaumont, rapporteur spécial , a souligné que ces lycées congréganistes faisaient partie des plus réputés de Turquie. Il a précisé que l'on y entrait par concours et que les frais de scolarité (environ 6.000 euros) y étaient élevés, quoique plutôt dans la fourchette basse des lycées d'élite privés en Turquie. Il a indiqué que la France participait au financement de postes de professeurs français.

M. Jacques Chaumont, rapporteur spécial , a indiqué que ces établissements étaient confrontés à deux types de problèmes :

- d'une part, un problème de recrutement. Il a indiqué que le maintien d'un quota de professeurs français était indispensable pour conserver un bon niveau de français et un lien culturel avec la France. Or, il a souligné que ces établissements avaient de plus en plus de difficultés à recruter des professeurs français, compte tenu de la réticence des rectorats à autoriser des départs ;

- d'autre part, un problème financier. M. Jacques Chaumont, rapporteur spécial , a indiqué que la participation de la France avait diminué au cours des dernières années, revenant à plus de 2 millions d'euros pour l'année scolaire 1996-1997 à environ 700.000 euros pour l'année scolaire 2003-2004. Il a considéré que si ce désengagement était nécessaire en raison du poids élevé de la rémunération des personnels dans notre enveloppe de coopération, il convenait d'éviter qu'il soit trop brutal ou important, de manière à permettre à nos partenaires de s'adapter à ces nouvelles conditions.

M. Jacques Chaumont, rapporteur spécial , a considéré qu'il était nécessaire de trouver les moyens d'une plus grande souplesse d'intervention et de diversifier les coopérations existantes, mais sans pour cela que les projets que la France avait soutenus de longue date ne soient contraints de s'interrompre. Or, il a souligné que plusieurs lycées congréganistes étaient confrontés à une situation financière délicate.

Par ailleurs, il a indiqué que le même problème existait en matière de coopération universitaire : la coopération scientifique, universitaire et de recherche représentait environ 2,5 millions d'euros, soit un peu plus d'un tiers de la programmation du poste. Il a indiqué que plus de 70 % de cette somme étaient consacrés à l'université de Galatasaray, principalement pour le financement de 35 enseignants en 2002-2003. Il a précisé que l'autre principal projet de coopération portait sur le département francophone des sciences politiques et administratives de l'université de Marmara, qui était d'ailleurs installé dans un bâtiment prêté par la France.

Au total, il a constaté que la masse salariale avait consommé jusqu'à 75 % du budget de la coopération universitaire en Turquie en 2001, et a indiqué que la France avait engagé un effort de réduction, avec l'objectif de ramener cette proportion à 60 % en 2005, afin de diversifier la coopération universitaire et d'augmenter les bourses d'études.

S'agissant du financement des postes de professeur dans les lycées et universités turcs, il a présenté le fonctionnement de la Mission de coopération éducative et linguistique (MICEL), établissement original, dépendant du ministère des affaires étrangères, et doté de l'autonomie financière.

Il a précisé que les bénéficiaires de contrats « MICEL » étaient placés sous l'autorité hiérarchique du conseiller de coopération et d'action culturelle en Turquie.

Il a précisé que pour les universités de Galatasaray et de Marmara et pour le lycée de Galatasaray, les enseignants étaient pris en charge intégralement par la MICEL, tandis que pour les lycées turcs dits « bilingues » (établissements congréganistes et fondation Tevfik Fikret) ayant passé une convention avec la MICEL, les enseignants signaient un contrat avec l'établissement et un avec la MICEL, et recevaient donc deux bulletins de salaire. A la rentrée 2003, la MICEL finançait ainsi 126 postes dans les lycées et universités turcs, dont 58 pour le lycée et l'université de Galatasaray.

M. Jacques Chaumont, rapporteur spécial , a considéré que l'on avait créé une filière d'élite francophone en Turquie, qui était une magnifique réussite, si l'on considérait notamment le prestige de Galatasaray.

Il a toutefois indiqué que de nombreux étudiants francophones préféraient désormais partir dans les pays anglo-saxons plutôt qu'en France, afin de poursuivre leurs études universitaires.

Par ailleurs, il a estimé que la politique d'assistance que la France avait mise en place l'empêchait, compte tenu de la contrainte budgétaire, de diversifier ses actions. Il a indiqué que le dispositif était progressivement allégé, sans que nos partenaires y aient été toujours préparés et a considéré qu'il était nécessaire, dans ces conditions, de maintenir le niveau de notre engagement global en Turquie.

M. Jacques Chaumont, rapporteur spécial , a ensuite évoqué les multiples questions afférentes au parc immobilier français en Turquie. Il a précisé que, pour de très nombreux terrains et bâtiments, la France ne disposait pas d'un titre de propriété en bonne et due forme, ces derniers ayant souvent été donnés à la France, dans le passé, par le sultan ou par des fondations turques, pour des objets précis. Il a considéré que cette situation suscitait des difficultés, notamment lorsque la France envisageait de vendre une partie des locaux et terrains inutilisés. Il a indiqué qu'il convenait d'ajouter à cette caractéristique le risque sismique élevé dans la région, qui imposait le respect de normes strictes pour les bâtiments accueillant du public, et surtout, l'insuffisance de crédits et l'absence de visibilité en la matière, qui elles, n'étaient pas spécifiques à la Turquie.

Il a d'abord évoqué la construction de deux bâtiments dans l'enceinte de l'ambassade de France à Ankara, l'un pour les services consulaires et l'accueil des demandeurs de visas, l'autre pour le service de coopération et d'action culturelle. Il a précisé que ce dernier était en voie d'achèvement lors de sa mission en Turquie. Il a indiqué que, d'après les informations qu'il avait recueillies, la France avait obtenu un devis intéressant auprès de l'entreprise chargée de la réalisation de ces travaux, en échange de l'engagement de payer comptant les sommes dues. Or, pendant plusieurs mois, le ministère des affaires étrangères n'avait pas été en mesure de payer l'entrepreneur. M. Jacques Chaumont, rapporteur spécial, a estimé que cette situation constituait une très mauvaise opération financière, compte tenu du coût des pénalités de retard, largement supérieur au coût de l'emprunt pour l'Etat. Il a précisé que les travaux avaient toutefois été réceptionnés début novembre 2003 et que les entreprises avaient été payées en totalité des travaux réalisés.

M. Jacques Chaumont, rapporteur spécial , a indiqué que le ministère des affaires étrangères n'avait pas été en mesure de régler l'ensemble des factures correspondant à ses investissements au cours de l'année 2003. En réponse à l'une de ses interrogations, le ministère des affaires étrangères lui avait indiqué, en décembre 2003, que le montant total des factures correspondant à des opérations immobilières qui resteraient impayées à l'issue de l'exercice 2003 était supérieur à 11 millions d'euros.

Concernant l'ambassade de France à Ankara, il a également souligné qu'il y avait constaté des défaillances portant sur la sécurité du site, de même qu'au Palais de France à Istanbul, mais que les travaux nécessaires avaient été engagés depuis sa mission.

S'agissant de l'institut d'études françaises d'Ankara, M. Jacques Chaumont, rapporteur spécial , a indiqué que cet institut avait été ouvert en 1962, dans un bâtiment très bien situé, en centre-ville. Il a précisé que ce bâtiment avait été fermé en décembre 1999 à la suite d'une expertise ayant conclu à sa non-conformité aux normes de sécurité, notamment parasismiques.

M. Jacques Chaumont, rapporteur spécial , a indiqué que l'institut d'études françaises restait en fait discrètement ouvert pour permettre aux personnes qui le souhaitaient de demander des informations ou d'emprunter des ouvrages.

Par ailleurs, il a indiqué que, suite à la fermeture de l'institut, celui-ci avait loué 15 salles de classe dans un lycée anglophone voisin, pour un loyer mensuel d'environ 5.800 dollars, afin de poursuivre l'enseignement du français. Il a noté que cette solution interdisait désormais l'organisation de cours le soir et pendant la période des vacances scolaires, mais que le nombre « d'apprenants » restait toutefois en progression.

M. Jacques Chaumont, rapporteur spécial , a constaté qu'après cinq années, le bâtiment de l'institut français d'Ankara s'était dégradé, et que le coût des réparations ne ferait que s'accroître avec le temps, auquel il convenait d'ailleurs d'ajouter le coût de la location des salles de cours. Il a insisté sur la mauvaise impression que faisait notre pays en laissant une telle situation perdurer et notre centre culturel « tomber en ruine » dans l'une des plus importantes artères d'Ankara.

Il a donc estimé qu'il convenait de prendre rapidement une décision au sujet de ce centre :

- soit vendre cette implantation, mais qu'une telle décision ne manquerait pas d'être interprétée comme une volonté de renonciation et d'abandon de la présence de la France, voire comme un geste inamical vis-à-vis des autorités turques ;

- soit d'engager rapidement les travaux de rénovation nécessaires à sa mise aux normes, ainsi qu'à la restauration de sa façade.

Il a indiqué que les études se multipliaient, mais que l'on ne disposait d'aucune visibilité quant à la sortie de cette situation provisoire, coûteuse et totalement insatisfaisante.

M. Jacques Chaumont, rapporteur spécial , a ensuite évoqué la situation de nos implantations à Izmir. Il a précisé que la France disposait d'un centre culturel et d'un magnifique bâtiment sur la promenade longeant la baie d'Izmir, qui était notre consulat jusqu'en 1990, et accueillait aujourd'hui une petite antenne du consulat et de la mission économique. Il a précisé que ce bâtiment de marbre massif, du début du siècle, classé monument historique, avait été abîmé par un attentat en 1990. Il a ajouté que les questions relatives à la propriété des deux terrains que la France occupait étaient complexes. En tout état de cause, il a considéré que l'installation du centre culturel français dans le bâtiment de notre ancien consulat permettrait d'offrir une magnifique « vitrine » de la France à Izmir, alors que notre image était aujourd'hui ternie par l'utilisation très partielle et l'entretien limité de ce bâtiment. M. Jacques Chaumont, rapporteur spécial , a donc estimé qu'il était nécessaire de trouver rapidement une solution, considérant que la France faisait mauvaise impression en laissant à l'abandon un tel bâtiment et était à la merci d'un éventuel arrêté d'insalubrité ou d'une mesure de préemption par la mairie d'Izmir.

A Istanbul, M. Jacques Chaumont, rapporteur spécial , a indiqué que des travaux avaient été réalisés au Consulat pour l'accueil des demandeurs de visas, mais que l'état du bâtiment restait toutefois assez dégradé, de nombreux murs ayant des fissures apparentes au sein même des services consulaires.

S'agissant des lycées français, M. Jacques Chaumont, rapporteur spécial , a indiqué que plusieurs projets immobiliers étaient prévus pour les deux lycées français de Turquie : le lycée Charles de Gaulle à Ankara et le lycée Pierre Loti à Istanbul. Pour ce dernier, dont une partie seulement était ouverte après avoir été mise aux normes de sécurité, il a noté qu'une solution provisoire satisfaisante avait été trouvée grâce à l'implantation de bâtiments préfabriqués d'excellente qualité dans la banlieue d'Istanbul, sur le terrain de Tarabya, propriété de la France. Toutefois, il a précisé que cette installation n'était que tolérée. Il a estimé qu'il convenait donc de décider rapidement, soit d'engager les travaux de mise aux normes sismiques de la seconde tranche du lycée Pierre Loti dans le quartier de Beyoglu, soit d'envisager le maintien, voire le développement de la structure existante à Tarabya, dans des conditions à définir avec les autorités turques.

A Ankara, pour la construction d'un nouveau lycée Charles de Gaulle, M. Jacques Chaumont, rapporteur spécial , a indiqué qu'un concours d'architecture avait été organisé en 2002 et qu'un lauréat avait été désigné en avril 2003. En raison de la superficie insuffisante du terrain, qui contraignait à construire un lycée sur six étages pour accueillir les 1.200 élèves inscrits, il a noté que l'opération avait été suspendue et que, d'après les informations qu'il avait recueillies, l'ambassade de France serait aujourd'hui à la recherche d'un nouveau terrain dans la banlieue d'Ankara et revendrait le terrain actuel.

M. Jacques Chaumont, rapporteur spécial , a considéré qu'il convenait de tenir compte de la situation particulière de nos implantations en Turquie, mais que la principale difficulté en matière immobilière était la contrainte financière.

Il a indiqué qu'en réponse au questionnaire budgétaire sur le projet de loi de finances pour 2004, le ministère des affaires étrangères avait indiqué que « les restrictions budgétaires apportées par les réserves d'innovation et les annulations des autorisations de programme (AP) et des crédits de paiement (CP) en 2003, rendent la lisibilité des opérations immobilières incertaine. Dans ce contexte, certaines opérations n'ont pu être lancées ou poursuivies, faute de ressources suffisantes ». Il a considéré que cet argument pouvait expliquer, en partie, les difficultés de gestion pour l'année 2003, mais ne pouvait éluder les problèmes structurels de financement des investissements par le ministère des affaires étrangères.

Il a en effet constaté que le coût prévisionnel total des travaux pour les implantations françaises en Turquie était supérieur à 25 millions d'euros, soit près des deux tiers de la dotation annuelle du titre V du budget des affaires étrangères. Il a déploré un décalage considérable et croissant entre les projets et besoins immobiliers du ministère des affaires étrangères et les dotations en loi de finances, qui avaient constamment diminué au cours des dernières années. Il a considéré qu'il était indispensable de trouver une solution à ces impasses, qui mobilisaient un temps considérable sur place et créaient souvent des situations difficiles, tant vis-à-vis des communautés françaises à l'étranger que des autorités locales.

M. Jacques Chaumont, rapporteur spécial , a estimé que la mise en oeuvre de la loi organique du 1er août 2001 relative aux lois de finances (LOLF) pourrait aider à résoudre une partie des difficultés actuelles en matière de politique immobilière, en autorisant davantage de souplesse et de réactivité. Il a constaté que la France disposait du deuxième réseau diplomatique dans le monde, mais qu'elle n'avait plus les moyens de l'entretenir. Il a estimé qu'il était nécessaire de vendre les terrains et bâtiments inadaptés ou inutiles et de fermer les consulats dans l'Union européenne, afin de retrouver des marges de manoeuvre financières. Enfin, il s'est interrogé sur le fait de savoir s'il était opportun que la France continue de construire de luxueuses ambassades nouvelles à l'étranger dans un tel contexte et s'il ne paraît pas plus raisonnable de construire des ambassades fonctionnelles.

M. Jean Arthuis, président , s'est en effet interrogé sur le crédit dont pouvait disposer la France auprès de la Turquie, compte tenu de la misère qu'elle avait tendance à afficher, et, au vu des observations présentées par M. Jacques Chaumont, rapporteur spécial, a proposé « d'aller plus loin » sur ces questions immobilières et d'interroger, sur ce point, en commission, des représentants du ministère des affaires étrangères.

M. Aymeri de Montesquiou a souligné l'importance de la mise en oeuvre de la LOLF pour aider à la résolution de ces problèmes.

M. Yann Gaillard a confirmé qu'il s'agissait là d'un problème crucial, auquel il convenait de trouver une solution satisfaisante.

Après qu'il a été donné acte à M. Jacques Chaumont, rapporteur spécial, de sa communication, M. Jean Arthuis, président, a alors proposé à la commission d'entendre le mercredi 30 juin après-midi M. Hubert Colin de Verdière, secrétaire général du Quai d'Orsay, au sujet de la politique immobilière du Quai d'Orsay, afin de lui permettre de répondre aux interrogations soulevées lors de la communication du rapporteur spécial, et de compléter ainsi, de façon « interactive », son travail de contrôle budgétaire.

AUDITION DE M. HUBERT COLIN DE VERDIÈRE,
SECRÉTAIRE GÉNÉRAL DU QUAI D'ORSAY

Réunie le mercredi 30 juin 2004 , sous la présidence de M. Jean Arthuis, président, la commission des finances a procédé à l'audition de M. Hubert Colin de Verdière, secrétaire général du Quai d'Orsay .

M. Jean Arthuis, président , a indiqué que, suite à la communication, le 22 juin, de M. Jacques Chaumont, rapporteur spécial du budget des affaires étrangères, sur sa mission d'évaluation et de contrôle en Turquie, effectuée en application de l'article 57 de la loi organique du 1 er août 2001 relative aux lois de finances (LOLF) et aux divers déplacements effectués par les parlementaires à l'étranger, il était apparu que le ministère des affaires étrangères connaissait des difficultés dans la gestion de son patrimoine immobilier. Il a estimé que les mesures de régulation budgétaire qu'avait connues le ministère des affaires étrangères au cours des dernières années expliquaient, pour partie, ces difficultés, mais ne pouvait masquer des problèmes structurels de financement. Il a alors donné la parole à M. Jacques Chaumont, rapporteur spécial.

M. Jacques Chaumont, rapporteur spécial , a estimé que cette audition arrivait à point nommé, puisque le ministre des affaires étrangères, M. Michel Barnier, avait annoncé récemment un projet de regroupement de l'ensemble des services de l'administration centrale du ministère sur un site unique à Paris.

Il a rappelé que le ministère des affaires étrangères disposait d'un parc immobilier de 2,4 millions de m 2 , situés pour 90 % à l'étranger, et dont il était propriétaire pour un peu moins des trois quarts. Il a noté que les crédits du titre V du budget du ministère des affaires étrangères avaient fortement diminué au cours des dernières années, ce qui, conjugué aux mesures de régulations budgétaires, avait conduit le ministère à avoir plus de 10 millions d'euros de factures impayées à la fin de l'année 2003.

M. Jacques Chaumont, rapporteur spécial , a souligné que, lors de déplacements à l'étranger, les parlementaires constataient souvent une insuffisance d'entretien des locaux, ainsi qu'une politique immobilière peu dynamique. En particulier, il s'est interrogé sur l'opportunité de conserver des résidences d'ambassadeurs inadaptées, car éloignées du centre-ville, comme c'était le cas à Bruxelles ou à Buenos Aires. Par ailleurs, il s'est demandé pour quelles raisons la France conservait un grand nombre de consulats en Europe et en Allemagne en particulier. Il a également déploré que la France n'ait toujours pas vendu son ancienne ambassade et la résidence à Bonn, ce qui traduisait, selon lui, une politique patrimoniale peu réactive. Enfin, il s'est interrogé sur la justification, dans le contexte budgétaire actuel, de la construction de nouvelles ambassades prestigieuses, se référant à l'ambassade de France à Berlin et aux projets à Tokyo et à Pékin.

Il a souligné, toutefois, que des progrès avaient été effectués au cours des dernières années, prenant pour exemple la réalisation d'un état des lieux des biens mobiliers et immobiliers à l'arrivée de chaque nouvel ambassadeur.

M. Jacques Chaumont, rapporteur spécial , a alors détaillé les différents problèmes immobiliers qu'il avait découverts à l'occasion de sa mission en Turquie. Il a également évoqué la question de l'immeuble de « l'Alliance française » à Sofia, que la France avait récupéré récemment, et où elle avait l'intention d'installer les services de coopération et d'action culturelle en Bulgarie.

M. Hubert Colin de Verdière a indiqué que l'idée du regroupement de l'ensemble des services du ministère des affaires étrangères à Paris dans un lieu unique constituait une volonté forte du ministre. Il a précisé que cette opération serait difficile, compte tenu de la rareté des terrains disponibles dans la capitale. L'objectif était de pouvoir l'effectuer à coût nul, grâce à la vente des biens actuels. Il a souligné que M. Patrick Roussel, nommé directeur des services de l'équipement il y a trois mois, avait été chargé de mettre en oeuvre une nouvelle approche des questions immobilières du ministère. Il a souligné que la priorité consistait à intégrer la problématique immobilière dans la démarche de gestion du ministère, mais que cela était rendu difficile compte tenu, à ce jour, de l'absence de comptabilité patrimoniale dans le secteur public.

M. Hubert Colin de Verdière a ensuite évoqué quelques exemples particuliers, afin de souligner les économies qui pouvaient résulter d'une plus grande rationalisation des choix d'implantation des services du ministère à l'étranger. Il a ainsi indiqué qu'à Madrid, la chancellerie était située dans un magnifique hôtel particulier, et l'institut culturel français, dans un quartier parmi les plus chers d'Europe. A l'issue d'un déplacement sur place, il a indiqué avoir approuvé le transfert de la chancellerie auprès des autres services français à Madrid et la recherche de locaux plus appropriés pour accueillir l'institut culturel. Il a précisé que la vente de l'hôtel particulier permettait d'escompter une recette très supérieure au coût de la réinstallation, dans de nouveau locaux, de la chancellerie et de l'institut culturel. Il a estimé qu'il suffisait, parfois, de s'interroger sur la valeur des biens au mètre carré pour prendre des décisions rationnelles et dégager des marges de manoeuvre financières.

M. Hubert Colin de Verdière a souligné la rigidité des procédures relatives à la cession de biens, rappelant qu'il s'agissait, en l'occurrence, de biens du domaine privé de l'Etat. En effet, il a précisé que les appels d'offres étaient obligatoires avant de pouvoir s'engager dans d'éventuelles négociations de gré à gré et que le ministère des affaires étrangères était contraint de pré-financer les éventuels travaux de réinstallation de ses services dans l'intervalle. Il a indiqué que l'ambassadeur de France au Royaume-Uni avait proposé, lui aussi, de regrouper les services français à Londres, sous réserve qu'un partenaire puisse proposer de nouveaux locaux, en se rémunérant sur la vente des locaux actuels, et que le ministère soutenait une formule de ce genre. S'agissant du projet de construction de l'ambassade de France au Japon, il a rappelé que le Conseil d'Etat avait récemment annulé la décision prise par le ministre à l'issue du second concours, pour un motif de forme. Il a précisé que la procédure était relancée sur des voies nouvelles pour tenir compte de la modicité des crédits budgétaires disponibles, l'ambassadeur ayant notamment proposé de faire construire une tour sur le site même de la résidence.

M. Hubert Colin de Verdière a indiqué, au sujet du réseau diplomatique, consulaire et culturel, particulièrement en Europe, qu'une réflexion approfondie avait été engagée il y a un an avec les postes pour réduire les effectifs là ou cela était possible et revoir certaines implantations. Les économies qui seraient effectuées seraient redéployées pour financer les quatre priorités du ministère : la formation des personnels, l'informatique, la sécurité et l'immobilier.

Il a souligné que des fermetures de consulats étaient prévues dès l'été 2004, mais que ces opérations étaient souvent difficiles à mener à bien, compte tenu des réactions diverses, voire des interventions auxquelles elles donnaient lieu, y compris de la part des parlementaires. Il a toutefois attiré l'attention sur le fait que, même si cela était souvent douloureux, il convenait « d'aller de l'avant ». Ainsi, il a précisé que le consulat de Sarrebrück devait être fermé à l'été 2005, ce qui avait entraîné des pétitions. Il a ajouté que les activités consulaires seraient, à l'avenir, gérées depuis Francfort, et qu'il était demandé à l'institut culturel français de Mayence d'assurer une présence à Sarrebrück.

M. Hubert Colin de Verdière a indiqué que le ministère devait réviser ses modalités de gestion interne en matière immobilière. Au sujet de l'ambassade de France à Berlin, pour laquelle la Cour des comptes effectuait actuellement des investigations, il a indiqué que les procédures habituelles avaient été suivies.

Il a considéré que le véritable problème avait sans doute été la reproduction, à Berlin, des schémas d'ambassade anciens, estimant qu'il aurait été possible de placer les services français à Berlin dans une tour, avec un bâtiment plus modeste (résidence) sur la Pariserplatz. Il a souligné les orientations que le ministère souhaitait voir privilégier à l'avenir : fonctionnalité, sécurité, économie de moyens, sans rechercher le geste architectural si celui-ci induisait des coûts supplémentaires. Pour le projet d'ambassade de France à Pékin, il a indiqué avoir demandé que de telles conditions soient respectées et que des hypothèses raisonnables soient prises en compte, s'agissant, notamment, des perspectives d'évolution des personnels français à Pékin au cours des quinze prochaines années. Il a souhaité que, dans la définition du projet de construction d'une ambassade, les contraintes de fonctionnalité, de sécurité et d'économie soient les éléments déterminants.

M. Hubert Colin de Verdière a évoqué, ensuite, la question des cessions de biens appartenant à la France, rappelant que le ministère des affaires étrangères avait incité fortement les ambassades à vendre des locaux depuis quelques années, et que la moyenne annuelle du produit de ces cessions, que le ministère du budget lui restituait, était de l'ordre de 6 à 7 millions d'euros. Il a ajouté que les objectifs pour les trois prochaines années étaient beaucoup plus ambitieux. Ainsi, il a donné l'exemple de l'institut culturel français à Florence, situé dans un palais datant de la Renaissance inadapté à l'exercice de ses activités, et dont la valeur était élevée, pour lequel une décision de cession pouvait être envisagée, ajoutant que de telles décisions constituaient des révisions déchirantes, mais nécessaires. Il a indiqué que l'augmentation du produit des cessions et l'amélioration de la gestion des opérations nouvelles ne permettrait pas de régler l'ensemble des problèmes immobiliers du ministère, mais aiderait, en tout cas, à remédier à l'absence de gros entretien des bâtiments, situation très dommageable pour l'avenir de nos biens à l'étranger.

M. Jean Arthuis, président , a indiqué que ces questions donnaient l'impression de ne pas avoir de solution.

M. Michel Charasse a souhaité disposer d'un état complet des propriétés françaises à l'étranger que l'Etat envisageait de vendre. Il a souligné que le Parlement, et en particulier la commission des finances du Sénat, pouvait apporter son appui au projet de rationalisation du ministère des affaires étrangères, qui devait faire face à de nombreuses pressions. Il a suggéré qu'un article de loi de finances, comportant une annexe détaillée précisant les projets de cession de biens immobiliers à l'étranger, serait de nature à favoriser la mise en oeuvre rapide de ces opérations.

M. Hubert Colin de Verdière a indiqué que le ministère des affaires étrangères avait proposé au ministère de l'économie, des finances et de l'industrie, de conclure un contrat d'objectifs et de moyens pour l'année 2005, mais que ce dernier y semblait peu favorable.

M. Jean Arthuis, président , a indiqué qu'il serait utile de disposer d'un programme des fermetures de sites à l'étranger, accompagné de données chiffrées sur les économies escomptées et les redéploiements envisagés.

M. Hubert Colin de Verdière a rappelé que, depuis un an, l'exercice d'aménagement du réseau à l'étranger qui avait été engagé par le ministère des affaires étrangères était sans précédent.

M. Jacques Chaumont, rapporteur spécial , a demandé si les opérations de recensement des biens du ministère des affaires étrangères étaient terminées.

M. Patrick Roussel , directeur du service de l'équipement, a indiqué qu'un recensement exhaustif des biens immobiliers utilisés par le ministère des affaires étrangères avait été effectué, seules, quelques précisions restant à obtenir au sujet de certains biens, au sujet desquels les postes diplomatiques et consulaires allaient être sollicités.

M. Michel Charasse a considéré qu'il faudrait prévoir des règles dérogatoires aux règles du code de la domanialité publique pour les propriétés de l'Etat à l'étranger, considérant que ces règles empêchaient souvent le ministère des affaires étrangères de conclure des ventes rapidement. Par ailleurs, il a estimé qu'il serait utile de conduire une étude juridique pour vérifier s'il était indispensable de respecter le droit français en matière d'architecture lorsqu'il s'agissait de bâtiments à l'étranger.

M. Patrick Roussel a précisé que le principal obstacle à la vente des biens immobiliers à l'étranger était la fixation de leur prix par les domaines, souvent à un niveau trop élevé.

M. Hubert Colin de Verdière a présenté, ensuite, en réponse à M. Jacques Chaumont, rapporteur spécial, la situation et les perspectives d'évolution du parc immobilier français en Turquie. A Izmir, où la France disposait de deux bâtiments, l'un mal entretenu et l'autre inoccupé, il avait demandé qu'il soit procédé à la cession de l'un des bâtiments, en veillant à ce que les éventuels travaux de rénovation et de réaménagement de l'institut culturel ne présentent pas un coût supérieur au produit de la cession. Il a précisé que les choses avançaient et devaient aboutir prochainement.

A Ankara, il a considéré que le principal problème était celui de la construction d'un nouveau lycée « Charles de Gaulle ». Il a rappelé qu'un terrain avait été acquis et un concours organisé, mais que ce terrain s'était ensuite avéré trop exigu. Il a indiqué que la réforme des statuts de l'agence pour l'enseignement français à l'étranger (AEFE), qui avait été engagée en 2003, devait lui permettre à l'avenir de gérer seule ses opérations immobilières, l'engagement des associations de parents d'élèves d'augmenter les droits d'écolage pouvant, en effet, permettre de souscrire des emprunts. Il a précisé qu'un site plus vaste avait été identifié à l'extérieur d'Ankara pour y construire le lycée et accueillir les élèves dans de bonnes conditions, et que le produit de la cession du terrain actuel pourrait être rétrocédé à l'AEFE dans le cadre de sa subvention globale.

M. Hubert Colin de Verdière a considéré, s'agissant de l'Institut d'études françaises d'Ankara, qu'il était regrettable qu'aucune décision n'ait été prise depuis sa fermeture en 1999, pour des raisons de sécurité. Il a indiqué que de premières études techniques avaient conclu à la nécessité d'engager des travaux considérables, mais que des diagnostics complémentaires seraient faits cette année. En fonction du coût de l'opération, il a estimé qu'il devrait être procédé, soit à la mise aux normes du bâtiment, soit à sa cession.

Il a indiqué que le « Palais de France » à Istanbul était une résidence somptueuse, mais peu occupée, qui pouvait accueillir d'autres occupants, ce qui susciterait des surcroîts de rentrées locatives.

S'agissant de l'immeuble de l'Institut français d'études anatoliennes (IFEA), il a indiqué qu'il ne répondait pas aux normes parasismiques, et qu'on ne pouvait exclure d'être dans l'obligation de le détruire, en relogeant l'institution dans d'autres locaux plus sains, sur le même site. Quant au consulat et à l'Institut culturel français à Istanbul, il a rappelé qu'ils partageaient le même bâtiment, en méconnaissance des normes de sécurité, et a considéré qu'une séparation claire des locaux s'avérait nécessaire. Enfin, évoquant la situation du lycée français « Pierre Loti », il s'est prononcé en faveur d'un regroupement de l'ensemble des classes sur le site de « Tarabya », à l'extérieur d'Istanbul.

M. Aymeri de Montesquiou a estimé qu'il était absurde de conserver des consulats dans l'Union europénne, considérant que « l'on était désormais tous des citoyens européens », et qu'il convenait de mettre en adéquation les actes avec les principes. Par ailleurs, il a estimé que la France se targuait d'avoir l'un des plus importants réseaux diplomatique mondial, mais, compte tenu du manque d'entretien de ses locaux, qu'elle n'en tirait en réalité guère de prestige. Il a souligné que l'Union européenne pouvait aider la France à disposer de moyens supplémentaires, en développant les sites communs à plusieurs Etats dans certains pays où une présence autonome ne s'avérait pas absolument indispensable.

M. Jean Arthuis, président , a souhaité connaître le coût des consulats français dans l'Union européenne.

M. Hubert Colin de Verdière a présenté le calendrier de fermeture des consulats français en Allemagne, précisant que le consulat de Hambourg devait être fermé en 2004, ceux de Düsseldorf et Sarrebrück en 2005, et celui de Stuttgart en 2006, les activités consulaires étant alors concentrées sur les consulats de Berlin, Francfort et Munich.

Il a souligné le souci du ministère des affaires étrangères de maintenir une représentation dans les villes où ces consulats seraient fermés, représentation qui serait assurée par les directeurs d'instituts culturels, ces derniers pouvant, le cas échéant, conserver le titre de consul général afin d'asseoir leur fonction d'influence et exercer ce qui subsisterait de missions consulaires de proximité. En réponse à MM. Michel Charasse et Aymeri de Montesquiou, qui avaient estimé que les effectifs de la direction des relations économiques extérieures (DREE) restaient trop importants à l'étranger, il a indiqué qu'une étude avait été lancée sur l'évolution des effectifs de toutes les administrations françaises à l'étranger, dont les conclusions devaient être rendues d'ici à la fin de l'année, soulignant, par ailleurs, que les effectifs du ministère des affaires étrangères étaient parfois minoritaires au sein des postes à l'étranger.

M. Hubert Colin de Verdière a indiqué ensuite, en réponse à une question de M. Jean Arthuis, président, sur la résidence de l'Ambassadeur de France à Buenos Aires, que le nouvel ambassadeur avait attiré son attention sur les problèmes posés par la distance de celle-ci par rapport au centre ville. En réponse à M. Jacques Chaumont, rapporteur spécial, qui l'avait interrogé au sujet du bâtiment de « l'Alliance française » à Sofia, il a rappelé que le ministère avait appuyé les initiatives de l'ambassadeur de France en Bulgarie en vue d'obtenir sa restitution, mais sans savoir, à l'époque, si les moyens financiers nécessaires à la rénovation du bâtiment seraient disponibles. Il a exprimé le souhait que des crédits soient dégagés au cours de l'exercice 2005 pour engager les travaux de rénovation nécessaires du bâtiment.

En réponse à M. Jean Arthuis, président, qui l'avait interrogé sur les moyens et l'organisation du service de l'équipement du ministère des affaires étrangères, M. Patrick Roussel a indiqué que son service comprenait 118 personnes, dont 35 étaient affectées à 17 antennes à l'étranger pour y instruire les projets immobiliers. Il a souligné que l'accent serait désormais mis sur la maintenance des bâtiments existants et l'encadrement des coûts des opérations nouvelles. A cette fin, il a précisé que son service cherchait à définir des éléments de programme communs à l'ensemble du monde, de façon à éviter les dérives en terme de surface constatées au cours des dernières années.

M. Michel Charasse a souligné que, lorsque les parlementaires se déplaçaient à l'étranger, ils recueillaient souvent les doléances des ambassadeurs, sans disposer nécessairement des éléments d'information correspondants émanant de l'administration centrale du ministère.

M. Jean Arthuis, président , après avoir remercié M. Hubert Colin de Verdière et M. Patrick Roussel pour avoir répondu aussi rapidement au souhait de la commission de les entendre, a souligné l'intérêt qu'il y avait, pour la commission, à auditionner des directeurs d'administration centrale sur leur gestion. Il a considéré, en effet, qu'il était indispensable de « mettre en mouvement » l'administration pour engager la réforme de l'Etat. Il a demandé que soient transmis à la commission le coût des consulats à l'intérieur de l'Union européenne, ainsi que son évolution et la liste des fermetures de postes décidées pour les prochaines années, ainsi que le produit attendu des cessions correspondantes.

La commission des finances a alors autorisé la publication de la communication de M. Jacques Chaumont, rapporteur spécial, sous la forme d'un rapport d'information.

PROGRAMME DE LA MISSION DU SÉNATEUR JACQUES CHAUMONT, RAPPORTEUR SPÉCIAL DU BUDGET DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES, EN TURQUIE

(14 - 20 SEPTEMBRE 2003)

Dimanche 14 septembre 2003 - Ankara

19.00 - Accueil à l'aéroport d'Ankara - installation à l'hôtel.

Lundi 15 septembre 2003 - Ankara

08.30 - Petit-déjeuner à la Résidence : présentation générale de la situation en Turquie par l'Ambassadeur de France, M. Bernard Garcia.

10.00 - Entretien avec M. Bülent Arinc, président de la Grande Assemblée nationale de Turquie.

13.00 - Déjeuner à la Résidence avec des parlementaires turcs.

16.00 - Visite du lycée Tevfik Fikret d'Ankara.

17.00 - Visite de l'Institut d'études françaises d'Ankara.

18.30 - Entretien avec Mme Boring Ceylar-Ataman, professeur à l'université d'Ankara, faculté de sciences politiques, département d'économie du travail.

20.00 - Dîner avec le député AKP Vahit Erdem.

Mardi 16 septembre 2003 - Ankara

08.30 - Visite de l'école primaire du lycée Charles de Gaulle (sur le site de l'ambassade).

09.00 - Réunion de travail avec les responsables du SCAC, l'agent comptable des établissements à autonomie financière, le proviseur du lycée Charles de Gaulle d'Ankara et le directeur du Centre culturel français d'Ankara.

13.00 - Déjeuner à la Résidence de l'Ambassadeur avec la communauté française d'Ankara.

15.00 - Entretien avec le service de la comptabilité de la régie de l'Ambassade.

16.00 - Départ pour l'aéroport.

18.50 - Arrivée à Izmir - Accueil par M. Daniel Schlosser, Directeur du Centre culturel d'Izmir.

Mercredi 17 septembre 2003 - Izmir

08.30 - Petit-déjeuner en présence de Mme Zeliha Toprak, Consule honoraire, et de M. Daniel Schlosser.

09.30 - Visite du centre culturel d'Izmir.

10.45 - Visite du lycée Tevfik Fikret d'Izmir.

11.30 - Visite du lycée Saint Joseph.

13.00 - Déjeuner au restaurant - Invités :

- le Professeur Hakki Sur, Professeur de médecine, Chef du service d'orthopédie de l'hôpital universitaire Egée ;

- le Professeur Haluk Günuður, Directeur du département « Relations internationales et Union Européenne » de l'Université d'Economie d'Izmir ; Président national de l'association Turquie/Union Européenne.

15.00 - Visite du service d'orthopédie du Professeur Sur, financé sur protocole DREE.

18.00 - Départ pour l'aéroport.

20.20 - Arrivée à Istanbul, installation au Palais de France. Diner offert par le Consul général de France à Istanbul, M. Jean-François Peaucelle.

Jeudi 18 septembre 2003 - Istanbul

09.00 - Entretien avec M. Pierre Chuvin, Directeur de l'Institut français d'études anatoliennes (IFEA) et rencontre avec trois chercheurs :

- M. Jean-François Pérouse (mégapole d'Istanbul) ;

- M. Bayram Balci (montée de l'islamisme) ;

- M. Gilles Dorronsoro (question kurde).

11.30 - Entretien avec le Professeur Erdogan Tezic, Recteur de l'Université Galatasaray, dans ses locaux.

13.00 - Déjeuner offert par le recteur à l'Université Galatasaray

15.00 - Rencontre avec M. André Servant, proviseur du lycée Pierre Loti d'Istanbul. Visite des nouveaux locaux de Tarabya.

16.00 - Rencontre avec le professeur Jale Civelek, Directrice du département francophone des sciences politiques et administratives de l'Université Marmara. Visite des locaux loués par la France à l'Université.

18.30 - Cocktail offert par le Consul général de France au Palais de France avec la communauté française d'Istanbul.

20.00 - Dîner offert par le Consul Général.

Vendredi 19 septembre 2003 - Istanbul

09.00 - Visite des locaux du lycée Pierre Loti sur le site de Beyoglu.

11.00 - Visite du lycée Saint Joseph d'Istanbul (rive orientale du Bosphore). Rencontre et déjeuner avec le directeur, M. Laurent Pichot.

15.00 - Entretien avec le Directeur de l'Institut Français d'Istanbul, M. Alain Bourdon. Visite des locaux de l'Institut français et du consulat.

16.00 - Entretien avec M. Ahmet Soysal, intellectuel turc francophone.

17.30 - Entretien de fin de mission avec l'ambassadeur de France en Turquie, M. Bernard Garcia.

Samedi 20 septembre 2003 - Istanbul - Paris

07.30 - Départ pour l'aéroport - retour sur Paris


ATOUTS ET AJUSTEMENTS DE L'OUTIL

DE COOPERATION FRANCAIS EN TURQUIE

Le présent rapport d'information détaille les principales observations de votre rapporteur spécial à la suite de la mission d'évaluation et de contrôle qu'il a effectuée en Turquie, en application des dispositions de l'article 57 de la loi organique du 1 er août 2001 relative aux lois de finances (LOLF).

La coopération française avec la Turquie est importante et s'appuie sur des partenariats anciens et prestigieux, s'agissant par exemple des lycées congréganistes et du lycée de Galatasaray. Affectée par le vote en France de la loi reconnaissant le génocide arménien en 2001, cette coopération s'adapte aujourd'hui à l'aspiration de la Turquie à adhérer à l'Union européenne et vise à retrouver une souplesse d'intervention pour diversifier ses partenariats.

Votre rapporteur spécial a également constaté, lors de sa mission, les carences du ministère des affaires étrangères en matière d'investissement. Il présente les difficultés qui en résultent et formule des remarques et préconisations plus générales relatives à la gestion par le ministère des affaires étrangères de sa politique immobilière.

* 1 Rapport d'information n° 37 (2003-2004) de MM. Xavier de Villepin, Hubert Durand-Chastel et Jean-Pierre Masseret, fait au nom de la commission des affaires étrangères, sur la mission effectuée du 14 au 19 septembre 2003 en Turquie.

* 2 Rapport d'information n° 279 (2003-2004) de MM. Robert del Picchia et Hubert Haenel, fait au nom de la délégation pour l'Union européenne sur la candidature de la Turquie à l'Union européenne.

* 3 Il convient de rappeler qu'un sondage de l'institut BVA, publié en date du 19 avril 2004 par l'hebdomadaire « Marianne » a indiqué que 51 % des Français étaient favorables à une adhésion de la Turquie à l'Union européenne « dans quelques années », tandis que 39 % y étaient défavorables.

* 4 In Journal Officiel Questions Assemblée Nationale, 1 ère séance du 7 avril 2004, page 2678.

* 5 Journal Officiel Débats Assemblée nationale du 11 décembre 2002.

* 6 Sondage CNN-Turkey, mars 2002.

* 7 Pour mémoire, cette loi comporte un article unique disposant que « La France reconnaît publiquement le génocide arménien de 1915 ».

* 8 Le lycée de Bursa était, jusqu'en 2002, géré par la mission laïque. Dans une mauvaise situation financière, il a alors été repris par la fondation Tevfik Fikret.

* 9 Le programme PHARE Partenariat est une initiative de la Communauté européenne qui vise à renforcer le processus de transition en Europe centrale et orientale en soutenant des initiatives en faveur du développement économique et socio-économique local.

* 10 Cour des comptes, synthèse du rapport sur l'exécution des lois de finances pour l'année 2003, juin 2004, page 10.

* 11 Cour des comptes : Rapport sur l'exécution des lois de finances en vue du règlement du budget de l'exercice 2003, annexe IV : « Les dettes de l'Etat auprès de ses fournisseurs publics » p. 103.

* 12 On notera d'ailleurs que, d'après les informations recueillies par votre rapporteur spécial, une partie des factures impayées à l'issue de l'année 2003 résulterait d'un accord interministériel entre le ministère des affaires étrangères et le ministère de l'économie, des finances et de l'industrie, programmant des reports de crédits sur l'année 2004 pour financer le projet d'ambassade à Pékin.

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