III. QUEL CHANGEMENT DE STATUT POUR LA DOCUMENTATION FRANÇAISE ?
A. DES PROBLÈMES LIÉS AU STATUT DE DIRECTION D'ADMINISTRATION CENTRALE
1. Une relative autonomie malgré un statut de direction d'administration centrale
Malgré son statut de direction d'administration centrale et son intégration aux services généraux du Premier ministre, la Documentation française dispose d' une certaine autonomie par rapport au Premier ministre . En effet, les arrêtés régissant la direction de la Documentation française sont pris non seulement par des services extérieurs - secrétaire général du gouvernement 12 ( * ) , directeur d'administration centrale au secrétariat général du gouvernement 13 ( * ) , directeur des services administratifs et financiers 14 ( * ) -, mais aussi, dans certains cas, par le directeur de la Documentation française lui-même 15 ( * ) .
Cette autonomie se traduit dans la gestion du réseau commercial : les deux librairies de la Documentation française, situées à Paris et Lyon, disposent chacune d'une régie de recettes depuis 1979, de même que le point de vente d'Aubervilliers depuis 1999, suite à des travaux d'aménagement du hall d'accueil ayant permis l'exposition et la vente des publications sur ce site.
A cet égard, votre rapporteur spécial se félicite du choix de renforcer les équipes en charge de la politique de promotion de la Documentation française, dans un contexte de réduction globale des effectifs, afin de doter la Documentation française d'une politique commerciale plus offensive.
2. Des difficultés liées à la législation sur les marchés publics
Interrogés sur ce point par votre rapporteur spécial en 2002, les responsables de la Documentation française avaient fait part que la crainte de ne pas respecter la législation relative aux marchés publics avait dissuadé certaines administrations de confier à la Documentation française des tâches d'édition ou de diffusion d'ouvrages .
Cette crainte était infondée , comme le Conseil d'Etat l'a indiqué clairement dans son rapport public pour 2002 16 ( * ) :
« Une collectivité publique a (...) toute latitude de « produire » en interne l'ensemble des prestations dont elle a besoin et un service d'une personne publique peut, sans qu'il y ait lieu de procéder à une mise en concurrence, demander des prestations à un autre service de la même personne ; y compris si la personne publique en cause est l'État, avec ses multiples composantes et quelle que soit l'autonomie entre ces différentes composantes. Ainsi le Conseil d'État en a-t-il jugé en 1970, dans l'affaire Unipain 17 ( * ) s'agissant de la fourniture du pain, par les boulangeries militaires de Lille, aux prisons de la région. La question à trancher était celle du respect du principe de la liberté du commerce et de l'industrie, mais la philosophie est la même. Le Conseil d'État, suivant en cela son commissaire du gouvernement qui faisait valoir que « l'État n'a jamais été tenu d'acheter ses armes aux industriels ; il ne peut être tenu aujourd'hui d'acheter son pain aux boulangers », a jugé que « le principe de la liberté du commerce et de l'industrie ne fait pas obstacle à ce que l'État satisfasse, par ses propres moyens, aux besoins de ses services ». On peut ajouter aujourd'hui que le droit des marchés publics n'y fait pas obstacle non plus ».
A l'occasion de l'audition, en 2004, de l'équipe de direction de la Documentation française, largement renouvelée, votre rapporteur spécial a pu se féliciter que ces craintes se soient dissipées .
En effet, la nouvelle direction fait le pari d'un recours accru des autres administrations aux compétences spécialisées de la Documentation française, dans le cadre de la mise en oeuvre de la LOLF qui devrait conduire à un recentrage des différentes administrations sur leurs principaux métiers .
Souscrivant pleinement à ces observations, votre rapporteur spécial souhaite que soit étudié, pour chaque administration, le coût comparé d'une édition et d'une distribution par des circuits internes et en recourant aux services de la Documentation française.
Proposition n° 16 : établir des comparaisons de coûts des opérations d'édition et de distribution internes à chaque administration et lorsque ces missions sont confiées à la Documentation française.
Malgré les possibilités d'adaptation du statut de la Documentation française, direction d'administration centrale, à ses exigences commerciales, la question de sa transformation en établissement public industriel et commercial (EPIC) reste posée, du fait de la nature même de son activité.
* 12 Par exemple, l'arrêté du 6 janvier 1997 relatif à la composition de la commission d'appel d'offres pour les marchés passés sur le compte de commerce de la direction de la Documentation française, l'arrêté du 2 janvier 1990 créant Admitel, l'arrêté du 4 mars 1994 relatif à l'organisation de la direction de la Documentation française en sous-directions, l'arrêté du 2 novembre 2001 relatif à l'organisation de la Documentation française en sous-directions.
* 13 Par exemple, l'arrêté du 4 mai 1995 relatif à l'organisation de la direction de la Documentation française en sous-directions et bureaux, l'arrêté du 6 novembre 2000 relatif à la création d'un site sur Internet intitulé « service-public.fr », l'arrêté du 10 août 2001 modifiant l'arrêté du 6 novembre 2000 créant « service-public.fr ».
* 14 Par exemple, l'arrêté du 31 janvier 2001 fixant les taux des indemnités susceptibles d'être allouées aux collaborateurs de la Documentation française.
* 15 Arrêté du 22 novembre 1993 instituant une régie d'avances à la direction de la Documentation française, arrêté du 26 février 1999 portant création d'une régie de recettes à la Documentation française, arrêté du 27 octobre 2000 portant modification de l'arrêté du 22 novembre 1993 instituant une régie d'avances à la Documentation française, arrêté du 7 novembre 2000 modifiant l'arrêté du 7 décembre 1993 portant nomination d'un régisseur d'avances.
* 16 Conseil d'Etat, Rapport public 2002.
* 17 CE, 29 avril 1970, Société Unipain.