2. Plus de flexibilité pour inciter au travail
Il s'agit d'un objectif multiforme qui concerne à la fois le secteur privé et le secteur public, étant entendu que les enjeux budgétaires et économiques sont plus importants dans le premier cas que dans le second.
En qualifiant la réduction du temps de travail de « contresens » économique, le ministre de l'Etat, de l'économie, des finances et de l'industrie a mis le doigt sur un des facteurs qui non seulement affectent de façon négative le dynamisme de l'économie française, mais encore pèse lourdement sur le budget de l'Etat : les allègements de charges consécutifs aux 35 heures devraient coûter quelque 12,5 milliards d'euros au budget d'Etat en 2005.
On voit ainsi s'esquisser une forme de troc dans lequel on échangerait la baisse des allègements de charges contre des assouplissements de la réglementation de la durée du travail.
Le mouvement des entreprises de France - MEDEF - a réagi avec circonspection, montrant par là qu'il est peu désireux de rouvrir le dossier social. Il y a toutes chances qu'il « place la barre » assez haut, en réclamant que les entreprises soient exonérées de l'application des accords de branche. Une telle attitude est à l'évidence contradictoire avec la ligne générale proclamée par cette organisation. Votre rapporteur général souhaite que les partenaires économiques soient ainsi placés devant leurs responsabilités.
Dans l'administration, on peut évoquer brièvement, autour du même thème, le dossier de la rémunération au mérite .
LA RÉMUNÉRATION AU MÉRITE DANS LA FONCTION PUBLIQUE
La rémunération au mérite a longtemps été un sujet tabou. Aujourd'hui, dès lors que la loi organique du 1 er août 2001 relative aux lois de finances se donne pour objectif de diffuser une culture de la performance, la question de l'instauration d'une rémunération au mérite -selon des modalités et dans des proportions à définir- est désormais dans l'air du temps.
Il convient de garder à l'esprit que la rémunération au mérite recouvre d'abord la gestion des avancements et des carrières , heureusement dynamisée par le décret n° 2002-682 du 29 avril 2002 rénovant la procédure d'évaluation et de notation. Mais la modulation indemnitaire au mérite , en raison de sa flexibilité et de sa réversibilité , constitue l' élément le plus efficace - et naturellement le plus contesté - d'une authentique rémunération au mérite . Si la démarche n'est cependant pas nouvelle (le support réglementaire des primes de rendement 108 ( * ) remonte ainsi à l'après-guerre), les dévoiements constatés depuis invitent plutôt au scepticisme.
Toutefois, la rationalisation des régimes indemnitaires en cours, ainsi que les exigences nouvelles de la LOLF, ouvrent aujourd'hui la voie à une modulation indemnitaire au mérite effective et généralisée.
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Une circulaire conjointe de la direction générale de l'administration et de la fonction publique et de la direction du budget du 1 er octobre 1999 a rappelé l' obligation de donner un fondement législatif ou réglementaire aux régimes indemnitaires .
Sur cette base, la transparence progressivement recouvrée a permis d'entreprendre, depuis janvier 2002, une rationalisation des principales indemnités interministérielles, avec la création de l' indemnité d'administration et de technicité (IAT) 109 ( * ) , de l' indemnité forfaitaire pour travaux supplémentaires (IFTS) 110 ( * ) , et, bientôt, de l' indemnité de fonction et de résultat (IFR) 111 ( * ) , qui devrait, d'après les informations communiquées à votre rapporteur général, être instaurée avant la fin de l'année 2004, afin de fondre tous les dépassements de plafonds réglementaires (ils touchent tant l'IFTS que la prime de rendement).
En avril 2004, un rapport du comité d'enquête sur le coût et le rendement des services publics portant sur la gestion des régimes indemnitaires et la modulation des primes , partant du constat de l'hétérogénéité des pratiques existantes, a indiqué les voies d'un approfondissement et d'une généralisation de la rémunération indemnitaire au mérite, en cohérence avec la volonté d'évaluation des résultats manifestée par la LOLF.
D'après ce comité, la future IFR pourrait devenir le principal support d'une rémunération modulable à titre individuel ou collectif ; la modulation, adaptée aux différentes catégories de personnels et de métiers , devrait atteindre 15 à 20 % de la rémunération pour l'encadrement , et elle serait révisée chaque année en fonction du travail effectué.
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Par ailleurs, M. Jean-Ludovic Silicani , conseiller d'Etat, a remis au Premier ministre, le 27 avril dernier, un rapport portant spécifiquement sur la rémunération au mérite des directeurs d'administration centrale .
Son rapport part d'un double constat : d'une part, la LOLF imposera la mise en place d'objectifs pour les différents programmes qui composeront l'action des ministères, d'autre part, « les quelque 180 cadres dirigeants des administrations centrales de l'Etat nommés en conseil des ministres, dont relèvent directement ou indirectement plus de deux millions d'agents (soit, en moyenne, plus de 10.000 agents par directeur), ont des responsabilités mal définies , ne disposent le plus souvent d' aucun objectif clair , ne sont guère évalués sur leurs résultats et perçoivent une rémunération inadaptée, sans lien avec l'importance ou l'efficacité de leur action ». Ainsi, pour la mise en oeuvre de la LOLF, la mobilisation des cadres dirigeants s'impose absolument. En outre, « l'exemple doit partir du sommet. Si ce changement de culture réussit, il irriguera ensuite l'ensemble de notre administration ».
Le rapport préconise de calculer la rémunération d'un directeur d'administration centrale, au moment de sa nomination, en fonction de deux paramètres : son expérience professionnelle antérieure , et l' importance du poste qui va lui être confié. Cette rémunération serait composée d' une part fixe et d'une part variable d'environ 20 % , dont le versement serait modulé en fonction des résultats atteints par le directeur au regard d'objectifs révisables fixés par son ministre . Il en résulterait un « surcoût très modeste (entre 3 et 5 millions d'euros au total) (...) très vite compensé, et au centuple , par l'efficacité accrue de l'administration ».
L'acclimatation d'une telle réforme nécessite évidemment une forte implication des ministres : « pour réussir ce changement, il est nécessaire que chaque ministre s'emploie à préciser collectivement avec son équipe de directeurs, puis avec chacun d'entre eux, les priorités de son administration. Il conviendra ensuite qu'il évalue, à l'occasion d'un entretien, les résultats atteints par chaque directeur, au regard des objectifs fixés. Il faudra enfin qu'il décide de traduire les performances dans les rémunérations. Tout cela est apparemment simple (...) mais il ne faut pas se cacher que ceci correspond assez peu aux usages et représente une contrainte pour les ministres ».
En conformité avec les orientations préconisées par le rapport Silicani, la future IFR (cf. supra ) pourrait, d'après les informations communiquées à votre rapporteur général, être adaptée aux directeurs d'administrations centrales afin de tenir compte de leurs résultats .
La transparence, puis la rationalisation des régimes indemnitaires dans la fonction publique constituaient les préalables nécessaires à l'instauration d'une modulation indemnitaire au mérite. Ces conditions sont en voie d'être réunies. La volonté politique n'a donc plus qu'à s'exprimer.
C'est ce qui vient d'être fait en ce qui concerne les hauts fonctionnaires. Ainsi , le ministre de la fonction publique M. Renaud Dutreil, vient-il d'annoncer le 11 juin dernier, qu'il allait mettre en place la rémunération au mérite individuelle pour les hauts responsables de l'administration centrale, dans les ministères de la défense, de l'économie, des finances et de l'industrie, de l'intérieur, de la fonction publique, ainsi que de l'agriculture . Soyons simplement attentifs à ce que les nouveaux mécanismes de rémunération au mérite ne connaissent pas les dévoiements constatés par le passé.
Le ministre de la fonction publique M. Renaud Dutreil a annoncé le 11 juin dernier qu'il allait mettre en place la rémunération au mérite individuelle pour les hauts responsables de l'administration centrale, dont 20 % de la rémunération pourra varier. Il a précisé que 20 % de leur rémunération sera modulable selon qu'ils auront, ou non, atteint leurs objectifs.
La réforme concerne quelque 180 dirigeants des administrations centrales de l'Etat, nommés en Conseil des ministres, dont relèvent directement ou indirectement plus de deux millions d'agents. Ce n'est semble-t-il qu'un début avant l'extension de ce système aux responsables de niveau inférieur, ce qui passe sans doute par la mise en place d'une part collective de la rémunération au mérite, car, souvent, c'est l'équipe qui réussit, et non pas un individu isolé des autres. Les indicateurs de performance fournissent, dans le cadre de la loi organique sur les finances publiques, les éléments de mesure d'efficacité nécessaires à la concrétisation de ces progrès.
* 108 Le décret n° 45-1753 du 6 août 1945 relatif aux primes de rendement pouvant être attribuées aux fonctionnaires des finances prévoit que « ces primes, essentiellement variables et personnelles, sont attribuées (...) compte tenu de la valeur et de l'action des agents (...). [Elles] sont révisées chaque année, sans que les intéressés puissent se prévaloir de la prime allouée au titre de l'année précédente ». Le décret n °50-196 du 6 février 1950 prévoit que les dispositions du décret de 1945 précité peuvent être étendues à d'autres administrations centrales.
* 109 Décret n° 2002-61 du 14 janvier 2002 mettant en place l'indemnité d'administration et de technicité (IAT). Cette indemnité est, par ailleurs, cumulable avec les indemnités horaires pour travaux supplémentaires (IHTS) , mises en place par le décret n° 2002-60 du 14 janvier 2002.
* 110 Décrets n° 2002-62 et n° 2002-63 du 14 janvier 2002 instaurant l'indemnité forfaitaire pour travaux supplémentaires (IFTS).
* 111 A l'origine, la dénomination prévue était celle d' indemnité complémentaire de fonction (ICF) .