Annexe
n° 7
Contribution de la Conférence
des Régions
Périphériques Maritimes d'Europe (CRPM)
sur l'avenir de la
politique de cohésion
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« L'AVENIR DE LA POLITIQUE
RÉGIONALE
DANS LE CADRE DU PROJET
EUROPÉEN »
L'été 2003 va constituer la dernière période à peu près propice à une réflexion calme et distanciée sur les grands enjeux qui attendent l'Union européenne dans le semestre à venir.
Les États membres vont pouvoir analyser en profondeur le projet de traité constitutionnel désormais finalisé par les conventionnels et adopter une première ligne de négociation en vue de la conférence intergouvernementale qui s'ouvrira cet automne.
Les membres de la Commission européenne pourront peser les choix fondamentaux qui s'offrent à eux dans le cadre de la préparation des perspectives financières qu'ils seront amenés à présenter avant la fin de l'année.
A l'intersection entre ces deux enjeux, se finaliseront à la rentrée les principaux contours de la future politique régionale post-2006 avant sa publication par la Commission européenne fin novembre dans le cadre du troisième rapport sur la cohésion.
Ces choix intimement liés ne seront pas neutres quant au contenu durable du projet européen et à l'image de l'Europe que les institutions souhaitent offrir aux citoyens. Vont en effet s'affronter à travers ces discussions deux visions très différentes de l'avenir de notre continent :
L'une en faveur d'un approfondissement marqué de la construction européenne, basé sur les vertus de l'intégration, du rapprochement entre les peuples et de la participation des citoyens à la vie démocratique de l'Union. Parmi les partisans de cette vision de l'Europe nombreux sont ceux qui souhaitent aller progressivement plus loin dans la communautarisation d'un certain nombre de politiques dont les plus emblématiques sont celles de la politique étrangère et de défense.
L'autre, plus macro-économique, ne voit essentiellement dans le projet européen qu'un moyen de renforcer la dimension économique de l'Union européenne et sa compétitivité à l'échelle mondiale sans forcément accompagner cette ambition d'une avancée équivalente en matière de gouvernance commune d'un certain nombre de politique.
Ces deux visions ne sont ni partisanes ni antinomiques ; les objectifs de compétitivité d'une part et de solidarité au regard des objectifs fondamentaux du traité d'autre part sont forcément présents dans les deux options. Toutefois elles différent essentiellement sur deux points :
- sur les moyens à mettre en oeuvre pour aboutir à une telle ambition, (approche purement macroéconomique d'un coté, approche plus microéconomique et partenariale de l'autre) ;
- sur la durabilité politique du sentiment d'appartenance à une communauté de destin que l'on souhaite promouvoir à travers ces différentes visions et donc sur le pari du caractère plus ou moins durable de la construction européenne.
Le thème de l'avenir de la politique régionale est certainement le plus emblématique de cette divergence de vision de l'Europe :
A. S'agissant de la compétitivité européenne et du développement durable
En s'assignant notamment comme ligne directrice les stratégies de Lisbonne et de Göteborg, le projet de future politique régionale que nous soutenons prend le parti pris que la recherche d'une plus grande compétitivité européenne ne peut plus passer uniquement par la seule action économique des États. Nous sommes à ce titre convaincus que ce qui était peut-être encore vrai il y a 20 ans ne l'est certainement plus aujourd'hui. L'ambition affichée par les États à Lisbonne doit nécessairement également reposer sur la capacité d'initiative, d'innovation et de mobilisation de l'ensemble des forces vives, partenaires socio-économiques ou collectivités infra-étatiques (le fameux « trou noir » de la mesure de l'innovation économique). La complexité d'un monde en perpétuel changement ne peut laisser l'Europe faire l'économie de cette dimension sans risquer sa propre sclérose.
Une option purement gouvernementale et macroéconomique ne pourrait en effet paraître envisageable que si elle pouvait s'asseoir sur les deux conditions suivantes :
- l'élévation au rang de compétence exclusive ou partagée (avec des budgets appropriés) de l'ensemble des politiques dites de compétitivité. Nous en sommes aujourd'hui très loin, que ce soit à la lecture du projet de traité pourtant raisonnablement ambitieux porté par les conventionnels ou à l'examen des marges de manoeuvre budgétaires des États membres ;
- l'assurance qu'une mise en oeuvre exclusivement nationale puisse être envisagée avec la même efficacité dans chacun des États de l'Union et qu'aucune divergence de mise en oeuvre ne portera les germes d'un accroissement des disparités entre États membres et entre territoires. Les évolutions économiques et territoriales récentes nous ont plutôt convaincus du contraire. Une telle option pourrait porter les germes d'une remise en cause de la cohésion européenne perdue dans les méandres de la compétitivité internationale.
Il convient en outre de bien avoir à l'esprit qu'une grande partie des marges de manoeuvre budgétaires sont aujourd'hui en main des collectivités régionales et locales, à des degrés divers dépendant des ordres institutionnels propres à chaque État membre (en moyenne de 20% à 50% du total des ressources fiscales). L'absence d'un cadre communautaire d'action engageant l'ensemble des acteurs publics autour d'une stratégie concertée réduirait considérablement l'impact de l'action publique en général sur la compétitivité européenne. A l'heure ou les États sont de plus en plus amenés à se concentrer sur un certain nombre de fonctions stratégiques décisives pour leur population (cohésion sociale, santé, financement des retraites, politiques de défense, engagements internationaux,...), les collectivités régionales et locales deviennent de leur coté un échelon de plus en plus essentiel de la compétitivité de chacun des territoires de l'Europe.
La principale valeur ajoutée d'une politique régionale ambitieuse se résume ainsi en trois points :
- une capacité d'intervention qui peut dépasser la rigidité actuelle de la répartition des compétences entre les niveaux national et européen (capacité d'intervention lourde en faveur des principaux facteurs de compétitivité à traité égal) ;
- une capacité réelle de mobilisation de l'ensemble des acteurs institutionnels du niveau européen aux niveaux national, régional et local autour d'objectifs communs ;
- une adaptabilité à l'ensemble des systèmes institutionnels en vigueur laissant des marges de manoeuvre aux États et aux régions dans la mise en oeuvre de certaines priorités (conventions et éventuellement contrats tripartites).
B. S'agissant de la durabilité du projet européen
La perspective tout à fait historique des élargissements ne doit pas nous faire croire à l'irréversibilité du projet européen sauf à oublier l'histoire. Une construction purement macro-économique de l'Europe risquerait à terme de diluer l'intérêt des opinions publiques nationales dont on sait qu'elles restent très fluctuantes à ce sujet. L'Europe est avant tout un projet politique qui nécessite de laisser toute sa place au temps et à la conviction. Or si l'Europe s'est construite avant tout sur un volet économique, la perspective d'une mondialisation croissante des échanges risque fort de relativiser à terme cet avantage comparatif par rapport à d'autres ensembles mondiaux. En reposant sur cette seule dimension, elle risque en outre de cristalliser le ressentiment de l'ensemble des citoyens qui resteront en marge de ces changements sans n'avoir pu à aucun moment y contribuer.
La politique régionale, si elle sait évoluer dans le sens d'une participation plus active des acteurs régionaux et locaux, constitue le cadre idéal d'une telle recherche de proximité et de durabilité du projet européen, sans risque de frustration ni de rejets.
Pour toutes ces raisons, nous tenons à affirmer notre plus grand scepticisme à propos des résultats de l'étude discutée lors de la réunion du collège des commissaires le dimanche 13 juillet dernier. Sur la forme, cette démarche s'avère en premier lieu totalement contradictoire aux évolutions du débat sur l'avenir de la politique régionale engagé par la Commission depuis le début de l'année 2001 à l'occasion de la publication du rapport sur la cohésion. Sur le fond, les options défendues par ce document marqueraient, si elles étaient retenues, un retour en arrière durable sur une grande partie de l'acquis communautaire avant même que celui-ci n'ait pu être transmis aux nouveaux États membres de l'Union. Il risque de provoquer - plus qu'un désintérêt - une véritable désillusion pour l'ensemble des partenaires régionaux et locaux dont le rôle croissant dans les politiques de l'Union est pourtant largement développé dans les travaux de la Convention. Les collectivités régionales et locales ont en effet clairement exprimé leur soutien unanime à la poursuite d'une politique régionale ambitieuse s'appuyant en partie sur les échelons de proximité, que ce soit par la voix du Comité des Régions (différents avis et déclaration de Leipzig) ou par celles des principales organisations européennes de collectivités régionales et locales. Une telle option est également contraire aux avis exprimés par le Parlement Européen et le Comité Économique et Social à ce sujet ainsi qu'aux premiers résultats des débats entre États membres engagés durant la présidence grecque de l'Union (réunion de Chalkidiki).
Le bureau politique de la CRPM réuni ce lundi 21 juillet à Naples ne peut croire qu'une telle orientation politique puisse être prise par la Commission européenne et tient à exprimer son opposition la plus totale à ces premières options.
C. S'agissant notamment des réflexions budgétaires
Si la CRPM partage l'analyse faite sur le manque de communautarisation du budget européen et sur son manque d'ambition dans le chapitre économique et social, c'est plus sur les modalités de mise en oeuvre qu'elle est en profond désaccord. L'idée de promouvoir les principaux facteurs de compétitivité en augmentant le budget communautaire qui leur serait consacré est plutôt positive, elle ne peut cependant en aucun cas se mettre en oeuvre sous la seule forme présentée, c'est-à-dire en totale ignorance des principes de cohésion économique, sociale et territoriale d'une part et de toute dimension régionale d'autre part. D'une manière générale, si cette politique devrait contribuer à améliorer la compétitivité du bloc européen au niveau international, elle aurait comme conséquence majeure d'aggraver durablement les disparités territoriales en Europe et serait contraire à toute perspective de développement durable. C'est au contraire l'articulation entre la politique régionale et les principales politiques sectorielles qu'il conviendra de travailler, dans l'esprit des travaux sur la bonne gouvernance de l'Union, tant dans un souci d'efficacité que de convergence. Pour exemple, une mise en oeuvre d'un effort particulier en terme d'infrastructure de transport ou de recherche et développement aurait comme conséquence dans le scénario « SAPIR » de renforcer la concentration des investissements dans les régions déjà richement dotées (aujourd'hui dans l'UE à quinze, 28 régions sur 211 représentent 50% des dépenses de R&D en Europe) alors qu'une mise en oeuvre dans le cadre de la politique régionale pourra agir avec la même efficacité mais dans un sens plus équilibré et plus durable. C'est également dans ce sens que les États-Unis ont mis en place au niveau fédéral des mécanismes de péréquation entre États afin de favoriser un développement plus polycentrique et équilibré de leur territoire.
En conséquence, le Bureau Politique de la CRPM invite l'ensemble du collège des commissaires à prendre le temps de la réflexion et à revenir à plus de raison et de réalisme politique.
Enfin, le Bureau Politique de la CRPM demande à être partie prenante de la réflexion sur les questions posées par le rapport SAPIR dans le cadre du dialogue territorial que lance la Commission européenne.
Naples, le 21 juillet 2003
La période de programmation actuelle des fonds structurels (2000-2006) s'achèvera dans deux ans, mais c'est aujourd'hui que doit s'engager la négociation pour la période 2007-2013. Celle-ci s'inscrit dans le cadre plus global de la négociation des perspectives financières : elle en constitue d'ailleurs l'aspect le plus délicat.
Or, cette négociation va se heurter à une double contrainte : les besoins très importants en matière de cohésion dans les pays de l'élargissement, d'une part ; le souci des États contributeurs nets au budget de l'Union de stabiliser celui-ci à son niveau actuel (1 % du RNB communautaire), d'autre part.
Comment financer dès lors le coût de l'élargissement : par une augmentation du budget de l'Union ? Ou par une baisse, ou même une disparition, des fonds structurels dans les pays de l'actuelle Union à quinze ?
Quelles sont les positions respectives de la Commission, des États membres et du Parlement européen qui devront parvenir sur cette question à un « accord interinstitutionnel » ?
Quelles sont les conséquences pour le budget de l'Union, pour le budget de l'État français et, enfin, pour les régions françaises, des différents scénarios possibles d'évolution de la politique de cohésion ?