II. L'EXPLOSION DU COÛT DE LA POLITIQUE D'ALLÈGEMENTS DE LA TAXE D'HABITATION.

La politique nationale d'allègements de la taxe d'habitation entraîne une perte de recettes fiscales pour le secteur public pris dans son ensemble, perte qu'il convient de partager entre l'Etat et les collectivités locales. Le principe de base auxquels les élus locaux et le Sénat sont attachés est que cette perte de recettes voulue par l'Etat doit être intégralement supportée par le budget de l'Etat. Mais, en sens inverse, il n'est pas totalement illogique de demander aux collectivités de supporter un ticket modérateur qui évitera de faire retomber sur l'Etat tout le poids des augmentations de la pression fiscale locale. On déterminera d'abord le coût global mis à la charge de l'Etat (A) avant de préciser les modalités de compensation des pertes de recettes des collectivités locales (B).

A. UN COUT BUDGÉTAIRE CROISSANT PAR ÉTAPES POUR L'ETAT

Le coût des allègements fiscaux de taxe d'habitation apparaît au budget de l'Etat sous deux formes :

- s'agissant de la compensation des exonérations de taxe d'habitation , celle-ci est englobée dans la ligne 2007 "Prélèvement sur les recettes de l'Etat au titre de la compensation d'exonérations relatives à la fiscalité locale",

- s'agissant des dégrèvements législatifs et non législatifs de taxe d'habitation , les crédits correspondants sont inscrits au paragraphe 17 du chapitre 15-01 du budget des charges communes.

On constate que dans les deux cas, ce prélèvement et ces crédits ne figurent pas dans le montant net des dépenses totales du budget général figurant à l'article d'équilibre de la loi de finances. Cette pratique est devenue totalement illogique pour les dégrèvements d'impôts locaux qui n'ont plus aucune raison d'être assimilés dans la présentation de l'équilibre budgétaire aux remboursements divers d'impôts d'Etat, puisqu'ils sont désormais séparés des dégrèvements d'impôts directs d'Etat dans la nomenclature d'exécution du budget.

1. Une croissance par à-coups du coût des allégements de taxe d'habitation

La construction d'une série longue des dégrèvements doit s'appuyer sur les ordonnancements de la DGI 16 ( * ) et non sur les dépenses retracées dans le compte général de l'administration des finances. En effet, les dégrèvements de taxe d'habitation (admissions en non-valeur exclues) ne sont isolés au sein du budget des charges communes que depuis 1994. Jusqu'en 1991, ils se fondent dans la masse des dégrèvements d'impôts directs assis par la Direction générale des impôts (DGI). En 1992 et 1993, ils sont encore fusionnés avec les dégrèvements des autres contributions directes locales (TP, TF). Depuis 1994, les dégrèvements de taxe d'habitation sont isolés au sein d'un paragraphe distinct, mais ce dernier regroupe non seulement les dégrèvements législatifs, objet de cette étude mais aussi les dégrèvements non législatifs, gracieux ou contentieux.

Le point de départ de la politique des dégrèvements législatifs est le vote dans le collectif budgétaire de juin 1982 d'un dégrèvement total de taxe d'habitation pour les personnes âgées de plus de 60 ans non imposables à l'impôt sur le revenu 17 ( * ) . Ainsi est établi un lien entre impôt sur le revenu et taxe d'habitation, lien qui entraînera une forte augmentation du nombre des dégrevés chaque fois que des mesures d'allègement de l'impôt sur le revenu seront prises, comme en 1986. Il faudra attendre 2000 pour que ce lien soit définitivement rompu.

L'évolution des allégements de taxe d'habitation est retracée depuis 1987 par la courbe « total » du graphique n° 1-5 qui additionne dégrèvements législatifs et non législatifs et compensations d'exonération , à l'exception toutefois du coût de la suppression de la part régionale de taxe d'habitation 18 ( * ) .

Graphique 1-5
Evolution des allègements de taxe d'habitation depuis 1997

(en millions d'euros)

Les deux marches d'escalier discernables sur cette courbe « total » correspondent aux deux réformes figurant dans les lois de finances initiales pour 1990 et pour 2000.

La réforme de 1990 crée, entre autres mesures, un plafonnement de l'imposition à la taxe d'habitation en fonction du revenu ; elle laisse toutefois à la charge du contribuable un ticket modérateur puisque le dégrèvement ne peut excéder 50 % du montant de l'imposition qui excède 1.370 francs 19 ( * ) .

La réforme de 2000, outre la suppression de la part régionale de taxe d'habitation, refond quatre mécanismes de dégrèvements législatifs en un seul dispositif de plafonnement en fonction du revenu, mais elle supprime également le ticket modérateur de 50 % institué en 2000 20 ( * ) . Cette réforme a entraîné une augmentation des dégrèvements législatifs de l'ordre de 900 millions d'euros.

Enfin, la réforme de 1992 a transformé un certain nombre de dégrèvements totaux en exonérations (notamment pour les contribuables de plus de 60 ans). La compensation de ces exonérations ne croît que modérément puisqu'elle s'effectue sur la base de taux gelés à la hausse à leur niveau de 1991.

Au total, la participation de L'Etat , hors compensation de la suppression de la part régionale, est passée de 1,1 milliard d'euros en 1991 à près de 3,7 milliards d'euros en 2002, comme le montre la colonne (5) du tableau 1-5.

Tableau 1-5
Evolution des dégrèvements et compensations d'exonérations

(en millions d'euros)

* 16 Depuis 2000, le montant des admissions en non valeur (ANV) de taxe d'habitation n'est plus disponible. Jusqu'en 1999 le montant des ANV relatif à la taxe d'habitation était fourni par les services territoriaux de la DGI. A partir de 2000, les statistiques sur les ANV sont traitées par la DGCP qui ne fournit qu'un montant global pour tous les impôts.

* 17 Les personnes de plus de 75 ans non imposables à l'impôt sur le revenu étaient déjà exonérées de taxe d'habitation avant 1982. Des dégrèvements partiels étaient accordés sous certaines conditions aux personnes âgées de 65 à 75 ans non imposables à l'impôt sur les revenus.

* 18 Ce coût a pris la forme de dégrèvements en 2000 et de compensations d'exonérations depuis.

* 19 Cette réforme de 1990 conditionna largement le vote positif du budget par le groupe communiste de l'Assemblée Nationale.

* 20 Cette réforme institue pour le calcul des dégrèvements partiels en fonction du revenu un mécanisme de gel des taux à leur niveau de 2000.

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