EXAMEN EN COMMISSION :

PRÉSENTATION DE L'ÉTUDE
(15 OCTOBRE 2003)

Réunie le mercredi 15 octobre 2003, sous la présidence de M. Jean Arthuis, président, la commission a entendu une communication de M. Yves Fréville , rapporteur spécial , sur les dégrèvements d'impôts locaux.

Procédant à l'aide d'une vidéo-projection, M. Yves Fréville, rapporteur spécial, a rendu compte des résultats de sa mission d'information relative aux dégrèvements et exonérations de taxe d'habitation, figurant au budget des charges communes dont il est le rapporteur pour la commission des finances. Il a rappelé au préalable que, sur les 12,22 milliards d'euros de recettes perçues par les collectivités locales au titre de la taxe d'habitation, les contribuables départementaux et communaux n'en acquittaient que 70 %, l'Etat, et donc le contribuable national, étant amené à verser la différence, soit, en 2002, 3,67 milliards d'euros, en contrepartie de sa politique menée en matière de dégrèvements. Il a indiqué que la compensation financière assumée par l'Etat avait fortement augmenté depuis 1990 et qu'elle avait connu une inflexion très significative à la hausse depuis la suppression en 2000 de la part régionale de la taxe d'habitation et la réorganisation des dégrèvements. Il a indiqué qu'en conséquence, près de 50 % des contribuables bénéficiaient en 2002 d'allégements ou d'exonérations de taxe d'habitation, estimant que la taxe d'habitation demeurait ainsi un impôt local pour les « hauts revenus » mais était devenue « nationalisée » pour les « bas revenus ».

Constatant que les dégrèvements législatifs de taxe d'habitation constituaient une subvention implicite pour les collectivités locales s'ajoutant à la compensation des exonérations individuelles, M. Yves Fréville, rapporteur spécial, a exposé l'objet de son étude, consistant, d'une part, à analyser les risques de déresponsabilisation des contribuables et des élus locaux et, d'autre part, à s'interroger, à partir de la répartition des allégements de taxe d'habitation entre les diverses collectivités locales, sur le rôle qu'ils jouaient en matière de péréquation. Il a indiqué que son étude était fondée sur la fusion de fichiers issus de la direction générale des collectivités locales, de la direction générale des impôts, de la direction générale de la comptabilité publique et de l'INSEE.

Il a montré que les allégements de taxe d'habitation étaient concentrés dans les villes, le nombre de contribuables imposés à taux plein diminuant en fonction de la taille des communes. En ce qui concernait les dégrèvements partiels, il a souligné que le pourcentage de dégrevés partiels à 4,3 % s'élevait dans les grandes villes jusqu'à 100.000 habitants. En revanche, il a montré que pour les exonérations de taxe d'habitation des contribuables les plus âgés, les contribuables concernés étaient davantage concentrés dans les petites communes rurales. Il a indiqué que le pourcentage de contribuables ne payant pas la taxe d'habitation à taux plein était particulièrement élevé dans le pourtour méditerranéen, dans le Nord et en Bretagne, le montant par habitant de la taxe d'habitation financée par l'Etat étant donc très important dans ces zones géographiques.

M. Yves Fréville, rapporteur spécial, a ensuite rappelé que le montant des allégements de taxe d'habitation dépendait étroitement de la pression fiscale des communes. Il a estimé que le caractère péréquateur des allégements de taxe d'habitation n'était pas complètement établi. Il a en effet démontré, d'une part, que le poids de la taxe d'habitation dans l'ensemble des ressources des collectivités locales ne variait pas en fonction inverse des autres ressources locales, celui-ci n'étant corrélé ni au potentiel fiscal, ni au montant des dotations versées par l'Etat comme la dotation globale de fonctionnement (DGF). Il a jugé, d'autre part, que les subventions implicites que représentaient les dégrèvements de taxe d'habitation n'avaient de caractère péréquateur, au regard de l'indice des ressources des communes, que pour les collectivités pauvres préférant élever leur pression fiscale afin de développer les services publics locaux. Lorsque les communes préféraient un bas niveau de services locaux pour ne pas surimposer leurs habitants, il a montré que les dégrèvements n'avaient pas de caractère péréquateur. Il a conclu ce constat en considérant que la participation de l'Etat était péréquatrice mais s'effectuait compte tenu d'un critère de péréquation contestable, puisque celui-ci était trop fortement lié au niveau de pression fiscale des collectivités locales.

M. Yves Fréville, rapporteur spécial, a dès lors formulé, à titre personnel, des propositions pour responsabiliser les élus et les contribuables, en attendant une révision ultérieure des bases de la taxe d'habitation. Il a souhaité rendre le système des dégrèvements plus transparent, en faisant clairement apparaître sur la feuille d'imposition le montant de l'impôt dû en l'absence de dégrèvement, en ventilant le montant du dégrèvement entre collectivités au prorata de la part de la cotisation attribuée à chaque contribuable, en déduisant les dégrèvements législatifs du montant des ressources propres des collectivités locales pour en permettre le recyclage en dotations péréquatrices. Il s'est demandé s'il ne fallait pas réviser certains indicateurs de pression ou d'effort fiscal en déduisant au moins partiellement les dégrèvements législatifs, afin de ne pas « subventionner la subvention ».

Il a présenté les abus que permettaient les abattements facultatifs à la base, estimant nécessaire de neutraliser les effets d'aubaine d'une suppression des abattements à la base. Il a proposé de recycler progressivement une fraction du coût des dégrèvements partiels en dotation de péréquation répartie entre collectivités locales selon des critères rénovés et, par ailleurs, pour responsabiliser le contribuable local, de créer un « ticket modérateur » en plafonnant, par exemple, le dégrèvement partiel à 50 % de la cotisation.

M. Yves Fréville, rapporteur spécial, a conclu en soulignant qu'à plus long terme, l'économie de la réforme reposait, selon lui, sur une rénovation des bases de la taxe d'habitation, sur un abandon de l'assiette mixte composée du revenu et de la valeur locative au profit d'une assiette unique, qui pourrait être le revenu, et sur un « recyclage » des crédits de dégrèvements législatifs, selon lui déresponsabilisants, en dotation de péréquation rénovée incorporant un critère de revenu.

A la suite de cette communication, un large débat s'est engagé.

M. Jean Arthuis, président, s'est félicité d'une telle présentation « percutante ». Il a estimé que le constat présenté était troublant et que, de ce fait, la situation ne pouvait pas rester figée. Il a néanmoins souligné la difficulté de toute réforme dans ce domaine.

M. Philippe Marini, rapporteur général, a indiqué que la recherche d'une plus grande transparence en matière de dégrèvements de taxe d'habitation lui semblait être une voie à poursuivre et à décliner si possible en proposant des « amendements d'appel » en ce sens à l'occasion de la discussion du projet de loi de finances pour 2004. Il a souligné le caractère déresponsabilisant du système actuel.

En complément, M. Yves Fréville, rapporteur spécial, a souhaité que le Parlement puisse se doter d'une expertise pour analyser et exploiter les données d'un fichier commun entre la direction générale des collectivités locales, la direction générale des impôts, la direction générale de la comptabilité publique et l'INSEE, tel qu'il l'avait créé lui-même pour son étude.

M. Michel Moreigne a souligné l'intérêt, pour le Sénat, d'utiliser et d'optimiser un tel fichier.

M. Jacques Oudin a estimé que l'étude qu'avait réalisée la commission aurait due être réalisée depuis longtemps par le comité des finances locales et a estimé qu'il fallait développer les structures d'information en matière de finances locales. Il a jugé qu'il convenait de bloquer les dérives constatées par le rapporteur spécial aujourd'hui exploitées par des « consultants en optimisation fiscale » auprès des collectivités locales.

M. Jean-Philippe Lachenaud a considéré qu'il fallait clarifier les règles en matière de dégrèvements. En ce qui concernait une réforme plus profonde de la taxe d'habitation, il s'est montré d'accord pour ne retenir qu'une seule assiette, a priori une assiette non délocalisable.

En réponse, M. Yves Fréville, rapporteur spécial, a remarqué que le comité des finances locales, parce qu'il était adossé à la direction générale des collectivités locales du ministère de l'intérieur, manquait d'une vision globale et synthétique qui inclurait la vision du ministère de l'économie, des finances et de l'industrie. Il a regretté que l'administration française n'ait pas de vision globale en matière de fiscalité locale, jugeant que le Sénat devait trouver les moyens d'y remédier.

Puis la commission a donné acte à M. Yves Fréville, rapporteur spécial , de sa communication , et a décidé , compte tenu de son intérêt, et pour favoriser la réflexion de la commission, de lui demander d'en formaliser les principales conclusions afin d'en permettre la publication sous la forme d'un rapport d'information.

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