3. Vers une typologie ?
a) Une nouvelle génération de réserves
• Les acquis des programmes de rénovation
Il apparaît -et il s'agit là d'un constat plutôt réconfortant- que les musées de création récente ou ayant bénéficié dans les dernières années d'un programme de rénovation sont dans l'ensemble dotés de réserves satisfaisantes tant au regard de l'espace disponible que des exigences liées à la sécurité et à la conservation des oeuvres.
On soulignera que, jusqu'à une époque encore assez proche, la notion de conservation préventive était peu prise en compte par les conservateurs. Ce n'est en effet que récemment que les conservateurs ont été formés à cette discipline, résultat de la contribution de métiers divers (restaurateurs, chimistes, architectes), ce qui explique, avec le manque d'espace, l'essentiel du décalage qui peut exister entre les musées récents et ceux qui n'ont pas bénéficié de programmes de restauration ou de création de réserves.
Il faut souligner que ces programmes, s'ils ont incontestablement permis une remise à niveau des réserves des musées, ont eu des effets très variables sur leur volume.
Ainsi, la création du Grand Louvre a permis d'accroître les surfaces d'exposition du musée entre 1995 et 1999 de 37 % et donc d'exposer des oeuvres jusque là conservées dans les réserves, en particulier de nombreuses sculptures.
Aujourd'hui, la réserve du département des sculptures ne renferme plus qu'un nombre limité d'oeuvres qui, pour la plupart, compte tenu de leur état de conservation, ne peuvent plus être présentées au public.
De même, la création du musée d'Orsay a grandement contribué à désengorger les réserves du département des peintures du Louvre permettant de remettre à la lumière des collections oubliées.
A l'inverse, la rénovation de certains musées a été l'occasion de mettre en place des présentations plus aérées ou encore de promouvoir un renouvellement permanent des oeuvres exposées à partir des collections conservées en réserves, les galeries permanentes ne l'étant plus que de nom. Tel a été le cas du musée Guimet, qui a mis au point des modalités d'exposition des oeuvres par roulement pour les pièces les plus fragiles (estampes, peintures, miniatures, ouvrages de la bibliothèque), les réserves étant spécialement conçues pour favoriser les mouvements d'oeuvres.
La nécessité d'intégrer les réserves dans la programmation et les pratiques scientifiques et culturelles des musées a en effet conduit les responsables des collections à concevoir des réserves fonctionnelles plus largement ouvertes aux chercheurs et au public.
Au cours des dernières années, la notion de « réserves visitables » s'est dégagée. Cette notion recouvre certes des réalités très variables.
Certains musées ont organisé en leur sein des galeries d'études. Ce fut notamment le cas, lors de sa création, du Musée des Arts et Traditions populaires où fut mise en place par son premier conservateur Charles-Henri Rivière une galerie accessible aux chercheurs et aux étudiants dans laquelle étaient présentées dans des vitrines des séries d'objets ethnologiques destinés à illustrer différentes thématiques. Cette présentation est apparue rapidement obsolète, non pas en raison d'un défaut de conception, mais du fait de l'évolution des connaissances dans le domaine de l'ethnologie, ce qui a montré combien ce genre de présentations doit évoluer.
Depuis, certains grands musées français ou étrangers ont également opté pour des réserves visitables.
Le Science Museum de Londres dispose de deux réserves ouvertes à un large public, l'une située à proximité de son site principal qui accueille chercheurs, visiteurs et associations et l'autre plus éloignée (à 130 kilomètres de Londres), ouverte aux publics scolaire et universitaire. De la même manière, le Musée des arts et métiers localisé à Paris dispose de réserves à Saint-Denis conçues et équipées pour être consultées par des chercheurs et qui constituent un exemple du genre.
Pour sa part, le musée des Beaux-Arts de Rouen a créé des réserves de peinture « visitables » par le grand public et organisées à l'image des galeries des grands musées du XIXe siècle.
Enfin, solution encore différente, il est prévu que la collection remarquable d'instruments de musique du futur musée du quai Branly soit présentée dans un grand silo transparent reliant tous les niveaux du bâtiment et donc ouverte aux regards des visiteurs. Au-delà de cette présentation, l'informatisation des collections du musée, rendue possible par le traitement préalable de l'ensemble de ses collections à l'occasion de leur déplacement du musée national des arts africains et océaniens et du musée de l'Homme vers la nouvelle institution, permettra de connaître très précisément l'identité et la localisation des objets conservés dans les réserves et de les consulter virtuellement. Par ailleurs, le projet architectural prévoit la création de cinq salles d'étude permettant aux étudiants et aux chercheurs d'examiner les objets conservés en réserve à des fins d'étude.
• Des erreurs de conception
Si elles sont dans leur ensemble satisfaisantes, la mission a pu toutefois constater que certains musées récemment créés ou rénovés ne possédaient pas de réserves adéquates à leurs besoins.
Le mouvement a été en France exactement l'inverse de la démarche mise en oeuvre par les autorités néerlandaises dans le cadre du « plan Delta », qui a fondé la rénovation des musées sur une remise à niveau de l'état des collections, en particulier ethnographiques. Ce sont en effet, pour de nombreuses institutions, les ambitions immobilières qui ont primé sur les considérations liées aux collections. La conséquence de cette approche « pharaonique », que l'on retrouve dans d'autres domaines de la politique culturelle, a été que les réserves ont été souvent « sacrifiées ». Cette myopie n'a pas épargné les institutions les plus prestigieuses.
De manière assez schématique, compte tenu de cette détestable habitude de faire primer le contenant sur le contenu et la tardive sensibilisation des autorités scientifiques et administratives aux exigences de la conservation préventive, seuls les chantiers de rénovation engagés postérieurement à 1995 ont permis de doter les musées de réserves satisfaisantes.
* Des espaces parfois insuffisants
Bien que d'après les conservateurs interrogés par la mission, la règle veuille que leur surface doive être prévue pour faire face à l'extension des collections d'un musée pour une durée de cinquante ans, certaines institutions sont bien avant cette échéance confrontés à l'exiguïté de leurs réserves.
Ainsi, le musée Picasso installé dans les murs de l'hôtel Salé dans le IV e arrondissement de Paris se trouve confronté à l'exiguïté de ses espaces de réserve. Il semble en effet que les concepteurs du programme de restauration n'aient en aucune manière imaginé que les collections avaient vocation à s'accroître. Bien que la plupart des pièces des collections figurent dans les salles d'exposition et ne transitent dans les réserves que pour des durées limitées en fonction des modifications d'accrochage liées aux nombreux prêts consentis pour l'organisation d'expositions, un besoin urgent d'extension des réserves a été souligné par le conservateur dans les réponses au questionnaire adressé par la mission.
La réserve des peintures, bien qu'aménagée et modernisée en 2000, reste notoirement insuffisante faute d'espaces affectés spécifiquement au transit des oeuvres. En ce qui concerne les arts graphiques, aucun espace n'avait été prévu à usage de réserves dans le plan initial, ce qui peut surprendre dans la mesure où ces oeuvres, compte tenu de leur fragilité, ne peuvent être exposées de manière permanente. L'actuel cabinet des dessins, qui a été aménagé en 1996 en lieu et place d'une salle de conférences, est désormais saturé et ne permet pas de garantir la bonne conservation des oeuvres qui y sont stockées. Plus aigu encore est le problème posé par la réserve des archives d'une superficie de 20 mètres carrés, définitivement trop exiguë pour conserver quelque 100 000 pièces d'archives.
La situation, si elle est bien meilleure au musée d'Orsay, n'est pas pour autant parfaite. Satisfaisantes quant aux conditions de conservation des oeuvres, les réserves ne répondent pas aux exigences de fonctionnement d'un musée moderne : elles ne comportent ni de zone de quarantaine, ni d'espace d'emballage ou d'inspection des oeuvres, alors que le musée pratique plusieurs centaines de prêts d'oeuvres par an.
La mission, lors de son déplacement à Villeneuve-d'Ascq, a pu également constater que le musée d'art moderne de la Communauté urbaine de Lille, abrité à la différence du musée Picasso, dans un bâtiment moderne spécifiquement conçu pour accueillir la donation faite par Geneviève et Jean Masurel, ne comportait pas de surfaces de réserves lui permettant de faire face à l'extension des collections, qui se sont notamment enrichies récemment d'une importante collection d'art brut constituée d'oeuvres à la fois volumineuses et fragiles.
Cette impéritie peut concerner non seulement le volume des réserves, inconvénient auquel il peut être remédié grâce à la construction de réserves extérieures aux musées à l'image de celles du Centre d'art et de culture Georges Pompidou, mais également les conditions de conservation des oeuvres.
* Des erreurs de conception lourdes de conséquences
Le cas le plus éclatant est sans aucun doute constitué par les musées parisiens du Louvre et d'Orsay dont les réserves, de conception récente, sont de fait inutilisables en raison de leur caractère inondable. Révélant des négligences inadmissibles dans la construction d'équipements de cette envergure, cette caractéristique qui a été mentionnée devant les membres de la mission lors des visites qu'ils ont effectuées dans ces musées au début de l'année 2002 ne semblait pas alors justifier de mesures de sauvegarde précises de la part des responsables des musées concernés.
En effet, jusqu'à une date récente, il avait toujours été considéré que les barrages réservoirs construits en amont de Paris permettraient de protéger la capitale d'une crue majeure de la Seine. Cette appréciation semble ne pas avoir fait l'objet d'expertises lors de la construction des bâtiments. Le conservateur du département des sculptures du Louvre indiquait 5 ( * ) qu'à l'issue des travaux du Grand Louvre, « en découvrant les réserves souterraines, les conservateurs avaient pourtant à plusieurs reprises posé la question du risque d'inondation ». Ce risque aurait alors été écarté, l'aménagement des voies sur berge devant écarter tout risque de sinistre.
On s'étonnera à cet égard que le futur musée du quai Branly, dont la conception est antérieure aux mises en garde de la préfecture de police de Paris, soit pour sa part à l'abri des risques d'une crue centennale 6 ( * ) .
Le Louvre, du fait de ce « péché originel », se trouve donc dans l'obligation d'abandonner des réserves pourtant considérées comme « les plus modernes des grands musées contemporains » selon son président, M. Henri Loyrette. Il en est de même pour le musée d'Orsay.
On soulignera que l'opération de déménagement entreprise à l'initiative du ministère de la culture concerne également une partie des réserves de l'Union centrale des arts décoratifs, le musée de l'Orangerie, l'Ecole nationale supérieure des Beaux-Arts, l'école du Louvre et le laboratoire du centre de recherche et de restauration des musées de France.
Le programme élaboré par le ministère de la culture comprend à la fois le déménagement de la plus grande partie des collections conservées dans les réserves inondables vers un lieu de stockage provisoire, opération qui devait s'achever dans le courant du mois d'avril, et le déplacement des oeuvres au sein même des musées vers des espaces non inondables.
Le coût de ces opérations est évalué, pour les seuls crédits centraux, à 5,2 millions d'euros pour l'année 2003. Cette enveloppe comprend le coût du déménagement ainsi que les frais de location et de gardiennage du site retenu, qui constituent bien évidemment des dépenses reconductibles jusqu'à ce qu'une solution définitive soit arrêtée, solution qui impliquera au demeurant vraisemblablement un nouveau déménagement.
Modalités de déménagement des
collections des musées nationaux
|
• Musée du Louvre * Espaces concernés : 8 000 m² de réserves ; 4 700 m² de surfaces d'exposition, soit moins de 7 % des espaces ouverts au public (principalement : les espaces situés le long de la Seine au niveau rez-de-chaussée -Egypte romaine, Egypte copte, Grèce pré-classique, sculptures étrangères- et d'autres espaces en sous-sol -arts de l'Islam, cryptes de la Cour carrée) ; espaces d'accueil, auditorium et équipements techniques. * Mesures : mouvements internes : 1) les oeuvres les plus fragiles qui ne peuvent être transportées sont protégées (ex. : oeuvres monumentales en pierre) 2) les oeuvres les plus fréquemment étudiées, destinées à des expositions temporaires ou très sensibles aux transports hors du Louvre sont transférées, soit dans des locaux initialement destinés à accueillir des archives difficiles d'accès et nécessitant des travaux d'aménagement spécifiques (sûreté, vol/incendie, climatisation...) ou dans des salles d'exposition ouvertes ou non au public. déménagements extérieurs : 2 100 m² sont destinés, dans les locaux loués par le ministère de la culture, aux collections en provenance du Louvre. plans d'urgence : En cas de montée des eaux, mesures de colmatage et déplacement, dans les 72 heures la précédant, vers les étages supérieurs, des oeuvres présentées dans des espaces inondables. |
• Musée d'Orsay * Espaces concernés : zone muséographique de la nef centrale et sous-sols du bâtiment. * Mesures : mouvements internes : installation de la quasi-totalité des collections d'arts décoratifs, de la salle des pastels et des décors peints au niveau médian. déménagements extérieurs : déplacement de 4 000 oeuvres (800 peintures, 500 sculptures, 2 300 médailles, 10 maquettes d'architecture et une cinquantaine de pièces de mobilier de grande dimension) vers les espaces loués par le ministère. plan d'urgence : colmatage du bâtiment et déplacement des oeuvres dans les étages supérieurs. |
• Union centrale des arts décoratifs * Espaces concernés : 3 367 m² sur le site Rivoli (ailes Rohan et Marsan - réserves notamment) et 3 300 m² sur les réserves de Mantes-la-Jolie situées en bords de Seine. * Mesures : mouvements internes : 5 000 oeuvres répertoriées prioritaires mises à l'abri dans les étages. déménagements extérieurs : déménagement de près de 156 000 oeuvres des musées des arts décoratifs, de la mode et du textile et de la publicité ainsi que des réserves de Mantes. plan d'urgence : remontée des oeuvres vers les espaces non inondables. |
• Laboratoire de recherche et de restauration des musées de France * Espaces concernés : 100 % des espaces, le laboratoire se trouvant à 15 mètres en dessous du niveau du jardin du Carrousel du Louvre. * Mesures : mesures d'externalisation : documentation - réduction du nombre d'oeuvres stockées dans l'attente d'une restauration mesures préventives : le laboratoire comprend de nombreux appareils d'analyse qui constituent autant d'outils de travail insusceptibles d'être évacués rapidement. Par ailleurs, les lieux de repli font défaut. A été mis en place un programme de protection in situ. plan d'évacuation en cas d'alerte |
Ces mesures, pour nécessaires qu'elles soient, entraînent des perturbations notables dans le fonctionnement des institutions concernées, au delà du temps consacré par les personnels de ces établissements au déménagement.
Bien qu'un ordre de priorité ait été établi en fonction de la vocation des oeuvres à être exposées ou étudiées le plus fréquemment, cet éclatement des réserves compliquera considérablement la tâche des conservateurs en exigeant d'incessantes vérifications sur la localisation des oeuvres et les privera de l'avantage que représentaient des réserves proches de leur lieu de travail.
Les programmes scientifiques engagés par les conservateurs risquent en effet de pâtir de cet éloignement. Notamment les opérations d'inventaire et de récolement entrepris par les départements du Louvre -qui correspondent à une impérieuse nécessité- s'en trouveront très vraisemblablement retardées. Par ailleurs, l'aménagement rapide des nouvelles réserves laisse craindre une dégradation des conditions de conservation qui pourrait être préjudiciable aux oeuvres les plus fragiles. Enfin, les chances pour les oeuvres placées dans les réserves provisoires d'être prêtées ou déposées dans d'autres lieux s'amenuisent.
Par ailleurs, lorsque les oeuvres sont déménagées dans des espaces ouverts au public, les déplacements internes nuisent à la cohérence des présentations et, compte tenu de l'inadaptation de certains lieux d'accueil, peuvent également se traduire par une détérioration des oeuvres.
A l'évidence, les collections risquent de payer fort cher l'imprévoyance des concepteurs des bâtiments destinés à les accueillir.
Le risque le plus grand serait de voir se prolonger, faute notamment de crédits, une situation qui constitue un handicap majeur dans la gestion des collections. Il est à craindre en effet que les oeuvres stockées dans les réserves provisoires soient peu ou mal exploitées et que les anciennes réserves inondables soient « squattées » de manière sauvage faute d'espaces adéquats pour les divers mouvements d'oeuvres (stockage en vue d'un changement d'accrochage ou d'une exposition temporaire, constats d'état, prises de vue, restauration).
La mission estime nécessaire que soit conduite dans les plus brefs délais l'étude confiée par le ministère de la culture et de la communication à l'établissement public de maîtrise d'ouvrage des travaux culturels, afin d'expertiser les différentes options envisageables. Ces options peuvent être, soit des travaux destinés à assurer l'étanchéité des locaux actuels, soit la création à titre définitif de réserves extérieures aux musées.
La mission ne peut en ce domaine que mettre en garde le ministère de la culture contre le spectre du « provisoire qui dure ».
Il convient de souligner que les erreurs de conception ne sont pas l'apanage des seuls musées nationaux. Le cas du musée de Grenoble illustre également avec éclat les failles des opérations de rénovation conduites avant que ne se généralise la prise en compte des exigences de la conservation préventive. Inauguré en 1996, le musée de peinture et de sculpture a bénéficié d'une convention de restauration ambitieuse, à laquelle a été consacré un budget annuel de 300 000 euros sur cinq ans, financé pour moitié par l'Etat. Toutefois, force a été de constater trois ans après son ouverture que les collections présentaient un taux d'infestation de l'ordre de 50 à 70 %, imputable à l'absence de plan de prévention dans le cadre des travaux de rénovation. Cette lacune a nécessité la fermeture du musée pendant trois mois et la mise en oeuvre d'un traitement qui a duré dix-huit mois et a représenté un coût de l'ordre de 450 000 euros.
b) La persistance de situations préoccupantes
Les difficultés soulevées par les réserves des musées n'ayant pas bénéficié de programme de rénovation laissent mesurer les retards que peuvent accumuler nos institutions muséographiques au regard des nouvelles exigences de la conservation préventive.
Ces institutions connaissent des difficultés comparables. Dotées de réserves de dimensions modestes à leur création, elles ont dû faire face à une extension des collections qui s'est, dans un premier temps, traduite par l'ouverture de nouvelles salles ou des présentations très denses puis par la mise en réserve d'une partie des collections lorsque les muséographies ont été modernisées, cela sans que les espaces destinataires de ces pièces puissent être aménagés de manière adéquate à une époque où n'étaient pas encore répandus les principes de la conservation préventive.
Dans ces musées, le problème des réserves, hérité de l'histoire, ne peut être résolu faute de moyens budgétaires, la mobilisation des crédits étant d'autant plus difficile que les aménagements nécessaires sont par définition peu visibles par le public.
Les réponses au questionnaire adressé par la mission font apparaître à cet égard quelques situations préoccupantes.
Ainsi, la conservatrice du musée national de la céramique à Sèvres note que « les locaux (du musée) sont si petits que les réserves occupent toute la largeur de l'édifice et, de fait servent aussi de couloirs qui traversent le bâtiment ». Elle ajoute fort heureusement que « depuis peu les pièces (de collections) sont enfermées dans des vitrines donc inaccessibles ». Outre les inconvénients évidents pour les collections, cet entassement nuit également à une gestion active des collections : « Les dépôts faits dans les musées municipaux à la fin des années 30 constituent d'incroyables mélanges d'objets destinés à faire de la place au musée de Sèvres. Ils devraient être rapatriés si nous avions assez de place pour les reprendre, quitte à les remplacer par des dépôts ayant quelque logique ».
Les musées nationaux n'ont pas le monopole de ces situations désolantes.
Votre rapporteur évoquera plus particulièrement le cas du musée des Beaux-Arts de Dijon qui a dû faire face au cours du XX e siècle à un considérable accroissement de ses collections.
Le conservateur du musée de Dijon, en réponse au questionnaire adressé par la mission, souligne qu'à l'exception des collections du cabinet des dessins, en cours de restauration, la plupart des pièces, en raison des mauvaises conditions de stockage, sont au minimum encrassées, et souvent détériorées : outre les dégâts causés par des insectes xylophages -qui ont fait l'objet d'un traitement, « beaucoup (de pièces) présentent des dommages beaucoup plus graves, et la comparaison entre les photographies de ces oeuvres avant la dernière guerre, donc avant leur mise en réserve, est à cet égard, accablante. Beaucoup de sculptures du XIX e siècle, en particulier des plâtres, sont probablement définitivement endommagées, quand elles n'ont pas purement et simplement disparu probablement au cours des différents déménagements (...). Des pièces plus petites et plus précieuses manquent toujours alors à l'appel (...) il n'est pas impossible qu'elles aient disparu des réserves à une époque où selon les souvenirs des anciens du musée, les accès n'étaient guère surveillés. »
Au-delà de ces exemples isolés, votre rapporteur souhaite évoquer plus particulièrement la situation de trois types de musées pour lesquels la question des réserves se pose avec une particulière acuité. Il s'agit, d'une part, des musées installés dans des monuments historiques, d'autre part, des musées possédant des collections archéologiques et, enfin, des musées de sociétés.
• Les châteaux-musées
Les collections des musées installés dans des monuments historiques souffrent de l'insuffisance chronique des crédits de restauration et donc du mauvais état de conservation des bâtiments qui les abritent. S'y ajoute semble-t-il une insuffisance préoccupante de personnels.
La situation des deux anciennes demeures impériales que sont les châteaux de Compiègne et de Fontainebleau permet de mesurer l'ampleur de ces difficultés.
Dans ces châteaux, les réserves actuelles ne sont pas adaptées aux normes de conservation qu'impliquent les objets qui y sont entreposés.
Installées dans des locaux vétustes et mal adaptés, ces réserves souvent d'accès difficile, ne disposent pas de systèmes de contrôle de l'hygrométrie et de la température. Les détériorations qui découlent de ces carences nécessitent des travaux urgents.
Ainsi au château de Fontainebleau, la découverte de mérule -champignon qui ronge et détruit le bois- dans les plafonds de certaines salles de réserve nécessite à très court terme le déménagement d'une quinzaine de salles de réserve contenant plus de 200 oeuvres volumineuses. Par ailleurs, le traitement contre la vrillette (insecte xylophage) déjà engagé depuis 2000, doit être poursuivi.
Toutefois, malgré une situation préoccupante, ces impératifs ne semblent pas pour l'heure être systématiquement pris en compte dans la programmation d'ensemble des travaux entrepris sur ces monuments.
Ainsi, s'il est prévu de créer de nouveaux espaces de réserves pour les dépôts lapidaires et les boiseries du château de Fontainebleau conservés jusqu'ici dans des locaux désormais affectés à un autre usage, les aménagements spécifiques indispensables à la bonne conservation des collections concernées ne sont pas programmés.
Ces lacunes sont d'autant plus préjudiciables à la bonne gestion des collections que les espaces de présentation au public sont souvent insuffisants pour les exposer dans leur ensemble, cela en raison même des dimensions des bâtiments, mais également du fait de possibilités limitées d'aménagement-notamment pour des raisons budgétaires.
En réponse à la question de la mission portant sur la part des pièces conservées en réserve susceptibles d'être exposées, le conservateur du musée du château de Fontainebleau souligne qu'« un projet d'ouverture de salles de mobilier, irréalisable pour l'instant pour des raisons financières, permettrait de présenter une cinquantaine de pièces actuellement en réserve ». De même, il souligne que « beaucoup d'objets sont en réserve parce que les appartements où ils doivent figurer n'ont pas fait l'objet d'une restauration » et que « d'autres le sont par manque de crédits pour les restaurer ».
Cette situation est d'autant plus regrettable que ces musées disposent de collections d'un très grand intérêt historique et scientifique.
La mission considère qu'un effort particulier doit être accompli pour prendre en compte dans les programmes de restauration de ces monuments la nécessité de les doter des équipements muséographiques, et en particulier des réserves, leur permettant d'assumer correctement leur mission de conservation.
Une prise de conscience de la dimension muséographique de ces monuments par la direction de l'architecture et du patrimoine semble à cet égard nécessaire afin d'assurer une meilleure coordination entre les actions qui relèvent de sa responsabilité et celles qui entrent dans le champ de compétence de la direction des musées de France.
• Les réserves archéologiques
Les réserves archéologiques des musées apparaissent dans nombre de cas négligées et peu valorisées.
Les collections archéologiques posent en effet des problèmes spécifiques. Ces collections sont constituées en général de très nombreuses pièces appartenant pour certaines à des séries d'objets quasiment identiques. Si, par nature, elles se prêtent mal à une présentation exhaustive, leur exploitation scientifique exige un important travail d'études. A cet égard, à l'occasion de la visite des réserves du département des antiquités orientales du Louvre, la mission a pu mesurer l'ampleur des tâches de reconstitution accomplies par les restaurateurs sur des fragments d'apparence insignifiante, mais qui prennent toute leur valeur une fois ce travail de recherche réalisé.
Or ces tâches ne peuvent être effectuées que dans la mesure où le musée dispose de personnels disponibles et d'espaces adéquats.
Ces conditions sont à l'évidence particulièrement difficiles à remplir dans les musées territoriaux à vocation pluridisciplinaire, qui regroupent pourtant la plupart des collections archéologiques dans le cadre de dépôts effectués à l'issue de campagnes de fouilles.
On notera toutefois que les musées nationaux sont également confrontés à cette difficulté, et au premier chef le musée des antiquités nationales de Saint-Germain-en-Laye.
Cette institution, riche d'une collection estimée à 2 ou 3 millions d'objets dont 29 000 seulement sont présentés dans les salles d'exposition permanente, est installée dans le château de Saint-Germain-en-Laye, édifice peu adapté à sa vocation muséographique. En effet, alors que près de 90 % des collections sont conservées dans les réserves, les espaces qu'occupent ces dernières (2 539 m²) équivalent à ceux des salles d'exposition (2 546 m²).
L'état de ces réserves, s'il est variable selon les six départements du musée, apparaît préoccupant à plus d'un titre.
Le mauvais entretien du château est incompatible avec le respect des règles de conservation préventive. Ainsi, une partie des réserves des départements du néolithique et de l'âge de bronze sont situées dans un entresol dont les voûtes connaissent depuis des années une « desquamation spectaculaire sans aucun doute très dommageable à des objets en bronze qui constituent 90 % du matériel qui y est installé », selon les conservateurs.
Par ailleurs, l'exiguïté des espaces conjuguée à l'absence d'aménagements spécifiques, conduit à des situations d'entassement préjudiciables à la conservation des objets et à leur étude. Ainsi, les collections de l'âge du Fer, dont certaines proviennent de sites majeurs, sont conservées dans des conditions qui n'ont que très peu évolué depuis le début du XXe siècle, la plupart des pièces se trouvant encore dans leur état de fouille ou ayant été restaurées au XIXe siècle ou au début du XXe siècle selon des techniques qui n'ont plus cours aujourd'hui.
Une étude de faisabilité est actuellement en cours dans la perspective de la création d'une réserve de proximité sur un terrain appartenant à l'Etat. La mission ne peut qu'insister sur la nécessité que revêt cet aménagement essentiel à la pérennité du musée lui-même.
Au-delà, la mission estime indispensable que le ministère de la culture engage un programme de remise à niveau des dépôts de fouilles archéologiques. Ce programme constitue le complément indispensable des réformes successives conduites depuis 2001 pour réformer l'organisation des fouilles archéologiques préventives.
Sa mise en oeuvre devrait être facilitée par la clarification du régime de propriété des vestiges exhumés à l'occasion de ces fouilles. On rappellera que, sur proposition de la commission des affaires culturelles, le Sénat a adopté lors de l'examen du projet de loi modifiant la loi n° 2001-44 du 17 janvier 2001 relative à l'archéologie préventive un amendement prévoyant que l'Etat est propriétaire de ces vestiges, si le propriétaire du terrain dans lequel ils ont été trouvés n'a pas manifesté la volonté d'en conserver la propriété. Ce dispositif permet de mettre fin à une situation où les vestiges, souvent de faible valeur marchande, se trouvaient du fait du désintérêt de leur propriétaire dans une situation de déshérence préjudiciable à leur bonne conservation.
La mission considère que la réaffirmation de la responsabilité de l'Etat sur ce patrimoine doit s'accompagner des mesures permettant d'assurer sa bonne conservation.
• Les musées de société
Il s'agit sans doute là des musées pour lesquels les inquiétudes sont les plus justifiées.
Les collections de ces institutions, qui renferment des pièces archéologiques, historiques, ethnologiques ou scientifiques, sont généralement conservées dans des conditions précaires voire, dans quelques cas, catastrophiques. N'échappent à ce triste constat que quelques grandes institutions telles le musée national des arts et traditions populaires ou le musée national des arts africains et océaniens, désormais fermé, dont les collections sont destinées à rejoindre celles du futur musée du quai Branly et, en régions, le musée du Dauphinois à Grenoble ou le musée de Bretagne à Rennes.
Peu concernés par les projets de rénovation mis en oeuvre à partir des années 70, la plupart de ces musées ont encore des réserves héritées des années 50, voire pas de réserves du tout ou se réduisant à de simples locaux de stockage.
A l'évidence, ces musées ont pâti du moindre intérêt que recueillent leurs collections par rapport à celles des musées de Beaux-Arts. En effet, ces collections présentent, pour beaucoup, une valeur vénale assez faible et se caractérisent par une grande diversité, facteurs qui interdisent une standardisation des conditions de conservation et nécessitent des espaces importants. Souvent constituées de séries, les collections se chiffrent par dizaines de milliers de numéros d'inventaire : 15 000 objets à Perpignan, 50 000 au musée Gadagne de Lyon.
Enfin, plus que d'autres, ces collections souffrent de la tardive prise de conscience des principes de la conservation préventive alors même que la professionnalisation de leur gestion a été plus tardive que pour les musées des Beaux-Arts.
La situation de ces musées, dont le rôle culturel est essentiel alors que l'intérêt des citoyens pour leur patrimoine de proximité s'affirme, montre que, contrairement à ce que pourrait laisser croire le succès rencontré par des réalisations prestigieuses, la rénovation des institutions muséographiques est, encore loin d'être achevée.
A l'avenir, la mission souhaite que soient privilégiées des réalisations peut-être moins ambitieuses, et donc moins visibles, mais axées sur des collections susceptibles d'intéresser un public de proximité. En effet, un des échecs de la politique muséographique conduite depuis trente ans réside dans le fait que l'indéniable progression de leur fréquentation ne s'est pas accompagnée d'un élargissement de leurs publics.
• Les « musées-réserves »
Sous cette appellation, la mission souhaite attirer l'attention sur deux institutions pour lesquelles la question des réserves apparaît particulièrement préoccupante dans la mesure où leurs collections, certes pour des raisons différentes, ne sont pas présentées au public mais conservées pour leur quasi-totalité en réserve.
- Le Musée de l'Homme
Le Muséum national d'histoire naturelle a suscité l'inquiétude de la mission sur sa capacité à gérer les collections qui sont les siennes, et qui pour la plupart, en raison notamment de leur statut de collections d'études, sont conservées en réserve.
Dotée d'un patrimoine que la direction de l'architecture et du patrimoine a estimé « en péril », cette institution prestigieuse, dotée de larges compétences, gère ses collections dans des conditions qu'il ne serait ni hasardeux ni abusif de qualifier de désastreuses.
Outre l'étroitesse des marges budgétaires dont il dispose depuis des décennies, le Muséum pâtit de sa double vocation à la fois scientifique et patrimoniale. Jusqu'à la réforme statutaire intervenue en 2001 7 ( * ) , son organisation était fondée sur « une tradition d'autogestion de l'institution par l'assemblée des professeurs », selon les termes de son directeur général, M. Bertrand-Pierre Galey 8 ( * ) .
A l'instar de nombre de musées relevant de la tutelle du ministère de l'éducation nationale, aucun projet muséographique n'a jamais été développé autour des collections, qui étaient, avant la réorganisation des services, gérées directement par les responsables des vingt-six laboratoires qui composaient le Muséum, et qui, privilégiant une logique d'étude, n'avaient pas de politique de conservation.
La création d'une direction des collections à la suite de la réorganisation administrative aurait du permettre de remédier à cette situation. Toutefois, il semble que la pratique n'a pas encore suivi les textes, comme a pu le constater votre rapporteur dans le cadre des travaux qu'il a conduits au nom de la commission des affaires culturelles à l'occasion de la loi du 6 mars 2002 9 ( * ) relative à la restitution par la France de la dépouille mortelle de Saartjie Baartman à l'Afrique du Sud.
A cette occasion, votre rapporteur avait souligné le caractère inadapté des réserves du musée de l'Homme situées pour partie dans les combles du palais de Chaillot. Y sont notamment conservées dans un état d'empoussiérage préoccupant les collections du laboratoire d'anthropologie biologique.
Composées pour une large part de restes humains, ces collections -qui n'auront pas la chance, comme d'autres collections de ce musée, d'être transférées au musée du quai Branly, et dont l'intérêt scientifique est au demeurant assez faible, voire nul- ne font plus l'objet de travaux de recherche.
Cette absence de valeur aussi bien patrimoniale que scientifique, ne peut toutefois suffire à expliquer tant l'abandon dans lequel elles sont laissées que les défaillances constatées dans leur gestion.
Il semble, en effet, que le cas douloureux de la Vénus hottentote ne soit pas isolé. En effet, s'agissant d'une affaire comparable, relative au sort de la dépouille d'un indien originaire d'Uruguay, Vamaica Peru, réclamée par la République uruguayenne, la mission a pu constater la persistance des difficultés qu'il avait alors stigmatisées. Une réponse du ministre de la recherche, en date du 22 mai dernier, à une question écrite posée par votre rapporteur indique qu'« aucune raison scientifique ne s'oppose à ce que l'indien Charruas soit rendu aux autorités de l'Uruguay et (que) le Muséum national d'histoire naturelle doit procéder à sa restitution conformément aux termes de l'expertise ». Il est en effet heureux qu'aucune raison ne s'oppose à cette restitution car, d'après des informations fournies par le directeur général du Muséum, elle a d'ores et déjà eu lieu le 17 juillet 2002 à Montevideo.
Ces errements administratifs persistants traduisent à l'évidence des lacunes dans l'exercice par le ministère de la recherche de son pouvoir de tutelle, auxquelles la mission considère qu'il est plus que temps de remédier.
Au-delà, la mission ne peut que déplorer que, compte tenu de la richesse des collections nationales en ce domaine mais également de l'intérêt de nos concitoyens pour l'histoire de l'espèce humaine, il n'existe pas d'institution muséographique capable de retracer l'évolution de l'homme dans son environnement naturel. A cet égard, la mission se félicite que soit conduite par le Gouvernement une réflexion sur l'avenir du musée de l'Homme, réflexion, qui n'a que trop tardé à être engagée.
Cette réflexion doit s'inscrire dans une perspective plus large, celle de la rénovation des musées relevant des ministères de l'éducation nationale et de la recherche. La mission voit dans la mise en oeuvre de la loi du 4 janvier 2002 relative aux musées de France, qui a vocation à s'appliquer à tous les musées de l'Etat, l'occasion pour ces institutions d'engager leur mutation.
Cette mutation passe notamment par une modernisation des modalités de gestion de leurs collections.
A cet égard, la mission se félicitera de l'accord donné par le ministère de la recherche sur le projet d'arrêté relatif à l'inventaire pris pour l'application de la loi relative aux musées de France.
Ce texte, dont la publication est imminente, prévoit que, dès lors qu'elles sont inventoriées, les pièces composant une collection sont considérées comme la propriété du musée, donc soumises aux règles de la domanialité publique, et qu'elles ne peuvent être radiées que, pour des motifs tirés de leur absence d'intérêt scientifique, conformément aux dispositions de la loi du 4 janvier 2002.
L'entrée en vigueur de ce décret permettrait de mettre fin aux analyses fantaisistes avancées par le ministère de la recherche lors de l'examen de la loi du 6 mars 2002 précitée, selon lesquelles les dispositions de la loi bioéthique du 29 juillet 1994 seraient susceptibles de s'appliquer au squelette de l'homme de Cro-Magnon.
En effet, le Gouvernement avait indiqué, alors, que cette loi selon laquelle « le corps humain, ses éléments et ses produits ne peuvent faire l'objet d'un droit patrimonial » s'opposait à ce que les collections de restes humains du Muséum puissent être considérées comme sa propriété, interprétation contestable à plus d'un titre qui, par ailleurs, soulevait plus de problèmes qu'elle n'en réglait. A titre d'exemple, l'application de cette disposition interdisait de poursuivre et de réprimer la soustraction de ces collections comme un vol et rendait problématique leur exploitation scientifique qui, bien qu'hypothétique aujourd'hui, ne peut être exclue définitivement pour certaines d'entre elles.
- Le musée des arts décoratifs
Bien que confronté à des difficultés très différentes de celles auxquelles le musée de l'Homme doit faire face, le musée des arts décoratifs constitue également un exemple affligeant de musée réduit à ses réserves.
On rappellera que ce musée relève de l'Union centrale des arts décoratifs (UCAD), association créée en 1882. L'UCAD présente la particularité, en dépit de son statut de droit privé, de détenir des collections nationales qui sont présentées dans le cadre du musée des arts décoratifs, mais également dans celui du musée Nissim de Camondo, du musée de la mode et du textile et du musée de la publicité.
Pour l'heure, si ces trois dernières institutions sont ouvertes au public -les deux dernières ayant été récemment restaurées- la majeure partie des collections de l'UCAD -à savoir celles affectées au musée des arts décoratifs- ne sont plus présentées au public depuis 1996.
On rappellera, pour permettre de prendre la mesure du handicap que représente cette situation pour la politique de diffusion du patrimoine muséographique, que sont concernées des collections composées de près de 150 000 pièces, qui illustrent tous les aspects de la création artistique et constituent l'une des plus importantes collections d'arts décoratifs au monde.
D'après les informations communiquées à la mission, le retard pris dans la mise en oeuvre du projet de rénovation, lancé dès le milieu des années 1980, est imputable, non pas à des raisons financières, mais aux revirements qui ont affecté la conduite du projet muséographique, errements illustrés par les fréquents changements intervenus dans la direction scientifique du musée et par la désignation d'un nouveau maître d'oeuvre en cours de réalisation des travaux.
Des ambitions initiales, seul le projet de rénovation de la bibliothèque des arts décoratifs a été mené à bien.
S'agissant du musée, a été évoquée par les responsables actuels de l'UCAD une réouverture d'ici 2005, hypothèse qui semble optimiste alors que les appels d'offres pour la réalisation des travaux ne seront lancés qu'en juillet 2003 par l'établissement public de maîtrise d'ouvrage des travaux culturels. C'est donc pendant près d'une décennie que le public français et étranger aura été privé de la possibilité de voir ces collections comparables à celles du Victoria and Albert Museum ou du Metropolitan Museum de New-York. Cela est d'autant plus inacceptable que, pour l'essentiel, elles ont été constituées grâce à des dons et à des legs.
La mission considère donc comme nécessaire que le ministère de la culture veille au bon aboutissement d'un projet -certes légitime- mais dont la mise en oeuvre a été retardée, pour de mauvaises raisons. Il est en effet inacceptable à l'égard du public comme des mécènes que des collections nationales aient en quelque sorte été confisquées pour des raisons liées exclusivement à des querelles scientifiques.
* 5 Libération, mardi 21 janvier 2003.
* 6 Le plan du jardin permet de surélever le niveau de protection du site de 20 cm au-dessus du niveau de la crue de 1910, alors que l'aménagement du fleuve et la tranchée du RER ont mis le quartier hors de portée des eaux. Les espaces en sous-sol sont protégés par une paroi moulée en béton coulée jusqu'à 30 mètres de profondeur, soit le niveau de la couche d'argile étanche par nature.
* 7 Décret n° 2001-916 du 3 octobre 2001 relatif au Muséum national d'histoire naturelle.
* 8 Audition par la commission, bulletin des commissions n° 19 (2002-2003) p. 3267.
* 9 Loi n° 2002-323 du 6 mars 2002.