2. Les insuffisances de la politique de recrutement des conservateurs du patrimoine
La nouvelle dimension du rôle du conservateur, désormais acquise au sein de la profession, ne semble, en effet, pas avoir encore trouvé de traduction dans l'organigramme des musées.
Le sentiment éprouvé par de nombreux conservateurs de ne pas disposer du temps nécessaire pour se consacrer à leurs activités de recherche trouve pour une large part son origine dans le malthusianisme de la politique de recrutement.
On rappellera que les recrutements des conservateurs du patrimoine s'effectuent par concours organisés pour l'Etat et les collectivités territoriales par l'Institut national du patrimoine. Ces concours sont organisés chaque année pour les corps de la fonction publique de l'Etat et tous les deux ans, en collaboration avec le Centre national de la fonction publique territoriale, pour l'accès au cadre d'emploi de conservateur territorial du patrimoine.
Pour les onze concours organisés entre 1991 et 2001, 309 postes ont été offerts dans les différentes spécialités, soit respectivement 233 postes pour les concours Etat/Ville de Paris et 76 pour les concours territoriaux. Sur ces postes, 18 n'ont pas été pourvus (7 pour l'Etat et 11 pour les collectivités territoriales).
En dépit des récentes améliorations, les recrutements actuels font apparaître des insuffisances quantitatives et qualitatives préoccupantes.
Les besoins des musées territoriaux restent très insuffisamment couverts. Au 1 er juin 2002, 34 postes de conservateurs du patrimoine restaient vacants de façon quasi-permanente.
Par ailleurs, les recrutements gérés par l'Institut national du patrimoine ne permettent pas de répondre aux besoins croissants qui apparaissent dans certaines disciplines telles l'archéologie, le patrimoine du XX e siècle ou encore l'ethnologie, mal représentées au sein du vivier des diplômés, dont les spécialités concernent essentiellement l'histoire de l'art occidental du Moyen-Âge à l'époque moderne. A titre d'exemple, depuis la création du concours, on compte seulement trois lauréats spécialisés en ethnologie (spécialité musées).
Au-delà de ces besoins, les éléments démographiques justifient une intensification des recrutements. Pour l'Etat, l'âge moyen des conservateurs, au nombre de 750, étant de 46 ans, le taux de renouvellement, relativement faible jusqu'en 2005 (3 %), s'élèvera à 10 % sur la période 2006-2010, à 20 % sur la période 2001-2015 et à 16 % sur la période 2016-2020. Ces données doivent être conjuguées avec celles concernant le corps des conservateurs généraux. Ce corps de débouchés (115 personnes), dont la moyenne d'âge est de 58 ans, pour lequel les départs en retraite sont déjà nombreux entre 2003 et 2006 (26 % du corps) devra être presque entièrement renouvelé à l'horizon 2015.
D'après Mme Geneviève Gallot, directrice de l'Institut national du patrimoine, entendue par la mission, le nombre de postes ouverts pour l'Etat devrait représenter au moins le double de celui ouvert pour le compte des collectivités territoriales, qui lui-même devrait être accru de près de 30 %. Cette estimation est à rapprocher de la réalité des recrutements : sur les 39 postes ouverts au concours de 2001, 15 postes étaient ouverts pour la fonction publique d'Etat, 1 pour la Ville de Paris et 24 pour les collectivités territoriales.
Le nombre de postes ouverts chaque année s'avère donc largement sous-évalué, tant par l'Etat que par le Centre national de la fonction publique territoriale qui, on le soulignera, doit assumer le coût financier de formation des stagiaires. Le recrutement désormais annuel, et non plus bisannuel, des conservateurs territoriaux ne permet guère de remédier à cette insuffisance chronique de personnels.
La mission estime nécessaire à la fois d'accroître le volume des recrutements, mais également de les diversifier afin de couvrir une plus large gamme de spécialités pour répondre aux besoins d'une nouvelle génération de musées, dont le champ dépasse les frontières traditionnelles des Beaux-Arts.
La qualité de la gestion des collections dépend étroitement des mesures qui pourraient être prises en ce sens.