2. Des résultats encore très modestes
Bien que la mise en place d'outils informatiques de gestion et de documentation, à partir de 1992, ait nécessité des investissements considérables tant en matériels et logiciels qu'en formations, l'état d'avancement des programmes engagés est globalement encore assez modeste.
D'après les estimations réalisées par les services de la Direction des musées de France et communiquées à la mission, les bases réalisées par les musées nationaux -à l'exception du Louvre et de Versailles- comporteraient environ 250 000 notices, ce qui représenterait un peu plus du quart de leurs collections, dont le fonds est estimé à 800 000 pièces. A moyens constants, il faudrait environ trente-quatre ans pour que la totalité des fonds soit informatisée.
Cette situation n'est pas propre aux musées relevant de la tutelle du ministère de la culture.
Lors de son audition par la mission, M. Jean-Claude Moreno, alors administrateur général du Muséum national d'histoire naturelle, a indiqué que seulement 2 % des collections de cette institution, riches de près de 70 millions d'objets d'origines très diverses, étaient informatisées. Il a estimé que si les moyens financiers étaient disponibles, cette opération pourrait être achevée en quatre ou cinq ans. Dans l'hypothèse d'un budget constant, elle ne sera pas achevée avant cinquante ans. Cette estimation se passe de commentaires, surtout si l'on considère les moyens techniques utilisés, qui se révèlent être très différents d'un département à l'autre.
En ce qui concerne les musées territoriaux, aucune estimation des fonds faisant l'objet d'une informatisation n'est disponible. Toutefois, les conclusions de certaines études de faisabilité régionales permettent d'évaluer à plusieurs décennies la réalisation de l'informatisation à moyens constants.
Ces retards s'expliquent pour partie par le montant très faible des enveloppes financières consacrées aux opérations d'informatisation.
L'Etat apporte son soutien aux musées territoriaux à travers le concours qu'il apporte aux plans régionaux d'informatisation et de numérisation des collections. Ces plans concernent plus de la moitié des régions. A l'évidence, la dynamique régionale comporte de nombreux avantages en permettant une mise en commun des ressources et en exerçant un effet d'entraînement sur les musées les moins avancés.
Mis en oeuvre par les associations régionales de conservateurs, à l'image du réseau des musées du Nord-Pas-de-Calais ou de la région Poitou-Charentes, ces plans sont financés par le ministère de la culture sur crédits déconcentrés et, pour une part de plus en plus importante, par les régions dans le cadre des contrats de plan Etat-régions.
Il convient de souligner que les crédits consacrés par l'Etat à l'informatisation des collections des musées territoriaux sont toutefois très modiques.
Sur le titre IV, les crédits consacrés à l'informatisation, à la numérisation et à l'inventaire des collections des musées territoriaux pour les années 1999 à 2001 représentent 4,03 millions d'euros. La part de ces crédits affectée à l'informatisation ne dépasse pas 3 %, ce qui est évidemment dérisoire au regard du retard à combler, surtout si l'on considère le sous-dimensionnement de l'enveloppe inscrite au titre IV par rapport à l'ensemble des besoins et des demandes de ces musées, qui couvrent des domaines très étendus. Le concours de l'Etat constitue donc moins un soutien qu'une simple incitation.
Les crédits inscrits sur le titre VI affectés à l'aide à la saisie et aux études représentent pour la même période 1,19 million d'euros.
La mission souligne que le niveau de ces crédits ne permet pas de mettre en oeuvre une véritable politique d'informatisation et de numérisation, cela alors même que cette politique a été retenue comme une priorité des schémas des services culturels.
Une intensification de l'effort s'avère indispensable .
Afin de systématiser les acquis du partenariat mis en place dans le cadre des contrats de plan, la mise en place de fonds régionaux destinés à financer des programmes d'informatisation, à l'image des fonds régionaux d'acquisition des musées financés à parité par l'Etat et les régions, permettrait de constituer un soutien pérenne à une politique indispensable dont la mise en oeuvre se heurte indéniablement à une insuffisance des moyens qui lui sont consacrés.
Cette action est prioritaire compte tenu des avantages à attendre de l'informatisation des collections des musées.
Le développement d'outils informatiques, qui s'accompagne dans certains cas de campagnes photographiques ou encore de numérisation, est, en effet, de nature à améliorer significativement les modalités de gestion des collections muséographiques.
A cet égard, la mission a pu constater, à l'occasion de la visite du chantier des collections du futur musée du quai Branly, l'intérêt que pouvait représenter pour les personnels scientifiques le traitement informatisé et numérisé des collections. A l'occasion du déménagement des collections, toutes les pièces (300 000) ont été photographiées en deux dimensions selon le procédé de photographie numérique de haute résolution et 30 000 d'entre elles, destinées à la muséographie, ont été photographiées en trois dimensions. Ces prises de vues alimentent une base de données, mais permettent également dans le cadre d'un logiciel spécifique de mettre en place « virtuellement » la scénographie des salles d'exposition.
Plus modestement, l'expérience du musée des Beaux-Arts de Dijon illustre également l'apport de l'informatique aux méthodes de gestion des collections. Le conservateur indique à la mission que « l'acquisition du logiciel Micromusée en 1998 a considérablement changé les conditions de suivi des oeuvres. Sa mise en oeuvre a amené à reprendre et approfondir le récolement précédent (...). Les localisations des pièces sont systématiquement enregistrées après vérification et leurs éventuels déplacements régulièrement tenus à jour. Le récolement s'effectue ensuite de façon beaucoup plus commode (...). C'est un gain de temps considérable par rapport à la manipulation d'un fichier papier ». Le conservateur souligne, par ailleurs, que la couverture photographique des collections est le complément incontournable de son inventaire et de son récolement, notamment dans la perspective de rendre accessibles sur Internet les bases documentaires.
En effet, l'informatisation des collections contribue à assurer une meilleure diffusion des collections à travers la mise en ligne d'information à destination du public.
Or la présence des musées sur Internet est encore assez discrète.
Dix musées nationaux possèdent aujourd'hui un site Internet (musée national Adrien Dubouché à Limoges, musée national de la Renaissance à Ecouen, musée national des arts d'Afrique et d'Océanie, musée national des arts asiatiques-Guimet, musée national du Moyen-Âge-Thermes et hôtel de Cluny, musée national Eugène Delacroix, Louvre, Orsay, Rodin et Versailles). A la fin de l'année 2003, l'ensemble des musées nationaux ainsi que le Centre de recherche et de restauration des musées de France seront présents sur Internet à travers vingt-cinq sites.
Les musées territoriaux sont encore relativement peu nombreux à avoir mis en place des sites Internet.
Il convient de souligner que l'existence de réseaux régionaux de musées a permis à certaines institutions d'être présentes sur Internet. Ainsi, les musées du Nord-Pas-de-Calais proposent sur leur site les catalogues des peintures nordiques anciennes et des objets océaniens qu'ils conservent.
Au-delà de ces efforts -qui font apparaître un certain éparpillement des informations- la direction des musées de France a pris l'initiative d'un regroupement au niveau national des bases documentaires établies par les musées.
C'est dans cette perspective qu'a été élaborée la base Joconde disponible sur Minitel depuis 1992 et sur le serveur Internet du ministère de la culture depuis 1995. En 2000, deux nouvelles bases de données complémentaires (archéologie et ethnologie) ont été également mises en ligne.
L'ensemble de ces bases propose à la consultation public près de 160 000 notices d'objets provenant de plus de 100 musées, nationaux ou territoriaux.
Le succès rencontré par ces instruments va croissant. Si en 1999, 210 000 images plein écran étaient consultées en 1999, près de deux millions l'ont été en 2001. La tendance à la hausse s'est confirmée en 2002 avec la consultation de près de cinq millions d'images. Ces bases sont consultées par les universités, françaises et étrangères, mais également par le grand public qui les interroge de plus en plus fréquemment. Elles contribuent de manière déterminante au rayonnement des institutions muséographiques.
Quels que soient ces progrès, il semble toutefois que l'on soit encore assez loin de voir le musée virtuel succéder au musée traditionnel.