2. ... encore peu pris en compte par les autorités de tutelle
L'évolution du concept même de musée exige que les réserves par leur aménagement soient capables de répondre à leurs nouvelles missions patrimoniales.
Or, ces missions nécessitent, au-delà du respect des impératifs traditionnels de sécurité et de conservation, des aménagements permettant une circulation aisée des biens et des personnes, des espaces de manipulation suffisants et, surtout, une connaissance parfaite des pièces qui y sont entreposées.
Si ces impératifs sont perçus par l'ensemble des conservateurs comme le souligne une enquête réalisée par la revue générale des conservateurs des collections publiques 4 ( * ) , la mission a pu constater l'absence de documents les formalisant.
Le ministère de la culture n'a élaboré aucun document concernant l'organisation des réserves. Cette situation est proprement étonnante, si l'on considère qu'outre la responsabilité des musées nationaux, ce ministère, et plus spécifiquement la direction des musées de France, a la charge du contrôle scientifique et technique des musées qualifiés de classés et contrôlés par l'ordonnance de 1945, devenues, depuis la loi du 4 janvier 2002, musées de France.
Certes, les missions d'inspection des collections diligentées par l'Inspection générale des musées portent sur les réserves. Le guide méthodologique élaboré par la direction des musées de France pour le déroulement de ses inspections comporte au demeurant des instructions en ce sens. Y figurent des grilles d'analyse très détaillées destinées à permettre d'évaluer les conditions de conservation et de sécurité des collections conservées dans les réserves.
Cependant, depuis 1992, l'Inspection générale des musées a conduit 85 missions d'inspection des collections. Ce chiffre est à rapporter aux plus de 1 100 institutions susceptibles de faire l'objet d'un tel contrôle, si l'on se réfère aux catégories, antérieures à la loi de 2002, de musées classés et contrôlés. Il convient de souligner que seules deux de ces missions ont porté sur des musées nationaux, le musée Henner et le musée Gustave Moreau, dont les collections sont de dimension modeste.
Par ailleurs, les suites réservées à ces inspections, lorsqu'elles soulignent des lacunes dans la gestion des réserves, sont d'effet variable car, dans la plupart des cas, elles sont imputables à l'insuffisance des moyens financiers et humains dont dispose le musée concerné. En tout état de cause, la mise en oeuvre des conclusions des inspections relève de la responsabilité des propriétaires des collections.
D'après les informations communiquées au rapporteur par l'Inspection générale des musées, les changements proposés par les inspections « s'effectuent sans contrainte » et « sont en général notables et rapides ». Cependant, il faut bien admettre que, s'agissant de projets de grande ampleur, leur mise en oeuvre ne peut que s'effectuer dans le long terme.
Quoiqu'il en soit, il apparaît que ces inspections constituent l'occasion pour les conservateurs et les autorités de tutelle de prendre conscience des moyens à mettre en oeuvre pour préserver et gérer les réserves dans des conditions satisfaisantes.
La mission soulignera, en effet, que le rôle de l'Inspection générale des musées est d'autant plus important que les conservateurs ne disposent pas encore des instruments méthodologiques leur permettant de les aider dans la mise aux normes des réserves.
En ce domaine, il est bien évident que la France enregistre un retard par rapport aux principaux pays occidentaux. En l'absence de corpus technique, ce sont, en effet, les recommandations issues des travaux d'institutions internationales ou étrangères, ou d'associations professionnelles, qui sont appliquées par les conservateurs.
Le seul document à vocation générale sur lequel peuvent s'appuyer les conservateurs, mais également les directions régionales des affaires culturelles compétentes pour l'attribution d'éventuels concours financiers destinés à soutenir des projets de création ou de modernisation de musées, est constitué par la « muséofiche » établie par l'Inspection générale des musées et diffusée... en 2001.
Ce document, qui reconnaît le caractère fonctionnel des réserves au-delà de leur simple rôle de stockage, définit des principes généraux d'organisation des réserves qui relèvent, au demeurant, du bon sens, comme celui précisant que l'évaluation du volume qu'occuperont les réserves se fera en fonction de la nature et du nombre d'objets qu'accueillera la réserve ! Au-delà, il établit en termes assez vagues une liste des préconisations devant présider à la conception des réserves en ce qui concerne leur emplacement, leur sécurité -en particulier au regard des risques d'inondation !-, leur organisation et leur gestion.
Cependant, ces recommandations exprimées en termes très imprécis, semblent mieux adaptées au cas d'un musée en cours de construction ou de rénovation qu'à celui d'une institution existante désireuse de moderniser ses réserves.
Enfin, il semble que les musées eux-mêmes ne disposent pas, dans leur ensemble, de documents internes codifiant l'usage des réserves sous forme par exemple de règlements intérieurs.
Cette situation, qui peut surprendre alors que la nouvelle conception de l'institution muséographique donne aux réserves une importance croissante, laisse donc aux conservateurs la lourde responsabilité de leur organisation et de leur fonctionnement et leur impose en quelque sorte à chaque opération un travail de conception très important.
La mission considère qu'il revient à la direction des musées de France, en vertu des pouvoirs de tutelle qu'elle exerce sur les musées nationaux et pour l'application du contrôle scientifique et technique qu'elle assume à l'égard des musées de France, d'élaborer en concertation avec les responsables scientifiques des collections, mais également l'inspection générale des musées et le centre de recherche et de restauration des musées de France, des normes techniques concernant l'organisation et le fonctionnement des réserves. Ces normes qui pourraient s'inspirer des travaux des organisations internationales telles que l'ICOM, permettraient une normalisation des réserves, normalisation qui devrait être établie pour chaque grande catégorie de collections.
* 4 N° 228 et 229, année 2000.