3. Une mutation menée à bien dans les autres pays européens
Cette réflexion a déjà été conduite par la plupart de nos partenaires européens, qui ont défini des critères nationaux et locaux d'accessibilité, c'est-à-dire des normes d'accès destinées à configurer la présence postale sur le territoire à partir des besoins de ses utilisateurs.
D'ailleurs, la directive sur les services postaux communautaires prévoit, dans son article 3 paragraphe 2 : « [...] les Etats Membres prennent des mesures pour que la densité des points de contact et d'accès tienne compte des besoins des utilisateurs ».
Pourtant, cette disposition n'a pas encore été transposée en droit français. Trois pays européens l'ont traduite dans leur droit interne sous une forme quantitative (un critère chiffré d'accessibilité au guichet postal) : l'Allemagne, le Royaume Uni, les Pays-Bas.
Les législations de ces pays proposent des formulations différentes, exprimées de la façon suivante :
- un certain pourcentage de la population d'un territoire ou d'une zone géographique doit être à moins de tant de kilomètres d'un point de contact postal (Royaume-Uni, Allemagne) ;
- au moins un point de contact doit exister dans toute ville de plus de tant de milliers d'habitants (Pays-Bas, Allemagne) ;
- la loi a également pu fixer un nombre minimum de bureaux de poste détenus en propre par l'opérateur postal et un nombre minimum de points de contact totaux (Allemagne).
CRITÈRES D'ACCESSIBILITÉ AU SERVICE
POSTAL DÉFINIS PAR PLUSIEURS PAYS EUROPÉENS
PAYS |
ROYAUME-UNI |
ALLEMAGNE |
PAYS-BAS |
CRITÈRE D'ACCESSIBILITÉ NATIONAL |
95 % de la population à moins de 5 km d'un point de contact postal au plan national |
100 % de la population à moins de 2 km d'un point de contact en zone urbaine |
100 % de la population à moins de 5 km d'un point de contact en centres résidentiels (habitations contiguës) |
CRITÈRE D'ACCESSIBILITÉ LOCAL |
95 % de la population à moins de 10 km d'un point de contact pour chacune des 120 zones de code postal |
Au moins un point de contact par zone de 2.000 habitants, un bureau pour 80 km 2 en zone rurale |
Au moins un point de contact pour 50.000 habitants par ville de plus de 50.000 habitants |
NOMBRE MINIMAL DE POINTS DE CONTACTS |
12.000 points de contact au moins, dont 5.000 en propre |
objectif : 2.194 bureaux en 2005 dont 902 ayant la totalité de la gamme |
|
NOMBRE ACTUEL DE POINTS DE CONTACTS |
17.500 points de contacts, franchisés à 97 % (seuls 590 bureaux en propre) |
14.000 points de contact dont 5.800 en propre |
2.200 points de contact |
Un très grand nombre de pays européens ont entamé une restructuration quantitative et qualitative de leur réseau postal. Outre nos grands voisins, des pays comme l'Autriche ou encore l'Irlande ont entamé une mutation spectaculaire, une réorientation vers les zones de chalandise, à fort trafic, en contrepartie d'un amaigrissement dans les zones où la présence postale se justifiait moins, avec des solutions parfois innovantes et originales, comme en Irlande, autour d'un concept de franchises avec des commerçants.
Le réseau britannique , par exemple, particulièrement dense (16.900 points de contact commerciaux, pour une moyenne de 3.216 habitants par point de contact postal, soit mieux qu'en France -un bureau pour 3.433 habitants-) est à 97 % un réseau de franchisés, pour les petits comme pour les grands bureaux.
L'exemple allemand est à cet égard le plus frappant car l'Allemagne est un pays de dimension comparable à la France (même si de densité supérieure) mais surtout parce qu'il a eu à faire face à l'adaptation du réseau est-allemand, largement inadapté aux réalités démographiques et économiques, depuis la réunification en 1990.
Impulsée par la définition nationale de normes d'accessibilité (cf ci-dessus), la modernisation du réseau allemand depuis 1995 est marquée par trois grandes caractéristiques :
ÉVOLUTION DU RÉSEAU DE
DEUTSCHE
POST
Ø une contraction globale du nombre de points de contacts (moins un quart en six ans), liée à la rationalisation du réseau et à la suppression de points de contact en sous-activité ;
Ø une augmentation importante de la proportion de points de contacts franchisés : de 18 % à 58 % en 6 ans ;
Ø une stratégie d'accroissement des services rendus par le réseau : les guichets de DPWN offrent des services de télécommunication et des contrats d'électricité pour compte de tiers. Le groupe allemand souhaite d'ailleurs conforter cette stratégie et proposer des services de changement d'adresse, d'enregistrement pour le compte des mairies, d'immatriculation des véhicules, de paiement des redevances TV....
En 1995, le réseau de la poste allemande équivalait strictement au réseau de poste français. En 2003, il est adapté aux réalités économiques et recentré sur les centres de vie et de commerce.
Votre rapporteur estime -depuis 1997, ce n'est pas nouveau !- qu'il convient de mettre en oeuvre en France, en les adaptant bien sûr à la géographie (et à la densité démographique) particulières de notre pays, des critères d'accessibilité au service postal qui permettent d'entamer la modernisation, l'adaptation, la dynamisation du réseau postal et le renforcement des services qu'il rend au public et aux territoires.
Sans boussole et sans gouvernail, le navire ne peut tenir son cap. La définition des critères d'accessibilité est un repère indispensable pour moderniser le réseau. C'est aussi la condition indispensable à un dialogue serein, dépassionné, objectivé, entre les élus et La Poste.
Cette adaptation se ferait sur la base d'une organisation à trois étages :
- des critères d'accessibilité que La Poste devrait satisfaire en tous points du territoire ;
- des critères de présence renforcée, en zones fragiles, dont le coût serait assumé par l'État au titre de la solidarité nationale et de l'équilibre du territoire ;
- une liberté offerte, pour les collectivités locales qui le souhaiteraient, d'aller plus loin, sous leur propre responsabilité financière.
Tout changement est difficile, surtout dans notre pays si attaché à la préservation de ce qui existe. Celui-ci demandera beaucoup de pédagogie, de la part de La Poste mais aussi des pouvoirs publics, du fait de l'attachement affectif que suscitent dans beaucoup de communes les immeubles postaux. Mais l'immobilisme peut être mortel pour La Poste et les postiers et, surtout, le territoire. Car si La Poste ne peut pas résister au choc concurrentiel qui va la frapper, elle sera balayée du territoire et le service public postal avec elle. A trop vouloir retenir « La Poste immobilière », on risque de perdre « le service aux territoires » qu'elle assure. Il ne faut pas l'oublier un opérateur postal soumis aux seules exigences de l'efficacité commerciale n'a pas nécessairement besoin d'un réseau propre . Ainsi la poste canadienne n'est propriétaire d'aucun de ses points de contact avec le public ! Ceux-ci font pour la plupart l'objet de franchises commerciales.
Si on veut que La Poste puisse continuer à irriguer nos territoires, peut-on lui interdire de « ressourcer » son réseau ? Pour votre commission et votre groupe d'études, passionnément attachés aux exigences d'un aménagement équilibré du territoire, la réponse est clairement : non.