3. Le coût financier
Les chiffres du surcoût lié à la partie du réseau non justifiée économiquement sont désormais connus et reconnus, depuis que le rapport de 1997 : « Sauver La Poste » avait établi une première estimation publique, dont l'ordre de grandeur n'a pas été remis en cause par les études ultérieures.
Le coût de compétitivité, c'est-à-dire les gains que l'absence de la partie « non économique » du réseau engendrerait, était ainsi évalué à l'époque à 4,5 milliards de francs (680 millions d'euros). Pour La Poste, compte tenu de l'abattement sur les impôts directs locaux octroyé en contrepartie, la charge annuelle nette était évaluée à environ 3 milliards de francs (450 millions d'euros), soit plus de 4 % de son chiffre d'affaires de l'époque.
Faute de modernisation du réseau, ces ordres de grandeurs semblent toujours pertinents. On peut estimer qu'aujourd'hui, par rapport à un réseau « strictement commercial » (défini comme un réseau optimisé sur de stricts critères économiques et commerciaux), le réseau actuel présente un surcoût annuel brut de l'ordre de 750 millions d'euros (4,3 % du chiffre d'affaires 2002).
En contrepartie de ce coût, l'abattement sur la fiscalité locale était, jusqu'en 2002, d'une valeur d'environ 300 millions d'euros (chiffres de 2001), ce qui laissait à la charge de La Poste environ 450 millions d'euros de charge nette, non compensée.
La réforme de la taxe professionnelle va réduire, à partir de 2003, la valeur de cet abattement fiscal, ce qui entraînera une augmentation mécanique, toutes choses égales par ailleurs, des charges non compensées.
Le surcoût brut total restera, à cet horizon, légèrement supérieur à 750 millions d'euros , qui se décompose en deux éléments : environ 250 millions d'euros pour assurer l'accessibilité du service universel et plus de 500 millions d'euros liés à l'animation territoriale. Ces chiffres sont à comparer aux 150 millions d'euros environ d'abattement de taxe professionnelle qui seront, à partir de cette année accordés à La Poste en contrepartie. Pour l'entreprise, le coût de l'animation territoriale peut donc, aujourd'hui, être estimé à 350 millions d'euros .
Or, contrairement à ce que beaucoup croient : la présence territoriale de La Poste n'est pas un élément du service public postal 82 ( * ) .
Cette présence n'est pas non plus une composante du service universel postal institué par les directives européennes 83 ( * ) . Ceci entraîne que le surcoût financier du réseau lié aux seules exigences d'aménagement du territoire ne peut pas être un facteur justifiant, pour Bruxelles, une compensation prenant la forme d'une extension des services réservés ou l'instauration de versements imposés aux concurrents au titre d'une contribution au service universel. Seule, une aide d'Etat spécifique pourrait être envisagée.
En d'autres termes, la disparition programmée du monopole sur le courrier va tarir l'actuelle source de financement de la charge annuelle nette de 350 millions d'euros que supporte La Poste du fait de son enracinement historique dans le territoire.
Peut-on concevoir, en l'état des finances publique, que l'Etat compense cette charge au-delà de son effort actuel ? Il est fort à craindre que non. Il en résulte que sans réforme de son organisation territoriale, notre opérateur postal est, à brève échéance, condamné aux déficits structurels de grande ampleur. Peut-on accepter une telle perspective et tous les dégâts qui en résulteraient pour le territoire ? Qui aujourd'hui pourrait répondre par l'affirmative ? Votre rapporteur, quant à lui, s'y refuse.
* 82 La loi française n'attribue la qualité de service public qu'à deux des missions dévolues à La Poste : le courrier et la distribution de la presse. Pour davantage d'éléments sur ce point, voir ch. II du rapport « Sauver La Poste » de 1997.
* 83 Voir pour plus de précisions, l'annexe du présent rapport relative à la réglementation européenne applicable.