ANNEXE :
ÉTUDE DE L'OFCE
« LES
RÉFORMES FISCALES EN EUROPE 1992-2001 »
Rapport pour le Sénat
Les réformes fiscales en Europe 1992-2001
Le 28 juin 2002
Les réformes fiscales en Europe 1992-2001
Introduction
par
Réjane Hugounenq, Jacques Le Cacheux et Henri Sterdyniak
157
Partie 1 : Fiscalité européenne, l'état des lieux
Chapitre
1 : Fiscalité européenne, l'état des lieux 175
par Réjane Hugounenq et Henri Sterdyniak
Partie 2 : Les objectifs des réformes fiscales
Chapitre 2. 1 : L'imposition des bénéfices 191
par Réjane Hugounenq
Chapitre 2. 2 : L'impôt sur le revenu 209
par Henri Sterdyniak et Paola Veroni
Chapitre 2. 3 : L'imposition des revenus du capital 237
par Réjane Hugounenq
Chapitre 2. 4 : Les mesures d'incitation au travail des personnes non
qualifiées 254
par Hélène Périvier
Chapitre 2. 5 : Les cotisations sociales 292
par Xavier Timbeau
Chapitre 2. 6 : La fiscalité locale 301
par Jacques Le Cacheux
Chapitre 2. 7 : La fiscalité écologique 311
par Jacques Le Cacheux
Partie 3 : Les réformes nationales
Chapitre 3.
1 : Les réformes fiscales en Allemagne 317
par Odile Chagny
Chapitre 3. 2 : Les réformes fiscales en France 334
par Gaël Dupont
Chapitre 3. 3 : Les réformes fiscales au Royaume-Uni 364
par Gaël Dupont et Catherine Mathieu
Chapitre 3. 4 : Les réformes fiscales en Italie 388
par Paola Veroni
Chapitre 3. 5 : Les réformes fiscales en Espagne 418
par Sabine Le Bayon
Chapitre 3. 6 : Les réformes fiscales aux Pays-Bas 436
par Odile Chagny
INTRODUCTION
Depuis
1992, la plupart des pays de l'Union européenne ont
procédé à de nombreuses modifications de leurs
législations fiscales, dont certaines, de par leur ampleur et leur
cohérence, méritent le nom de réformes fiscales.
Disparates, ces changements ont toutefois été influencés
par des situations macroéconomiques similaires ou des impératifs
communs : ainsi, de 1992 à 1997, la majorité des pays
européens ont-ils dû augmenter leurs impôts pour restaurer
la situation de leurs finances publiques et satisfaire aux critères
définis à Maastricht alors même que le ralentissement de
l'activité avait tendance à réduire les rentrées
fiscales ; de 1998 à 2001, au contraire, la croissance
retrouvée et la réduction des charges d'intérêt ont
permis des baisses sensibles de fiscalité
39
(
*
)
.
Les orientations des politiques économiques ont évolué :
dans de nombreux pays, la priorité est maintenant d'améliorer la
compétitivité et l'attractivité du
site de production
national
et de rétablir les incitations à travailler
plutôt que d'étendre la redistribution et les dépenses
publiques. Toutefois, la part des prélèvements obligatoires et
des dépenses publiques dans le PIB n'a, jusqu'à présent,
pas été sensiblement réduite et les principaux attributs
du « modèle social européen » n'ont, nulle
part, été sérieusement remis en cause. Aucun pays n'a
réalisé la
Grande réforme
, modifiant fortement le
niveau et la structure des prélèvements ; dans la plupart
des cas, les réformes sont restées ponctuelles, de sorte que leur
cohérence n'est guère visible.
Enfin, tous les pays sont confrontés à des défis
similaires : financer un niveau important de dépenses publiques
dans une situation de mondialisation croissante ; rendre la fiscalité
plus favorable à l'emploi et plus écologique ;
préparer l'alourdissement des dépenses de retraites. Toutefois,
des stratégies différentes apparaissent : certains pays
mettent l'accent sur la réduction des taux marginaux
élevés de prélèvements sur les hauts revenus ;
d'autres s'attachent à rendre rentable le travail pour les non
qualifiés ; certains réduisent les charges salariales pesant
sur les bas salaires. Des dispositifs originaux ont été mis en
place dans plusieurs pays, tels le
Working Family Tax Credit
au
Royaume-Uni,
l'Imposition Régionale sur les Activités
Productives
en Italie, la taxation cédulaire aux Pays-Bas, etc.
La réalisation du marché unique, au 1
er
janvier 1993
avait déjà été l'occasion d'une réflexion
sur les orientations fiscales dans l'UE et sur les possibilités de
l'harmonisation (Sterdyniak
et alii
, 1991). La préparation de
l'Union économique et monétaire, puis le passage à la
monnaie unique ont, à nouveau, obligé les pays à repenser
leur fiscalité.
A priori
, ils avaient le choix entre
l'harmonisation négociée et le libre jeu de la concurrence
fiscale. Faute d'accord et en raison des risques perçus comme plus
grands, l'attention a été portée sur les impôts
assis sur les facteurs les plus mobiles : impôts sur les
sociétés, impôts sur les revenus du capital des
ménages, impôts sur les contribuables les plus riches. Compte tenu
de la disparité des points de vue et des intérêts
nationaux, compte tenu de l'exigence d'unanimité en matière
fiscale pour des décisions communes à l'échelle
communautaire, l'harmonisation n'a pu aboutir à une situation
satisfaisante sur la plupart des dossiers. De grands choix n'ont pas
été faits au niveau européen : faut-il
généraliser ou supprimer l'avoir fiscal ? Quelle
fiscalité pour les groupes européens ? La plupart des
dossiers restent en chantier. Seul celui de la fiscalité des revenus du
capital semble progresser. Les réformes fiscales des années 1990
ont été conduites isolément par chaque pays, sans
stratégie européenne d'ensemble.
Ce rapport fait le point sur l'évolution des systèmes fiscaux des
principaux pays européens tout au long des années 1990 et sur la
situation actuelle, près de dix ans après la nouvelle
étape d'ouverture des frontières induite par le marché
unique. Il confronte les différentes expériences nationales
relatives aux domaines qui ont fait l'objet de préoccupations communes
tout au long de la décennie. Le premier est la lutte contre le
chômage et l'utilisation pour ce faire, de la fiscalité. De
nombreuses pistes ont été utilisées pour rendre les
systèmes fiscaux plus favorables à l'emploi : la
réduction des cotisations sociales, celles-ci étant
remplacées par un prélèvement sur l'ensemble des revenus
des ménages, par une taxe sur la valeur ajoutée ou par des taxes
écologiques ; la baisse des cotisations sociales concentrée
sur les bas salaires ; la mise en oeuvre de mécanismes proches de
l'impôt négatif pour réduire la désincitation au
travail des non qualifiés. Une deuxième préoccupation
concerne la taxation des entreprises multinationales dans un monde de plus en
plus globalisé. Faut-il appliquer la taxation à la source ou
à la résidence ? Comment rendre compatible l'autonomie
nationale en la matière et la nécessité d'une
cohérence européenne pour la taxation des entreprises
transnationales ? Des problèmes similaires se posent pour la
taxation des revenus du capital des ménages, la question de la taxation
des dividendes et de l'avoir fiscal faisant le pivot entre les deux
préoccupations. Une troisième préoccupation est celle de
la fiscalité écologique : les nouvelles contraintes
imposées par la nécessité de réduire les
consommations d'énergie, d'éviter les émissions de gaz
polluants peuvent-elles être prises en compte par une taxation
écologique ? Celle-ci fournit-elle un second dividende en
permettant de réduire la taxation portant sur le travail ou est-il vain
de prétendre courir deux lièvres à la fois ? Enfin,
à un niveau plus national, se pose la question de l'organisation de la
fiscalité locale. Peut-on concilier l'autonomie des collectivités
locales avec le souci de redistribution et d'égalité des citoyens
face aux services publics à l'échelle nationale ?
Le rapport évalue aussi les risques de concurrence fiscale et l'urgence
de l'harmonisation. Nous présenterons, sur ces points, les
récentes propositions de la Commission en matière d'harmonisation
fiscale. Mais, nous nous interrogerons également sur l'évolution
souhaitable du système fiscal européen. Comment créer un
cadre harmonisé permettant de préserver la liberté de
chaque pays de maîtriser le niveau de ses dépenses publiques et
son niveau de redistribution ?
L'évolution du taux de prélèvement obligatoire et des
structures fiscales
Les années 1990 ont été marquées par une succession
de réformes fiscales, plus ou moins ambitieuses, dans l'ensemble des
pays membres. Ceux-ci ont d'abord tous été confrontés
à la nécessité d'augmenter leur niveau de
prélèvements obligatoires (Partie 1 et tableau 1) pour faire face
à des situations financières relativement dégradées
et mettre un terme à la montée des déficits et des
endettements publics résultant de la faible croissance du début
des années 1980 et du début des années 1990. L'ouverture
des frontières en 1993 n'a pas affecté cette
évolution : contrairement aux effets attendus de l'ouverture des
frontières en l'absence d'harmonisation, non seulement les taux de
prélèvement n'ont pas diminué dans l'ensemble des pays
mais ont plutôt eu tendance à augmenter, même si le rythme
de croissance s'est infléchi au cours des années 1990 par rapport
à la décennie précédente : le montant des
recettes fiscales des pays de l'UE est ainsi passé de 38,9 % du PIB
en 1990 à 40,8 % en 2000 (graphique 1). Jusqu'à
présent donc, la concurrence fiscale n'a pas privé les pays
européens de ressources. Les pays du Sud en rattrapage (Grèce,
Portugal) ont augmenté massivement leur taux de
prélèvement obligatoire. Certains pays ont pu réduire le
leur grâce à une croissance vigoureuse (Irlande, Finlande) ou
à la réduction de leurs dépenses publiques (Danemark,
Pays-Bas, Suède).
Graphique 1 : Evolution des taux de prélèvement en pourcentage du PIB
Source : OCDE,
Statistiques des recettes publiques
, 2001
Globalement, les années 1990-2001 ont été une
période d'assainissement budgétaire, marquée par une
hausse des taux de prélèvement obligatoire, une
légère baisse du taux de dépense publique et une nette
amélioration des soldes publics courants, et un peu moindre des soldes
primaires (hors charges d'intérêt sur la dette publique) :
globalement, l'effort budgétaire (mesuré par l'évolution
du solde primaire) a représenté 2,5 points de PIB.
Les quinze pays membres peuvent être classés en trois
catégories : huit pays ont réussi à obtenir une nette
baisse du poids des dépenses publiques ; deux ont connu une forte
hausse des dépenses publiques, qui correspond en fait à un
rattrapage (Grèce, Portugal) ; la configuration moyenne --
stabilité ou légère hausse des dépenses, et nette
hausse des recettes -- se retrouve dans cinq pays, dont les plus grands
(Allemagne, France, Royaume-Uni, Belgique, Autriche). La tendance à la
convergence du niveau des dépenses persiste, mais reste lente.
Globalement, pour l'ensemble de l'UE 15, la croissance des dépenses
publiques a été de 1,6 % l'an de 1990 à 2001, en
terme réel (pour une croissance du PIB de 2 %).
Tableau 1 : Evolution des finances publiques de 1990 à 2001*
En points de PIB |
Recettes publiques |
Dépenses primaires |
Solde Primaire |
Intérêts |
Solde public |
Allemagne |
1,4 |
1,1 |
0,2 |
0,8 |
- 0,5 |
Autriche |
1,4 |
- 0,9 |
2,3 |
0,0 |
2,3 |
Belgique |
2,6 |
0,8 |
1,8 |
- 4,9 |
6,7 |
Danemark |
- 1,1 |
- 2,2 |
1,0 |
- 2,0 |
3,0 |
Espagne |
0,6 |
- 3,1 |
3,7 |
- 0,4 |
4,2 |
Finlande |
- 1,3 |
- 2,6 |
1,3 |
2,8 |
- 1,5 |
France |
1,9 |
0,8 |
1,1 |
0,5 |
0,6 |
Grèce |
19,7 |
6,2 |
13,5 |
- 2,2 |
15,7 |
Irlande |
- 3,9 |
- 4,1 |
0,2 |
- 5,8 |
6,0 |
Italie |
2,7 |
- 3,3 |
6,0 |
- 4,3 |
10,3 |
Luxembourg |
- 1,7 |
- 3,1 |
1,5 |
1,1 |
0,4 |
Pays-Bas |
- 1,3 |
- 6,5 |
5,1 |
2,6 |
2,5 |
Portugal |
4,3 |
6,0 |
- 1,6 |
- 4,9 |
3,3 |
Royaume-Uni |
2,0 |
- 0,2 |
2,1 |
- 0,5 |
2,6 |
Suède |
- 3,0 |
- 4,2 |
1,2 |
1,2 |
0,0 |
UE15 |
1,7 |
- 0,8 |
2,5 |
- 0,9 |
3,4 |
* Niveau
de 2001 moins niveau de 1990.
Source : OCDE,
Perspectives économiques
, décembre
2001.
La période d'assainissement budgétaire est-elle
achevée ? La réponse à cette question dépend
de l'appréciation que l'on peut porter sur la conjoncture
récente. L'Europe, avec un taux de chômage de 7,8 %
était-elle, en 2001, proche de son niveau de production potentielle,
comme l'écrivent l'OCDE et la Commission européenne, ou
disposait-elle encore de marges de croissance au-delà de son rythme
potentiel ? La réponse dépend aussi de l'objectif : un
solde public nul, ou même excédentaire pour préparer la
hausse des retraites ? Un solde primaire nul (ce qui correspond à
peu près à la stabilité de la dette publique par rapport
au PIB) ? En fait, douze pays avaient en 2001 un solde primaire positif de
plus de 2,5 points de PIB (dont sept dépassaient ou atteignaient un
excédent de 4 points) ; la France et le Portugal avaient des
excédents primaires de l'ordre de 1,5 point. Seule, l'Allemagne
était juste à l'équilibre primaire. Le solde primaire de
l'UE 15 est excédentaire de 2,3 points de PIB en 2001. Jugée
à l'aune de cet indicateur, la politique budgétaire a donc
largement retrouvé des marges de manoeuvre ; pourtant,
influencés par une interprétation rigoureuse du Pacte de
stabilité, la plupart des gouvernements européens, suivant la
Commission et la Banque centrale européenne, semblent
décidés à poursuivre dans la voie de la réduction
des dettes publiques.
Le maintien pendant les 5 années à venir d'une croissance
modérée des dépenses publiques (à 1,6 % l'an),
une croissance moyenne de l'ordre de 2,5 % l'an, une politique
monétaire prudente (égalisant le taux d'intérêt
réel au taux de croissance) permettraient d'avoir chaque année
une marge de manoeuvre supplémentaire de 0,45 point de PIB. Il serait
donc possible, soit de baisser le taux de prélèvement obligatoire
de 2,25 points en 5 ans, soit, en maintenant à son niveau le taux de
prélèvement obligatoire, d'aborder le début de la phase de
croissance des dépenses de retraites avec une marge d'environ 4,5
points.
40
(
*
)
La comparaison du poids moyen des différents impôts en 1990 et en
2000 ne montre guère de grands bouleversements durant la période
(tableau 2). Tous les impôts ont légèrement augmenté
en pourcentage du PIB, de façon pratiquement homothétique.
Toutefois, le poids des cotisations sociales a très
légèrement diminué (de 0,3 point de PIB), la baisse
provenant en grande partie de l'introduction de la CSG en France et de l'IRAP
en Italie. Cette évolution va dans le bon sens, celui d'alléger
la charge portant sur le travail, même si elle reste
modérée.
Tableau 2 : Poids des prélèvements obligatoires dans le PIB de l'UE (en %)
|
1990 |
2000 |
Impôts sur le revenu des ménages |
9,6 |
10,1 |
Impôts sur les sociétés |
2,7 |
3,0 |
Cotisations sociales |
12,8 |
12,5 |
Impôts sur le patrimoine |
1,8 |
2,4 |
Impôts sur les biens |
11,1 |
11,8 |
Total |
38,9 |
40,8 |
Source : OCDE,
Statistiques des recettes publiques
, 2001.
Comparée aux Etats-Unis, l'UE se caractérise par le poids
important des cotisations sociales et des taxes portant sur les biens alors que
le poids de l'impôt sur le revenu des ménages y est moindre. Les
pays scandinaves font jouer un grand rôle à l'impôt sur le
revenu des ménages, alors qu'il reste peu important dans des pays du Sud
à structure fiscale relativement
« archaïque »
41
(
*
)
(Portugal, Grèce, Espagne). Le poids de
l'impôt sur les sociétés est faible en Allemagne et en
Autriche ; il n'est particulièrement élevé qu'en
Finlande et au Luxembourg. Les cotisations sociales pèsent fortement sur
les salaires dans les pays bismarkiens (Autriche, France, Suède,
Pays-Bas) ; elles sont, en revanche, peu importantes au Danemark, en
Irlande, au Royaume-Uni. Les impôts sur les produits sont
particulièrement élevés au Danemark (où ils
compensent l'absence de cotisations employeurs). Globalement, deux facteurs
expliquent les diversités de structures fiscales : l'organisation
du système de protection sociale -- Bismarkien (dépenses
importantes financées par des cotisations assises sur les salaires),
scandinave (dépenses importantes financées par l'impôt) ou
anglo-saxon (dépenses publiques faibles) -- ; l'opposition entre
les systèmes modernes (fort poids de l'impôt sur le revenu) et les
systèmes archaïques (fort poids des impôts indirects).
En moyenne, un pays continental européen type se caractérise par
des dépenses publiques primaires représentant environ 45 %
du PIB, réparties entre 11 points pour les retraites ; 8 pour la
santé ; 3 pour le chômage ; 3 pour l'ensemble
famille-logement-pauvreté ; 6 pour le poste
éducation-culture ; 3 pour les subventions
économiques ; 8 pour les dépenses collectives ; 3
points de dépenses en capital. C'est l'importance des dépenses
publiques de retraite, santé, prestations de solidarité et
éducation qui différencie les pays continentaux du modèle
anglo-saxon. Aussi, toute baisse sensible du taux de prélèvement
obligatoire, qui suppose une baisse équivalente des dépenses
publiques, passe par une privatisation, sous une forme ou une autre, de
dépenses profitant directement aux ménages.
Dans les années à venir, le vieillissement de la population
devrait induire une nette hausse des dépenses de retraites et de
santé en Europe, alors que certaines économies pourront sans
doute être réalisées sur le poste chômage. Par
contre, la faiblesse de la fécondité dans la grande
majorité des pays européens ne rend ni souhaitable ni probable
des économies sur le poste famille. La plupart des pays devront donc
choisir entre une certaine hausse des taux de prélèvements
obligatoires et une certaine privatisation des systèmes de retraites et
de santé. La seconde stratégie pose cependant deux
problèmes : la stabilité des taux de
prélèvements obligatoires aurait comme contrepartie une hausse
des primes aux fonds de pensions, aux mutuelles et aux assurances
privées ; ces primes devraient être plus ou moins
obligatoires si l'on veut que toutes les personnes restent couvertes dans des
conditions satisfaisantes. Un système mixte -- assurance publique pour
les plus pauvres et assurances privées pour les couches moyennes et
supérieures -- permet certes de faire baisser comptablement le taux de
prélèvements obligatoires, mais ne résout pas le
problème puisque les couches moyennes devraient payer des impôts
pour les moins favorisés et des primes pour elles-mêmes. Par
ailleurs, la hausse des cotisations retraites pour financer celles des
prestations est plus acceptable pour les cotisants qu'une hausse de la
fiscalité générale dans la mesure où elle a une
contrepartie directe
42
(
*
)
.
Deux mesures devraient toutefois être mises en oeuvre pour éviter
l'alourdissement du coût du travail. D'une part, les hausses devraient
porter sur les cotisations salariés, de sorte que la
compétitivité des entreprises ne serait pas affectée
directement à court terme. D'autre part, l'assiette « masse
salariale » devrait être réservée aux seules
cotisations finançant des prestations contributives, liées au
salariat (retraite, chômage, accident du travail, prestations
maladie-maternité de remplacement), les autres prestations devant
être financées par l'impôt. C'est d'ailleurs ce genre de
réformes que l'Italie a mises en oeuvre par l'IRAP et la France par la
CSG.
Fondamentalement, l'Europe a le choix entre deux stratégies. La
première consiste à préserver le
modèle social
européen
, caractérisé par un niveau important de
transferts redistributifs et de dépenses publiques, en particulier de
protections sociales, et donc par un niveau important de
prélèvement obligatoire. Les revenus du travail et du capital
resteront soumis à des taux d'imposition élevés. En
contrepartie, les ménages bénéficieront de transferts
importants. Le système devra être préservé de la
concurrence fiscale par des mesures d'harmonisation interne en Europe et des
accords internationaux contre les pratiques déloyales de concurrence.
Surtout, il devra compter sur ses avantages comparatifs (éducation et
santé gratuites pour tous, infrastructures publiques, prestations
d'assurances). La seconde consiste, au contraire, à se diriger vers un
modèle plus libéral, où la privatisation des
dépenses sociales, permettra une baisse des taux d'imposition
censée inciter à l'emploi, à la formation, à
l'épargne, à l'investissement. La seconde stratégie
suppose que les Européens acceptent de vivre dans une
société plus inégalitaire.
Réduire les tranches supérieures du barème
Partant d'un haut niveau de taux de prélèvements obligatoires,
les Etats membres, confortés par le retour en force des thèses de
l'économie de l'offre et encouragés par les organismes
internationaux ont tenté de réformer leur système fiscal
pour en diminuer les effets désincitatifs qui, selon certains,
expliqueraient la différence de dynamisme entre l'économie
américaine et les économies européennes. De façon
générale, cela s'est traduit par une diminution des taux
marginaux d'imposition : les taux marginaux d'imposition sur le revenu
(ceux des tranches les plus élevées du barème) et le taux
de l'impôt sur les bénéfices des sociétés,
supposés désinciter, au travail et à
l'épargne
pour le premier et à l'investissement
pour le second. De plus, les progrès de la mondialisation et la mise en
place du Marché unique sans harmonisation fiscale ont fait craindre que
des taux moyens élevés induisent l'évasion
des actifs à hauts revenus ou des individus à patrimoine
élevé et des grandes entreprises vers des pays plus
cléments fiscalement.
Selon la théorie microéconomique, la fiscalité est
désincitative dès lors qu'elle réduit la
rentabilité pour un individu de ses choix de comportement, notamment de
travail et d'épargne. La désincitation naissant de la baisse du
rendement marginal du travail ou de l'épargne, aucun impôt n'est
neutre, à l'exception de ceux assis sur les dotations initiales
(impôt forfaitaire, impôt assis sur des caractéristiques
innées, impôt sur les ressources naturelles). Les impôts les
plus redistributifs sont aussi les plus désincitatifs. Le
caractère désincitatif d'un impôt provient de son assiette
et de sa structure, c'est à dire de son taux marginal, et non de son
taux moyen. Les économistes qui insistent sur l'importance des effets
desincitatifs soulignent généralement l'impossibilité de
mettre en place des impôts neutres ; ils sont ainsi amenés
à préconiser la réduction des dépenses publiques et
des transferts redistributifs.
Les pays ont cependant essayé de compenser ces diminutions de taux par
l'élargissement de la base fiscale. Souvent, les tranches des
barèmes n'ont pas été indexées sur
l'évolution
des revenus ; les possibilités
d'abattement ont été réduites ; les
possibilités de déduction des intérêts
versés, des primes d'assurance-vie ont été
supprimées. La taxation du revenu du capital des ménages a
été augmentée. Dans la mesure où ce sont les
contribuables les plus aisés qui bénéficiaient le plus de
possibilités des diverses formules d'abattement, l'élargissement
de la base a quelque peu compensé, du point de vue de la redistribution,
les effets de la baisse des taux marginaux les plus élevés.
Ces réformes auraient pu aboutir à une diminution des
impôts les plus à même de générer des
comportements de délocalisation. En fait, sur la décennie 1990,
la structure fiscale des différents pays a relativement peu
évolué. Les prélèvements sur assiette
d'activité (impôt sur le revenu, impôt sur les
sociétés) ont tous augmenté dans des proportions
similaires. Les compensations entre la baisse de taux et l'élargissement
de la base se sont effectuées dans la plupart des pays au sein de chaque
impôt.
Reste qu'à l'avenir, dans un monde de plus en plus globalisé, la
tension entre les objectifs d'incitation et de redistribution risque de
grandir. Les couches supérieures, les grandes gagnantes de la
mondialisation, auront plus de facilité pour choisir leur lieu de
travail et de taxation. Elles risquent de refuser de contribuer à l'aide
aux couches sociales frappées par ce processus. Les Etats risquent
d'être contraints de baisser fortement les taux marginaux
supérieurs, voire d'offrir aux plus riches des possibilités
d'évasion fiscale (comme les
stock-options
) alors même que
se creuserait l'écart entre leurs revenus et ceux de la masse de la
population. Il y aura de plus en plus une limite aux prélèvements
possibles sur les couches supérieures mondialisées de la
population. Les nations devront réduire leur ambition
social-démocrate ou la faire financer par les couches moyennes.
Aussi, est-il important que l'Europe maintienne une croissance vigoureuse pour
éradiquer le chômage de masse et éviter que persistent
durablement des zones de pauvreté de masse. Chaque pays devrait chercher
à réduire la fracture sociale le plus en amont possible (aide
à l'éducation dans les zones défavorisées,
incitation à la création d'emplois non qualifiés, lutte
contre les trappes à pauvreté).
Pour que chaque
pays puisse gérer son arbitrage spécifique
entre
redistribution et incitation, il serait souhaitable qu'aucune mesure ne
favorise spécifiquement le nomadisme fiscal
43
(
*
)
.
Taxer les revenus du capital
L'équité horizontale implique que les revenus du capital des
ménages soient taxés comme leurs revenus du travail. La
comparaison devrait porter sur des bases comparables : d'un
côté, la taxation des revenus réels (hors inflation) du
capital, de l'autre, la taxation des revenus du travail, hors cotisations
retraites et chômage qui ouvrent des droits et constituent donc des
salaires différés.
Toutefois,
il est justifié que, pour des raisons de
justice sociale et pour inciter les contribuables à revenus modestes
à faire un certain effort d'épargne, l'épargne populaire
(un montant limité de capital placé dans des formules
spécifiques) bénéficie de la non imposition et que
l'épargne retraite (à sortie obligatoire en rente viagère)
ne soit pas soumise à la double taxation (et bénéficie
donc d'une exonération fiscale à l'entrée pour tous les
impôts ou cotisations auxquels les rentes seront soumises).
Malheureusement, se sont développées dans tous les pays de l'UE
des formules de taxation privilégiées des revenus
d'intérêt, à des taux libératoires,
inférieurs pour la quasi-totalité des épargnants
à leur taux d'imposition à l'impôt sur le revenu.
Par contre, les dividendes sont souvent taxés
à
l'IR, avec restitution de l'IS versé par une formule d'avoir fiscal. Les
plus-values, qui représentent théoriquement la contrepartie des
profits non distribués, supportent généralement le seul
taux de l'IS ; elles sont parfois aussi taxées
spécifiquement. Au total, la taxation des revenus des actions
est généralement nettement plus forte que celle des
revenus d'intérêt, alors même que les pays européens
souhaitaient développer l'épargne à risque. Certaines
réformes récentes (en Allemagne, au Royaume-Uni)
créent une nouvelle incohérence : l'avoir fiscal est
supprimé, mais les dividendes sont imposés à l'IR
après réduction par un coefficient arbitraire. Les dividendes
sont moins imposés que naguère, mais restent plus imposés
que les revenus d'intérêt.
Enfin, certains pays ont développé des formules de placements non
imposés, qui favorisent certains intermédiaires financiers
(assurance-vie, placement à long terme), sans cohérence du point
de vue de l'équité fiscale.
Les Pays-Bas ont mis en place une réforme globale et ambitieuse :
le capital financier détenu est taxé à 1,2 % de sa
valeur, soit 30 % d'un taux de rentabilité fictif de 4 %.
Toute disparité entre les formes de placement est ainsi
éliminée (du moins si le système comporte un avoir fiscal
intégral). Il n'est pas nécessaire de distinguer la
rentabilité réelle et nominale ; les plus-values latentes et
réalisées. Par contre, la logique de l'impôt progressif est
perdue de vue : les revenus du travail et ceux du capital ne font pas
masse. L'impôt ne tient pas compte de la rentabilité effective des
placements. Les bénéficiaires de la réforme sont les
ménages les plus riches qui effectuent généralement des
placements plus risqués et plus rémunérateurs.
La situation actuelle de la fiscalité des revenus du capital en Europe
n'est guère satisfaisante. Il faudrait choisir clairement entre deux
structures. Le principe de soumission à l'impôt de tous les
revenus des ménages, y compris les revenus financiers, est le plus
satisfaisant du point de vue de l'équité, mais il est difficile
à mettre en oeuvre. La pratique d'un taux spécifique pour les
revenus du capital semble se généraliser. Si elle était
choisie,
ce taux devrait
être uniforme pour
tous les placements, s'appliquer aux plus-values et intégrer
l'impôt sur les bénéfices déjà payé
par les entreprises. Dans ce cas, le choix hollandais est une stratégie
intéressante.
Diminuer le coût du travail et inciter à l'emploi
Malgré de nombreux symptômes montrant l'insuffisance de la demande
en Europe de 1991 à 1996 (en particulier, la baisse de l'inflation), les
explications du chômage persistant en Europe se sont focalisées,
dans les milieux gouvernementaux et les organisations internationales, sur les
problèmes d'offre et en particulier sur le poids des charges sociales.
Les charges sociales ont été jugées responsables de
l'alourdissement général du coût du travail, donc d'un
manque de compétitivité ; couplées avec l'existence
de salaire minimum dans la plupart des pays européens, elles
seraient responsables d'un niveau trop élevé du
coût du travail non qualifié ; enfin, pesant sur les salaires
nets, elles les rabaisseraient à un niveau trop faible, ne les
écartant pas suffisamment des revenus de remplacement (prestations
chômage, revenu minimum), de sorte que les travailleurs non
qualifiés préféreraient bénéficier des
revenus de remplacement plutôt que de travailler et seraient donc
plongés dans une trappe à pauvreté.
Il convient cependant de relativiser ce discours. Le choix que font la
société ou les salariés pris collectivement entre salaires
directs et salaires différés n'a aucune raison
a priori
d'augmenter le coût global du travail, du moins à moyen terme. Les
cotisations sociales financent des prestations, qui évitent aux
salariés d'avoir à supporter des dépenses d'assurances
maladie privées et des primes aux fonds de pensions.
L'élément redistributif, qui existe dans les systèmes
d'assurance universelle, bénéficie aux travailleurs les plus mal
payés et augmente donc leur salaire disponible à coût
salarial donné. Imaginons que dans un pays coexistent 100
travailleurs
payés 100 et 100 travailleurs payés
200. Un système d'assurance privée où chacun doit
cotiser
pour 15 est plus coûteux pour les plus mal
payés qu'un système d'assurance sociale où chacun verse
10 % de son salaire (10 pour les uns, 20 pour les autres).
Néanmoins, la stratégie d'allégement des
prélèvements sur les revenus salariaux mise en oeuvre a
comporté quatre éléments, d'importance variable selon les
pays.
La réduction de la croissance des dépenses de protection sociale
Les dépenses de protection sociale ont été gérées avec rigueur dans la plupart des pays de l'UE. Mais, globalement, elles sont passées de 25,5 % du PIB en 1990 à 27,6 % en 1999 ; soit une croissance moyenne de 2,4 % l'an, en terme réel par tête. Plusieurs pays (Suède, Italie, Royaume-Uni) ont adopté des dispositifs destinés à éviter la croissance des prestations publiques de retraites, mais ceux-ci ne jouent qu'à long terme. D'autres pays ont mis en oeuvre des politiques familiales ambitieuses pour enrayer leur déclin démographique. Enfin, les dépenses de santé ont progressé au taux de 2 % par an, en terme réel par tête. Les réformes drastiques sont apparues difficiles à mettre en oeuvre et peu populaires. Les perspectives démographiques en Europe ne permettront sans doute pas de ralentir substantiellement la croissance future de ces prestations.
La recherche de nouvelles ressources
A
prestations sociales données, il est possible de baisser les cotisations
sociales en dégageant d'autres sources de financement pour la
Sécurité sociale.
Le financement par les cotisations
sociales se justifie pour les prestations retraites, chômage et les
autres prestations de remplacement, liées au salariat. Il ne se justifie
pas pour les prestations famille, solidarité et maladie (si leur
couverture est universelle). La part des cotisations dans le financement des
prestations est passée, pour l'ensemble de l'Union,
de
67,1 % en 1990 à 60,6 % en 1999, soit 6,5 points de baisse
répartis entre 4,6 points de baisse pour les employeurs et 1,9 point
pour les salariés. Le mouvement a été
particulièrement sensible en Allemagne (baisse de 7 points, grâce
à la hausse de la fiscalité écologique), en France (baisse
de 13 points en raison de la CSG et des exonérations de cotisations
employeurs pour les bas salaires), en Italie (baisse de 12 points en raison de
la création de l'IRAP), au Portugal (baisse de 13 points).
Une telle politique a cependant ses limites. D'une part, il est souhaitable que
les cotisations réduites soient remplacées par une ressource
autonome, stable et pérenne et non par des subventions
discrétionnaires qui mettent en péril la fiabilité du
financement. D'autre part, remplacer des cotisations par un impôt sur les
revenus des ménages ne diminue la charge portant sur les actifs que si
ce nouvel
impôt frappe les revenus non liés à
l'activité, c'est-à-dire les revenus du capital et
éventuellement les revenus sociaux des ménages.
Or, il
devient difficile d'alourdir la charge portant sur les revenus du capital
financier (compte tenu du niveau atteint et du manque d'harmonisation fiscale
dans l'UEM) et les revenus sociaux (famille, chômage) sont souvent
déjà faibles ou gérés avec rigueur (retraite).
Pour un pays en situation de chômage de masse, changer l'assiette des
cotisations employeurs pour passer d'une assiette
« salaires » à une assiette « valeur
ajoutée » a l'avantage d'inciter les entreprises à
utiliser plus de main-d'oeuvre et moins de machines et de favoriser les
entreprises de main-d'oeuvre. Seule l'Italie a mis en oeuvre cette
réforme. La France l'a mise à l'étude, puis y a
renoncé de crainte qu'une telle mesure ne frappe trop les secteurs les
plus capitalistiques
44
(
*
)
.
Une baisse ciblée des cotisations employeurs
Réduire spécifiquement les cotisations employeurs sur les plus bas salaires peut être justifié par trois arguments :
-
Il existe actuellement un problème spécifique de chômage
pour les travailleurs non qualifiés : ceux-ci sont
particulièrement concurrencés par les productions des pays
à bas salaires ; ils sont les victimes du progrès technique
et de la substitution du capital au travail qui font disparaître leurs
emplois dans l'industrie et dans certains services. Au contraire, les
salariés qualifiés sont proches du plein emploi. Toute relance se
heurterait au manque de personnel qualifié avant qu'un niveau d'emploi
satisfaisant ne soit atteint pour l'ensemble des salariés.
Une cause essentielle du chômage en Europe est le niveau du salaire minimum (et du revenu minimum) qui empêche une baisse suffisante du salaire des non qualifiés. De nombreux travailleurs non qualifiés ont une productivité du travail inférieure au coût du salaire minimum charges comprises et ne seraient employables que si ce coût était diminué. La baisse des cotisations sociales employeurs est socialement préférable à la baisse du salaire minimum, puisque le niveau de vie des travailleurs non qualifiés n'est pas affecté.
Une mesure ciblée est plus efficace en termes d'emplois gagnés à coût budgétaire donné qu'une mesure globale. Il coûte moins cher de réduire de 10 % le coût d'un salarié à bas salaire que le coût d'un cadre.
Durant la décennie 1990, ce type de mesures a été mis en oeuvre de façon importante pour les travailleurs à bas salaires en Belgique, en France, aux Pays-Bas et au Royaume-Uni. Elle aurait réussi à y stopper la baisse continuelle du nombre d'emplois non qualifiés, mais semble avoir aussi encouragé l'extension des emplois à temps partiel.
Elle fait courir deux risques. Si elle est peu efficace, elle crée peu d'emplois et doit être financée : un financement par hausse des impôts portant sur les ménages peut entraîner une baisse de la demande et augmenter le chômage keynésien. Les entreprises sont incitées à créer des emplois non qualifiés (ce qui est nuisible si le degré de qualification de la population active tend à augmenter) et à refuser toute hausse de salaire et toute évolution de carrière pour les salariés qui occupent ces emplois, puisque la hausse de leur salaire, qui fait perdre les allègements de cotisations, est très coûteuse : c'est la trappe à bas salaires.
En tout état de cause, cette mesure est théoriquement plus efficace pour créer des emplois non qualifiés, que la baisse de la TVA sur certains services à forte intensité en main-d'oeuvre, qui a été autorisée par le Conseil européen et mise en oeuvre par la plupart des pays européens, mesure qui a le défaut de ne s'appliquer qu'à certains secteurs et de favoriser toutes les entreprises de ces secteurs indépendamment de leur choix de techniques de production.
Une hausse ciblée des revenus des travailleurs non qualifiés
Dans les
années 1990, suivant l'exemple américain, l'accent a
été mis sur les problèmes d'incitation au travail des
travailleurs non qualifiés. Le développement du chômage de
masse et de la pauvreté a fait que de nombreux travailleurs n'ont
trouvé d'autre solution que d'accepter des emplois à mi-temps
rémunérés au salaire minimum. Ce genre d'emploi ne leur
permettait pas d'obtenir un niveau de vie supérieur à celui que
la société jugeait nécessaire d'offrir aux personnes sans
emploi, tout particulièrement s'agissant de personnes avec charge
d'enfants. Alors que le plus souvent, c'est le manque d'emplois disponibles qui
les empêche de travailler ; alors que l'urgence aurait dû
être de leur offrir des emplois à temps plein avec un salaire leur
permettant d'éviter la pauvreté (et d'ailleurs la
stratégie de baisse des cotisations employeurs allait dans ce sens et
elle aurait été d'autant plus efficace qu'elle aurait
été combinée avec une politique de croissance, qui aurait
aspiré vers le haut des travailleurs qualifiés qui avaient
dû se résigner à accepter des emplois peu
qualifiés), un certain consensus s'est fait pour mettre en cause la
générosité du système de protection sociale, qui
serait responsable du manque d'incitation de ces personnes à travailler.
Pourtant, il n'y a guère de preuves empiriques qu'il existe un vaste
stock d'emplois vacants disponibles pour des travailleurs non qualifiés
qui préféreraient vivre de ressources d'assistance.
Ce diagnostic aurait pu induire des stratégies de diminution des minima
sociaux. Heureusement, ce ne fut pas le cas. Certes, les minima sociaux ont
été gérés avec rigueur, mais les réformes
principales ont surtout consisté à offrir des prestations
supplémentaires aux travailleurs non qualifiés pour creuser
l'écart de leur niveau de vie avec celui des bénéficiaires
des prestations d'assistances. La plupart des pays ont réformé
leur barème de l'impôt en augmentant le seuil d'imposition et en
réduisant le taux le plus bas. Certains
ont instauré des
crédits d'impôt remboursables aux travailleurs à faibles
ressources dont la logique se rapproche de celle de l'impôt
négatif. Le Royaume-Uni
a montré la voie à
l'utilisation de ce principe déjà largement pratiqué aux
Etats-Unis. La France, la Belgique et les Pays-Bas ont suivi le mouvement. La
France a également modifié les règles d'attribution de
certaines prestations pour éviter les effets de seuil. Néanmoins,
l'ampleur et l'ambition de ces réformes sont restées modestes au
regard des mécanismes mis en place dans les pays anglo-saxons,
l'efficacité de ce type de mécanisme dépendant
largement de la situation et des modes de régulation du
marché du travail, sensiblement différents en France et en
Belgique (en situation de chômage de masse) et dans les pays anglo-saxons
(plus proches du plein emploi).
Même si le diagnostic est contestable, ces mesures ont l'avantage
d'augmenter quelque peu le revenu disponible des familles de travailleurs
pauvres. Elles ont par contre le défaut de compliquer encore le
système fiscal, la plupart des pays n'ayant pas choisi une mesure simple
(une baisse des cotisations sociales pour les salariés mal
rémunérés), mais une mesure fiscale (qui tient compte de
la situation familiale) de sorte que la mesure est à la fois une mesure
d'incitation à l'emploi et une mesure de lutte contre la
pauvreté. Dans ce dernier rôle, elle est bizarrement conçue
puisque la prestation augmente d'abord d'un revenu d'activité nul
à un revenu d'activité correspondant à un plein emploi au
salaire minimum (pour inciter à l'emploi) puis décroît pour
des salaires plus élevés.
Une mesure plus large et plus simple, comme une Allocation compensatrice de
revenu, aurait sans doute permis de mieux jouer les deux rôles
simultanément. Elle aurait été maximale pour un revenu
d'activité nul, puis aurait décrû linéairement de
sorte que sur 100 euros de revenus supplémentaires 50 seraient
restés au travailleur. Aucun pays ne s'est vraiment engagé dans
cette voie. Le point délicat est qu'une telle allocation subventionne,
et donc rend acceptable, des situations d'emplois à temps partiel. En
sens inverse, on peut penser que le développement des emplois à
mi-temps doit être enrayé, que ceux-ci doivent être
réservés à des cas particuliers (étudiants,
travailleurs seniors, parents d'enfants en bas âge) et que l'objectif
doit être de permettre à chacun de trouver un emploi à
temps plein
45
(
*
)
.
La coexistence dans de nombreux pays d'un mécanisme de salaire minimum,
d'exonération de cotisations employeurs et de crédit
d'impôt pour les bas salaires permet aux pouvoirs publics de gérer
à la fois, et de manière quasi indépendante, le coût
du travail et le niveau de vie des travailleurs non qualifiés. En sens
inverse, le risque existe de créer une catégorie
particulière d'emplois coupés du reste des salariés,
victimes de la
trappe à bas salaires, à temps de travail
réduit et flexible, et sans perspective de carrière.
La fiscalité écologique
Bien que
les préoccupations environnementales aient considérablement
progressé dans les opinions publiques européennes, l'instauration
puis la montée en puissance des taxes écologiques ou
écotaxes, ont été relativement tardives et leur poids
demeurent modestes. Certes tous les pays prélèvent depuis
longtemps des taxes spécifiques sur les consommations de certains
produits à l'origine d'émissions polluantes, au premier rang
desquels figurent les carburants à base d'hydrocarbures fossiles. Ces
droits d'accise ont été sensiblement alourdis au cours de la
décennie passée dans tous les pays européens pour inciter
aux économies d'énergie et limiter l'augmentation des
émissions polluantes. Mais, face à la hausse des cours du
pétrole en 1999-2000, le souci d'en limiter les conséquences
inflationnistes et, dans de nombreux pays, de répondre au
mécontentement populaire et des professions directement
concernées par l'augmentation des prix des carburants a incité
certains gouvernements européens à alléger un peu la
pression fiscale sur ces assiettes et, dans le cas de la France, à
mettre en place un dispositif de lissage.
Les écotaxes proprement dites, c'est-à-dire les taxes
générales sur les activités polluantes, n'ont
commencé à jouer un rôle notable que très
récemment, et dans un nombre limité de pays européens,
à commencer par les Pays-Bas. Ce type d'instruments répond
à la logique du « double dividende » : d'une
part, la taxation de l'usage de produits à l'origine d'émissions
polluantes -- et notamment de gaz à effets de serre, pour la
réduction desquels l'UE s'est engagée, en signant le Protocole de
Kyoto, et de polluants des nappes phréatiques, comme les nitrates et les
pesticides d'origine agricole -- incite leurs utilisateurs à en
réduire les quantités, selon le principe pigouvien de taxation du
pollueur ; d'autre part le surcroît de recettes ainsi procuré
permet de réduire, en compensation, d'autres prélèvements,
notamment d'alléger les charges sociales pesant sur les salaires. C'est
ainsi que plusieurs pays, dont l'Allemagne, ont entrepris de substituer des
écotaxes, dont le taux et le champ d'application font l'objet d'une
montée en puissance progressive et programmée, à des
cotisations sociales.
En dépit des avantages de ces prélèvements, leur
généralisation se heurte à de nombreuses
résistances et à des obstacles indéniables. Les
prélèvements sur les carburants sont, dans la plupart des pays,
déjà à des niveaux élevés et impopulaires,
ce qui rend les alourdissements plus difficiles politiquement. En outre, les
activités productives directement affectées par les taxes
générales sur les activités polluantes cherchent -- et
parviennent généralement -- à obtenir des
exonérations ou des allégements, de sorte que l'efficacité
du dispositif et son rendement sont faibles et souvent au prix d'une
complexité élevée. Enfin, ces écotaxes
pèsent sur les coûts moyens de production des activités les
plus polluantes, ce qui nuit à leur compétitivité et
risque d'entraîner leur délocalisation. Ces difficultés
peuvent être en partie résolues, ou du moins
atténuées, par des mécanismes de compensation, puisque
c'est l'alourdissement du coût
marginal
de l'usage des produits
visés qui doit inciter à en limiter la demande. Mais ces
compensations ne peuvent être complètes, sauf à introduire
des procédures lourdes et complexes d'évaluation des
coûts ; et les compensations globales, comme celles auxquelles
aboutissent les allégements de charges sociales par exemple, engendrent
inévitablement une redistribution du poids des
prélèvements entre les producteurs. Dans ces conditions, des
progrès ultérieurs dans la généralisation des
écotaxes sont peu probables aussi longtemps que la stratégie de
lutte contre les pollutions n'aura pas fait l'objet de choix clairs et que la
l'harmonisation européenne n'aura pas permis d'en limiter les effets en
termes de compétitivité.
La fiscalité locale
Presque
tous les pays européens ont, au cours de la décennie
passée, élargi les compétences de leurs
collectivités territoriales en matière de dépenses. Ce
mouvement de décentralisation, plus ou moins marqué selon les
pays, n'a toutefois pas été reflété partout dans un
accroissement du poids de la fiscalité locale au sens strict, ce qui
montre que les réponses apportées aux exigences d'autonomie
financière des collectivités locales varient
considérablement selon les pays
46
(
*
)
.
L'une des difficultés majeures en matière de fiscalité
locale provient du conflit inévitable qui existe entre l'autonomie
locale, qui engendre nécessairement la diversité, et les
objectifs nationaux de la politique fiscale, qu'il s'agisse de justice sociale
et de redistribution ou de choix de politique économique, tel que
l'allégement des prélèvements sur les salaires. A cela
s'ajoutent les problèmes spécifiques que posent la
mobilité des assiettes fiscales à l'échelle de
découpages territoriaux qui, dans certains pays, dont la France, peuvent
être très fins : la concurrence fiscale est sans doute plus
vive entre collectivités locales d'une même agglomération
ou bassin d'emploi qu'entre pays.
Dans la plupart des pays européens où des responsabilités
importantes sont confiées aux collectivités locales, aux
communautés autonomes (Espagne) ou aux Etats
fédérés (Allemagne, Autriche, Belgique) en matière
de dépenses publiques, notamment d'investissement, de santé et
d'éducation, la modalité dominante de financement est le partage,
selon des clés prédéfinies, des recettes d'impôts
nationaux à fort rendement, tels que la TVA ou l'impôt sur le
revenu des personnes. Cependant, dans la presque totalité des pays
européens, les collectivités locales prélèvent
également des impôts sur les assiettes peu mobiles, notamment des
impôts fonciers. L'imposition locale des entreprises continue
d'être pratiquée dans une minorité de pays membres,
même si son assiette a été, presque partout, sensiblement
remaniée pour éviter les problèmes de concurrence fiscale
ou des conflits avec les objectifs nationaux de la politique fiscale -- comme
c'est le cas avec la suppression de la part salariale de l'assiette de taxe
professionnelle en France ou des réformes de l'impôt local sur les
entreprises en Allemagne et en Italie. Le mouvement de regroupement communal
lancé en France depuis les lois Voynet et Chevènement, la
généralisation de la taxe professionnelle de zone qui
l'accompagne, n'ont pas d'équivalent ailleurs en Europe, où les
problèmes de structures et d'empilement sont généralement
moindres et ont souvent été réglés depuis longtemps.
Les transferts en provenance du budget central représentent, dans de
nombreux pays, une source importante de financement des dépenses
publiques locales. Ils ont l'avantage de permettre une
péréquation des ressources entre collectivités. Celle-ci
est le préalable indispensable à une décentralisation
audacieuse des compétences et à l'autonomie des
collectivités locales en matière de taux de
prélèvement sur les assiettes qui leur sont octroyées.
Faute d'une péréquation financière suffisante, en effet,
les disparités de prélèvements sur les ménages ou
les écarts de services publics locaux qui leur sont offerts apparaissent
particulièrement injustes, tandis que les écarts de
prélèvements sur les activités productives engendrent des
phénomènes cumulatifs de concentration spatiale et de
désertification. Si les transferts compensent la quasi-totalité
des disparités de potentiel fiscal
ex ante
des
collectivités locales, une décentralisation poussée peut
être compatible avec le maintien de l'équité sur l'ensemble
du territoire national..
Un modèle fiscal européen ?
Dans chaque pays, la structure et le poids du système fiscal
reflètent des choix économiques, sociaux et politiques
effectués par la collectivité nationale ; ce sont les
résultats des circonstances historiques ayant prévalu lors de sa
construction et à chaque étape de son évolution. Chaque
Etat membre de l'UE présente des spécificités ; c'est
en ordre fiscal dispersé que les pays se sont présentés au
début des années 1990, au départ de la construction du
Marché unique et de l'UEM. Une plus grande ouverture des
frontières dans une situation caractérisée par un
assemblage non organisé de systèmes fiscaux différents est
susceptible de générer des mouvements de personnes et de capitaux
physiques et financiers motivés par des considérations fiscales.
Ces mouvements peuvent réduire la capacité des Etats membres
à organiser la redistribution et à financer leurs dépenses
publiques. Ils peuvent générer aussi une ré-allocation non
efficace des ressources. Sont concernés principalement le comportement
migratoire des entreprises et des actifs hautement
rémunérés et la circulation du capital physique ou
financier. Certes, la Commission et le Conseil ont avant même l'ouverture
de 1993, et tout au long de la décennie, élaboré un
certain nombre de directives (par exemple les directives TVA) visant à
éviter les cas les plus flagrants de non-neutralité fiscale.
Malgré cela, la construction fiscale européenne reste encore
largement en chantier. Les décisions qui seront prises dans la prochaine
décennie auront de fait une influence considérable sur le devenir
de l'Europe fiscale.
En la matière, le principe de subsidiarité continue à
prévaloir. Il ne s'agit pas, dans l'état actuel des choses, et
tant que les citoyens n'auront pas décidé de passer à une
Europe fédérale, d'organiser une fiscalité unifiée
à l'échelle européenne. Chaque pays reste libre de son
niveau de dépenses publiques, donc de recettes fiscales ; de son
degré de redistribution entre ses résidents ; de l'organisation
de son système de protection sociale. Cependant, certaines
décisions seront plus efficaces si elles sont prises à
l'échelle européenne ; par ailleurs, la liberté doit
être organisée. Ce doit être l'objectif de l'harmonisation
fiscale que de permettre aux pays de pouvoir jouir des degrés de
liberté nécessaire. Reste que l'Europe fiscale devra vivre
longtemps dans une tension entre le désir d'autonomie de chaque pays,
son souci de maintenir son droit à décider de sa politique
fiscale, de garder sa liberté d'innover et la nécessité de
l'harmonisation
47
(
*
)
.
Le projet de directive sur la taxation des revenus de l'épargne va dans
le bon sens. Reconnaissant le principe de résidence, il permet à
chaque pays d'appliquer la fiscalité de son choix sur les revenus de ses
résidents en organisant les circuits d'information nécessaire.
La taxation des revenus des ménages peut pour le reste demeurer purement
nationale. Restent deux points délicats. Il faut éviter des
pratiques de concurrence fiscale dommageables et contraire au principe de
résidence, par exemple que certains pays accordent des régimes
dérogatoires aux résidents de fraîche date, ayant des
revenus d'origine étrangère. L'exode fiscal demeurera certes
possible pour les individus à patrimoines élevés ou les
actifs à très forts revenus, mais devrait rester limité,
compte tenu des coûts induits par l'obligation de changer durablement de
pays de résidence. Toutefois, sa possibilité obligera sans doute
les pays à limiter quelque peu la taxation des plus hauts revenus et
patrimoines. L'instauration d'un taux supérieur minimal est, de toute
évidence, impossible en Europe actuellement, mais les pays devraient
s'accorder sur la nécessité de lutter contre les paradis fiscaux
extra-communautaires.
La protection sociale doit, elle aussi, rester purement nationale, tant que la
vie sociale, les organisations syndicales et les négociations sociales
restent organisées à l'échelon national. La
disparité des systèmes est aujourd'hui extrême en
matière de retraite, de prestations chômage, d'assurance-maladie.
Le risque est que, sous prétexte de liberté de concurrence et
d'établissement, les assurances privées n'obtiennent le droit de
concurrencer les systèmes publics à composante redistributive.
Aussi, les pays concernés devraient-ils clairement déclarer que
les régimes d'assurance sociale qui ont des objectifs sociaux ou de
redistribution sont obligatoires et échappent au principe de la libre
concurrence. En même temps, chaque pays a la responsabilité propre
de mettre en place un système suffisamment attractif pour être
compétitif à l'échelle européenne tout en restant
suffisamment redistributif. Bien sûr, la tâche sera
facilitée si des normes sociales sont définies à
l'échelle européenne : revenu minimal, minimum vieillesse,
retraite minimale, prestations familiales (tous quatre en pourcentage du revenu
moyen dans chaque pays), couverture maladie de base universelle. Mais c'est un
choix politique que de décider si ces exigences font partie du
modèle européen
48
(
*
)
.
Théoriquement, chaque pays peut décider de sa propre
fiscalité écologique et utiliser les fonds ainsi
dégagés pour réduire la charge portant sur le travail.
Mais une stratégie purement nationale trouve vite ses limites : il
est difficile d'augmenter la charge portant sur un secteur industriel
donné si ses concurrents ne subissent pas les mêmes contraintes.
De plus, les effets favorables sont diffus. Aussi, peut-on penser que c'est un
domaine où la stratégie doit rapidement devenir communautaire. En
sens inverse, ceci ne favorise pas la prise de conscience nationale de la
nécessité d'agir. La fiscalité écologique
apparaît comme une contrainte bruxelloise, que les gouvernements
abandonnent vite face aux lobbies sectoriels.
Le cas le plus délicat est celui de l'impôt sur les
sociétés. Une assiette commune serait nécessaire, mais les
pays veulent garder le droit de mettre en oeuvre des mesures spécifiques
(aide à l'investissement, à la recherche-développement,
à l'innovation, etc.). La Commission a pris le parti de ne juger comme
réellement préjudiciable que les régimes fiscaux ayant un
caractère dérogatoire. Elle s'est refusée à imposer
un taux minimal
49
(
*
)
. Le
démantèlement complet des régimes dérogatoires
serait déjà un progrès important. Le refus d'uniformiser
les taux d'imposition ne laisse comme stratégie d'harmonisation
disponible que le principe de l'imposition à la source
50
(
*
)
. Chaque entreprise doit payer
l'impôt sur les sociétés sur les profits
réalisés dans chacun des pays où elle exerce son
activité. Sinon, le principe d'imposition à la résidence
induirait une concurrence fiscale destructrice, chaque entreprise pouvant
déplacer son siège social dans le pays le moins taxant. De plus,
un accord entre les pays membres est nécessaire sur les principes de
taxation des dividendes, en particulier sur l'avoir fiscal. Sinon,
l'unification du marché financier européen serait
entravée, les ménages des pays membres devant faire leurs choix
d'investissements en Bourse en fonction de considérations fiscales.
L'accord pourrait comporter la généralisation du système
de l'avoir fiscal, chaque pays pourrait alors choisir librement la taxation des
dividendes reçus par ses résidents selon le principe de
subsidiarité et la neutralité de l'imposition vis-à-vis du
choix du pays d'investissement serait assurée. En sens inverse, il
pourrait comporter la suppression de l'avoir fiscal, mais la neutralité
vis-à-vis du pays d'investissement ne serait pas assurée.
Malheureusement, il n'existe pas de solutions simples, ni dans le domaine de la
réforme fiscale, ni dans celui de l'harmonisation. Il n'y a pas de
grande réforme fiscale, mais des retouches qui cherchent à
améliorer l'équité et le fonctionnement de
l'économie, qui souvent compliquent au lieu de simplifier.
Jusqu'à présent, les pays européens semblent avoir
réussi à préserver le niveau de redistribution et de
dépenses publiques qu'ils souhaitaient. Par ailleurs, l'Europe fiscale
devra vivre longtemps dans cette contradiction entre des marchés du
capital et des biens qui s'unifient rapidement, des fiscalités (et plus
généralement des structures budgétaires, sociales et
politiques) qui restent nationales. Ceci rend difficiles les grands
progrès.
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Economica.
STERDYNIAK H. et P. VILLA, 1998 « Pour une réforme du
financement de la Sécurité sociale»,
Revue de l'OFCE
,
n° 67, octobre.
Chapitre
I : Fiscalité européenne, l'état des lieux
Réjane Hugounenq et Henri Sterdyniak
Les pays
de l'Union européenne sont caractérisés par des taux de
prélèvement obligatoire élevés, 40,8 % en
moyenne, supérieurs de plus de 10 points aux niveaux japonais et
américain. La mondialisation n'a jusqu'à présent pas
privé les pays européens de ressources. Au sein de l'UE, les pays
dont le TPO est le plus élevé sont la Suède, le Danemark,
la Finlande, la Belgique et la France. A l'autre extrémité du
spectre se trouvent le Royaume-Uni, l'Irlande et les pays du Sud (Espagne,
Grèce, Portugal). Les différences de TPO reflètent
essentiellement les choix du montant des dépenses collectives
(éducation, santé) et des prestations sociales. Comparée
aux Etats-Unis, l'UE se caractérise par le poids important des
cotisations sociales et des taxes sur les produits (TVA). Par contre, le poids
de l'impôt sur le revenu des ménages est plus faible. Les pays
européens s'étagent entre les pays très centralisés
où le gouvernement central prélève plus des 2/3 des
recettes (Irlande, Royaume-Uni, Grèce, Portugal, Luxembourg, Danemark)
et des pays peu centralisés : Allemagne, en raison du poids des
Länder, Belgique en raison de sa division linguistique, France en raison
du poids de la Sécurité sociale, Suède en raison du poids
des communes.
Ce chapitre présente les niveaux d'imposition et leur évolution
depuis le début des années 1990 pour les pays membres de l'Union
européenne (UE) auxquels nous avons ajouté les Etats-Unis et le
Japon à titre de comparaison. Il analyse aussi des indicateurs de la
structure de la fiscalité comme l'assiette des
prélèvements et l'administration perceptrice.
Le niveau d'imposition est appréhendé par le taux de
prélèvement obligatoire (TPO) tel qu'il est mesuré par
l'OCDE, soit les impôts et les cotisations sociales obligatoires en
pourcentage du PIB (Notes de méthode).
Dans chaque pays, le taux de prélèvement obligatoire
reflète fondamentalement le poids des dépenses publiques, compte
tenu cependant des recettes non fiscales, des charges d'intérêt,
du déficit public. Aussi, fournissons-nous plusieurs indicateurs du
poids des dépenses publiques, qui permettent d'expliquer les
différences de taux de prélèvement obligatoire.
Notes de méthodes
Les
données présentées ici sont essentiellement issues des
Statistiques des recettes publiques
de l'OCDE. Sous le terme de
« prélèvements obligatoires », l'OCDE
regroupe en principe l'ensemble des versements obligatoires (y compris
cotisations sociales) effectués sans contrepartie au profit des
administrations publiques.
Les administrations publiques comprennent les autorités supranationales
(institutions de l'Union européenne), les administrations centrales,
régionales et locales, les entités publiques autonomes
(églises dans certains pays), à l'exception des entreprises
publiques, et les organismes de Sécurité sociale. Un certain flou
existe quant à l'appartenance aux secteurs des administrations publiques
de certains organismes d'assurance maladie ou d'assurance retraite. Les
mutuelles ne font pas partie des administrations publiques (dans la mesure
où l'adhésion y est facultative). Les fonds de pension par
capitalisation n'y figurent pas, sauf dans certains pays où ils sont
obligatoires et socialement contrôlés (Finlande, par exemple). Les
régimes obligatoires y figurent, même s'ils sont juridiquement
gérés par le secteur privé (pour la France, Unedic, Arrco,
Agirc).
L'expression de « sans contrepartie » exclut en principe
les versements qui ouvrent des droits à des prestations proportionnelles
aux versements. C'est ainsi que ne sont pas considérées comme
prélèvement obligatoire certaines taxes qui sont le paiement d'un
services rendu (passeports, redevance radio-télévision, amendes,
etc.). Par contre, en dérogation à ce principe, sont
comptabilisées dans les prélèvements obligatoires toutes
les cotisations obligatoires, même si elles donnent droit à des
prestations plus ou moins directement liées aux cotisations
versées (en matière de retraite ou de chômage).
Les cotisations volontaires sont exclues des prélèvements
obligatoires de même que les cotisations obligatoires mais versées
à des organismes extérieurs au secteur des administrations
publiques (dans les pays où les salariés sont obligés de
s'assurer, mais peuvent le faire auprès de leurs entreprises ou d'une
assurance privée). Enfin, les cotisations fictives ne sont pas
comptabilisées dans les prélèvements obligatoires :
la création d'une caisse de retraite pour les fonctionnaires augmente
donc le taux de prélèvement obligatoire.
Les données de l'OCDE sont comptabilisées sur la base des
versements effectivement reçus par les administrations. Elles tiennent
donc compte des dispositions fiscales particulières : crédit
d'impôts, avoir fiscal, par exemple. De façon
générale, les recettes sont nettes des dépenses fiscales.
Le taux de prélèvement obligatoire est donc plus faible pour les
pays qui offrent des ristournes de cotisations sociales au lieu de subventions
à l'emploi, des crédits d'impôt aux familles plutôt
que des prestations familiales, des primes à l'emploi plutôt des
subventions aux travailleurs peu qualifiés, des ristournes à
l'impôt sur les sociétés plutôt que des subventions
à l'investissement, etc. De même, ce taux est fictivement plus
faible dans les pays qui exonèrent les retraites et les chômeurs
de cotisations ou d'impôt, mais qui tiennent compte de cette
exonération dans le calcul des prestations.
Enfin, pour ce qui est de la structure d'imposition, l'OCDE classe les recettes
fiscales en fonction de leur assiette : revenus, salaires, patrimoine,
biens et services etc., et non en fonction de leurs répercussions
économiques.
I. Les taux de prélèvement obligatoire des pays de l'UE
En 2000, les pays de l'UE restent caractérisés par des taux de
prélèvement obligatoire élevés, 40,8 % en
moyenne, supérieurs de plus de 10 points aux niveaux japonais et
américain (tableau 1). Globalement, les taux de
prélèvement obligatoire ont légèrement
augmenté (de 1,8 point en moyenne). La mondialisation n'a jusqu'à
présent pas obligé les pays européens à se priver
de ressources. En dépit d'un certain rapprochement, les divergences
entre pays de l'UE restent fortes.
Au sein de l'UE, les pays dont le ratio recettes fiscales sur PIB est le plus
élevé sont la Suède, le Danemark, la Finlande, la Belgique
et la France. A l'autre extrémité du spectre se trouvent le
Royaume-Uni et l'Irlande ainsi que les pays du Sud (Espagne, Grèce,
Portugal). Pour l'année 2000, l'écart entre le pays dont le taux
est le plus élevé et celui dont le taux est le plus bas est de
près de 22 points de PIB. Les cinq pays où le taux de
prélèvement obligatoire est le plus élevé avaient
un TPO de 46,3 % en 1990 ; il est passé à 47,9 %
en 2000 ; les cinq pays où le TPO est le plus faible avaient un TPO
de 32,2 % en 1990 ; il est monté à 35,4 % en 2000.
La mise en application du traité de Maastricht et du Pacte de
stabilité a généré, de la part des gouvernements
européens, des efforts pour réduire le déficit public.
Ceux-ci sont passés par la baisse relative des dépenses publiques
(investissement public, effectifs du secteur public, gestion rigoureuse des
prestations sociales, etc.) mais aussi par une certaine hausse de la
fiscalité. De 1990 à 2000, les taux de prélèvement
ont augmenté en Europe, de 1,8 point en moyenne
51
(
*
)
. Seuls, l'Irlande et les
Pays-Bas ont vu leur taux de prélèvement diminuer respectivement
de 2 et 1 points. Par contre, la hausse du taux de prélèvement
obligatoire a été particulièrement forte pour la
Grèce (8,7 points), l'Italie (3,4 points) et le Portugal (5,3 points).
Les dix années ont été marquées par un certain
rapprochement des taux de prélèvement, en raison du rattrapage
des pays du Sud. L'Irlande n'a pas participé à ce
rattrapage : ayant bénéficié sur la décennie
1990 d'une croissance exceptionnelle (qui a culminé à 9 % en
moyenne entre 1994 et 2000), elle a mis en place des programmes
d'allègements fiscaux, notamment sur le revenu, destinés à
compenser la faible évolution des salaires avant impôts.
Graphique 1 :Taux de prélèvement obligatoire
En % du
PIB
Source : OCDE,
Statistiques des recettes publiques
, 2001.
Graphique 2 : Taux de prélèvement obligatoire
En %
Source : OCDE, Statistiques des recettes publiques , 2001.
Tableau 1 : Les prélèvements obligatoires en pourcentage du produit intérieur brut
Pays |
1990 |
2000 |
Suède |
53,6 |
53,3 |
Danemark |
47,1 |
48,4 |
Finlande |
44,7 |
46,5 |
Belgique |
43,2 |
46,0 |
France |
43,0 |
45,5 |
Pays-Bas |
42,8 |
41,8 |
Luxembourg |
40,5 |
42,0 |
Autriche |
40,5 |
43,3 |
Italie |
38,9 |
42,3 |
Allemagne |
36,8 (1) |
37,8 |
Royaume-Uni |
35,9 |
37,7 |
Irlande |
33,5 |
31,5 |
Espagne |
33,0 |
35,3 |
Portugal |
29,4 |
34,7 |
Grèce |
29,3 |
38,0 |
UE pondérée |
39,0 |
40,8 |
Japon |
30,7 |
27,1 |
Etats-Unis |
26,7 |
28,9 (2) |
(1) 1991
; (2) 1999.
Source : OCDE,
Statistiques des Recettes publiques
, 2001.
Un classement qui diffère selon les sources mais des écarts qui subsistent
Les recettes fiscales évaluées par l'OCDE dans son document Statistiques des recettes publiques différent de celles que l'on peut calculer dans les Comptes nationaux. Ces divergences ont trois causes : les Comptes nationaux incluent les cotisations sociales volontaires aux administrations privées (mais, cette divergence est corrigeable, tableau 2) ; le document de l'OCDE utilise parfois des chiffres périmés (tant en ce qui concerne l'évaluation du PIB que celle de certaines recettes) ; enfin, les comptables nationaux peuvent reclasser certaines dépenses fiscales en impôts. L'écart est particulièrement marqué pour l'Allemagne, et à un moindre degré pour le Portugal et le Royaume-Uni.
Tableau 2 : Comparaison des taux de prélèvement obligatoire selon les Statistiques des recettes publiques et Comptes nationaux des pays de l'OCDE
1999, en point de PIB |
Taux de prélèvement obligatoire |
Cotisations volontaires |
Ecarts non expliqués |
|
SRP (1) |
CN (2) |
(3) |
(2)-(1)-(3) |
|
Allemagne |
37,7 |
42,7 |
1,18 |
3,8 |
Autriche |
43,9 |
44,3 |
0,10 |
0,3 |
Belgique |
45,7 |
46,3 |
0,00 |
0,6 |
Danemark |
50,4 |
50,8 |
0,04 |
0,3 |
Espagne |
35,1 |
35,2 |
|
0,1 |
Finlande |
46,3 |
46,3 |
0,29 |
- 0,3 |
France |
45,9 |
45,8 |
|
- 0,1 |
Royaume-Uni |
36,3 |
38,1 |
0,00 |
1,8 |
Grèce |
37,1 |
37,6 |
|
0,5 |
Irlande |
32,3 |
32,6 |
|
0,3 |
Italie |
43,3 |
43,3 |
|
0,0 |
Luxembourg |
41,8 |
42,6 |
|
0,8 |
Pays-bas |
42,1 |
42,3 |
|
0,2 |
Portugal |
34,3 |
36,8 |
|
2,3 |
Suède |
52,2 |
53,0 |
|
0,8 |
Sources : OCDE, Statistiques des recettes publiques et Comptes nationaux des pays de l'OCDE, tableaux détaillés, volume II - 1988-1999 , 2001.
Royaume-Uni : une analyse plus fine
Il
existe trois sources pour le taux de prélèvement
obligatoire : les
Statistiques des recettes publiques
de l'OCDE
(SRP), 2001 (qui donnent 36,3 % pour 1999) ; les
Comptes nationaux
des pays de l'OCDE, tableaux détaillés, volume II,
2001 (qui
donnent 38,1 %) ; enfin, les Comptes nationaux de source britannique,
The Blue Book
, 2001 (qui donnent 37,2 %).
Ces différences ont deux causes (tableau 3) :
-
1)
Des différences de concepts
: les Comptes nationaux de
l'OCDE incorporent les cotisations volontaires aux administrations ; les
autres sources non.
2) Des différences de mesures . : la publication SRP a fait une erreur de 4 milliards en recopiant le chiffre « taxe sur le tabac ». De façon générale, ses chiffres sont un peu plus anciens et n'intègrent pas les dernières révisions des Comptes nationaux. La Comptabilité nationale britannique a augmenté le PIB de 1,1 % dans sa dernière évaluation, ce qui diminue le TPO.
Conclusion : Le bon chiffre est celui de la comptabilité nationale britannique soit 37,2 % selon les concepts de l'OCDE. Il monte à 38,7 % si on ajoute les contributions volontaires aux administrations publiques et les contributions obligatoires aux organismes privés.
Tableau 3 : Comparaison de trois sources sur les impôts au Royaume-Uni
En
milliards de livres
|
SRP - OCDE |
Comptes nationaux - OCDE |
Comptes nationaux - ONS |
Impôts sur les produits |
123,5 |
130,3 |
131,0 |
Impôts sur les revenus |
142,9 |
145,5 |
145,3 |
Cotisations sociales |
55,2 |
56,6 |
56,6 |
Cotisations volontaires |
|
5,0 |
|
Impôts sur le capital |
2,0 |
2,0 |
2,0 |
Total |
323,6 |
339,4 |
334,9 |
PIB |
891 |
891 |
901 |
Taux de PO |
36,3 |
38,1 |
37,2 |
Sources : OCDE,
Statistiques des recettes publiques
et
Comptes nationaux des pays de l'OCDE, tableaux détaillés,
volume II - 1988-1999
, 2001 ; ONS,
United Kingdom National
Accounts
,
The Blue Book
, édition 2001.
II. Les recettes et les dépenses
Comment expliquer les écarts de prélèvements entre les
différents pays ? Quels choix reflètent-ils et peut-on en
inférer un modèle européen ? Le tableau 4
détaille les comptes des administrations publiques ce qui permet
d'obtenir une vision globale de l'utilisation des prélèvements
obligatoires pour chaque pays. Les dépenses publiques sont
financées par les prélèvements obligatoires mais aussi par
les recettes non fiscales et les déficits.
Ici aussi, l'enregistrement des dépenses publiques effectué par
la Comptabilité nationale ne reflète pas
l'intégralité des interventions économiques et sociales de
l'Etat et plus généralement de la Nation. Si les TPO ne prennent
pas en compte les dépenses fiscales, les dépenses publiques n'en
tiennent elles non plus pas compte.
Certains avantages fiscaux se substituent directement à des
dépenses sociales ; par exemple, le Royaume-Uni accorde une
réduction d'impôts pour les frais médicaux privés
des personnes de plus de 60 ans. De même, les réductions
d'impôt au titre des systèmes contractuels de substitution au
régime national d'assurance y représentaient 3,1 % du PIB en
1993. D'autres avantages fiscaux sont accordés pour encourager l'achat
de prestations privées sociales se substituant aux dépenses
publiques. C'est notamment le cas aux Etats-Unis, où des avantages
fiscaux sont accordés aux employeurs qui contribuent aux programmes
d'assurance maladie.
Il faut aussi tenir compte des dépenses privées obligatoires
à caractère social. Par exemple, en Allemagne, au Danemark et en
Suède, les employeurs versent pour une durée
déterminée des indemnités maladie en cas d'arrêt
maladie, non remboursées par l'Etat. Au Royaume-Uni, 20 % de ces
mêmes dépenses ne sont pas remboursées.
Nous ne disposons pas des données nécessaires pour corriger les
chiffres de la CN. Cependant, une étude de l'OCDE (1997)
52
(
*
)
montre que les écarts,
pour ce qui est des montants des seules dépenses sociales, passent de
15,5 à 8 points de PIB entre la Suède et le Royaume-Uni
après prise en compte des éléments énoncés
plus haut. Pour les même raisons, la situation relative des Pays-Bas et
de l'Allemagne est inversée après prise en compte des avantages
fiscaux, particulièrement élevés en Allemagne.
Ces réserves faites, les recettes fiscales s'étagent de 53 %
en Suède et 51,2 % au Danemark, à 36,9 % au Portugal et
35,4 % en Espagne. Les différentiels de taux de pression fiscale
restent donc importants.
Les recettes non fiscales comportent les intérêts reçus,
parfois importants pour des pays où des caisses de retraites ont
accumulé des actifs importants (Suède, Danemark, Finlande,
Espagne).
Les soldes ont subi de fortes variations tout au long de la décennie
1990. Pour l'année 1999, les bons élèves sont le Danemark,
le Royaume-Uni et la Finlande et les Pays-Bas. Quand le taux
d'intérêt est peu éloigné du taux de croissance du
PIB en valeur, la contrainte de stabilité de la dette est la
nullité du solde primaire. Tous les pays de l'UE avait en 1999 un solde
primaire positif. Ceci signifie qu'ils étaient en phase de
réduction de dette, que leurs recettes fiscales étaient
supérieures au niveau impliqué par leurs dépenses
primaires. L'écart est de l'ordre de 6 points pour la Belgique et le
Luxembourg ; de 5 points pour la Grèce et le Danemark ; de 4
points pour le Royaume-Uni, l'Italie et les Pays-Bas ; de 3 points pour
l'Irlande et la Suède ; de 2 points pour la Finlande ; de 1
point pour l'Allemagne, la France et l'Espagne. Il est pratiquement nul pour
l'Autriche et le Portugal. Les pays auront donc une marge à l'avenir
pour réduire leur taux de prélèvement obligatoire.
Les dépenses publiques primaires vont de 31 % du PIB en Irlande et
36 % au Royaume-Uni et en Espagne à 49 % au Danemark et
52 % en Suède. De 1990 à 1999, la part des dépenses
publiques primaires a augmenté de 2 points au Portugal et en France. Par
contre, elle a baissé de 2 points en Italie et en Espagne, de 8 points
aux Pays-Bas, de 11 points en Suède.
Les dépenses collectives (il s'agit des dépenses liées
à l'administration générale, la sécurité, la
défense nationale, la recherche et développement, la protection
de l'environnement etc.) sont relativement proches, de l'ordre de 8 % du
PIB avec 9,5 % en France et en Grèce, 11 % aux Pays-Bas et
seulement 5 % en Irlande.
Les dépenses individualisables (enseignement, santé,
sécurité sociale, culture, fourniture de logement etc.) et la
protection sociale représentent de 30 à 34 % du PIB. Deux
groupes de pays s'écartent de la moyenne, vers le haut pour les pays
scandinaves, le Danemark (35 %) et la Suède (38 %) ; vers
le bas pour l'Irlande (19 %), la Grèce (21 %), l'Espagne
(22 %) et le Royaume-Uni (25 %). Les Pays-bas, où la
protection sociale est assurée en partie par des organismes
privés, sont aussi à 25 %.
Les dépenses en investissement public sont de l'ordre de 1,8 % du
PIB de l'UE, mais de 1 % seulement au Royaume-Uni, tandis qu'elles
dépassent 3 % dans les pays du Sud.
Les différences de prélèvement obligatoire entre les pays
reflètent essentiellement les choix du montant des dépenses
individualisables et du montant des prestations sociales. Elles
représentent un choix de société entre les dépenses
que chaque ménage doit assurer lui-même et celles qui sont
collectivement fournies, en matière de santé, retraite,
protection contre le chômage, dépenses pour les enfants...
Globalement, un pays continental européen type se caractérise par
des dépenses publiques primaires représentant environ 45 %
du PIB, réparties ainsi : 11 points pour les retraites, 8 pour la
santé, 3 pour le chômage, 3 pour le poste
famille-logement-pauvreté, 6 pour le poste éducation-culture, 3
pour les subventions économiques, 8 pour les dépenses
collectives, 3 points de dépenses en capital. La privatisation partielle
de la retraite et de la santé (à 5 % du PIB chacun), la
réduction des prestations de solidarité (à 3 % du PIB
pour le total chômage-famille), une certaine privatisation de
l'éducation (limitant le financement public 4 % du PIB), un peu
moins de subventions et de dépenses collectives (1 point de moins au
total) permettent de passer à 30 points de PIB, soit au modèle
américain.
Tableau 4 : Comptes des administrations, en % du PIB
|
|
Recettes fiscales |
Recettes non fiscales (1) |
Solde |
Dépenses courantes (2) |
Intérêt de la dette |
Prestations sociales |
FBCF |
Dépenses publiques |
Dépenses primaires (3) |
||||
|
|
|
Total |
Dont : |
|
Total |
Dont : |
Y compris : |
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
Intérêts |
|
|
Dépenses individ. |
Dépenses collectives |
Rémunération des salariés |
|
|
|
|
|
Allemagne |
1991 |
39,7 |
2,8 |
1,1 |
- 3,1 |
22,3 |
10,5 |
8,7 |
9,0 |
2,8 |
15,7 |
2,8 |
43,8 |
41,0 |
|
1999 |
43,2 |
2,3 |
0,8 |
- 1,4 |
22,7 |
11,1 |
7,9 |
8,3 |
3,5 |
18,9 |
1,8 |
46,9 |
43,4 |
Autriche |
1990 |
42,8 |
4,3 |
2,1 |
- 2,4 |
25,5 |
11,4 |
7,6 |
11,9 |
4,1 |
18,7 |
3,0 |
49,5 |
45,4 |
|
1999 |
45,8 |
1,7 |
1,2 |
- 2,1 |
24,6 |
11,9 |
7,7 |
11,4 |
3,5 |
17,8 |
1,8 |
49,5 |
46,0 |
Belgique |
1990 |
43,9 |
3,3 |
1,3 |
- 6,7 |
24,1 |
12,8 |
7,5 |
11,2 |
11,9 |
16,2 |
1,7 |
53,9 |
42,0 |
|
1999 |
47,5 |
2,4 |
0,8 |
- 0,7 |
25,9 |
13,7 |
7,7 |
11,6 |
7,2 |
15,7 |
1,8 |
50,6 |
42,4 |
Danemark |
1990 |
47,6 |
7,0 |
4,6 |
- 1,0 |
28,9 |
17,4 |
8,2 |
17,7 |
7,3 |
17,9 |
1,6 |
55,6 |
48,3 |
|
1999 |
51,2 |
5,3 |
3,2 |
3,1 |
29,6 |
17,5 |
8,0 |
17,1 |
4,6 |
17,5 |
1,7 |
53,4 |
48,8 |
Espagne |
1995 |
33,6 |
3,1 |
1,6 |
- 6,6 |
20,6 |
10,1 |
8,0 |
11,3 |
5,2 |
13,9 |
3,7 |
43,3 |
38,1 |
|
1999 |
35,4 |
2,7 |
1,2 |
- 1,2 |
19,9 |
9,8 |
7,5 |
10,5 |
3,6 |
12,4 |
3,3 |
39,3 |
35,7 |
Finlande |
1990 |
45,8 |
6,1 |
3,8 |
5,3 |
26,5 |
14,2 |
7,4 |
15,1 |
1,4 |
14,9 |
3,8 |
46,6 |
45,2 |
|
1999 |
45,8 |
5,1 |
2,6 |
1,8 |
25,3 |
13,5 |
8,1 |
13,6 |
3,1 |
17,9 |
2,8 |
49,2 |
46,0 |
France |
1990 |
44,0 |
3,2 |
1,2 |
- 2,1 |
25,9 |
12,9 |
9,4 |
12,5 |
2,9 |
16,9 |
3,6 |
49,3 |
46,4 |
|
1999 |
47,1 |
2,8 |
0,6 |
- 1,6 |
26,7 |
14,0 |
9,4 |
13,6 |
3,3 |
18,3 |
3,0 |
51,5 |
48,2 |
Grèce |
1995 |
33,9 |
2,7 |
2,5 |
- 10,2 |
15,7 |
5,9 |
9,4 |
11,3 |
12,7 |
15,1 |
3,2 |
46,8 |
34,1 |
|
1999 |
39,2 |
2,7 |
2,3 |
- 1,8 |
14,5 |
5,9 |
9,3 |
11,5 |
8,8 |
14,5 |
4,1 |
43,7 |
34,9 |
Irlande |
1990 |
34,8 |
2,6 |
1,7 |
- 2,8 |
18,2 |
9,8 |
6,6 |
10,4 |
7,9 |
11,9 |
2,1 |
40,2 |
32,3 |
|
1999 |
33,2 |
1,8 |
1,1 |
1,9 |
17,6 |
8,9 |
5,0 |
8,2 |
2,5 |
10,2 |
2,6 |
33,1 |
30,6 |
Italie |
1990 |
39,4 |
1,7 |
0,6 |
- 11,8 |
23,6 |
12,3 |
7,9 |
12,6 |
10,5 |
15,4 |
3,3 |
52,9 |
42,4 |
|
1999 |
43,2 |
1,8 |
0,6 |
- 1,8 |
20,2 |
10,8 |
7,2 |
10,7 |
6,7 |
17,2 |
2,5 |
46,8 |
40,1 |
Lux. |
1990 |
40,8 |
7,2 |
4,1 |
4,7 |
23,6 |
9,1 |
8,4 |
10,0 |
0,4 |
14,8 |
4,5 |
43,3 |
42,9 |
|
1999 |
43,1 |
4,7 |
1,8 |
4,7 |
23,4 |
9,9 |
7,4 |
8,7 |
0,3 |
15,1 |
4,3 |
43,1 |
42,8 |
Pays-Bas |
1995 |
40,6 |
5,6 |
2,9 |
- 9,1 |
31,2 |
12,5 |
11,6 |
10,8 |
5,9 |
15,3 |
3,0 |
55,3 |
49,4 |
|
1999 |
42,4 |
4,4 |
1,8 |
1,0 |
25,6 |
12,1 |
11,0 |
10,3 |
4,5 |
12,6 |
3,1 |
46,0 |
41,5 |
Portugal |
1995 |
34,6 |
2,9 |
1,1 |
- 4,6 |
20,3 |
10,7 |
8,0 |
13,7 |
6,2 |
11,8 |
3,7 |
42,1 |
35,9 |
|
1999 |
36,9 |
2,5 |
0,6 |
- 2,1 |
20,7 |
11,7 |
8,1 |
14,4 |
3,2 |
13,5 |
4,1 |
41,5 |
38,3 |
R-U |
1990 |
36,7 |
2,5 |
1,6 |
- 1,5 |
23,2 |
10,7 |
9,2 |
12,0 |
3,8 |
11,9 |
2,6 |
41,7 |
37,9 |
|
1999 |
38,1 |
2,2 |
0,8 |
1,3 |
21,5 |
10,9 |
7,6 |
7,5 |
3,0 |
13,5 |
1,1 |
39,0 |
36,0 |
Suède |
1993 |
48,8 |
8,9 |
2,4 |
- 11,9 |
36,8 |
20,2 |
8,2 |
19,1 |
6,0 |
23,3 |
3,3 |
69,6 |
63,6 |
|
1999 |
53,0 |
5,8 |
2,2 |
1,7 |
30,4 |
19,2 |
7,7 |
16,5 |
5,0 |
18,9 |
2,7 |
57,1 |
52,1 |
Japon |
1990 |
30,0 |
3,6 |
0,6 |
2,8 |
11,1 |
8,8 |
6,8 |
3,8 |
11,0 |
4,9 |
30,8 |
27,0 |
|
|
1998 |
27,9 |
3,3 |
0,7 |
10,1 |
17,8 |
9,9 |
7,4 |
3,7 |
14,2 |
5,6 |
41,3 |
37,6 |
Interprétation : Recettes fiscales + recettes non
fiscales - solde public - intérêts nets = prestations sociales +
dépenses courantes + dépenses en capital.
(1) Les recettes non fiscales incluent l'excédent d'exploitation et les
revenus de la propriété.
(2) Ces dépenses comprennent aussi les subventions, les transferts nets
et les acquisitions d'actifs non financiers non produits.
(3) Les dépenses publiques primaires sont les dépenses publiques
hors les intérêts de la dette.
Sources : OCDE, Comptes nationaux des pays de l'OCDE, tableaux détaillés, volume II - 1988-1999 , 2001 ; calculs des auteurs.
III.
Structure fiscale et incidence des impôts
Il est d'abord possible de classer les impôts selon leur assiette
(tableaux 5 et 6). L'importance des différentes assiettes varie
fortement selon les pays :
Comparée aux Etats-Unis, l'UE se caractérise par le poids
important des cotisations sociales et des taxes portant sur le prix des
produits. Par contre, le poids de l'impôt sur le revenu des
ménages est plus important aux Etats-Unis.
Les pays scandinaves font jouer un grand rôle à l'impôt sur
le revenu des ménages. Celui-ci reste peu important dans des pays du Sud
(Portugal, Grèce, Espagne) ainsi qu'aux Pays-Bas.
Le poids de l'impôt sur les sociétés est faible en
Allemagne et en Autriche ; il n'est particulièrement fort qu'en
Finlande et au Luxembourg.
L'impôt sur le patrimoine est important au Luxembourg et au Royaume-Uni,
à un degré moindre en France.
Les cotisations sociales pèsent fortement sur les salaires dans les pays
Bismarkiens (Autriche, France, Suède, Pays-Bas). Ils sont peu importants
au Danemark, en Irlande, au Royaume-Uni.
Les impôts sur les produits sont particulièrement
élevés au Danemark et au Portugal.
La comparaison du poids des différents impôts en 1990 et en 2000
ne montre guère de grands bouleversements. Pratiquement, tous les
impôts ont légèrement augmenté en pourcentage du
PIB, de façon homothétique. Toutefois, le poids des cotisations
sociales a très légèrement diminué de 0,3 point de
PIB (la baisse provient en fait de l'introduction de la CSG) en France.
Une autre décomposition consiste à classer les impôts en
fonction de leur répercussion économique (tableaux 7 et 8), soit
en cinq catégories, selon qu'ils pèsent sur :
-
Les ménages (IR, impôts sur le patrimoine, cotisations sociales
salariés...).
Les entreprises : (IS).
Le coût du travail (cotisations sociales employeurs et taxes sur les salaires).
Les autres coûts de production (impôts sur l'actif des sociétés, etc.).
Le prix des produits (impôts sur la production).
Tableau 5 : Structure des recettes fiscales selon l'assiette des taxes, en % des recettes (2000, sauf (1))
|
ALL |
AUT |
BEL |
DAN |
ESP |
FIN |
FRA |
GRC |
IRL |
ITA |
LUX |
PB. |
PRT |
SUE. |
RU |
UE |
JAP |
EU |
Impôts sur le revenu
|
30,1 |
28,5 |
39,3 |
59,0 |
28,0 |
44,1 |
25,0 |
27,4 |
42,2 |
33,6 |
35,7 |
25,2 |
28,8 |
42,1 |
38,4 |
32,3 |
33,7 |
49,1 |
25,3 |
22,2 |
31,1 |
52,4 |
18,7 |
32,5 |
18,3 |
13,1 |
30,1 |
23,9 |
18,1 |
15,1 |
16,9 |
35,2 |
28,6 |
24,8 |
20,9 |
40,7 |
|
4,8 |
4,7 |
8,1 |
4,8 |
8,6 |
11,7 |
6,7 |
11,7 |
12,1 |
6,0 |
17,5 |
10,1 |
11,7 |
6,9 |
9,8 |
7,3 |
12,8 |
8,3 |
|
Prélèvement sur les salaires
|
39,1 |
40,5 |
30,8 |
4,9 |
35,1 |
23,9 |
38,2 |
30,8 |
13,3 |
28,3 |
25,4 |
39,4 |
25,4 |
32,8 |
16,8 |
31,5 |
37,0 |
23,9 |
39,1 |
34,3 |
30,8 |
4,6 |
35,1 |
23,9 |
36,2 |
30,3 |
12,9 |
28,3 |
25,4 |
39,4 |
25,4 |
28,4 |
16,8 |
30,6 |
37,0 |
23,9 |
|
0,0 |
6,2 |
0,0 |
0,3 |
0,0 |
0,0 |
2,0 |
0,5 |
0,3 |
0,0 |
0,0 |
0,0 |
0,0 |
4,4 |
0,0 |
0,9 |
0,0 |
0,0 |
|
Impôt sur le patrimoine |
2,3 |
1,4 |
3,3 |
3,3 |
6,2 |
2,5 |
6,7 |
5,2 |
5,5 |
4,3 |
10,5 |
5,4 |
3,3 |
3,6 |
11,8 |
5,9 |
10,2 |
10,7 |
Impôts sur les Biens et services
|
28,1 |
28,4 |
25,4 |
32,4 |
29,7 |
29,2 |
26,1 |
36,2 |
38,4 |
28,1 |
28,0 |
28,4 |
41,3 |
21,2 |
32,5 |
28,9 |
18,9 |
16,4 |
18,3 |
19,1 |
16,1 |
19,6 |
17,6 |
17,4 |
16,6 |
22,1 |
22,0 |
15,6 |
14,0 |
17,4 |
23,7 |
13,6 |
18,5 |
17,9 |
8,9 |
0,0 |
|
7,5 |
5,9 |
5,0 |
10,5 |
7,7 |
9,2 |
6,3 |
10,6 |
13,8 |
6,3 |
12,1 |
8,3 |
13,5 |
6,5 |
10,6 |
8,2 |
7,1 |
5,1 |
|
Autres |
0,4 |
1,2 |
1,1 |
0,4 |
1,0 |
0,3 |
4,0 |
0,5 |
0,6 |
5,7 |
0,5 |
1,7 |
1,3 |
0,4 |
0,5 |
1,4 |
0,2 |
0,0 |
(1)
Année 1999 pour l'Irlande, le Portugal et les Etats-Unis.
Source : OCDE,
Statistiques des recettes publiques
, 2001.
Tableau 6 : Structure des recettes fiscales selon l'assiette des taxes en % du PIB (2000, sauf (1))
|
ALL |
AUT |
BEL |
DAN |
ESP |
FIN |
FRA |
GRC |
IRL |
ITA |
LUX |
PB. |
PRT |
SUE. |
RU |
UE |
JAP |
EU |
Impôts sur le revenu
|
11,4 |
12,3 |
18,1 |
28,5 |
9,9 |
20,5 |
11,4 |
10,4 |
13,6 |
14,2 |
15,0 |
10,5 |
9,9 |
22,5 |
14,5 |
13,2 |
9,1 |
14,2 |
9,6 |
9,6 |
14,3 |
25,3 |
6,6 |
15,1 |
8,3 |
5,0 |
9,7 |
10,1 |
7,6 |
6,3 |
5,8 |
18,8 |
10,8 |
10,1 |
5,7 |
11,8 |
|
1,8 |
2,0 |
3,7 |
2,3 |
3,0 |
5,4 |
3,1 |
4,4 |
3,9 |
2,5 |
7,4 |
4,2 |
4,0 |
3,7 |
3,7 |
3,0 |
3,5 |
2,4 |
|
Prélèvement sur les salaires
|
14,8 |
17,5 |
14,2 |
2,4 |
12,4 |
11,1 |
17,4 |
11,7 |
4,3 |
12,0 |
10,7 |
16,4 |
8,7 |
17,5 |
6,3 |
12,8 |
10,0 |
6,9 |
14,8 |
14,8 |
14,2 |
2,2 |
12,4 |
11,1 |
16,5 |
11,5 |
4,2 |
12,0 |
10,7 |
16,4 |
8,7 |
15,2 |
6,3 |
12,5 |
10,0 |
6,9 |
|
0,0 |
2,7 |
0,0 |
0,2 |
0,0 |
0,0 |
0,9 |
0,2 |
0,1 |
0,0 |
0,0 |
0,0 |
0,0 |
2,3 |
0,0 |
0,4 |
0,0 |
0,0 |
|
Impôt sur le patrimoine |
0,9 |
0,6 |
1,5 |
1,6 |
2,2 |
1,1 |
3,0 |
2,0 |
1,8 |
1,8 |
4,4 |
2,2 |
1,1 |
1,9 |
4,4 |
2,4 |
2,8 |
3,1 |
Impôts sur les Biens et services
|
10,6 |
12,3 |
11,7 |
15,7 |
10,5 |
13,6 |
11,9 |
13,7 |
12,4 |
11,9 |
11,8 |
11,8 |
14,2 |
11,3 |
12,2 |
11,8 |
5,1 |
4,7 |
6,9 |
8,3 |
7,4 |
9,5 |
6,2 |
8,1 |
7,5 |
8,4 |
7,1 |
6,6 |
5,9 |
7,3 |
8,1 |
7,3 |
7,0 |
7,3 |
2,4 |
0,0 |
|
2,8 |
2,5 |
2,3 |
5,1 |
2,7 |
4,3 |
2,9 |
4,0 |
4,5 |
2,7 |
5,1 |
3,5 |
4,6 |
3,5 |
4,0 |
3,3 |
1,9 |
1,5 |
|
Autres |
0,2 |
0,5 |
0,5 |
0,2 |
0,4 |
0,1 |
1,8 |
0,2 |
0,2 |
2,4 |
0,2 |
0,7 |
0,4 |
0,2 |
0,2 |
0,6 |
0,1 |
0,0 |
Total |
37,8 |
43,3 |
46,0 |
48,4 |
35,3 |
46,5 |
45,5 |
38,0 |
32,3 |
42,3 |
42,0 |
41,7 |
34,3 |
53,3 |
37,7 |
40,8 |
27,1 |
28,9 |
(1)
Année 1999 pour l'Irlande, le Portugal et les Etats-Unis.
Source : OCDE,
Statistiques des recettes publiques
, 2001.
Tableau 6 bis : Structure des recettes fiscales selon l'assiette des taxes en % du PIB (1990)
|
ALL |
AUT |
BEL |
DAN |
ESP |
FIN |
FRA |
GRC |
IRL |
ITA |
LUX |
PB. |
PRT |
SUE. |
RU |
UE |
EU |
Impôts sur le revenu
|
11,5 |
10,3 |
16,2 |
27,6 |
10,2 |
19,3 |
6,9 |
5,8 |
12,4 |
14,2 |
16,0 |
13,8 |
7,6 |
22,3 |
14,1 |
12,4 |
11,9 |
9,8 |
8,5 |
13,9 |
24,8 |
7,2 |
17,2 |
4,6 |
4,1 |
10,7 |
10,2 |
9,6 |
10,6 |
4,7 |
20,6 |
10,0 |
9,6 |
9,9 |
|
1,7 |
1,4 |
2,4 |
1,5 |
2,9 |
2,0 |
2,3 |
1,6 |
1,7 |
3,9 |
6,4 |
3,2 |
2,3 |
1,7 |
4,2 |
2,7 |
2,0 |
|
Prélèvement sur les salaires
|
13,3 |
15,7 |
14,3 |
1,7 |
11,8 |
9,7 |
19,7 |
9,1 |
5,4 |
12,9 |
11,1 |
16,0 |
8,0 |
15,9 |
6,1 |
13,1 |
6,8 |
13,3 |
13,3 |
14,3 |
1,4 |
11,8 |
9,7 |
18,9 |
8,9 |
5,0 |
12,8 |
11,1 |
16,0 |
8,0 |
14,6 |
6,1 |
12,8 |
6,8 |
|
0,0 |
2,4 |
0,0 |
0,3 |
0,0 |
0,0 |
0,8 |
0,2 |
0,4 |
0,1 |
0,0 |
0,0 |
0,0 |
1,3 |
0,0 |
0,3 |
0,0 |
|
Impôt sur le patrimoine |
1,2 |
1,1 |
1,2 |
2,0 |
1,8 |
1,1 |
2,7 |
1,4 |
1,6 |
0,9 |
3,4 |
1,6 |
0,8 |
1,9 |
2,9 |
1,8 |
3,0 |
Impôts sur les Biens et services
|
9,5 |
12,7 |
11,4 |
15,8 |
9,4 |
14,6 |
12,2 |
13,1 |
14,2 |
10,9 |
10,3 |
11,3 |
12,9 |
13,4 |
11,1 |
11,1 |
4,5 |
5,9 |
8,4 |
7,1 |
8,7 |
5,2 |
8,7 |
7,9 |
7,2 |
6,9 |
5,7 |
4,8 |
7,1 |
5,8 |
8,0 |
6,1 |
6,6 |
0,0 |
|
2,4 |
2,5 |
2,1 |
4,7 |
1,9 |
4,3 |
2,7 |
3,5 |
5,7 |
3,0 |
4,1 |
2,5 |
4,1 |
3,9 |
3,5 |
2,9 |
1,3 |
|
Autres |
0,0 |
0,5 |
0,0 |
0,0 |
0,0 |
0,1 |
1,4 |
0,0 |
0,0 |
0,0 |
0,1 |
0,1 |
0,2 |
0,1 |
1,5 |
0,5 |
0,0 |
Total |
35,6 |
40,5 |
43,2 |
47,1 |
33,2 |
44,7 |
42,9 |
29,3 |
33,5 |
38,9 |
40,9 |
42,8 |
29,4 |
53,6 |
35,8 |
38,9 |
26,2 |
Source : OCDE, Statistiques des recettes publiques , 2001.
Tableau 7 : Structure des recettes fiscales selon leur répercussion économique immédiate en % des recettes (1999)
|
ALL |
AUT |
BEL |
DAN |
ESP |
FIN |
FRA |
GRC |
IRL |
ITA |
LUX |
PB. |
PRT |
SUE. |
RU |
UE |
JAP |
EU |
Revenu des ménages |
46,3 |
41,3 |
43,9 |
54,9 |
33,2 |
38,0 |
32,4 |
32,7 |
35,8 |
34,9 |
35,9 |
51,0 |
28,0 |
44,2 |
41,7 |
39,3 |
36,6 |
56,6 |
Revenu des entreprises |
4,8 |
4,1 |
7,9 |
5,9 |
8,0 |
9,1 |
6,4 |
8,7 |
12,1 |
7,7 |
17,6 |
10,1 |
11,7 |
6,0 |
10,4 |
7,2 |
12,9 |
8,3 |
Coût du travail |
19,3 |
23,0 |
19,3 |
1,3 |
24,1 |
20,1 |
27,1 |
14,5 |
8,5 |
20,1 |
11,1 |
6,0 |
14,5 |
26,7 |
9,7 |
18,3 |
19,1 |
12,2 |
Autres coûts de production |
0,2 |
0,5 |
0,8 |
0,2 |
0,7 |
0,3 |
4,1 |
0,2 |
0,7 |
4,5 |
4,7 |
0,6 |
0,1 |
0,3 |
0,4 |
1,3 |
0,3 |
0,9 |
Prix des produits |
27,1 |
26,9 |
23,3 |
30,9 |
27,7 |
30,2 |
25,9 |
35,1 |
36,6 |
25,0 |
27,5 |
25,6 |
40,8 |
20,8 |
30,6 |
27,8 |
17,9 |
14,4 |
Divers |
2,4 |
4,2 |
4,9 |
6,8 |
6,3 |
2,3 |
4,2 |
8,8 |
6,3 |
7,9 |
3,3 |
6,7 |
4,9 |
2,0 |
7,2 |
6,2 |
13,3 |
7,5 |
Source : OCDE, Statistiques des recettes publiques , 2001 ; calculs des auteurs.
Tableau 8 : Structure des recettes fiscales selon leur répercussion économique immédiate en % du PIB (1999)
|
ALL |
AUT |
BEL |
DAN |
ESP |
FIN |
FRA |
GRC |
IRL |
ITA |
LUX |
PB. |
PRT |
SUE |
RU |
UE |
JAP |
EU |
Revenu des ménages |
17,4 |
18,2 |
20,0 |
27,6 |
11,7 |
17,6 |
14,9 |
12,1 |
11,6 |
15,1 |
15,0 |
21,5 |
9,6 |
23,1 |
15,1 |
15,9 |
9,6 |
16,3 |
Revenu des entreprises |
1,8 |
1,8 |
3,6 |
3,0 |
2,8 |
4,2 |
2,9 |
3,2 |
3,9 |
3,3 |
7,3 |
4,2 |
4,0 |
3,2 |
3,8 |
2,9 |
3,4 |
2,4 |
Coût du travail |
7,3 |
10,1 |
8,8 |
0,7 |
8,4 |
9,3 |
12,4 |
5,4 |
2,7 |
8,7 |
4,7 |
2,5 |
5,0 |
13,9 |
3,5 |
7,4 |
5,0 |
3,5 |
Autres coûts de production |
0,1 |
0,2 |
0,4 |
0,1 |
0,3 |
0,2 |
1,9 |
0,1 |
0,2 |
1,9 |
2,0 |
0,3 |
0,0 |
0,1 |
0,2 |
0,5 |
0,1 |
0,3 |
Prix des produits |
10,2 |
11,8 |
10,6 |
15,6 |
9,7 |
14,0 |
11,9 |
13,0 |
11,8 |
10,8 |
11,5 |
10,8 |
14,0 |
10,9 |
11,1 |
11,2 |
4,7 |
4,2 |
Divers |
0,9 |
1,8 |
2,2 |
3,4 |
2,2 |
1,1 |
1,9 |
3,3 |
2,0 |
3,4 |
1,4 |
2,8 |
1,7 |
1,0 |
2,6 |
2,5 |
3,5 |
2,2 |
Total |
37,7 |
43,9 |
45,7 |
50,4 |
35,1 |
46,3 |
45,8 |
37,1 |
32,3 |
43,3 |
41,8 |
42,1 |
34,3 |
52,2 |
36,3 |
40,5 |
26,2 |
28,9 |
Source : OCDE, Statistiques des recettes publiques , 2001 ; calculs des auteurs..
IV. La
centralisation des prélèvements
La répartition des prélèvements entre les types
d'administration est très différenciée selon les
pays :
-
Dans deux des trois pays fédérés (Belgique et
Allemagne), le poids de la fiscalité des Etats est extrêmement
fort, de l'ordre de 10 % du PIB, supérieur à celui des
Etats-Unis.
Dans les pays scandinaves, la fiscalité locale est très importante (de 10 à 15 % du PIB). Dans certains petits pays, elle est en dessous de 1 % (Belgique, Grèce, Irlande).
Le poids des impôts perçus par les administrations centrales va de 11 % du PIB en Allemagne à plus de 25 % (Danemark, Irlande, Royaume-Uni, Suède).
Les recettes propres de la Sécurité sociale sont très faibles dans certains pays où elle est financée par le budget de l'Etat, totalement (Danemark, Suède) ou partiellement (Royaume-Uni, Irlande). Au contraire, elles sont très fortes dans les modèles bismarkiens (France, Pays-Bas, Belgique, Allemagne).
Tableau 9 : Répartition des
prélèvements selon l'administration perceptrice,
en % du total
des recettes
En 1997 |
CE |
Adm. Centrales. |
Etats fédérés |
Adm. locales |
Séc. Sociale |
Allemagne |
1,5 |
29,2 |
22,0 |
7,9 |
39,3 |
Autriche |
1,4 |
51,2 |
9,4 |
10,1 |
27,9 |
Belgique |
1,9 |
34,9 |
23,6 |
4,4 |
35,0 |
Danemark |
1,1 |
62,4 |
-- |
31,5 |
4,1 |
Espagne |
1,9 |
46,7 |
-- |
16,9 |
34,5 |
Finlande |
1,2 |
54,8 |
-- |
22,7 |
26,6 |
France |
1,2 |
42,5 |
-- |
10,0 |
45,1 |
Grèce |
1,8 |
67,6 |
-- |
1,1 |
29,5 |
Irlande |
2,2 |
85,0 |
-- |
1,8 |
11,1 |
Italie |
1,1 |
61,0 |
-- |
9,4 |
26,6 |
Luxembourg |
1,2 |
67,0 |
-- |
5,7 |
25,3 |
Pays-Bas |
2,3 |
54,7 |
-- |
2,7 |
40,0 |
Portugal |
1,8 |
65,0 |
-- |
6,6 |
26,5 |
Royaume-Uni |
1,7 |
76,9 |
-- |
4,1 |
17,3 |
Suède |
1,0 |
61,8 |
-- |
30,3 |
8,8 |
Etats-Unis |
-- |
45,0 |
19,1 |
12,0 |
23,9 |
Japon |
-- |
36,7 |
-- |
26,1 |
37,2 |
Source : OCDE, Statistiques des recettes publiques , 2001.
Tableau 10 : Répartition des prélèvements
selon l'administration perceptrice,
en % du PIB
En 1999 |
CE |
Adm. Centrales |
Etats fédérés |
Adm. locales |
Sécu. Sociale |
Allemagne |
0,6 |
11,0 |
8,3 |
3,0 |
14,8 |
Autriche |
0,6 |
22,5 |
4,1 |
4,4 |
12,2 |
Belgique |
0,9 |
16,0 |
10,8 |
0,2 |
16,0 |
Danemark |
0,6 |
31,5 |
-- |
15,9 |
2,1 |
Espagne |
0,7 |
16,4 |
-- |
5,9 |
12, 1 |
Finlande |
0,6 |
25,3 |
-- |
10,5 |
12,3 |
France |
0,6 |
19,5 |
-- |
4,6 |
20,7 |
Grèce |
0,7 |
25,1 |
-- |
0,4 |
10,9 |
Irlande |
0,7 |
27,4 |
-- |
0,6 |
3,6 |
Italie |
0,5 |
26,4 |
-- |
4,1 |
11,5 |
Luxembourg |
0,5 |
28,0 |
-- |
2,4 |
10,6 |
Pays-Bas |
1,0 |
23,0 |
-- |
1,3 |
16,9 |
Portugal |
0,6 |
22,3 |
-- |
2,3 |
9,1 |
Royaume-Uni |
0,6 |
27,9 |
-- |
1,5 |
6,3 |
Suède |
0,5 |
30,8 |
-- |
15,8 |
4,6 |
Etats-Unis |
-- |
13,0 |
5,5 |
3,5 |
6,9 |
Japon |
-- |
9,8 |
-- |
6,8 |
9,7 |
Source : OCDE, Statistiques des recettes publiques , 2001.
Chapitre 2. 1 : L'imposition des bénéfices
Réjane Hugounenq
L'organisation de la fiscalité des entreprises en Europe, dix
ans après l'ouverture des frontières, est encore à
construire. Les taux effectifs d'imposition, ainsi que les législations
auxquelles sont soumises les entreprises sont relativement disparates, ce qui,
en l'absence d'organisation génère des distorsions. Elles
concernent principalement les entreprises qui opèrent sur l'ensemble du
territoire européen : renchérissement des coûts du
fait de la coexistence de quinze régimes mais aussi, et surtout, des
possibilités d'optimisation fiscale (délocalisation de
sociétés-mères, prix de transferts etc.). Les
délocalisations pures sont, par contre, rares. Les Etats, de leur
côté, par la mise en place de régimes dérogatoires
tentent d'attirer des entreprises sur leur territoire. L'enjeu de la
construction fiscale européenne est clair : soit chaque pays tente
de tirer partie de l'absence de coordination avec des conséquences
dangereuses (concurrence fiscale, baisse de recettes et son corollaire
réduction du rôle de l'Etat), soit la fiscalité des
sociétés est organisée sous l'égide de la
Commission. Cette dernière a déjà mis en place un certain
nombre de directives visant à assurer la neutralité de la
fiscalité vis-à-vis des investissements transnationaux, de
même qu'elle a engagé des procédures de lutte contre la
concurrence fiscale. Mais les avancées sont laborieuses et
insuffisantes. Les dernières propositions concernent la base
d'imposition des sociétés multinationales afin de lutter contre
certaines discriminations et de limiter l'optimisation fiscale. En dépit
de leur intérêt, ces propositions sont insuffisantes pour
permettre aux Etats, de conserver leur autonomie fiscale et les recettes
nécessaires à la pérennité de leurs choix sociaux.
L'adoption d'un taux minimal à l'instar de ce qui s'est fait pour la TVA
devrait compléter ces propositions.
Une entreprise multinationale qui envisage d'investir aujourd'hui dans les pays
de l'UE a fort à faire pour analyser ce que sera sa situation fiscale.
Quinze régimes nationaux d'imposition des bénéfices (IS)
régis par tout un réseau de conventions bilatérales et par
trois directives de la Commission forment l'architecture du système
fiscal européen. Cette complexité est, pour les entreprises,
à la fois une aubaine et une source de coûts. Une aubaine pour les
plus grandes d'entre elles, qui utilisent les divergences fiscales pour
minimiser leurs charges d'imposition (optimisation fiscale). Une source de
coûts pour les petites et moyennes entreprises susceptibles
d'opérer en Europe.
Les Etats, de leur côté, sous l'effet de la pression des
entreprises et des autres Etats tentent d'attirer des entreprises sur leur
territoire (concurrence fiscale). Les entreprises courtisées sont
principalement les grandes entreprises et c'est à leur intention qu'ont
été mis en place par certains Etats membres, des régimes
dérogatoires aux droits communs (la Commission qui les combat en a
recensé plus de 200). Le comportement concurrentiel ne se limite
cependant pas à l'utilisation de ces régimes. Subventions
diverses et fourniture publique d'infrastructures sont autant d'instruments
permettant d'attirer les entreprises. Par ailleurs, comme nous le verrons, les
Etats membres se sont quasiment tous engagés dans un processus de baisse
des taux de l'IS accompagné par l'élargissement de la base
imposable. De sorte que si concurrence il y a, elle se signale certainement
plus par la présence de régimes dérogatoires que par la
baisse des taux.
La Commission, quant à elle, conformément à son engagement
de réalisation du grand marché européen, vise par ses
propositions et directives en matière d'imposition des
bénéfices à assurer la neutralité de la
fiscalité vis-à-vis des investissements transnationaux
53
(
*
)
: les entreprises doivent
pouvoir investir sur l'ensemble du territoire européen sans que la
fiscalité soit une source de coût ou de distorsion
économique
54
(
*
)
.
Des directives ont donc été mises en oeuvre pour éviter
par exemple, les doubles impositions ou encore pour limiter certaines pratiques
d'optimisation fiscale. De même, la Commission a engagé des
procédures de luttes contre la concurrence fiscale à laquelle se
livrent subrepticement les Etats. Mais, les avancées sont laborieuses et
pour certaines d'entre elles, insuffisantes. Les groupes transnationaux
continuent d'optimiser et le système dans son ensemble reste complexe et
non neutre. Telle est aujourd'hui la situation en Europe en matière de
fiscalité des sociétés.
La question urgente, qu'il s'agit de traiter aujourd'hui, en matière de
fiscalité des entreprises n'est pas celle de la comparaison du niveau
des taux d'imposition selon les pays ou encore celle de la
délocalisation des entreprises afin de désigner les bons ou les
mauvais élèves, mais celle de la nécessité de
l'organisation de l'IS au niveau européen. Et ce
précisément pour que les entreprises ne soient pas
incitées à se délocaliser pour des raisons uniquement
fiscales. La non neutralité du système, de même que la
concurrence fiscale (qui contribue aussi à cette non neutralité)
sont coûteuses, en termes d'efficacité économique
55
(
*
)
et de recettes fiscales pour
les Etats.
L'organisation fiscale qui est du ressort de la Commission se heurte, comme
d'ailleurs celle des autres impôts, à l'autonomie fiscale des
Etats membres et au principe de subsidiarité. Cela explique que le choix
de l'harmonisation des bases et des taux qui supprimerait l'ensemble des
problèmes est aujourd'hui inenvisageable. Les Etats la refuseraient au
motif qu'elle nuit à leur souveraineté fiscale. On voit bien
qu'en matière de TVA par exemple, c'est un ensemble de principes
généraux minimal et non l'harmonisation qui a été
choisi.
Quelle organisation mettre en place ? Est-il possible d'instituer un
système d'IS neutre en Europe tout en préservant la
diversité des régimes et sans mettre en péril les recettes
fiscales des Etats membres ? La Commission a récemment émis
un certain nombre de propositions visant à faire avancer le processus de
coordination. Suffiront-elles à enrayer les pratiques de concurrence
fiscale et les menaces de délocalisation des entreprises ? En clair, ces
propositions permettront-elles à chaque Etat, de conserver son autonomie
fiscale et les recettes nécessaires à la pérennité
de leurs choix sociaux ? Ce sont les questions que nous traiterons dans ce
chapitre. Dans un premier temps, cependant, nous présenterons les
régimes nationaux d'IS en Europe et leur évolution ces dix
dernières années et discuterons des problèmes de
délocalisations des entreprises ainsi que des solutions à
apporter. Sachant que le point d'achoppement le plus aigu concerne l'imposition
des entreprises transnationales, nous ferons dans une seconde partie, le point
sur le fonctionnement du système d'imposition tel qu'il s'applique aux
sociétés dont les activités s'étendent sur
l'ensemble du territoire européen. L'évolution des positions de
la Commission en matière de coordination, des comportements
d'optimisation et de concurrence fiscale seront alors évoqués.
I. L'IS en Europe, son poids, son évolution
1. Le poids de l'IS en Europe
Le poids de l'IS (tableau 1) dans les budgets nationaux est relativement proche. Seuls se distinguent, l'Autriche et l'Allemagne (avec des recettes nettement inférieures à la moyenne), le Luxembourg et dans une moindre mesure le Royaume-Uni (avec des recettes d'IS légèrement supérieures à l'ensemble des autres pays). Au cours de la décennie 1990, le poids de l'IS a légèrement progressé dans l'ensemble des pays de l'UE (sauf pour le RU). Cette progression est en grande partie due aux évolutions conjoncturelles (les entreprises ont des profits plus élevés), les modifications structurelles opérées dans les pays membres au cours des dernières années s'étant compensées.
Tableau 1 : Impôt sur les sociétés en % du PIB
|
1980 |
1990 |
1996 |
1997 |
1998 |
1999 |
2000 |
2001* |
2002* |
Autriche |
1,4 |
1,3 |
1,8 |
1,8 |
1,8 |
1,7 |
1,7 |
1,8 |
1,8 |
Allemagne |
1,8 |
1,8 |
1,7 |
1,9 |
1,9 |
2,0 |
2,1 |
1,9 |
1,9 |
Belgique |
2,2 |
2,4 |
3,1 |
3,5 |
3,6 |
3,5 |
3,5 |
3,5 |
3,4 |
Danemark |
1,5 |
2,6 |
3,4 |
3,7 |
3,6 |
3,6 |
3,5 |
3,5 |
3,5 |
Espagne |
1,2 |
3,1 |
2,1 |
2,1 |
2,1 |
2,1 |
2,1 |
2,1 |
2,1 |
Finlande |
1,2 |
2,0 |
3,0 |
3,7 |
3,7 |
3,7 |
3,8 |
3,6 |
3,5 |
France |
2,1 |
2,4 |
1,9 |
2,2 |
2,7 |
2,9 |
2,9 |
2,8 |
2,8 |
Grèce |
0,5 |
1,7 |
2,2 |
2,4 |
2,9 |
3,2 |
3,3 |
3,3 |
3,2 |
Irlande |
1,5 |
2,2 |
3,6 |
3,7 |
3,7 |
3,7 |
3,5 |
3,4 |
3,3 |
Italie |
2,4 |
3,7 |
4,2 |
4,3 |
3,9 |
4,1 |
4,1 |
3,9 |
3,9 |
Luxembourg |
7,6 |
6,6 |
6,9 |
8,3 |
8,3 |
8,2 |
8,2 |
8,0 |
7,6 |
Pays-Bas |
3,0 |
3,4 |
4,1 |
4,6 |
4,5 |
4,5 |
4,4 |
4,2 |
4,2 |
Portugal |
0,9 |
2,5 |
2,7 |
2,8 |
2,8 |
2,9 |
3,0 |
3,1 |
3,1 |
RU |
2,9 |
4,1 |
3,8 |
4,3 |
4,7 |
4,7 |
4,8 |
4,7 |
4,7 |
Suède |
1,2 |
2,0 |
3,1 |
2,8 |
2,9 |
2,9 |
2,8 |
2,7 |
2,6 |
Europe |
2,2 |
2,9 |
2,7 |
3,0 |
3,1 |
3,2 |
3,2 |
3,2 |
3,1 |
*
Estimations/Prévisions.
Sources : Commission européenne/Eurostat.
2. Les modifications structurelles de la décennie 1990
Les
réformes fiscales mises en oeuvre tout au long de la décennie
1990 ont toutes été façonnées par l'idée
selon laquelle, tout prélèvement autre que forfaitaire
étant source de distorsions
56
(
*
)
, il est préférable que l'impôt,
pour un montant de recette donné, soit prélevé à un
taux relativement faible quitte à ce que la base d'imposition soit la
plus large possible.
De fait, pour la raison évoquée ci-dessus, mais aussi pour des
effets d'affichages en termes d'attractivité fiscale, les pays de l'UE
n'ont cessé tout au long des années 1990 de diminuer les taux
d'imposition sur les bénéfices (tableau 2). L'Allemagne avait
deux taux d'imposition sur les sociétés : 30 et 40 %
(respectivement pour les bénéfices distribués et non
distribués) qui ont été ramenés par la
réforme 2000 au taux unique de 25 %. La Grande-Bretagne a un
barème progressif qui commence à 10 et se termine à 30. En
Suède, le taux est unique, fixé à 28 %. L'Italie a
introduit la DIT (Dual Income Tax), ce qui revient à pratiquer un
barème progressif (en fonction de la rentabilité de l'entreprise)
à deux taux : 19 (pour la rentabilité normale) et 36 %
(pour la rentabilité exceptionnelle). Le taux français, a lui
aussi subi par rapport à son niveau des années 1980 une forte
baisse mais reste, compte tenu des majorations qui subsistent, aux alentours de
35 % soit avec les Pays-Bas dans le haut de la fourchette dans l'Union
européenne. L'Irlande a un double système : un taux normal
d'imposition sur les sociétés comparable à celui de la
Grande-Bretagne -- c'est à dire un taux progressif dont la fourchette se
situe entre 22 et 34 % -- et un taux de 10 % pour des
activités manufacturières localisées dans des zones
préférentielles. Ce mouvement de baisse des taux engagé
depuis une décennie perdure. Les Irlandais, par exemple, en
prévision d'une éventuelle condamnation pour compétition
fiscale déloyale, envisagent de fusionner en 2003 tous leurs
régimes sur la base d'un taux unique de 12,5 %.
On remarque qu'aujourd'hui, hormis le cas particulier de l'Irlande, le taux
nominal d'IS est en moyenne en Europe de 30 %.
Tableau 2 : Evolution des taux nominaux de l'IS
|
Taux normal hors surcharge (1 ) |
Autriche |
34 % |
Allemagne |
Avant
2000 : Taux sur les bénéfices réinvestis :
40 %
|
Belgique |
39 % |
Danemark |
1999 :
32 %
|
Espagne |
35 % |
Finlande |
1999 :
28 %
|
France |
50 %
fin de la décennie 1980
|
Grande-Bretagne |
33 %
début des années 1990
|
Grèce |
1999 :
40 %
|
Irlande |
10 % (3) |
Italie |
37 %
avant 1998
|
Luxembourg |
30 % |
Portugal |
1999 :
34 %
|
Pays-Bas |
35 % tout au long de la décennies 90 |
Suède |
28 % |
(1) Taux
maximal
hors surcharges
. Il existe par ailleurs dans tous les pays des
taux réduits pour les PME ou pour les entreprises dont le chiffre
d'affaires est en deçà d'un certain montant.(voir annexes pour
plus de précisions sur les pays).
(2) Le taux normal de l'IS a été l'objet de nombreuses surcharges
tout au long des années 1990 pour atteindre près de 42 % en
1997 avant de redescendre en 2002 à 35,43 %. Le taux sera de 34,43%
en 2003 (voir annexes sur la France pour plus de précisions).
(3) L'Irlande a un double système : un taux normal d'imposition sur les
sociétés -- soit un taux progressif dont la fourchette se situe
entre 22 et 34 % -- et un taux de 10 % pour des activités
manufacturières localisées dans diverses zones
préférentielles. On peut considérer que le taux normal est
de 10 % dans la mesure ou les entreprises qui se délocalisent en
Irlande pour des raisons fiscales s'installent précisément dans
ces zones préférentielles.
(4) L'application de l'un ou de l'autre taux dépend de la
rentabilité du capital. Le barème est progressif, le taux moyen
comme le taux marginal croissent avec la rentabilité du capital.
Sources: Rapport Commission européenne 2001(935), Eurostat.
Les pays membres étant confrontés tout au long des années
1990 à des impératifs budgétaires, les modifications de
taux se sont quasiment toutes traduites par un élargissement de la base
d'imposition. L'Allemagne a par exemple durci sa position en matière de
règles d'amortissement. La Grande-Bretagne a réduit certains
avantages comme l'exonération des dividendes reçus de
sociétés résidentes pour certains types d'actionnaires,
etc.
Il est
à priori
difficile, à partir de la seule analyse
qualitative de l'évolution des taux et des éléments
constitutifs de la base imposable, de se prononcer sur l'évolution de la
charge fiscale supportée par les entreprises dans chaque pays
.
La
baisse du taux nominal de l'IS ne signifie pas nécessairement
réduction de la charge fiscale pour les entreprises, ni même
diminution des recettes fiscales pour l'Etat. En effet, des compensations
peuvent s'effectuer entre taux et bases et entre les éléments de
la base elle-même, et ce à la fois au niveau de l'entreprise mais
aussi au niveau global. Par exemple, un pays qui impose des restrictions sur
les pratiques d'évaluation des biens immatériels pourra les
compenser par un régime d'amortissement favorable sur les biens
tangibles. Où en est-on aujourd'hui des charges d'IS pesant sur les
entreprises des différents Etats membres, autrement dit qu'en est-il du
taux effectif d'imposition ?
3. Taux moyens effectifs d'imposition dans les pays de l'UE
Dans son
dernier rapport sur l'imposition des entreprises en Europe
57
(
*
)
, la Commission mesure
quantitativement l'ampleur des divergences entre les régimes fiscaux.
Elle calcule pour cela un taux moyen d'imposition effectif,
c'est-à-dire, le taux d'imposition que supporte un investissement type
qui rapporterait avant impôt une rentabilité de 20 %
(tableaux 3 et 4).
Ces taux doivent être interprétés avec précaution.
Ils tiennent compte non seulement de l'IS (base et taux nominal d'imposition y
compris les surcharges), mais aussi de la fiscalité locale. Autrement
dit, des éléments fiscaux comme par exemple la taxe
professionnelle ou les impôts fonciers pour la France entrent en ligne de
compte. Ces derniers impôts n'ont pas forcément comme base
d'imposition le bénéfice. Les différences ne sont donc pas
seulement dues à l'IS. Par ailleurs, pour ce qui est de l'IS, si une
bonne partie des éléments constitutifs de ces impôts sont
considérés (taux, provisions, crédit d'impôts,
etc.), d'autres comme le traitement des pertes ou le report des déficits
sont ignorés. Enfin, il s'agit d'investissements type portant sur un
actif composite (combinaison de machines, de biens intangibles, etc.) avec un
mode de financement qui combine dans des proportions fixées
l'autofinancement, l'endettement et l'émission d'actions. Leur
représentativité est donc soumise à questionnement.
Quoiqu'il en soit des modalités de calculs, il ressort des analyses de
la Commission que les charges fiscales auxquelles sont soumises les entreprises
dans le cadre des investissements domestiques sont relativement disparates
(tableaux 3 et 4). Trois groupes de pays peuvent être distingués.
L'Irlande et les pays du Nord de l'Europe (Suède, Finlande) avec des
taux inférieurs à 25 %. Un groupe de pays (Italie,
Grande-Bretagne, Danemark, Autriche, etc.) avec un taux proche de 30 %. Et
enfin, la France et l'Allemagne avec des taux compris entre 35 % et
40 %. L'Allemagne en dépit de sa récente réforme est
toujours en première position, juste devant la France. L'Allemagne a
certes diminué son taux nominal d'imposition mais a élargi sa
base. Si la réforme a effectivement réduit le poids de l'IS, elle
n'a pas modifié la position de ce pays vis-à-vis de ses
partenaires européens. La raison est que l'Allemagne a réduit le
poids d'un impôt initialement très élevé. Quant
à la France, sa position est en partie due à la prise en compte
dans le calcul de l'imposition locale. Celle-ci est d'autant plus importante
qu'elle est un coût fixe pour les entreprises (indépendant de leur
résultat).
Tableau 3 : Taux moyen effectif d'imposition dans les pays membres de l'UE
En 1999 |
Taux légal d'imposition |
Taux nominal utilisé pour le calcul du taux effectif (1) |
Taux moyen effectif d'imposition (2) |
Autriche |
34.00 |
34.00 |
29.8 |
Allemagne |
40.00 |
52.35 |
39.1 |
Belgique |
39.00 |
40.17 |
34.5 |
Danemark |
32.00 |
32.00 |
28.8 |
Espagne |
35.00 |
35.00 |
31.0 |
Finlande |
28.00 |
28.00 |
25.5 |
France |
33.33 |
40.00 |
37.5 |
Grande-Bretagne |
30.00 |
30.00 |
28.2 |
Grèce |
40.00 |
40.00 |
29.6 |
Irlande |
10.00 |
10.00 |
10.5 |
Italie |
37.00 |
41.25 |
29.8 |
Luxembourg |
30.00 |
37.45 |
32.2 |
Pays-Bas |
35.00 |
35.00 |
31.0 |
Portugal |
34.00 |
37.40 |
32.6 |
Suède |
28.00 |
28.00 |
22.9 |
En 2001 |
Taux nominal d'imposition |
Taux nominal utilisé pour le calcul du taux effectif (1) |
Taux moyen effectif d'imposition (2) |
Autriche |
34 |
34 |
27.9 |
Allemagne |
25 |
39,35 |
34.9 |
Belgique |
39 |
40,17 |
34.5 |
Danemark |
30 |
30 |
27.3 |
Espagne |
35 |
35 |
31.0 |
Finlande |
29 |
29 |
26.6 |
France |
33,33 |
36,43 |
34.7 |
Grande-Bretagne |
30 |
30 |
28.3 |
Grèce |
37,5 |
37,50 |
28.0 |
Irlande |
10 |
10 |
10.5 |
Italie |
36 |
40,25 |
27.6 |
Luxembourg |
30 |
37,45 |
32.2 |
Pays-Bas |
35 |
35 |
31.0 |
Portugal |
32 |
35,20 |
30.7 |
Suède |
28 |
28 |
22.9 |
(1) Il
comprend le taux nominal de l'IS normal, les surcharges et l'impôt sur le
bénéfice local.
(2) Ce calcul prend en compte le taux d'imposition global sur les
bénéfices tel que défini en (1) et des impôts locaux
ne portant pas sur le bénéfice, tel que la taxe professionnelle
(pour la France par exemple).
Source : Rapport Commission européenne 2001(935).
Lecture : Le taux moyen effectif d'imposition pour un investissement
type (biens et mode de financement composite) qui rapporte avant impôt
20 % est de 34,7 % en France et de 34,9 % en Allemagne.
Que conclure de ces résultats et de la position relativement
défavorable de la France ?
On peut craindre que ce différentiel ne génère des
délocalisations d'entreprises. Or, il n'y pas eu en Europe de
délocalisations massives d'entreprises dues à la seule imposition
des sociétés. La raison en est simple, l'IS est un
déterminant relativement mineur des choix de localisation des
entreprises. Celles-ci sont sensibles à la qualité et au
coût de la main-d'oeuvre, à la qualité des infrastructures,
à la plus ou moins grande flexibilité des procédures
administratives, etc. Les choix de localisations peuvent aussi répondre
à des impératifs économiques (parts de marché,
conditions de production, etc.)
58
(
*
)
. Les délocalisations pures (délocaliser
la production pour l'exporter dans le pays d'origine) sont relativement rares.
L'effet du différentiel d'IS n'est pas pour autant nul. Même si
les délocalisations pures ne sont aujourd'hui pas massives, on ne peut
ignorer leur éventualité. Par ailleurs, les grandes entreprises,
qui opèrent sur l'ensemble du territoire européen utilisent ce
différentiel pour optimiser fiscalement (voir section II.2) sans pour
autant délocaliser la production.
Que faire ? Bien sûr un IS nul supprimerait les problèmes
mais nuirait aux pays qui souhaitent conserver des recettes fiscales sauf
à alourdir la fiscalité des autres facteurs de production. La
course à la baisse de l'IS n'est pas de ce point de vue une solution
viable et ce d'autant que l'issue du processus est une imposition nulle sur les
entreprises. Il coûterait certainement plus cher à un pays de
baisser le poids de l'IS qui porte sur l'ensemble de ses entreprises pour
conserver les quelques entreprises qui pourraient se délocaliser et
tenter d'attirer des entreprises étrangères (ce qui est peu
probable, si l'ensemble des pays se comporte de la sorte) que de laisser se
délocaliser les quelques cas existants. Il en est de même en ce
qui concerne l'effet d'une baisse du poids de l'IS sur les pratiques
d'optimisation.
Le problème doit être résolu au niveau de l'Union
européenne par la mise en place, par exemple, d'un taux minimal en
dessous duquel les pays ne pourraient pas descendre, à l'instar de ce
qui est fait pour la TVA. Comme nous le verrons plus bas, aucune proposition ne
va dans cette direction.
II. L'imposition des opérations transnationales
Comment sont imposés les groupes dont les opérations
s'étendent à l'ensemble de la Communauté et quels sont les
défauts de ce système ?
1. La situation de fait
Tout
résident est imposable dans son pays de résidence. Le statut de
résident dépend cependant de la forme juridique de la
société. Une filiale, dotée d'une personnalité
juridique et fiscale, sera considérée du point de vue du pays
d'accueil comme une société résidente et du point de vue
du pays d'origine de la société mère comme un contribuable
étranger. En revanche, les établissements non dotés d'une
personnalité juridique (succursales ou branches) sont des non
résidents.
L'imposition des bénéfices des sociétés peut
reposer sur deux principes : le principe de la
source (ou du
territoire)
et celui de
la résidence (ou du
bénéfice mondial)
. Selon le premier, un pays impose tous
les revenus engendrés sur son territoire, qu'ils aient été
réalisés par des résidents ou des non résidents.
Ainsi, dans un pays qui applique le principe de la source, les
bénéfices des entités de groupes étrangers sont
imposés et les sociétés nationales doivent exclure de
leurs résultats imposables les bénéfices de leurs
entités étrangères. En contrepartie, les déficits
subis à l'étranger ne sont pas imputables dans le pays d'origine.
Un pays qui applique le
principe de résidence doit imposer tous
les revenus perçus par les résidents nationaux, qu'ils aient
été réalisés sur le territoire national ou à
l'étranger. Les pertes subies à l'étranger peuvent
être imputées de leurs bénéfices.
La France applique dans la majeure partie des cas le principe de la source,
mais autorise sous certaines conditions les groupes internationaux à
utiliser le régime du bénéfice consolidé
59
(
*
)
, autrement dit, le principe de
résidence. Les autres pays membres appliquent le principe de
résidence, mais se réservent le droit d'imposer les entreprises
non résidentes.
De fait, dans la majorité des cas,
étant donné la définition du statut de résident, le
bénéfice des entreprises est imposé dans le pays de la
source de production.
Les sociétés mères
localisées dans un pays qui appliquent le principe de résidence
sont autorisées
60
(
*
)
à imputer sur l'impôt exigible les
impôts payés par leurs
succursales
à
l'étranger. Elles ne peuvent pas en revanche intégrer dans leur
résultat les bénéfices (pertes) de leurs
filiales
.
Ce système est insatisfaisant à plusieurs égards et est
critiqué par la Commission et par les entreprises. Il subsiste des
discriminations en fonction de la nationalité et certains revenus
subissent une double imposition.
-
Etant donné l'imposition séparée de chaque entité
d'un groupe multinational, la déduction sur le bénéfice de
la société mère des pertes subies par des entreprises
localisées à l'étranger, n'est actuellement
autorisée que pour les succursales et non pour les filiales. Autrement
dit, la compensation des pertes entre filiales d'un même groupe mais
localisées dans deux pays distincts n'est pas autorisée. De fait,
le régime de bénéfices consolidés est quasi
réservé aux seuls groupes nationaux
61
(
*
)
c'est-à-dire
réservé aux sociétés mères et filiales
résidentes. On est alors en présence d'une « discrimination
positive » en faveur des filiales nationales
62
(
*
)
. Il s'agit là pour la
Commission d'un obstacle à la libre circulation du capital qu'il faut
supprimer.
Autre source d'insatisfaction, le système actuel est potentiellement générateur de doubles impositions pour les flux de revenus (dividendes, revenus d'intérêts, etc.), qui circulent entre une filiale et sa société mère (voir annexe 1). Certes les directives de la Commission et tout un ensemble de convention bilatérales ont partiellement résolu le problème de la double imposition des dividendes , mais le système reste complexe et le problème demeure entier pour les autres catégories de revenus.
Les dividendes
La
directive 90/435
(mère-filiale) stipule que la double imposition
des dividendes doit être évitée lors de leur rapatriement.
D'une part, le taux de prélèvement à la source sur les
dividendes distribués doit être nul dans le pays de la source. Ces
dividendes ne doivent en principe supporter que le taux de l'IS du pays
d'accueil. D'autre part, ces revenus sont, soit exonérés lors de
leur rapatriement (système de l'exemption), soit
réintégrés dans le bénéfice de la
société mère donc soumis à l'IS avec en
contrepartie un crédit d'impôt égal à l'impôt
sur les sociétés supporté à l'étranger.
Cependant, ce crédit est plafonné dans la limite de l'impôt
sur les sociétés, payé dans le pays de résidence de
la société mère. Les pays dans leur grande majorité
utilisent le système de l'exemption. Seuls trois pays en Europe, la
Grande Bretagne, l'Irlande et la Grèce appliquent le crédit
d'impôt. La double imposition des dividendes n'est cependant pas
totalement corrigée car elle ne s'applique qu'aux dividendes
payés aux sociétés mères qui détiennent au
moins 25 % de leur filiale
63
(
*
)
. La Commission a émis en 1993 une proposition
de directive visant à élargir le champ d'application de la
directive de 1990. Mais cette proposition est restée sans suite. Le
système des conventions bilatérales a pris, dans une certaine
mesure, le relais pour le traitement fiscal de la circulation des dividendes
entre entreprises ne bénéficiant pas de la directive
européenne
64
(
*
)
.
Cependant, en l'absence de convention, l'investissement est clairement
pénalisé. Par exemple, une société résidente
dans un pays n'ayant pas signé de convention avec la France devra payer
sur les dividendes d'origine française rapatriés l'IS
français plus une retenue à la source de 25 %.
Enfin, les doubles impositions sont en partie supprimées pour les
entreprises, les asymétries de traitement sont en revanche beaucoup plus
marquées lors de la distribution des dividendes aux actionnaires
personnes physiques. La non généralisation de l'avoir fiscal et
la présence du système de l'exonération des dividendes au
niveau des entreprises (pour les plus importantes) créent des
inégalités de traitement très fortes entre les
actionnaires en fonction de leur nationalité (voir chapitre sur
l'imposition du capital).
Paiements d'intérêts, redevance etc.
Les dividendes ne constituent pas les seuls revenus qui transitent entre une société mère et sa filiale. Les paiements d'intérêts et autres redevances sont aussi concernés. Or ces derniers font souvent l'objet d'une retenue à la source et de doubles impositions. La Commission a présenté en 1998 une proposition, COM(1998/67), visant à supprimer cette source d'inefficacité à l'instar de ce qui a été fait pour les dividendes. Là encore, la proposition reste pour le moment sans suite.
2. Optimisation fiscale, localisation des sièges sociaux et régimes dérogatoires
L'application de fait du principe de la source associé à une correction imparfaite des doubles impositions et à la coexistence d'une pluralité de régimes d'imposition dans l'UE permet aux grandes entreprises de minimiser leurs charges d'imposition. Elles sont, de plus, aidées en cela par les régimes dérogatoires mis en place par les Etats membres. Ces pratiques ainsi que les régimes dérogatoires sont nombreux. Il ne s'agit pas ici de les recenser ici (la Commission en a dénombré plus de 200) mais plutôt à l'aide de quelques exemples d'expliquer les mécanismes à l'oeuvre.
Holding financière et système de correction de la double imposition
Une
holding
financière est une structure qui détient des
actions d'autres sociétés. Le motif de création d'une
holding
qui nous intéresse ici est celui d'utiliser en toute
légalité les divergences fiscales des pays. Certaines filiales
doivent être localisées pour des raisons économiques dans
des pays non attractifs fiscalement. La création d'une
holding
judicieusement localisée permettra alors de réorienter la
distribution de dividendes ou d'intérêts et de minimiser ainsi la
charge fiscale. Par exemple, les entreprises peuvent chercher à
exploiter le fait que les pays appliquent différentes méthodes
d'imputation pour la correction des doubles impositions pour les dividendes.
Les systèmes de l'exemption et crédit d'impôt sont
équivalents pour une entreprise multinationale lorsque le pays de
résidence de la société mère a un taux nominal
d'imposition plus faible que celui du pays d'accueil de la filiale.
L'exonération est un système plus avantageux pour les entreprises
que ne l'est le crédit d'impôt si le taux du pays de la
société mère est le plus élevé. A partir de
là, il est possible de mettre en place un montage financier qui
exploitera avantageusement la divergence des systèmes employés.
Le principe général
du montage financier est
celui-ci : la société mère est installée dans
le pays A, la
holding
dans le pays B et la filiale dans le pays C. La
société mère peut financer la holding qui en fait de
même pour la filiale, soit par émission d'actions, soit par
prêts. La société mère et la
holding
reçoivent donc en retour des dividendes ou des intérêts.
Le financement de la filiale (par exemple, émission d'action) en passant
par la holding financière peut être avantageux si les conventions
entre les pays A et C éliminent la double imposition en utilisant le
système du crédit d'impôt alors que les conventions entre
les pays C et B et entre les pays B et A utilisent le système de
l'exonération. Imaginons que le taux d'imposition dans le pays C soit de
15
% et celui de la société mère de 30 %.
Sans holding, le taux que supporte l'entreprise sur les dividendes sera de
30 %. Si cette société passe par la
holding
, elle
supportera
in fine
le taux de 15
%.
Les cas de figure sont aussi nombreux que les combinaisons de choix possibles
de financement. De façon générale, le choix de
localisation des holdings est sensible au traitement fiscal des dividendes, des
intérêts, à l'éventuelle exonération des
plus-values de cessions ; aux règles d'imposition des groupes (mise
en commun des bénéfices et des pertes par exemple), à
l'importance des réseaux de conventions fiscales (ce qui multiplie les
possibilités d'optimisation), aux règles relatives aux ratios
endettement/fonds propres (qui préviennent la sous-capitalisation), etc.
Ces pratiques d'optimisation reposent sur les régimes
dérogatoires mis en place par les Etats membres. Les pays d'accueil des
holdings en Europe sont : Pays-Bas, Belgique, Luxembourg, France,
Allemagne, Espagne. Aucun pays cités ne
constitue dans l'absolu
le lieu d'accueil idéal, mais chacun en fonction des objectifs de la
holding présente (plus ou moins) des avantages comparatifs. Le tableau
5, issu d'une étude du ministère des Finances, donne quelques cas
de figure.
Tableau 4 : Les pays d'accueil des holdings en fonction de leurs priorités
Objectifs |
Pays recommandés |
Pays à éviter |
Echapper à l'impôt sur les plus-values résultant de la cession des participations |
Pays-Bas
|
France |
Bénéficier d'un réseau de convention fiscale important |
France
|
-- |
Conquérir des participations en déduisant des intérêts au titre d'emprunt |
France
|
Pays-Bas |
Bénéficier de l'imposition des retenues à la source |
France
|
-- |
Préparer la succession d'une personne physique |
-- |
France
|
Source : Rapport Bollé, n° 82, Sénat.
Encadré 1 : Exemples d'utilisation des régimes des holdings
L'optimisation fiscale
Comment fonctionnent les régimes spéciaux des compagnies
financières aux Pays-Bas ?
L'avantage du régime des
compagnies financières hollandaises repose non pas sur un taux d'IS
particulièrement favorable mais sur l'existence d'un réseau de
conventions bilatérales relativement important et sur la
possibilité de négocier directement avec les autorités
hollandaises le montant de la base imposable. Par un accord avec
l'administration et un mécanisme de prix de transfert, les
holdings
néerlandaises peuvent échapper à
l'impôt. En effet, les compagnies financières sont
autorisées à constituer des réserves pour risques
financiers, réserves pouvant atteindre 80 % du revenu imposable de
ces sociétés et déductibles de ce même revenu ;
les revenus d'intérêts d'origine étrangère
bénéficient d'un crédit d'impôt et la distribution
des dividendes vers de nombreux pays (Allemagne, France, etc.) n'est pas
soumise à une retenue à la source et exonéré
à l'arrivée (Allemagne, ...).
L'utilisation optimale du crédit d'impôt au
Royaume-Uni
.
Le Royaume-Uni utilise comme méthode
d'élimination de la double imposition (cadre de la directive
mère-filiale) pour la distribution des dividendes de source
étrangère, le crédit d'impôt. Autrement dit, les
dividendes que reçoit une société installée au RU,
de la part de sa filiale (installée hors du RU) sont imposés aux
taux de 30 % mais la société bénéficie en
retour d'un crédit d'impôt égal au montant d'impôt
sur les sociétés versé à l'étranger.
Dès lors que le taux de l'IS du pays dans lequel est
localisée la filiale est supérieur à celui qui
prévaut au RU, une partie du crédit d'impôt est en quelque
sorte gaspillé. En revanche, s'il est inférieur, la
société mère est redevable d'un supplément
d'impôt. La situation optimale est celle où les deux taux sont
exactement égaux. Les filiales des grands groupes sont situées
dans de nombreux pays aux taux divergents. La législation au Royaume-Uni
ne permet pas à la société mère de
bénéficier de compensation entre les différentes sources.
L'utilisation d'une
holding
en centralisant l'ensemble des dividendes
quel qu'en soit l'origine permet à la société mère
d'optimiser.
Les techniques de transferts des bénéfices : la question des prix de transferts 65 ( * )
Le
transfert des bénéfices peut s'effectuer selon plusieurs
méthodes. Mais le principe est toujours le même. Il s'agit de
modifier le bénéfice des filiales de façon à
obtenir la répartition entre les entités du groupe la plus
judicieuse.
Les prix de transferts sont des transactions marchandes dont le prix est
volontairement faussé. Ils permettent de transférer une partie
des bénéfices d'une filiale située dans un pays à
forte imposition vers un pays à faible imposition en vendant à un
prix délibérément minoré les produits d'une filiale
A située dans un pays X à fort taux d'imposition, à une
autre filiale B localisée dans un pays Y à taux d'imposition
moins élevé. Le bénéfice que A aurait dû
retirer de la vente de ses produits à un prix normal est ainsi
transféré à B et supportera une taxation moins forte du
fait de l'existence d'un différentiel de taux d'imposition sur les
bénéfices entre X et Y. La modification de la répartition
des bénéfices entre A et B aboutit pour le groupe à une
économie d'impôt globale mais a des conséquences
divergentes sur les recettes fiscales de X, qui sont affaiblies, et celles de
Y, qui se trouvent au contraire augmentées.
La question des prix de transferts est délicate. Pour les Etats, ces
prix de transactions internes sont une source d'évasion fiscale. Pour
les entreprises, les dispositifs de lutte contre les prix de transferts mis en
place par les différents Etats
66
(
*
)
ne permettent pas de calculer à son juste
coût la valeur de certaines transactions et induisent des coûts de
gestion supplémentaires. Suivant les recommandations de l'OCDE, les
administrations utilisent diverses techniques de correction, dont la
méthode des prix comparables sur un marché de pleine concurrence
(comparable uncontrolled price method).
Mais de telles comparaisons
n'existent pas toujours, ce qui est le cas de la valorisation des biens
immatériels. Par ailleurs, les procédures permettant de calculer
les prix de transferts fiscalement acceptables seraient lourdes et fortement
différenciées entre les Etats et constitueraient de fait une
source supplémentaire de double imposition.
Devant la divergence des intérêts soulevée par de telles
pratiques, la Commission a émis la directive 90/436 (prix de
transferts)
visant à régler les litiges entre les Etats et
les entreprises. Un pays peut, par exemple, revaloriser pour des questions
fiscales une transaction effectuée entre deux sociétés
d'un même groupe mais localisées dans deux pays différents.
Si le pays de l'origine de la transaction ne corrige pas la valorisation de
cette transaction à la baisse, la société est doublement
imposée. D'où des réclamations et des litiges qui opposent
entreprises et Etats membres. Aussi la Commission souhaite-t-elle organiser
un cadre juridique.
La délocalisation des sièges sociaux
La
localisation des sièges sociaux fait partie des pratiques d'optimisation
fiscales. Les cas observés sont moins une délocalisation de
siège que le choix géographique d'un siège social nouveau
à la suite d'une fusion, exemple DEXIA (Belgique), EADS (PB), EURONEX
(PB)
67
(
*
).
.
La localisation des sièges sociaux dépend de nombreux
paramètres mais deux d'entre eux sont apparus au cours des
dernières années comme primordiaux. Les vagues successives de
fusions-acquisitions, les opérations de concentration, qu'a connu
l'Europe ont mis au premier plan le traitement fiscal des opérations de
restructuration. Parmi elles se trouvent l'imposition des plus-values de
cessions d'actifs et les systèmes de compensation de la double
imposition pour les actionnaires personnes physiques (voir chapitre sur
l'imposition du capital).
Les plus-values de cessions d'actifs
L'imposition des plus-values est un élément de premier
plan pour le choix du siège social des entreprises qui fusionnent. La
valeur des actions de la société issue d'une opération de
fusion est supérieure à la valeur des actions des
sociétés fusionnées. Cette plus-value est passible
d'imposition. La Commission a émis une directive (90/434) dont
l'objectif est le report de l'imposition des plus-values dégagées
par les opérations de fusions/acquisitions jusqu'à la cession
effective des titres.
L'exonération est le système appliqué ou en voie de
l'être (Allemagne, Royaume-Uni, Italie) par la plupart de nos partenaires
de l'Union européenne. La France est quasiment le seul pays à ne
pas respecter dans son intégralité cette directive. Les
opérations de fusions, d'apport partiel d'actifs ou encore les
opérations de scissions ne bénéficient de
l'exonération que sous des conditions restrictives
68
(
*
)
. Dans tous les autres cas,
l'imposition s'effectue soit au taux normal de l'impôt sur les
sociétés, soit au taux de 19 %.
III. Les propositions de la Commission
La création d'un marché intérieur sans obstacles fiscaux
se heurte à une contrainte de poids, le principe de subsidiarité
en matière fiscale. La mission que s'est fixée la Commission est,
à l'image de ce qui est fait dans les systèmes fiscaux des
fédérations (Etats-Unis notamment), de faire subsister les quinze
régimes fiscaux tout en minimisant les obstacles fiscaux qui à la
fois créent des coûts pour les entreprises transnationales mais
aussi et surtout distordent leurs comportements. La Commission, nous l'avons
vu, a dans l'optique du marché unique déjà mis en place
des directives, au début des années 1990, visant (certes
imparfaitement) à supprimer les doubles impositions. Plus
récemment, en 1997, face au comportement des Etats membres (la
concurrence fiscale étant nuisible à la neutralité) elle a
initié la lutte contre la concurrence fiscale déloyale, autrement
dit, la lutte contre les non impositions. Aujourd'hui, de nouvelles
propositions relatives aux principes d'imposition des bénéfices
ont vu le jour en 2002. Elles sont présentées comme un moyen de
simplifier pour les multinationales les procédures fiscales (ces
derniers n'ayant plus à faire face à quinze régimes et aux
multiples conventions) ; comme un moyen de supprimer les discriminations
entre résidents et non résidents et entre filiales et
succursales ; et enfin comme un moyen de limiter l'optimisation fiscale,
notamment les problèmes de transferts de bénéfices.
La lutte contre la concurrence déloyale
Le 1 er décembre 1997, le conseil Ecofin a adopté une série de mesures destinée à lutter contre la concurrence fiscale dommageable, ainsi que le principe de l'élaboration d'un code de bonne conduite. La première phase consistait à identifier les régimes susceptibles de générer une concurrence déloyale, c'est-à-dire les régimes qui ont une incidence sur la localisation des activités au sein de l'Union européenne. Environ 230 régimes de compétition fiscale ont été répertoriés et répartis en 5 catégories :
-
Les régimes de groupe (quartiers généraux,
holdings
, centres de coordination, etc.) ;
Les régimes dits financiers (réassurance, sociétés de financement intra groupe) ;
Les régimes dits sectoriels (régimes fiscaux spécifiques à certains secteurs économiques, financement de l'audiovisuel, etc.) ;
Les régimes dits régionaux, avec les différents types d'incitations fiscales en faveur de l'aménagement du territoire ;
Enfin, les régimes divers.
Les propositions relatives à la base d'imposition pour les sociétés transnationales
La
Commission a, dans une communication récente
69
(
*
)
,
proposé
toute une série d'alternatives concernant la base d'imposition des
sociétés multinationales. La principale alternative consiste,
soit à imposer les groupes sur une base communautaire (
Common
Consolidated Tax Base
: CCBT), soit à les imposer sur la base
d'un régime consolidé de la société mère
(
Home State Taxation :
HST). Dans le premier cas (CCBT), il s'agit
de répartir le bénéfice d'un groupe entre les divers Etats
membres dans lesquels celui-ci est présent, selon des clefs de
répartition qui restent à définir (valeur ajoutée,
masse salariale, etc.), chaque Etat imposant alors la part du
bénéfice qui lui revient. La deuxième solution
préconise la généralisation du régime de la
consolidation (quel que soit le statut juridique des entités
rattachées au groupe) au niveau de la société
mère,
le bénéfice étant alors imposé
au taux du pays d'accueil de la société mère.
Ces deux régimes s'inscrivent dans des logiques opposées entre
lesquelles la Commission n'a pas tranché. L'HST réhabiliterait le
principe de la résidence, ce qui avec le régime du
bénéfice consolidé permettrait de supprimer les
comportements de transferts de bénéfice des entreprises. Le
revers de cette proposition est que sans harmonisation ou tout au moins sans un
fort rapprochement des taux nominaux d'imposition, une telle proposition laisse
la porte ouverte à la délocalisation massive des sièges
sociaux dans les pays à bas taux d'imposition. Son adoption aboutirait
à la suppression totale des recettes pour les pays d'accueil des
filiales.
La CCBT préserve le principe de l'imposition à la source. Le
principe de la répartition du bénéfice, selon des clefs
qui diffèrent des résultats affichés, vise à
limiter, voire à supprimer les pratiques de transferts des
bénéfices des entreprises. Ce principe est celui qui est
utilisé aux Etats-Unis et au Canada ; deux
fédérations dans lesquelles les régimes d'impositions des
Etats diffèrent. Il s'agit dans leur cas de la méthode du
fractionnement qui permet de répartir le bénéfice
imposable entre les Etats sur la base de la part des immobilisations, des
ventes et des salaires versés par les filiales dans chaque Etat.
L'application d'un tel principe est d'autant plus simple que les bases
imposables sont harmonisées. Ce qui est le cas aux Etats-Unis mais qui
ne n'est pas encore dans l'UE. En l'absence de rapprochement des taux, ce type
de proposition ne supprime pas les possibilités de
délocalisation. Mais sous l'hypothèse raisonnable que seule la
délocalisation des sociétés mères présente
réellement un risque, l'application de la CCBT
serait
certainement moins onéreuse en termes de pertes de recettes fiscales des
Etats et de risque de concurrence fiscale que celui de HST.
Ces deux propositions présentent la particularité d'être
facultatives. Les entreprises auraient la possibilité d'opter ou non
pour ces régimes. Leur refus impliquerait pour elles l'application du
système actuel.
Quelle imposition européenne des bénéfices ?
Les récentes propositions de la Commission quant à l'imposition
du bénéfice des sociétés laissent tout le champ des
possibles ouvert, le meilleur comme le pire. Le point commun des propositions
actuelles est de ne permettre de lutter ni contre la concurrence fiscale par
les taux, ni contre les problèmes de localisations des sièges
sociaux. Elles divergent fortement cependant, quant aux effets qu'auraient la
concurrence fiscale et les délocalisations sur les recettes des Etats
membres.
La proposition de consolidation de la base imposable au niveau de la
société mère remet en cause la situation actuelle. A
savoir, en pratique, l'application du principe de la source avec des directives
visant à limiter les doubles impositions. Certes cette situation est
loin d'être satisfaisante. Les Etats se livrent à la concurrence
fiscale et les grandes entreprises utilisent les différentiels fiscaux
pour minimiser leur imposition. L'application du principe de résidence
sans rapprochement des taux nominaux d'imposition ou sans fixation d'un taux
minimum, aurait des conséquences néfastes. Certes, elle
supprimerait les pratiques de transferts de bénéfices. Mais ce
principe suppose que ce soit le pays de la société mère
qui, du fait de la consolidation, reçoive l'intégralité
des recettes du groupe (à moins qu'une réallocation des recettes
entre les Etats membres ne soit organisée). D'autre part, l'absence de
convergence des taux
70
(
*
)
va exacerber la concurrence entre les Etats, les enjeux en termes de
recettes (délocalisation des sièges sociaux) étant
considérables. Cette concurrence par les taux est d'autant plus probable
que la Commission n'a déclaré comme déloyale que la
concurrence qui porte sur les régimes dérogatoires.
La proposition de répartition des bénéfices entre les pays
est plus satisfaisante. Elle s'inscrit dans la construction de l'Europe fiscale
déjà entreprise depuis dix ans. Elle permettrait, elle aussi, de
limiter les pratiques de transferts de bénéfices. Même si
elle ne supprime pas tous les gains à la délocalisation, elle
permettrait par l'application du principe de la source de limiter les
transferts de recettes fiscales entre les pays, même en présence
d'un écart d'imposition. Elle gagnerait à être
accompagnée de la fixation d'un taux d'imposition minimum sur les
bénéfices au sein de l'UE.
Que deux propositions aux conséquences si divergentes soient
simultanément émises peut paraître surprenant. Il ne faut
pas oublier que les décisions du Conseil en matière fiscale ne
sont que celles que prennent les
Etats membres à
l'unanimité et que les Etats membres n'ont pas tous les mêmes
objectifs et la même volonté de construire une Europe
homogène. De ce point de vue, la première proposition
(régime consolidé de la société mère) est
celle qui permet de résoudre de façon techniquement simple la
question de l'optimisation fiscale des entreprises mais
au prix d'un
renforcement de la concurrence fiscale des Etats membres. Son adoption
renforcerait la position des Etats membres qui souhaitent le
démantèlement du modèle social européen actuel. La
proposition relative à l'imposition d'une base européenne est
certes beaucoup plus satisfaisante, s'il s'agit de respecter les choix de
société de chaque Etat. Mais, dans la mesure où pour
être menée à terme, elle nécessite
l'unanimité sur de nombreux points, sa mise en oeuvre est plus complexe.
Il faudrait en effet, régler les questions de l'harmonisation des bases,
de l'extension des directives visant la suppression des doubles impositions
(dividendes, intérêts), du système de l'avoir fiscal
à mettre en place au niveau européen. Il serait aussi
nécessaire que les pays se mettent d'accord sur l'application effective
des directives déjà en place, s'interrogent sur le système
des conventions fiscales bilatérales, etc. Autant de questions à
régler qui du fait du principe de l'unanimité, laissent aux
adversaires de l'Europe fiscale, la possibilité de saper son
processus de construction.
Annexe 1: Les sources de double imposition
Le schéma 1 retrace les flux de revenus qui circulent entre une
société mère et sa filiale ou succursale, les
méthodes d'imposition de ces flux et les sources possibles de double
imposition.
Toute entreprise résidente (une succursale ou une branche ne sont pas
considérées comme des résidents, mais elles peuvent
être, dans certains cas, traitées comme telles) est imposée
à l'IS sur son lieu d'implantation. L'imposition des
bénéfices non distribués ou conservés dans le pays
d'accueil de la filiale est différée. En revanche, tout profit
rapatrié (sous forme de dividendes, intérêts royalties,
etc.) peut donner lieu dans le pays d'accueil à un
prélèvement à la source. Une fois rapatriés dans le
pays d'implantation de la société mère, ces flux, en
fonction du système d'imputation choisi par le pays pour éviter
la double imposition, sont soit exonérés soit soumis à
l'IS avec un système de crédit d'impôt. Le second tour de
redistribution, celle qui échoie aux actionnaires, donne encore lieu
à de nouveaux prélèvements (le précompte en France
par exemple).
Schéma 1
* 39 Dans l'ensemble du rapport, le terme de fiscalité est utilisé pour désigner l'ensemble des prélèvements obligatoires, comprenant donc les impôts et les cotisations sociales.
* 40 De 2000 à 2040, la hausse des dépenses de retraites dans le PIB de la zone euro devrait être de 5,8 points selon Chagny et alii (2001), de 3 points selon les projections des gouvernements.
* 41 Ces systèmes, où la part des impôts indirects est plus élevée que la moyenne, peuvent être qualifiés d'archaïques puisqu'ils sont proches de ceux en vigueur dans les pays européens au début du XX e siècle, et que la part des impôts qui s'appuient sur la capacité contributive des citoyens et permettent la redistribution y est plus faible qu'ailleurs.
* 42 Voir notamment le dossier sur les évolutions et les réformes des retraites en Europe (Chagny, Dupont, Sterdyniak et Veroni, 2001). Sur les interrogations concernant l'avenir et les choix envisageables, voir par exemple, Dupont et Sterdyniak, 2000.
* 43 Sur la théorie et la réalité de la concurrence fiscale, voir Marini (1999), Hugounenq, Le Cacheux et Madiès (1999), Le Cacheux (2000).
* 44 Voir notamment Sterdyniak et Villa, 1999.
* 45 Pour une analyse plus détaillée de ces questions, voir Dupont, Le Cacheux, Sterdyniak et Touzé (2000) ; Dupont, Sterdyniak (2001).
* 46 Voir, à ce propos : Dexia, 2002 ; Dafflon, éd., 2002. Ce dernier ouvrage met en outre l'accent sur un aspect important des finances publiques locales européennes, à savoir le contrôle des déficits budgétaires et de l'endettement des collectivités locales, qui sont partout en Europe les principaux investisseurs publics. Le Pacte de stabilité impose, en effet, des limites sur le déficit du secteur public ce qui implique d'imposer aux collectivités locales une certaine discipline budgétaire.
* 47 Il est, par exemple, choquant que la France ne puisse décider seule du taux de TVA qu'elle applique aux coiffeurs, aux restaurants, aux disques... En sens inverse, les instances communautaires doivent vérifier qu'un mouvement de TVA ne masque pas une stratégie protectionniste. Le point délicat est de savoir quels doivent être les critères de décision. Un pays a-t-il le droit de favoriser la consommation de services qui, par définition, ne sont pas importés ?
* 48 Sur les risques de concurrence fiscale et sociale en Europe, voir également la discussion dans Fitoussi et Le Cacheux, éds., 2002.
* 49 Les propositions les plus récentes de la Commission (Commission européenne, 2002) privilégient l'harmonisation de l'assiette, mais celle-ci est insuffisante pour éviter la concurrence fiscale sans accord sur les taux ou sans application stricte du principe de source.
* 50 Même si ce principe est fragilisé par les pratiques d'optimisation fiscale des entreprises multinationales.
* 51 Le déficit public a été réduit de 3,8 points de PIB, grâce à une hausse des recettes fiscales de 1,8 point de PIB, une baisse des charges d'intérêt de 0,8 point, une baisse des dépenses primaires de 1,2 point.
* 52 « Les sommes réellement consacrées par les pays à la politique sociale : une étude comparative », Revue économique de l'OCDE, N°28, 1997.
* 53 Si les décisions fiscales demeurent la prérogative des nations et donc du Conseil statuant à l'unanimité, la surveillance de la mise en oeuvre du marché unique et des pratiques anticoncurrentielles est du ressort de la Commission.
* 54 On parle de situation efficace lorsque le capital est alloué aux projets qui ont les taux de rendement avant impôt les plus élevés. La création d'un nouvel espace économique suppose une réorganisation du capital sur l'ensemble du territoire qui réponde à des impératifs purement économiques. De nouvelles opportunités d'investissement apparaissent, voire certains projets peuvent avoir en fonction de leur relocalisation géographique un taux de rendement avant impôt plus élevé (main d'oeuvre plus qualifiée etc.). La présence d'écarts d'imposition importants fausse cette réorganisation en ce sens que les entreprises sont alors sensibles non plus au taux de rendement avant impôt mais au taux de rendement après impôt. La productivité du capital est réduite, ce qui nuit à la compétitivité internationale de l'Union, minore la production totale et y abaisse le niveau de vie. De façon générale, toute action motivée uniquement par des considérations fiscales entraîne une perte pour la collectivité. Cela ne signifie pas que le taux d'imposition doit être nul, mais que des mécanismes doivent être mis en place pour que les prélèvements fiscaux n'induisent pas de modifications de comportements.
* 55 Voir note (2).
* 56 Dans ce type de raisonnement, ce n'est pas le montant du prélèvement qui est source de distorsions mais sa forme. La présence de taux marginaux non nuls est susceptible de désinciter au travail ou à l'investissement.
* 57 Voir note (2).
* 58 Rapport du Sénat « Mondialisation : réagir ou subir ? La France face à l'expatriation des compétences ».
* 59 Il existe en effet en France une exception au principe de la source : le régime du bénéfice consolidé qui permet à un groupe de sociétés constitué de filiales détenues à plus de 50 % par la société mère de consolider les pertes et les bénéfices de l'ensemble de ses filiales ou succursales sur le plan mondial, c'est à dire de filiales qui, pour certaines, ne sont pas résidentes.
* 60 Les résultats d'une succursale peuvent être imposés une première fois dans son pays d'implantation (que celui-ci applique le principe de la source ou de la résidence et impose les non résidents) et une deuxième fois au niveau de la société mère. Ces cas de double imposition sont en partie résolus par l'existence de conventions bilatérales. Mais ce type de solution s'avère insatisfaisant. La multiplication de ces conventions rend peu lisible le système européen dans son ensemble.
* 61 Ce régime est assez largement répandu en France puisque, d'après les statistiques, 6 000 groupes au sens fiscal du terme -- c'est-à-dire ceux formés de filiales détenues à 95 % au moins par la société mère -- bénéficient de ce régime qui concernent ainsi 23 000 sociétés. Ce régime va très au-delà des grands groupes et s'applique tant aux groupes de petite taille qu'aux grandes PME puisque 90 % des 6 000 groupes concernés ont moins de cinq filiales et que la moitié n'en a qu'une. Il est assez comparable à celui de nos partenaires qui, en général, le réservent à leurs filiales résidentes détenues à plus de 90 %.
* 62 On pourrait rajouter qu'en outre le traitement asymétrique des filiales et des succursales n'a aucune rationalité économique, qu'il crée des distorsions quant à la structure juridique des groupes et constitue une incitation à l'optimisation fiscale.
* 63 Certains pays appliquent une version plus favorable que la directive avec des seuils de possession plus faibles (5 % ou 10 % par exemple).
* 64 Par exemple, la convention franco-italienne (qui est symétrique) stipule que le taux de retenue à la source sur les dividendes distribués par une société française à une société italienne est de 15 %. Cette retenue à la source est remboursée à la société italienne par l'Italie. La France accorde par ailleurs le bénéfice de l'avoir fiscal (au taux de 50 %) si la société italienne paie l'IS en Italie sur les dividendes reçus. Au total, ces dividendes n'ont supporté que l'IS italien et les deux pays se sont partagés les recettes. La France a perçu le taux de retenue à la source et une partie de l'IS. I'Italie a perçu une partie de son IS moins le taux de retenue à la source. Dans le cadre de la convention franco-allemande, le traitement fiscal de la circulation des dividendes entre la France et l'Allemagne est identique à celui de la convention franco-italienne, mais l'Allemagne ne pratiquant pas l'avoir fiscal, la symétrie n'est donc plus respectée. Dans ce cas de figure, la France accorde aux entreprises qui reçoivent des dividendes d'origine allemande un crédit d'impôt ne pouvant excéder l'impôt français.
* 65 D'autres techniques existent pour transférer le bénéfice : la répartition des dépenses des frais de recherche, les prêts entre filiales, la sous-capitalisation.
* 66 En France, l'administration fiscale peut réintégrer dans les résultats d'une entreprise résidente les pertes ou bénéfices résultant de manipulation des prix de transferts. Ce dispositif a été renforcé par l'allongement du délai de reprise de l'administration dans le cadre d'une procédure qui fait souvent appel à l'assistance fiscale internationale.
*
67
Rapport Charzat
« Attractivité du territoire » et Rapport de l'Etat
de l'Union 2002.
Aérospatiale Matra (France), Dasa (Allemagne) et Casa (Espagne) ont
fusionné pour donner naissance au groupe EADS, groupe européen de
l'aéronautique, l'espace et la défense localisé au
Pays-Bas.
* 68 Pour bénéficier du régime de l'exonération, les opérations de fusion doivent au préalable obtenir un agrément administratif. Dans le cadre des opérations d'apport partiel d'actifs, l'apporteur de ressources et la société bénéficiaire sont imposés. Pour les opérations de scissions, les actionnaires doivent conserver leur titre pendant trois ans, sauf ceux détenant moins de 5 % etc.
* 69 COM 2001(582).
* 70 La Commission, tout comme les entreprises, est défavorable à l'institution d'un taux unique. En 1997, la proposition d'un impôt sur les bénéfices (consolidés) européen (base et taux unique) avait été émise. Il n'en est plus question aujourd'hui.