CHAPITRE IV :
LES
COTISATIONS SOCIALES,
UNE VARIABLE EFFICACE DES POLITIQUES
D'EMPLOI ?
Même si les pays européens connaissent des situations
très différentes au regard des cotisations sociales, une certaine
communauté d'inspiration combinant un objectif d'amélioration de
la compétitivité et de réduction du « coin
socio-fiscal » a orienté les mesures prises en la
matière.
Des allégements de cotisations, qu'ils soient généraux ou
ciblés, ont été mis en oeuvre. Leur efficacité,
toujours délicate à apprécier, doit, globalement,
être reconnue. Mais, leur impact ultime doit être
nuancé.
I. UN OBJECTIF ASSEZ LARGEMENT PARTAGÉ, LA RÉDUCTION DU COÛT DU TRAVAIL
La baisse du coût du travail dans l'optique d'une lutte contre le chômage a justifié une série d'allégements de cotisations sociales dans différents pays européens. L'objectif est à la fois d'augmenter la compétitivité et de réduire le « coin sociofiscal » 8 ( * ) censé décourager l'embauche et la participation au marché du travail.
A. DES ALLÉGEMENTS GÉNÉRAUX ET CIBLÉS DE COTISATIONS
Dans de
nombreux pays, une
baisse générale des cotisations
est
intervenue et elle a alors porté sur les cotisations employeurs qui sont
supposées avoir l'impact le plus direct sur le coût du travail.
Tel fut le cas en Allemagne, en Espagne, en Italie, aux Pays-Bas et en France.
Plus nombreux encore sont les pays ayant choisi
des baisses ciblées
de cotisations
.
Les allégements spécifiques et leurs cibles sont
présentés dans le tableau ci-après.
Allègements spécifiques de cotisations sociales en Europe
|
Allègement bas salaires |
Autres allègements spécifiques |
Montant |
en %PIB |
Autriche |
Non |
non |
-- |
-- |
Belgique |
Oui |
salariés âgés, jeunes, réduction du temps de travail |
2,9 Md € |
1,1 |
Danemark |
Non |
non |
-- |
-- |
France |
Oui |
Réduction du temps de travail |
7,6 Md € |
1,0 |
Finlande |
Non |
petites entreprises, entreprises intensives en main d'oeuvre |
non disp. |
non disp. |
Allemagne |
non (en projet) |
non (en projet) |
-- |
-- |
Grèce |
Oui |
nouveaux embauchés |
non disp. |
non disp. |
Italie |
Oui |
catégories à fort taux de chômage, PME, régions défavorisées (Italie du Sud), jeunes |
autour de 350 Md €, par an |
> 0,1 |
Irlande |
|
|
|
|
Pays-Bas |
Oui |
chômeurs de longue durée |
1,1 Md €, par an |
0,3 |
Portugal |
Non |
jeunes, chômeurs, handicapés, retraités en activité partielle, footballeurs professionnels |
non disp. |
non disp. |
Espagne |
Non |
+ 65 ans, transformations de CDD en CDI particulièrement pour les femmes |
non disp. |
non disp. |
Suède |
Non |
non |
-- |
-- |
Royaume-Uni |
Oui |
non |
1,0 Md €* |
0,25 |
*
L'évaluation de l'ampleur de l'allègement pour le Royaume-Uni est
faite par rapport à la situation de 1997. En 1997, le système
anglais était anti-progressif du fait de l'existence de seuil. La
comparaison avec les autres pays est donc délicate.
Sources : Plans nationaux pour l'emploi (version 2002 sauf France et
Italie, version 2001), OCDE, MISSOC, Peer Review et différentes sources
nationales.
Les cibles des allégements spécifiques sont diverses.
Si ces allégements portent souvent sur les bas salaires, tous les pays
européens n'ont pas emprunté cette voie. Dans un certain nombre
de pays, les cibles ont été choisies directement en fonction de
caractéristiques des populations bénéficiaires non
liées au salaire, les chômeurs, mais aussi parfois des
salariés déterminés en fonction de leur âge ou de
leur appartenance géographique ou sectorielle.
L'ampleur des allégements spécifiques
dans les
différents pays varie aussi beaucoup. La Belgique et la France avec des
mesures représentant environ 1 point de PIB se distinguent par le
haut. Aux Pays-Bas et au Royaume-Uni, les allégements spécifiques
sont nettement plus modestes. Il est probable qu'il existe dans les situations
nationales d'emploi et dans l'existence des salaires minimaux plus ou moins
élevés une explication à ces différences. Mais ce
n'est pas toujours le cas puisque l'Allemagne avec un haut taux de
chômage n'a encore que projeté de mettre en oeuvre des
allégements spécifiques.
APERÇU SUR LES ALLÉGEMENTS
SPÉCIFIQUES
DE COTISATIONS SOCIALES EN EUROPE
En
Belgique
, une
réduction forfaitaire
des cotisations
sociales employeurs, augmentée pour les publics de moins de 25 ans et de
plus de 50 ans fait suite aux réductions de charges entreprises dans les
années 1980, puis sur les bas salaires en 1993. Une réduction
supplémentaire est prévue à partir de 2001 pour les
chômeurs de plus de 45 ans (plan activa). En outre, une
réduction de charges sociales salariés
(8 % de revenu
en plus pour les salaires bas) est intervenue à partir de 2000 et il
existe une
aide forfaitaire unique
en cas de
réduction de la
durée du travail
(800 euros par heure réduite par
salarié, non permanente), puis permanente (de 250 à 600 euros par
salarié par an selon l'ampleur de la réduction). Avec, au total,
31 millions d'euros, cette aide représente un dispositif de faible
ampleur.
En
Finlande
, la réduction de charges a été
modulée. Elle va de 0,1 point pour les petites entreprises à 0,35
pour les grandes. Par ailleurs, une réduction de 0,65 point pour
les entreprises intensives en main-d'oeuvre a été mise en place.
En
Grèce
, la réduction de charges employeurs concerne les
bas salaires
(2 points de réduction pour les salaires
inférieurs à 580 euros par mois), avec une suppression dans le
cas des salaires les plus bas. Une réduction de charges employeurs est
prévue dans le cas d'une
nouvelle embauche
.
En
Italie
, jusqu'en 2000 il existait une aide forfaitaire (de 4 100
euros à 5 100 euros) pour l'
embauche nouvelle
en CDI avec un
plafond annuel. L'aide était versée en une seule fois. Les
PME
seules étaient éligibles au dispositif. Depuis, un dispositif
supplémentaire a été introduit pour les
zones à
fort taux de chômage
(1 500 euros) et en 2000, le dispositif
antérieur a été étendu à toutes les PME,
devenant une aide mensuelle (413 euros) pour une durée de 3 ans (soit 14
868 euros pour trois années).
Aux
Pays-Bas
, depuis 1996, le SPAK est un allègement forfaitaire
de cotisations sociales employeurs sur les
bas salaires
(jusqu'à
1,15 salaire minimum) qui réduit (en 2000) de 10 % le coût
salarial. L'allègement et le seuil sont proportionnels à la
durée du travail. Le t-SPAK est, quant à lui, un
allègement entre 115 et 130 % du salaire minimum pour ceux qui ont
bénéficié avec le même employeur du SPAK. Pour les
chômeurs de longue durée nouvellement embauchés
, un
allègement supplémentaire pendant 4 ans est possible, doublant le
SPAK.
Au
Portugal
, il existe une exonération de cotisations sociales
patronales pendant une année pour les groupes ciblés lors de la
transformation d'un CDD en CDI. Pour les travailleurs handicapés, le
taux de cotisations patronales est de 12,5 au lieu de 23,7 %, pour les
footballeurs il est de 17,5.
Au
Royaume-Uni
,
en dessous d'un seuil de salaires
(environ 609
euros par mois),
il n'y a pas de cotisations sociales salariés ou
employeurs
. Le taux est ensuite constant et s'applique au salaire moins le
seuil. Passé un second seuil (+ de 4 000 euros par mois), le taux des
cotisations employeurs redevient nul. Auparavant, avant 1997, en dessous d'un
seuil (environ 400 € par mois) il n'y avait ni cotisations sociales
ni ouverture de droits et, au-delà du seuil, la montant des cotisations
sociales était de 5 % du salaire plus 10 % du salaire moins le
seuil.
La
réforme
intervenue au Royaume-Uni apparaît ainsi
singulière
puisqu'elle
combine incitation au travail des
« peu qualifiés »
et
allégement des
cotisations dues par les plus hauts revenus
.
* 8 Le « coin sociofiscal » représente l'écart entre la charge salariale brute et la rémunération nette réellement perçue par le salarié.