C. UNE GRANDE VARIÉTÉ DES SITUATIONS NATIONALES

L'imposition des revenus des ménages est agencée en Europe selon des modalités nationales très variables. Appréhendée à partir du seul IRPP, la taxation des ménages apparaît relativement en retrait en France. Mis, cet indicateur est trompeur.

Tous prélèvements confondus, la France appartient au groupe des pays où la pression fiscale sur les ménages est la plus forte.

1. D'importantes disparités

Les modifications apportées à l'imposition du revenu des ménages peuvent, pour certaines, avoir répondu à des préoccupations communes, elles n'en ont pas été pour autant coordonnées. Chaque pays a poursuivi des objectifs propres, ce qui est conforme au principe de souveraineté fiscale des Etats. Ainsi, si, globalement , une réduction des taux d'imposition est intervenue, cette tendance ne se vérifie pas partout et les situations nationales restent très contrastées .

Même si les comparaisons internationales rencontrent quelques difficultés de méthode (voir encadré ci-dessous), l'imposition du revenu des ménages est marquée par une réelle dispersion .


De quelques difficultés posées par les comparaisons internationales
en matière d'impôt sur le revenu des ménages

Les comparaisons internationales du poids de l'impôt sur le revenu des ménages soulèvent plusieurs difficultés :

- Un même transfert peut être versé sous forme d'une réduction fiscale (ce qui réduit le poids de l'impôt) ou sous forme d'une prestation ou d'une subvention (allocations familiales, mesures incitatives à l'emploi des travailleurs non qualifiés, ...).

- Le financement des prestations sociales fait l'objet de choix différents, certains pays privilégiant les cotisations sociales, d'autres les impôts. Il existe trois types de prestations sociales : les prestations de solidarité réservées aux plus pauvres, les prestation universelles que touchent tous les ménages, les prestations d'assurances (retraites, chômage) réservées aux personnes cotisantes et dépendantes des cotisations versées. En théorie, les deux premières (qui n'ont plus de lien avec l'activité) devraient logiquement être financées par l'impôt, les troisièmes (qui sont des salaires différés) par les cotisations sociales. Ce n'est pas toujours le cas. En France, par exemple, les prestations famille et maladie sont financées par des cotisations, ce qui réduit le poids de l'impôt sur le revenu. En général, l'impôt sur le revenu est particulièrement élevé dans les pays beveridgiens, où il finance les prestations maladie, famille et des prestations retraites universelles. Il est plus bas dans les pays bismarckiens, où les retraites sont financées par des cotisations, surtout si, de plus, les cotisations financent aussi des prestations universelles ou de solidarité.

- La frontière entre l'impôt sur le revenu et les cotisations sociales n'est pas toujours claire, comme le montre l'exemple de la CSG, qui est traitée en comptabilité nationale comme un impôt.

- Rapporter les recettes engendrées par l'impôt sur le revenu au PIB ne suffit pas pour évaluer la pression fiscale sur le revenu des ménages. Les résultats obtenus doivent être décomposés pour identifier l'effet des différentes modalités de partage du revenu national.

En 2000, le poids de l'impôt sur le revenu stricto sensu va de 5 % du PIB en Grèce à 25,3 % au Danemark ; soit, de 13 % des recettes fiscales en Grèce à 52 % au Danemark. Deux types de pays s'écartent fortement de la moyenne :

- les pays scandinaves (Danemark, Finlande, Suède), où l'impôt sur le revenu est très important, en particulier parce qu'il finance le système de protection sociale, qui donne à tous les résidents des prestations uniformes d'un montant relativement élevé ;

- les pays du Sud (Espagne, Grèce, Portugal), marqués par des structures fiscales où les impôts indirects sont très importants et où l'impôt sur le revenu ne joue qu'un rôle mineur.

La considération des taux moyens effectifs d'imposition des ménages par tranche de revenu confirme cette dispersion.

Taux moyen d'imposition en 2001 (couple marié, deux enfants, deux revenus salariaux, la femme travaille et gagne 70 % du salaire du mari) 1

Niveau du salaire/SMO

0,7

1

2

3

5

a

b

a

b

a

b

a

b

a

b

Allemagne*

0

33,2

9,5

40,2

27,1

48,0

34,6

48,7

40,3

48,6

Autriche*

1,6

25,1

13,8

35,7

27,7

43,8

35,6

45,4

41,4

46,9

Belgique*

20,8

39,9

28,2

46,4

39,1

56,4

49,9

62,2

48,9

66,0

Danemark**

28,5

33,1

32,5

37,2

43,9

48,0

49,1

52,9

53,0

56,8

Espagne*

3,3

30,6

7,9

33,9

16,9

40,3

21,0

40,2

29,2

40,7

France*

6,6

23,5

11,2

40,0

16,9

47,9

21,5

51,0

27,5

54,9

Italie*

13,4

38,0

16,9

42,8

25,8

49,8

30,3

53,0

34,5

56,0

Pays-Bas**

12,4

27,1

15,5

32,0

30,1

41,1

37,9

43,6

43,6

46,7

Royaume-Uni**

12,8

19,0

16,1

25,2

21,5

32,2

26,8

36,1

32,2

40,3

Suède**

26,2

42,8

29,0

46,1

37,0

53,1

41,4

57,4

48,4

63,4

1. Les coefficients 0,7, 1, 2, 3 et 5 se rapportent au salaire moyen ouvrier dans chacun des pays concerné .

a) IR/salaire net

b) (IR + cotisations sociales - prestations familiales) / salaire super brut. Dans le cas français, la CSG/CRDS figure dans l'impôt sur le revenu.

* Donne droit à une retraite proportionnelle

** Donne droit à une retraite forfaitaire


Source : Calculs des auteurs d'après OCDE, Les impôts sur les salaires, 2000-2001 , 2002

Etant entendu que le diagnostic sur les taux moyens d'imposition du revenu des ménages diffère selon l'indicateur choisi, l' approche « étroite » où l'on rapporte les seuls impôts sur le revenu au revenu disponible (colonne a du tableau qui précède) - qui est un indicateur du poids des impôts sur le revenu au sens juridique -, est l'approche qui met en évidence la plus forte dispersion des situations nationales.

Pour un couple au niveau du salaire moyen , l'imposition s'étage de 7,9 % en Espagne à 32,5 % au Danemark .

Les taux moyen d'imposition sur les revenus les plus élevés vont de 27,5 % en France à 53 % au Danemark et, sur les revenus les plus faibles de l'échantillon choisi 6 ( * ) , de 0 % en Allemagne à 28,5 % au Danemark .

Ces données sont à mettre en relation - plus ou moins étroite - avec la variété des caractéristiques des régimes d'imposition du revenu en Europe.

Caractéristiques de l'impôt sur le revenu en 2001

 

Seuil de paiement*

Nombre de tranches

Taux maximum

Atteint pour*...

Allemagne

0,31

Infinité

48,5

1,93

Autriche

0,57

5

50

2,78

Belgique

0,47

7

60,6

2,84

Danemark

0,16

3

59

1,06

Espagne

0,50

6

48

5,04

Finlande

0,35

6

55,2

2,20

France

0,67

6

53,25

2,74

Grèce

0,67

5

45

5,43

Irlande

0,27

2

44

0,98

Italie

0,16

5

46,4

3,69

Luxembourg

0,43

17

47,2

2,68

Pays-Bas

0,21

4

60

1,93

Portugal

0,53

5

40

4,66

Royaume-Uni

0,32

3

40

1,78

Suède

1,11

2

55,4

1,79

Japon

0,27

4

37

5,27

Etats-Unis

0,23

5

39,6

9,56

* En salaire moyen ouvrier, cas du célibataire.

Sources : OCDE, Les impôts sur les salaires, 2000-2001, 2002; European Tax Handbook, 2001, calculs des auteurs.

Si la plupart des pays font payer l'impôt à la plupart des ménages, d'autres ont un seuil d'imposition élevé : Grèce, France et Suède.

La plupart des pays ont un barème d'imposition à plusieurs tranches. L'Allemagne fait exception avec un taux marginal croissant de façon continue. Le nombre de tranches va de 2 en Suède à 17 au Luxembourg

Le taux maximum est généralement de l'ordre de 50 %. Toutefois, il n'est que de 40 % au Portugal et au Royaume-Uni ; il est proche de 60 % au Danemark, en Belgique et aux Pays-Bas. Par ailleurs, ce taux est parfois atteint très vite (Irlande, Danemark), parfois pour des revenus élevés (Italie, Portugal, Espagne, Grèce).

Si une « approche élargie » (colonnes b du tableau page 63) rapportant le total des prélèvements net des prestations familiales au coût salarial total - qui permet, en particulier, de neutraliser les biais liés à la répartition des prélèvements entre impôts sur le revenu et cotisations sociales - conduit à de réelles nuances , elle ne modifie pourtant pas le diagnostic d'une variété des situations nationales d'imposition des revenus des ménages.

Les différences sont moins nettes mais restent des écarts significatifs dans les prélèvements directs sur le revenu des ménages.

2. Deux modèles ?

Les données figurant dans le rapport de l'OFCE conduisent à distinguer schématiquement deux modèles, comme l'indique le graphique ci-après :

- un premier modèle, où la désincitation à maximiser son revenu est faible , correspondant aux pays où une faible proportion des ménages (correspondant à ceux gagnant au moins 5 fois le salaire ouvrier moyen) est soumise au taux maximum, qui est inférieur à 50 % (Europe du sud, Etats-Unis, Japon) ;

- un second modèle, où la désincitation à maximiser son revenu est élevée, correspondant aux pays où le taux maximum concerne une forte proportion des ménages (ceux gagnant de 1 à 2 fois le salaire ouvrier moyen), et est supérieur à 55 % (Scandinavie).

La France se rapproche de ce second modèle (avec un taux marginal maximal d'imposition de 53,25 % en 2001, à partir de trois fois le revenu moyen ouvrier environ). L'imposition du revenu y est donc plus désincitative que dans la plupart des autres pays européens.

Le pays où la désincitation est la plus faible est les Etats-Unis . Dans ce pays, le taux maximal d'imposition (de 40 %) ne concerne que les personnes gagnant au moins 10 fois le salaire moyen ouvrier, ce qui correspond à un seuil bien plus élevé que ce que l'on peut observer dans l'Union européenne (en Grèce, pays européen où ce seuil est le plus élevé, il est de 5 fois le salaire moyen ouvrier). Au Royaume-Uni et en Irlande la désincitation à travailler est plus forte qu'aux Etats-Unis puisque si le taux d'imposition maximal est faible (de l'ordre de 40 %), il concerne une proportion importante de ménages (à partir de 1 ou 2 fois le salaire moyen ouvrier).

Les taux d'imposition dans l'Union européenne (2001)

(seuil d'imposition au taux maximum,
en % du salaire moyen ouvrier)

(taux maximum, en % du revenu)

Source : d'après le rapport de l'OFCE (calculs des auteurs d'après OCDE, Les impôts sur les salaires, 2000-2001, 2002)

* 6 Le choix d'un revenu inférieur (à 70 % du salaire moyen environ) aurait fait apparaître des taux moyens d'imposition nuls dans un grand nombre de pays.

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