C. UNE GRANDE VARIÉTÉ DES SITUATIONS NATIONALES
L'imposition des revenus des ménages est agencée en
Europe selon des modalités nationales très variables.
Appréhendée à partir du seul IRPP, la taxation des
ménages apparaît relativement en retrait en France. Mis, cet
indicateur est trompeur.
Tous prélèvements confondus, la France appartient au groupe
des pays où la pression fiscale sur les ménages est la plus
forte.
1. D'importantes disparités
Les
modifications apportées à l'imposition du revenu des
ménages peuvent, pour certaines, avoir répondu à des
préoccupations communes, elles n'en ont pas été pour
autant coordonnées. Chaque pays a poursuivi des objectifs propres, ce
qui est conforme au principe de souveraineté fiscale des Etats. Ainsi,
si,
globalement
,
une réduction des taux d'imposition est
intervenue, cette tendance ne se vérifie pas partout et les situations
nationales restent très contrastées
.
Même si les comparaisons internationales rencontrent quelques
difficultés de méthode (voir encadré ci-dessous),
l'imposition du revenu des ménages est marquée par une
réelle dispersion
.
Les
comparaisons internationales du poids de l'impôt sur le revenu des
ménages soulèvent plusieurs difficultés :
|
En 2000,
le poids de l'impôt sur le revenu
stricto sensu
va de
5 %
du PIB
en
Grèce
à
25,3 %
au
Danemark
; soit, de 13 % des recettes fiscales en Grèce
à 52 % au Danemark.
Deux types de pays s'écartent
fortement de la moyenne
:
-
les pays scandinaves
(Danemark, Finlande, Suède), où
l'impôt sur le revenu est très important, en particulier parce
qu'il finance le système de protection sociale, qui donne à tous
les résidents des prestations uniformes d'un montant relativement
élevé ;
-
les pays du Sud
(Espagne, Grèce, Portugal), marqués par
des structures fiscales où les impôts indirects sont très
importants et où l'impôt sur le revenu ne joue qu'un rôle
mineur.
La considération des
taux moyens effectifs d'imposition
des
ménages par tranche de revenu confirme cette dispersion.
Taux
moyen d'imposition en 2001 (couple marié, deux enfants, deux revenus
salariaux, la femme travaille et gagne 70 % du salaire du
mari)
1
Niveau du salaire/SMO |
0,7 |
1 |
2 |
3 |
5 |
|||||
a |
b |
a |
b |
a |
b |
a |
b |
a |
b |
|
Allemagne* |
0 |
33,2 |
9,5 |
40,2 |
27,1 |
48,0 |
34,6 |
48,7 |
40,3 |
48,6 |
Autriche* |
1,6 |
25,1 |
13,8 |
35,7 |
27,7 |
43,8 |
35,6 |
45,4 |
41,4 |
46,9 |
Belgique* |
20,8 |
39,9 |
28,2 |
46,4 |
39,1 |
56,4 |
49,9 |
62,2 |
48,9 |
66,0 |
Danemark** |
28,5 |
33,1 |
32,5 |
37,2 |
43,9 |
48,0 |
49,1 |
52,9 |
53,0 |
56,8 |
Espagne* |
3,3 |
30,6 |
7,9 |
33,9 |
16,9 |
40,3 |
21,0 |
40,2 |
29,2 |
40,7 |
France* |
6,6 |
23,5 |
11,2 |
40,0 |
16,9 |
47,9 |
21,5 |
51,0 |
27,5 |
54,9 |
Italie* |
13,4 |
38,0 |
16,9 |
42,8 |
25,8 |
49,8 |
30,3 |
53,0 |
34,5 |
56,0 |
Pays-Bas** |
12,4 |
27,1 |
15,5 |
32,0 |
30,1 |
41,1 |
37,9 |
43,6 |
43,6 |
46,7 |
Royaume-Uni** |
12,8 |
19,0 |
16,1 |
25,2 |
21,5 |
32,2 |
26,8 |
36,1 |
32,2 |
40,3 |
Suède** |
26,2 |
42,8 |
29,0 |
46,1 |
37,0 |
53,1 |
41,4 |
57,4 |
48,4 |
63,4 |
1.
Les coefficients 0,7, 1, 2, 3 et 5 se rapportent au salaire moyen ouvrier dans
chacun des pays concerné
.
a) IR/salaire net
b) (IR + cotisations sociales - prestations familiales) / salaire super brut.
Dans le cas français, la CSG/CRDS figure dans l'impôt sur le
revenu.
* Donne droit à une retraite proportionnelle
** Donne droit à une retraite forfaitaire
Source : Calculs des auteurs d'après OCDE,
Les impôts sur
les salaires, 2000-2001
, 2002
Etant entendu que le diagnostic sur les taux moyens d'imposition du revenu des
ménages diffère selon l'indicateur choisi, l'
approche
« étroite »
où l'on rapporte les
seuls
impôts sur le revenu
au revenu disponible (colonne
a
du
tableau qui précède) - qui est un indicateur du poids des
impôts sur le revenu au sens juridique -, est l'approche qui met en
évidence
la plus
forte dispersion
des situations
nationales.
Pour un couple au
niveau du salaire moyen
, l'imposition s'étage
de
7,9 % en Espagne
à
32,5 % au Danemark
.
Les taux moyen d'imposition sur les
revenus les plus
élevés
vont de
27,5 % en France
à
53 % au Danemark
et,
sur les revenus les plus faibles
de
l'échantillon choisi
6
(
*
)
, de
0 % en Allemagne
à
28,5 % au Danemark
.
Ces données sont à mettre en relation - plus ou moins
étroite - avec la variété des caractéristiques des
régimes d'imposition du revenu en Europe.
Caractéristiques de l'impôt sur le revenu en 2001
|
Seuil de paiement* |
Nombre de tranches |
Taux maximum |
Atteint pour*... |
Allemagne |
0,31 |
Infinité |
48,5 |
1,93 |
Autriche |
0,57 |
5 |
50 |
2,78 |
Belgique |
0,47 |
7 |
60,6 |
2,84 |
Danemark |
0,16 |
3 |
59 |
1,06 |
Espagne |
0,50 |
6 |
48 |
5,04 |
Finlande |
0,35 |
6 |
55,2 |
2,20 |
France |
0,67 |
6 |
53,25 |
2,74 |
Grèce |
0,67 |
5 |
45 |
5,43 |
Irlande |
0,27 |
2 |
44 |
0,98 |
Italie |
0,16 |
5 |
46,4 |
3,69 |
Luxembourg |
0,43 |
17 |
47,2 |
2,68 |
Pays-Bas |
0,21 |
4 |
60 |
1,93 |
Portugal |
0,53 |
5 |
40 |
4,66 |
Royaume-Uni |
0,32 |
3 |
40 |
1,78 |
Suède |
1,11 |
2 |
55,4 |
1,79 |
Japon |
0,27 |
4 |
37 |
5,27 |
Etats-Unis |
0,23 |
5 |
39,6 |
9,56 |
* En
salaire moyen ouvrier, cas du célibataire.
Sources : OCDE,
Les impôts sur les salaires, 2000-2001,
2002;
European Tax Handbook,
2001, calculs des auteurs.
Si la plupart des pays font payer l'impôt à la plupart des
ménages, d'autres ont un seuil d'imposition élevé :
Grèce, France et Suède.
La plupart des pays ont un barème d'imposition à plusieurs
tranches. L'Allemagne fait exception avec un taux marginal croissant de
façon continue. Le nombre de tranches va de 2 en Suède à
17 au Luxembourg
Le taux maximum est généralement de l'ordre de 50 %.
Toutefois, il n'est que de 40 % au Portugal et au Royaume-Uni ; il
est proche de 60 % au Danemark, en Belgique et aux Pays-Bas. Par ailleurs,
ce taux est parfois atteint très vite (Irlande, Danemark), parfois pour
des revenus élevés (Italie, Portugal, Espagne, Grèce).
Si une
« approche élargie »
(colonnes
b
du tableau page 63) rapportant le total des
prélèvements net des prestations familiales au coût
salarial total - qui permet, en particulier, de neutraliser les biais
liés à la répartition des prélèvements entre
impôts sur le revenu et cotisations sociales - conduit à de
réelles nuances
, elle ne modifie pourtant pas le diagnostic d'une
variété des situations nationales d'imposition des revenus des
ménages.
Les différences sont moins nettes mais restent des écarts
significatifs dans les prélèvements directs sur le revenu des
ménages.
2. Deux modèles ?
Les
données figurant dans le rapport de l'OFCE conduisent à
distinguer schématiquement deux modèles, comme l'indique le
graphique ci-après :
- un premier modèle, où
la désincitation à
maximiser son revenu est faible
, correspondant aux pays où une
faible proportion des ménages (correspondant à ceux gagnant au
moins 5 fois le salaire ouvrier moyen) est soumise au taux maximum, qui est
inférieur à 50 % (Europe du sud, Etats-Unis, Japon) ;
- un second modèle, où
la désincitation à
maximiser son revenu est élevée,
correspondant aux pays
où le taux maximum concerne une forte proportion des ménages
(ceux gagnant de 1 à 2 fois le salaire ouvrier moyen), et est
supérieur à 55 % (Scandinavie).
La France se rapproche de ce second modèle
(avec un taux marginal
maximal d'imposition de 53,25 % en 2001, à partir de trois fois le
revenu moyen ouvrier environ).
L'imposition du revenu y est donc plus
désincitative que dans la plupart des autres pays européens.
Le pays où la désincitation est la plus faible est les
Etats-Unis
. Dans ce pays, le taux maximal d'imposition (de 40 %) ne
concerne que les personnes gagnant au moins
10 fois
le salaire moyen
ouvrier, ce qui correspond à un seuil bien plus élevé que
ce que l'on peut observer dans l'Union européenne (en Grèce, pays
européen où ce seuil est le plus élevé, il est de 5
fois le salaire moyen ouvrier). Au Royaume-Uni et en Irlande la
désincitation à travailler est plus forte qu'aux Etats-Unis
puisque si le taux d'imposition maximal est faible (de l'ordre de 40 %), il
concerne une proportion importante de ménages (à partir de 1 ou 2
fois le salaire moyen ouvrier).
Les taux d'imposition dans l'Union européenne (2001)
(seuil
d'imposition au taux maximum,
en % du salaire moyen ouvrier)
(taux maximum, en % du revenu)
Source : d'après le rapport de l'OFCE (calculs des auteurs d'après OCDE, Les impôts sur les salaires, 2000-2001, 2002)
* 6 Le choix d'un revenu inférieur (à 70 % du salaire moyen environ) aurait fait apparaître des taux moyens d'imposition nuls dans un grand nombre de pays.