CHAPITRE III :
UNE ACCENTUATION DE LA PRESSION DES
PRÉLÈVEMENTS SUR LES MÉNAGES
Il
n'y a pas eu, en Europe, de grande réforme de l'imposition des revenus
des ménages
. Cependant, des tentatives, inscrites souvent dans une
perspective pluriannuelle, et fréquemment remises en cause au gré
des alternances politiques ou des retournements du cycle économique, ont
été faites pour
réduire les taux nominaux
d'imposition
. Elles se sont le plus souvent
accompagnées de
mesures d'élargissement de l'assiette d'imposition afin de les
financer
, mais aussi
d'
assurer une plus grande neutralité
et équité de l'impôt sur le revenu.
Le
bilan
de ces mesures reste
décevant
.
La pression
fiscale sur le revenu des ménages, qui avait déjà beaucoup
progressé dans la période antérieure, s'est encore
accentuée
et, compte tenu d'
un renforcement de la
progressivité
, certaines catégories de population ont
été plus touchées que d'autres.
I. DES RÉFORMES POURSUIVANT UN DOUBLE OBJECTIF DE RÉDUCTION DES TAUX D'IMPOSITION ET D'ÉLARGISSEMENT DES ASSIETTES
Des réformes sont intervenues, articulées autour d'une baisse des taux légaux d'imposition et d'élargissement de l'assiette.
A. LES RÉFORMES DANS QUELQUES PAYS EUROPÉENS
De
façon générale, les réformes mises en oeuvre en
Europe durant les dix dernières années
ont visé
à
réduire les taux d'imposition marginaux, censés
décourager le travail ou l'épargne
.
Cette
baisse
s'est
souvent accompagnée de mesures
d'élargissement de la base imposable
, par la suppression de certains
abattements ou crédits d'impôt.
Souvent, les réformes
ont visé à améliorer la situation des familles avec
enfants
, compte tenu des problèmes de natalité en Allemagne
et dans les pays d'Europe du Sud et des problèmes de pauvreté au
Royaume-Uni.
Une telle orientation a été prise
en Allemagne
, où
la réforme fiscale engagée par le gouvernement Schröder vise
à élargir la base imposable afin de permettre une baisse des taux
d'imposition. Le
taux le plus bas
a été ramené de
25,9 % en 1998
à
19,9 % en 2002
; il
devrait baisser à 15 % en 2005. Le
taux maximum
,
déjà passé de
53 % à 48,5 %,
doit
baisser à
42 %.
Les
principales données de la réforme de l'IRPP en
Allemagne
|
1999 |
2000 |
2001 |
2002 |
2003 |
2004 |
2005 |
Cumul |
Taux maximum |
53 |
51 |
48,5 |
48,5 |
47 |
47 |
42 |
- 11 points |
Taux minimum |
23,9 |
22,9 |
19,9 |
19,9 |
17 |
17 |
15 |
- 8,9 points |
Minimum
non imposable
|
6681 |
6902 |
7206 |
7235 |
7426 |
7426 |
7664 |
+ 11 % |
Source : ministère des Finances allemand.
La baisse du taux maximum est importante (- 11 points) ainsi que celle du taux
minimum, qui est toutefois plus réduite (- 8,9 points). En outre, une
hausse du plancher d'imposition est prévue. Toutefois, elle devrait
être inférieure à la hausse du salaire moyen sur la
période, ce qui devrait se traduire par une augmentation du nombre des
contribuables.
En Espagne
, plusieurs réformes sont intervenues allant dans ce
même sens.
Une réforme
en 1992
a eu pour but d'élargir l'assiette
fiscale et d'inciter à l'épargne de long terme. Elle a
été financée par l'intégration dans l'assiette de
nouvelles sources de revenus, comme les avantages en nature.
En 1997
, le nombre de tranches de l'IRPP a été
réduit de 16 à 10. La réforme de l'impôt sur le
revenu des personnes physiques mise en oeuvre
en 1999
a poursuivi
plusieurs objectifs : réduire la charge fiscale et approfondir les
mesures encourageant le travail ; accroître la neutralité
envers les divers types de revenus et placements ; remplacer un ensemble
d'exonérations par un revenu minimal exonéré ;
abaisser le coût de perception de l'impôt.
Les taux marginaux ont été réduits de 56 à
48 % pour la tranche supérieure et de 20 à 18 % pour la
tranche inférieure, tandis que le nombre de tranches a diminué de
10 à 6.
Le revenu fictif des logements occupés par leurs propriétaires
n'est plus imposable, au nom de la simplification.
Le seuil à partir duquel il faut remplir une déclaration a
été relevé à 21.000 € (au lieu de 7.200 €
en 1998), ceci devant réduire de 5 millions le nombre de
déclarations (soit d'environ un tiers du total des déclarations).
Selon les estimations officielles, ces réformes ont
entraîné une baisse de la pression fiscale totale de 11 %
(voir le tableau ci-dessous). Les contribuables auraient ainsi
bénéficié d'une réduction d'impôts de
4,85 milliards d'euros en 1999, concentrée sur les revenus
comparativement faibles.
Effets
de la réforme espagnole de 1999 de l'IRPP
Revenu (en euros) |
Contribuables concernés (en %) |
Réduction de la charge fiscale au titre de l'IRPP (en %) |
< 12 020 |
60,3 |
29,7 |
12 02018 030 |
19,8 |
15,0 |
18 03030 051 |
14,3 |
8,3 |
> 30 051 |
5,6 |
6,2 |
Total |
100,0 |
11,1 |
Source : Ministerio de economia y hacienda
La situation des
Pays-Bas
apparaît assez typique des
problèmes que les aménagements fiscaux de l'impôt sur le
revenu ont eu pour objectif de résoudre. Ce pays a connu depuis 1990 une
nette érosion de l'assiette d'imposition sous le double-effet de
réaménagements ponctuels et des adaptations de comportement des
ménages face au système fiscal.
En 1998 l'abattement forfaitaire avait presque doublé, afin d'assurer le
maintien du pouvoir d'achat des travailleurs payés au salaire minimum et
des bénéficiaires de prestations durant une période
où ces salaires et prestations avaient progressé plus lentement
que les prix à la consommation. 11,5 % des titulaires de revenus
n'acquittaient pas d'impôt sur le revenu en 1998, contre 9 % en
1990. Comme le rappelle l'OCDE, la base d'imposition a été
également entamée par l'augmentation des déductions au
titre des primes d'assurance-vie et par la déduction illimitée
des versements d'intérêts hypothécaires, si bien qu'est
devenu nécessaire un alourdissement de la pression fiscale pesant sur un
large éventail de salariés. De fait, le taux marginal pour un
célibataire s'élevait rapidement de 35,75 % au niveau
minimum à 50 % pour l'ouvrier moyen, ce qui a pu inciter les
individus à substituer les loisirs au travail en recherchant des emplois
à temps partiel. La
conjonction de taux marginaux
élevés
et de
prestations sous conditions de ressources
dissuade les prestataires (et leurs conjoints) de rechercher un emploi
rémunéré
et pour rééquilibrer les
incitations, les autorités ont augmenté
régulièrement l'abattement forfaitaire pour frais professionnels.
C'est dans ce contexte qu'une réforme est intervenue, ordonnée
autour d'
un élargissement de l'assiette
et d'une
réduction des taux légaux
, destinés à
renforcer les incitations à travailler.
Cette réforme n'est que partiellement financée et
l'allégement fiscal net devrait s'élever à
2,3 milliards d'euros.
Financement de la réforme fiscale de
2001
|
|||
Ressources |
Emplois |
||
Limitation des déductions fiscales |
4,4 |
Réduction des taux d'imposition |
7,0 |
Relèvement du taux de la TVA |
2,0 |
Crédit d'impôt sur le revenu du travail |
3,6 |
Relèvement des taxes environnementales |
1,7 |
|
|
Impôt sur le revenu imputé du patrimoine |
0,2 |
|
|
Total |
8,3 |
|
10,6 |
Source : Ministère des Finances. |
On peut
observer qu'un crédit d'impôt unique, destiné à
renforcer les incitations à rechercher du travail, au montant
forfaitaire de 697 euros, est introduit. Il n'est pas prévu qu'il
soit réduit progressivement en fonction de l'augmentation des gains,
afin de minimiser l'impact du niveau élevé des taux marginaux
effectifs.
En outre, une réduction des taux est prévue : la
première tranche d'imposition sera dédoublée tandis que le
taux marginal supérieur sera ramené de 60 à 52 pour
cent.