6. Un suivi administratif parfois défaillant
L'analyse des dossiers d'aides de restructuration a montré que la gestion et le suivi administratifs étaient souvent défaillants et le souci des intérêts financiers de l'Etat très insuffisant. Le respect des obligations, pourtant souvent limitées, imposées aux bénéficiaires n'est pas vérifié. Bien que les sociétés bénéficiaires déposent souvent leur bilan ultérieurement, il n'existe pas de suivi centralisé 27 ( * ) de la production de l'ensemble des multiples créances de l'Etat à cette occasion (créances fiscales, prêts participatifs, avances) ; même quand ces créances sont spontanément déclarées, l'administration ne fait guère d'effort pour les recouvrer. Plusieurs exemples illustrent ces constats :
• 56 101 € ont été engagés en 1999 sur l'article 44-80-40, et 26 693 € finalement payés, dans le cadre d'une convention passée avec l'Association pour la promotion de l'emploi des personnels du textile et de l'habillement (association APETH) pour la mise en place d'une cellule d'accompagnement des entreprises du textile dans les Vosges. On constate que la convention du 2 décembre 1999 comme son avenant du 30-novembre 2000 sont intervenus en régularisation de travaux commencés auparavant. L'opération a été interrompue dès janvier 2000 avec pour seul résultat un compte-rendu très sommaire (une page manuscrite) établi par la personne chargée de l'opération. Le préfet des Vosges a refusé d'établir le certificat attestant la bonne exécution des travaux et le montant des dépenses, considérant qu'il n'avait pas les moyens d'assurer cette mission. C'est donc le secrétaire d'Etat à l'Industrie qui a dû signer ce certificat, afin de solder une opération qui a abouti à une dépense en pure perte.
• L'Etat a programmé au total 2,67 M€ sur le chapitre 64-96 au titre du contrat de développement du Territoire de Nouvelle Calédonie pour la période 1993-1997 (prolongé en 1998) ; ces crédits sont délégués sur place au Haut commissaire. Malgré des demandes réitérées de la DARPMI, où perçaient des doutes sur la conformité des dépenses effectuées avec les engagements du « contrat de développement », avec les missions relevant du ministère de l'Industrie, voire sur leur régularité, les bilans obtenus en réponse sont restés sommaires, ne permettant notamment pas d'identifier les subventions par destinataire final, le mode de gestion et de contrôle de ces aides. Il y apparaît que celles-ci, multiformes, ne concernent que minoritairement l'industrie.
• La société REGITEX, créée pour la reprise partielle des activités du groupe VESTRA, a bénéficié en 1996 d'aides à ce titre. Ce dossier a été l'objet d'un rapport du contrôle d'Etat, intervenu dans les conditions définies par le décret et l'arrêté du 30-mars 1978 (voir infra). Ce document fait le point des concours publics accordés dans cette affaire, notamment : un prêt ordinaire de 1,52 M€ à la société mère du groupe, accordé par l'Etat par le biais du Crédit national ; un prêt participatif de 1,52 M€ ; une subvention sur CPI du CIRI de 0,76 M€ ; des prêts de sociétés de conversion (SODIE, SOFRED), etc. Il ressort de l'enquête que certains des engagements du bénéficiaire conditionnant l'octroi des aides publiques n'ont pas été tenus, ce qui n'a pas empêché leur versement intégral :
- le prêt à la maison mère était notamment conditionné à une hypothèque sur un bien immobilier, qui n'a pas été constituée dans les délais ;
- de même, le prêt participatif, comme la subvention sur CPI, étaient conditionnés à l'octroi préalable des prêts SODIE et SOFRED, eux-mêmes conditionnés à une augmentation d'effectifs qui n'a en fait pas été réellement effectuée, les personnes « embauchées » à ce titre ayant été transférées d'une autre unité du groupe.
• 3,66 M€ de subventions sur CPI ont été versés en deux fois dans l'hiver 1997-1998 à la société MYRYS, alors en redressement judiciaire. Le 6 octobre 1999, l'administrateur judiciaire, gestionnaire de ces aides, a rendu un rapport de fin de mandat où, constatant un trop-perçu de subvention par rapport aux dépenses couvertes, il sollicitait en conséquence l'émission d'un titre de perception de 677 K€. Le 25 avril 2000, rien ne s'étant produit, il a même pris l'initiative d'adresser un chèque au Trésor public, qui lui a été renvoyé, en l'absence de titre de perception... le 18 juin 2001. Ce n'est qu'à cette date que la DIGITIP a demandé l'établissement du titre, permettant enfin l'encaissement en août 2001, deux ans après la déclaration spontanée du reversement à effectuer.
Le repreneur de la « Lainière de Roubaix » a bénéficié, entre autres aides publiques, de 3,35 M€ de CPI en novembre 1996. Dès mars 1997, les réalisations de la société « Nouvelles filatures Lainière de Roubaix » étant très en deçà des prévisions, une lettre du mandataire assurant la séquestre de la subvention à la DGSI évoquait les difficultés de l'entreprise ; le mandataire y indiquait alors avoir déclaré au repreneur qu'il n'accepterait pas « l'utilisation des fonds provenant de la subvention dans l'apurement de perte d'exploitation » et demandait un audit de l'entreprise par un consultant agréé par la DGSI. D'après le rapport de fin de mandat tardivement transmis par l'administration à la Cour, il subsistait fin 1998, sur le compte séquestre, 1,142 M€ en titres et disponibilités qui ne semblent pas avoir été récupérés avant le dépôt de bilan de la société (le 21 décembre 1999), d'après les pièces transmises.
* 27 La Cour prend acte du suivi assuré à la direction du Trésor pour les dossiers « CIRI ».