B. ASSORTIR LE PRINCIPE DE PRÉCAUTION D'UN PRINCIPE DE PROTECTION
Le principe de précaution conduit à faire peser des exigences lourdes et justifiées sur les nouveaux produits tels que les OGM. Ces contraintes sont le fruit d'une démarche scientifique et réfléchie. Est-il légitime, dès lors, de sortir de ce cadre réglementaire pour entraver des essais autorisés ? Votre rapporteur ne peut, à l'évidence, cautionner les infractions à la loi, quand bien même leurs auteurs estimeraient de bonne foi mener une action de protection de l'intérêt général.
Le recours à la violence n'est pas une solution, dans un Etat de droit. Votre commission prend partie pour un système équilibré, où le développement des OGM ne pourra se faire qu'en respectant des règles claires et très contraignantes, mais où le respect de ces règles donnera droit au cultivateur, producteur commercial ou organisme de recherche, à la protection publique. Il est de l'essence de la démocratie que tous les acteurs du dossier respectent les règles du jeu, qui sont issues de la volonté générale, fondement de la République.
Les cultivateurs d'OGM seront d'autant plus incités à respecter les lourdes, et donc coûteuses, mesures d'encadrement de ces produits, qu'ils estimeront que leur effort ne sera pas brutalement ruiné par une destruction intempestive. Il faut rappeler, à ce titre, qu' entre 1998 et 2001, le nombre de notifications d'essais au champ a baissé de 76 % sur le territoire de l'Union , comme l'a indiqué le Commissaire européen à la Recherche Philippe Busquin, le 5 mars 2003. Disposant d'un budget limité, les centres de recherche, publics ou privés, ne s'engageront dans les recherches nécessaires notamment à la biovigilance que si des résultats scientifiques peuvent être obtenus, ce qui suppose que leurs travaux ne soient pas détruits en cours de route.
Il est regrettable que des chercheurs puissent se sentir menacés, dans leurs recherches ou dans leurs personnes, alors qu'ils n'ont à aucun moment enfreint la loi. Cette situation anormale exprime pleinement le grave fossé qui s'est creusé entre le monde de la recherche et l'opinion publique. Les chercheurs doivent incontestablement réexaminer la façon dont ils communiquent avec nos concitoyens. La société est en droit de demander des comptes à la recherche, car celle-ci est financée par la richesse nationale. En contrepartie, les chercheurs qui respectent la loi ne doivent pas se sentir menacés, quand bien même leurs conclusions ne rencontreraient pas l'unanimité. De ce point de vue, votre commission partage l'analyse du député Jean-Yves Le Déaut, qui a dénoncé la violence des attaques ad hominem portées contre les auteurs du rapport de l'Académie des Sciences 143 ( * ) et contesté la demande de commission d'enquête faite par quatre de ses collègues 144 ( * ) .
Chacun a le droit de contester, en proportion de sa propre expertise, les conclusions scientifiques d'un travail de recherche. Par ailleurs, tous les citoyens, quelle que soit leur expertise, ont le droit de critiquer les objectifs de la recherche. Ces droits incontestables, n'autorisent en rien le recours à la violence. Dans un Etat de droit et dans une société démocratique, l'Etat détient le monopole de la violence légitime, ce qui veut dire concrètement que seule la force publique peut mener à bien des destructions.
Cet aspect pèse lourdement sur le comportement des acteurs, notamment les PME de biotechnologies. Lors de son audition 145 ( * ) , M. Bertrand Mérot, Président-Directeur général de Meristem Therapeutics, avait souligné ce point, estimant que si les entreprises ne pouvaient être protégées par la loi, elles seraient contraintes de délocaliser leur activité.
Le seul fait qu'un rapport parlementaire doive rappeler la nécessité du respect de la loi est en soi suffisamment révélateur de la grave crise de confiance dans les institutions que traverse le pays, et dont le dossier des OGM n'est en fin de compte qu'une manifestation.
La recherche, dès lors qu'elle se plie comme de juste au principe de précaution, doit être respectée et, au besoin, protégée.
* 143 Cf. compte rendu de l'audition de M. Roland Douce.
* 144 Cette initiative a depuis pris la forme d'une proposition de résolution de l'Assemblée nationale n° 692 (2002-2003) demandant la création d'une commission d'enquête sur « l'objectivité et la fiabilité des diagnostics établissant l'innocuité des OGM », signée par une soixantaine de députés.
* 145 Cf. compte rendu d'audition en annexe.