LES INTERROGATIONS ÉCONOMIQUES
Au-delà des prouesses technologiques, des interrogations économiques se posent.
La croissance exponentielle des coûts de recherche-développement et de production
Les coûts de recherche-développement
La microélectronique a réussi 7 sauts technologiques majeurs en 30 ans (rappelons que les transports n'en ont accompli que 3 - le train, l'auto, l'avion - en un siècle), mais au prix d'investissements en recherche et en développement considérables, bien supérieurs à ceux du programme Apollo .
Ces coûts atteignent aujourd'hui 15 % des chiffres d'affaires du secteur (de 22 à 30 milliards d'euros), et au fur et à mesure que la miniaturisation progresse la pente se raidit. Ainsi, en quinze ans, les investissements en recherche et développement des trois principaux producteurs européens ont été multipliés par dix .
Les coûts de production
Pour fabriquer un disque de 300 mm sur lequel sont imprimés près de deux milliards de transistors sur 250 microprocesseurs, 700 opérations différentes sont nécessaires , les tolérances de planité sont de l'ordre d'un Angström (10 -10 m), les taux d'impureté admissibles sont de l'ordre du milliardième.
Les charges de production de l'infiniment petit augmentent avec la réduction de la taille des composants : les coûts des équipements sont à l'échelle des défis technologiques qu'ils sont destinés à surmonter.
Une fabrique de disques de 200 mm coûtait 1,5 milliard de $ en 2000. En 2003, pour des disques de 300 mm, le coût correspondant est de 2,5 milliards de $, et en 2010, pour des unités de 450 mm, il sera de l'ordre de 6 milliards de $. Soit, dans ce dernier cas, le coût de quatre centrales nucléaires.
Le goulet d'étranglement de la formation
La baisse des vocations scientifiques dans les grandes nations occidentales est très préoccupante pour le secteur car la microélectronique a de plus en plus besoin de chercheurs et d'ingénieurs formés à cette discipline.
Une industrie aux hiérarchies volatiles et en phase de concentration
Depuis deux ans, la microélectronique a subi de plein fouet la crise des nouvelles technologies, ce qui renforce la volatilité des hiérarchies et pousse à la concentration.
La volatilité des hiérarchies
Lorsque l'on examine sur une longue période l'évolution du secteur, on s'aperçoit qu'aucune situation n'est acquise.
- Par grandes régions géographiques
Ainsi, les États-Unis, qui assuraient 55 % de la production mondiale en 1978, n'en fournissaient plus que 37 % dix ans plus tard, pour recouvrer aujourd'hui une grande partie de leur position perdue.
A l'opposé, le Japon assurait 30 % de cette production en 1978, 50 % dix ans plus tard, et moins de 30 % en 2000.
- Par entreprises
Les fluctuations de situation entre les grandes zones géographiques sont doublées d'allées et venues du même ordre entre entreprises :
Au total, dans un marché largement dominé par Intel, dont le chiffre d'affaires en 2001 (25 milliards de $) est à peine inférieur à celui des quatre sociétés suivantes, les trois sociétés européennes occupent un rang plus qu'honorable (le franco-italien STMicroelectronics est 3e, l'allemand Infineon 9e et le néerlandais Philips 10e).
A elles seules, ces sociétés européennes détiennent 10 % du marché mondial .
Encore doit-on souligner que ces sociétés occupent des positions significatives dans des secteurs à forte croissance potentielle (téléphonie mobile, cartes à puces, décodeurs, applications industrielles automobiles, etc.).
La poussée à la concentration
La concentration est le fait dominant. Elle va se poursuivre. Elle s'explique par la crise, mais surtout par la montée des coûts de recherche, de développement et de production. Aujourd'hui, seuls les cinq premiers producteurs mondiaux possèdent la surface financière nécessaire à la construction d'un centre de production de disques de 300 mm.
A l'exception d'Intel, qui a seul une masse critique suffisante, les principaux producteurs mondiaux regroupent leurs activités de recherche et de production (comme STMicroelectronics, Philips et Motorola le font sur le pôle de Crolles - en liaison avec le CEA-LETI à Grenoble). Le secteur est ainsi constitué d'oligopoles de fait de moins en moins nombreux .