II. DONNER UN SENS À LA RÉFORME PAR SON ENVERGURE ET PAR SA PROFONDEUR
Pour avoir un véritable sens et un effet utile, la réforme des droits de mutation à titre gratuit devrait, selon notre analyse, répondre aux trois objectifs suivants :
Actualiser et/ou adapter les barèmes applicables ;
Reconnaître la spécificité de l'entreprise en créant un cadre privilégié pour assurer sa transmission dans les meilleures conditions ;
Moderniser certains aspects de notre droit des mutations à titre gratuit au regard de l'évolution qu'a subie notre société ces dernières années.
A. ACTUALISER ET/OU ADAPTER LES BARÈMES APPLICABLES
Ce volet de la réforme pourrait être mené selon les mêmes modalités que celles décrites dans le cadre d'une réforme des seuls barèmes. Dès lors, ce volet pourrait également porter soit sur une simple revalorisation des tranches, soit sur une refonte totale de la structure des barèmes applicables (cf. ci-dessus, I La reforme des barèmes d'imposition ).
Par ailleurs, afin de compléter la modernisation des barèmes, il est proposé de prendre acte de la jurisprudence récente de la Cour de cassation 115 ( * ) et de la Cour d'appel de Paris et de procéder à l'évaluation des biens ou droits transmis selon les droits propres reçus par le donataire ou l'héritier, et non d'après leur valeur dans le patrimoine du donateur ou du défunt au jour de la mutation. Ainsi une décote pourrait être opérée sur la valeur du bien transmis lorsque celui-ci fait l'objet d'un démembrement de propriété ou d'une transmission en indivision. De même, il pourrait être envisageable, comme c'est le cas en Grande-Bretagne, de tenir compte, lors des transmissions de titres de société, de la valeur de seuls titres transmis à chaque donataire ou héritier et non pas de la valeur globale de ces titres telle qu'elle apparaissait dans le patrimoine du disposant. Ainsi, par exemple, une participation majoritaire dans une société, partagée entre plusieurs bénéficiaires, subit une dévalorisation en raison du partage des droits de vote entre plusieurs personnes.
Evaluation des biens ou droits transmis selon les droits propres reçus par le bénéficiaire de la mutation |
Dans un souci d'équité et sur le modèle suédois, suisse et espagnol, il est également proposé, en matière de donation, d'autoriser la déduction des dettes liées à l'objet de la donation consentie, sous la condition toutefois que celles-ci soient effectivement mises à la charge du donataire. Ainsi, un prêt contracté pour l'acquisition d'un bien faisant par la suite l'objet d'une donation, serait admis en déduction de la valeur vénale de ce bien, si et seulement si ce prêt est également transféré au donataire et que ce dernier en assume réellement la charge.
Admettre la déductibilité des charges liées à la donation consentie sous la condition qu'elles soient effectivement supportées par le donataire |
En dernier lieu, afin de ne pas pénaliser les transmissions tardives entre vifs, notamment pour les ménages qui ne disposent pas d'un patrimoine suffisamment important pour anticiper longtemps à l'avance sa transmission, il est proposé de réduire la période de rapport des donations antérieures, actuellement décennale, à 5 ans.
Réduction de la période de rapport des donations antérieures à 5 ans |
* 115 Cour cass. arrêt Laurent du 19 octobre 1999