II. RÉFORME DES TRANSMISSIONS D'ENTREPRISES EN FRANCE : UNE AVANCÉE ENCORE INSUFFISANTE AU REGARD DES AUTRES PAYS EUROPÉENS
Dans chacun des pays étudiés, il existe un régime spécifique à la transmission d'entreprises, excepté en Italie et en Suisse.
Cette exception est bien entendu à relativiser en ce qui concerne l'Italie en raison de la suppression des droits de donation et succession. Il en résulte ainsi une transmission en franchise totale de droits lorsque celle-ci se fait au profit de la famille jusqu'au 4 ème degré (ce qui est, par hypothèse, le plus souvent le cas en matière de transmissions d'entreprises familiales).
De même, en Suisse, dans la mesure où certains cantons prévoient une exonération totale des droits de donation et de succession (ex. canton de Schwyz), la localisation de la résidence du donateur dans l'un de ces cantons permet de transmettre sans coût l'entreprise. Lorsque la succession n'a pu être préparée et que le défunt résidait dans un canton prélevant des droits de succession, la transmission de l'entreprise au profit d'un descendant en ligne directe ou du conjoint est alors imposée à un taux marginal maximum de 6 %.
Lorsqu'il existe un régime spécifique aux transmissions d'entreprises, ce régime est applicable aussi bien en matière de donations que de successions. A cet égard, la France où le régime de faveur ne s'applique qu'au seul cas de transmissions à cause de mort, fait figure d'exception . Cette spécificité du régime français pénalise les transmissions anticipées d'entreprises qui ne peuvent alors bénéficier que du simple régime de paiement différé et fractionné 91 ( * ) .
D'une manière générale, si on laisse de coté l'Italie et la Suisse pour les raisons précédemment évoquées, on peut distinguer deux grandes catégories de régimes de faveur consistant soit à appliquer une décote sur la valeur de l'entreprise, soit à taxer l'entreprise à un taux proportionnel réduit.
A titre de remarque, il convient de noter que seules les grandes caractéristiques de ces régimes de transmission d'entreprises figurent ci-dessous.
A. RÉGIME D'ABATTEMENT EN FAVEUR DE L'ENTREPRISE
Ce régime, adopté par tous les pays étudiés excepté la Belgique, consiste à déduire de la valeur nette de l'entreprise un abattement spécifique qui se cumule généralement avec les abattements de droit commun.
Le montant de cet abattement varie de 40 à 100% selon les pays et selon que l'entreprise transmise est constituée sous la forme d'une société ou d'une entreprise individuelle.
Le tableau ci-dessous permet de résumer le montant du ou des abattements applicables dans chaque pays concerné selon que la transmission porte sur une entreprise individuelle ou sur des titres de société.
France |
Allemagne |
Suède |
UK |
Espagne |
||
Entreprise individuelle |
Successions uniquement |
Donations et successions |
||||
Décote : |
50% |
40% |
70% |
100% |
95% |
|
Abattement forfaitaire: |
- |
256.000 € 92 ( * ) |
- |
|||
Titres de société |
Successions uniquement |
Donations et successions |
||||
• Titres cotés |
||||||
Décote : |
50% |
40% |
70% |
50% |
95% |
|
Abattement forfaitaire : |
- |
256.000 € |
- |
|||
• Titres non cotés |
||||||
Décote : |
50% |
40% |
70% |
100% 93 ( * ) |
95% |
|
Abattement forfaitaire : |
- |
256.000 € |
- |
Caractéristique commune à tous ces pays, l'application du régime de faveur est toujours subordonnée à une condition de durée de détention de l'entreprise transmise, soit antérieurement à la mutation, comme c'est le cas en Grande-Bretagne où la durée de détention exigée est d'au moins deux ans, soit postérieurement à la mutation. Dans ce dernier cas, la durée de détention exigée varie entre 5 ans (en Allemagne et en Suède) et 10 ans (en Espagne).
La France se démarque là encore des autres pays en ce qu'elle est la seule à exiger le respect d'une durée de détention avant et après le décès (sous la forme d'un engagement collectif de conservation des titres) . On peut d'ores et déjà noter que la Belgique dont le régime décrit ci-après relève de la seconde catégorie, subordonne également le bénéfice du régime de faveur à une condition de détention de l'entreprise avant et après la mutation.
Par ailleurs, à cette condition de détention peut se greffer selon les pays, une condition liée à la nature de l'activité exercée par l'entreprise qui, en principe, doit alors être commerciale, industrielle, artisanale, libérale ou agricole (comme en France et en Espagne). Lorsque la mutation concerne des titres de sociétés, une condition tenant à l'importance de la participation transmise peut également être exigée (Espagne, Grande Bretagne, France, Allemagne).
Il est à noter qu'en Espagne, les conditions relatives à l'exonération d'impôt sur la fortune au titre des biens professionnels doivent en outre être remplies par le donateur ou défunt lors de la mutation puis par le bénéficiaire postérieurement à celle-ci.
* 91 Il convient cependant de noter que si le donateur a moins de 75 ans révolus, les donataires peuvent également bénéficier de la réduction de droits variant entre 50% et 30% selon l'âge du donateur. Toutefois, cette réduction de droits, applicable à toutes les donations, n'a pas été créée en vue de favoriser les transmissions d'entreprises.
* 92 Applicable du seul fait du régime de faveur. Cet abattement est partagé de façon égalitaire entre tous les bénéficiaires de la transmission.
* 93 Cet abattement est réduit à 50% lorsque le donateur ou défunt ne détenait pas le contrôle de la société immédiatement avant la mutation ou lorsque cette participation ne lui conférait pas plus de 25% des droits de vote.