D. GARANTIR UN REVENU DÉCENT AUX ÉLEVEURS
1. Faire le choix de prix rémunérateurs
Assurer un véritable avenir au secteur de l'élevage implique aussi de mettre un terme à la diminution continue du prix de la viande.
Cette diminution des prix a plusieurs causes :
- en premier lieu, la baisse des prix institutionnels mise en oeuvre lors des dernières réformes de la PAC dans le secteur de l'élevage, en particulier de l'élevage bovin (diminution des prix garantis de la viande bovine de 15 % en 1992, puis de 20 % en 1999) ;
- ensuite, le rapport de forces déséquilibré entre les producteurs d'une part, et les acteurs d'aval (structures d'abattage, GMS), qui tirent parti de leur concentration ;
- enfin, la recherche constante de bas prix par les consommateurs , à l'incitation de la grande distribution. Cette évolution n'est pas propre aux produits viande. Il convient, à cet égard, de rappeler que la part de l'alimentation dans le budget des ménages n'a cessé de décroître, passant de 23,2 % en 1960 à 11,4 % en 2000, comme l'a récemment mis en évidence une étude 26 ( * ) de l'INSEE.
Cette diminution des prix a des conséquences néfastes pour les éleveurs, puisque le prix de leurs produits ne leur garantit pas une couverture des coûts de revient . Dans la filière bovin viande, elle contribue à créer une dépendance des éleveurs à l'égard des primes , générant des comportements d'optimisation et des effets distorsifs sur les choix de production. Elle conduit, en outre, les éleveurs à s'interroger sur la valeur de leur travail.
Enfin, votre rapporteur met en garde contre le mirage des prix mondiaux , dont la Commission européenne souhaiterait que les prix européens se rapprochent. La notion de prix mondial est largement fictive, d'une part parce qu'elle ne reflète qu'une partie de la production mondiale , celle qui fait l'objet d'échanges (soit 10 % pour la viande bovine), d'autre part, parce les produits exportés sont le plus souvent subventionnés , de manière plus ou moins visible.
Il apparaît donc souhaitable d'en revenir à des prix rémunérateurs, afin que les éleveurs, comme l'ensemble des agriculteurs, puissent vivre dignement de leur travail . S'il apparaît difficile, compte tenu des règles de concurrence, de s'entendre avec l'aval de la filière, sur une grille de prix, les producteurs devraient au moins s'organiser et présenter un front uni pour inverser le rapport de force avec les autres acteurs de la filière.
Par ailleurs, votre rapporteur recommande de faire le choix des filières de qualité et des produits sous signes officiels, qui permettent de pratiquer des prix plus élevés .
Enfin, force est d'admettre que la réaffirmation d'une politique de prix n'aurait pas de sens sans une réhabilitation de la notion de « préférence communautaire » . Celle-ci implique de conférer une meilleure protection aux produits européens contre les importations, en recourant non seulement aux barrières tarifaires quand c'est autorisé -ce qui s'impose, en particulier, à l'égard des volailles saumurées importées d'Amérique latine, qui profitent de failles dans la réglementation douanière européenne-, mais également aux barrières non tarifaires. Il s'agit notamment de n'autoriser que les importations produites dans des conditions respectant des normes sociales, environnementales et de bien-être des animaux, identiques à celles qui sont appliquées dans l'Union européenne.
* 26 « La consommation des ménages depuis 40 ans » INSEE Première, n° 832, février 2002.