C. PRESERVER ET DEVELOPPER L'ÉLEVAGE HERBAGER
1. L'élevage bovin
a) Instaurer une prime herbagère agri-environnementale
Votre rapporteur propose de créer une prime destinée spécifiquement à soutenir l'élevage lié à l'herbe, indispensable en particulier dans les régions d'élevage menacées de déprise.
Cette aide, qui pourrait être développée en faisant monter en puissance la prime herbagère agri-environnementale (PHAE) dont le ministre de l'agriculture vient d'annoncer la création pour 2003, devrait prendre en compte le nombre d'unités de travail par exploitation.
Elle devrait être reconnue au niveau européen et financée à ce titre par le budget communautaire . Une telle réforme serait bénéfique à la France, compte tenu de l'importance de ses espaces en herbe et de ses pratiques d'élevage plus extensives que celles des autres Etats membres.
Une telle aide présenterait les avantages suivants :
- une reconnaissance du rôle joué par l'élevage herbager dans l'entretien de l'espace rural et l'occupation du territoire , qui apparaît en phase avec les aspirations actuelles de nos concitoyens ;
- une incitation à promouvoir une alimentation des bovins plus largement tournée vers l'herbe ;
- une bonne acceptabilité aux yeux de l'Organisation mondiale du Commerce , dès lors que l'aide versée ne serait pas proportionnelle au nombre d'animaux détenus.
S'agissant des modalités pratiques d'une telle aide, votre rapporteur formule un certain nombre de suggestions.
Ainsi, cette aide pourrait être modulée en fonction d'un nombre d' unités de travail annuel (UTA) par exploitation et d'un taux de chargement qui varieraient en fonction des spécificités des régions naturelles .
Par ailleurs, cette aide devrait être conditionnée à une contrainte minimale de chargement , afin de ne pas courir le risque de subventionner des terres laissées à l'état de friches.
De manière réciproque, il serait souhaitable d'instaurer un plafonnement -qui pourrait, là encore varier selon les régions naturelles-, afin de ne pas inciter à une course à l'agrandissement.
Toute activité herbagère devant être soutenue, cette aide serait également attribuée, de manière différentielle, aux éleveurs bovins laitiers.
b) Maintenir des mécanismes de régulation efficaces dans l'OCM viande bovine
Les crises récentes qui ont affecté le secteur de la viande bovine ont démontré l'importance des instruments de gestion du marché prévus dans le cadre de l'OCM viande bovine.
Durant l'année 2001, le recours à ces différents instruments a permis de dégager une partie des excédents qui pesaient sur le marché en conséquence de la baisse de la consommation. En France, 75.000 tonnes de viande bovine ont été livrées à l'intervention publique, 54.800 tonnes ont été retirées au titre du dispositif de retrait-destruction, 47.782 au titre de l'achat spécial et 10.845 tonnes dans le cadre du stockage privé.
Or, au 1 er juillet 2002, le dispositif d'intervention publique a disparu, conformément à la dernière réforme de l'OCM viande bovine adoptée en 1999.
Seul demeure désormais le régime de stockage privé, qui reporte sur la filière le retrait d'éventuels excédents, sur la base d'un prix nettement inférieur à celui de l'intervention.
Par ailleurs est instauré un dispositif allégé d'intervention dit « filet de sécurité » , fonctionnant uniquement par adjudication et seulement lorsque le prix du marché est inférieur pendant deux semaines à un prix extrêmement bas (1.560 euros par tonne).
Votre rapporteur s'inquiète du démantèlement des instruments de régulation. Les instruments qui subsistent semblent par trop légers pour faire face à une crise de grande ampleur. Dès lors, il plaide pour un rétablissement de l'intervention publique.
c) Maîtriser l'évolution du potentiel de production
En dépit d'une possible évolution à moyen terme vers un équilibre du marché à l'échelle européenne, la maîtrise de la production reste d'actualité , puisque la consommation de viande bovine n'a pas encore rattrapé son niveau de 1999, que les abattages de femelles de réforme en surnombre restent importants et que les stocks issus des mesures publiques de retrait reviennent sur le marché. Il faut également compter avec le retour de la viande bovine britannique sur le marché, dès lors que la France a récemment mis fin à l'embargo décrété en 1996.
Mais cette maîtrise ne doit pas conduire à une réduction de l'espace agricole consacré à l'élevage bovin, en particulier dans les régions où il constitue une activité traditionnelle difficilement remplaçable.
Votre rapporteur considère que la maîtrise de la production doit peser sur les deux cheptels, allaitant et laitier.
? S'agissant de ces derniers, la maîtrise passe d'abord par un maintien des quotas laitiers qui, en contenant l'effectif du cheptel laitier, limitent les quantités de viande issues des femelles de réforme. Ce régime présente, en outre, l'avantage de fixer l'élevage laitier sur le territoire, alors que la suppression des quotas entraînerait, à n'en pas douter, des déplacements de production entre régions, dont les zones herbagères à forte contrainte naturelle auraient sans doute à souffrir.
? Par ailleurs, votre rapporteur soutient l'idée d'orienter les petits veaux de la filière laitière vers un débouché pérenne , afin qu'ils ne pèsent plus sur le marché de la viande bovine.
A cet égard, votre rapporteur souhaite qu'un coup d'accélérateur soit donné aux projets de valorisation de ces petits veaux dans la filière des aliments pour animaux de compagnie (petfood).
? En ce qui concerne le cheptel allaitant, votre rapporteur estime qu'il convient de réfléchir à une réduction du poids des carcasses, dont l'augmentation constante, ces dernières années, n'est pas vraiment en phase avec les attentes des marchés.
Au cours des travaux de la mission d'information, a parfois été évoquée l'idée d'instaurer des quotas de production en viande bovine. Cette solution semble pourtant d'application délicate, car elle poserait la question de la répartition de ces quotas entre le cheptel laitier, pour lequel la viande n'est qu'un produit annexe, et le cheptel allaitant.
Il convient d'insister sur la nécessaire dimension européenne de toute maîtrise de la production, dont la charge ne peut porter sur le seul cheptel bovin français.
d) Relancer l'activité d'engraissement
Votre rapporteur vous fait part du constat émanant des responsables professionnels des régions spécialisées dans l'élevage allaitant : il est souhaitable d'encourager la redécouverte de l'activité d'engraissement, en particulier dans les exploitations pratiquant exclusivement le naissage.
Cette réorientation partielle vers l'engraissement présenterait un certain nombre d'avantages :
- cette activité apparaît moins risquée que la seule activité de naissage, qui est fortement tributaire des cours des broutards à l'exportation , lesquels ont connu des fluctuations sensibles dans la période récente ;
- elle fixe la valeur ajoutée sur les exploitations ;
- elle est moins pénible que l'activité de naissage, qui représente une grosse charge de travail, en particulier pendant la période des vêlages ;
- elle permet de maintenir voire de développer les activités en aval de la filière (structures d'abattage et de transformation), ce qui contribue à la vitalité du tissu rural des régions concernées.
Cependant, ce choix implique également des contraintes, en particulier de nouvelles charges, puisque l'éleveur doit investir dans de nouveaux bâtiments et souvent, -en particulier dans le grand bassin allaitant- acheter les aliments complémentaires nécessaires à l'engraissement.
Pour que ce choix soit un succès, votre rapporteur recommande, en outre, de veiller :
- à orienter cette activité vers des produits pour lesquels un marché est clairement identifié . Ainsi la finition de femelles ou l'élevage de boeufs apparaît plus intéressante que l'engraissement des jeunes bovins, pour lesquels il n'existera pas vraiment de marché en France, ni même à l'exportation, puisque les consommateurs des pays du Sud de l'Europe préfèrent les broutards engraissés chez eux.
- de commercialiser ces animaux dans le cadre de contrats de filière , si possible pluriannuels, afin de sécuriser les débouchés.
Certes, ce type de contrat suppose, de la part de l'éleveur, une capacité à fournir des animaux avec régularité. Les vêlages étant relativement groupés en élevage allaitant, la désaisonnalisation doit passer par l'étalement des dates de mise en finition.
Il ne s'agit toutefois pas de mettre en cause l'activité de naissage, qui dispose de débouchés importants et rémunérateurs -l'exportation de bovins maigres génère un solde positif de près d'un milliard d'euros dans la balance du commerce extérieur français- , mais de parvenir à une structure plus équilibrée du cheptel allaitant.