C. INTERROMPRE L'ÉVOLUTION VERS UN AGRÉMENT « DE DROIT »
La jurisprudence du Conseil constitutionnel considère que « l'exigence d'un agrément confère seulement au ministre chargé du budget le pouvoir de s'assurer, conformément à l'objectif poursuivi par le législateur, que l'opération (...) en cause satisfait aux conditions fixées par la loi ».
Le législateur, pour « aiguiller » le ministre du budget dans l'instruction des demandes d'agrément, a établi une liste de conditions à remplir pour prétendre à l'obtention d'un agrément afin de s'assurer que l'avantage fiscal bénéficie bien à des projets concourrant au développement économique et social de l'outre-mer (intérêt économique, inscription dans la politique d'aménagement du territoire et de l'environnement, création ou maintien d'emploi, protection des investisseurs et des tiers).
Cette liste de conditions a pour objet d'orienter l'instruction de la demande par les services du ministère de l'économie, des finances et de l'industrie, mais ne doit en aucun cas interdire à ces derniers d'examiner la conformité des demandes d'agréments à d'autres critères tels que la moralité fiscale ou l'absence de surfacturations . Compte tenu de ses imperfections 57 ( * ) , elle ne saurait être considérée comme une grille de critères appliqués uniformément à tous les dossiers de demandes d'agrément. Le critère de création d'emplois ne doit par exemple pas être retenu avec la même exigence pour des investissements dans le domaine du bâtiment et pour la réalisation d'infrastructures dans le domaine des services publics industriels et commerciaux.
L'inscription dans la loi par la loi de finances pour 2001 de l'obligation pour les demandeurs de prendre des engagements précis en termes de créations d'emploi porte en germe une possible évolution du système actuel, dans lequel le ministre du budget dispose d'une marge de manoeuvre pour apprécier l'opportunité de subventionner un investissement, vers un régime d'agrément « de droit » dans lequel les services du ministère de l'économie, des finances et de l'industrie avaient pour seule tâche de vérifier le respect de certaines conditions et, selon les cas, d'accorder ou de refuser les agréments.
Paradoxalement, le risque de dérive vers un agrément « de droit » s'agissant des conditions tenant à l'intérêt économique et social des investissements s'accompagne d'un mouvement dans l'autre sens s'agissant de l'appréciation des critères fiscaux auxquels est conditionné le bénéfice de la défiscalisation. Ainsi, alors que la loi prévoit que le bénéfice de l'avantage fiscal est automatique dès lors que le taux de rétrocession de 60 % ou de 75 % est respecté, les services du ministère de l'économie, des finances et de l'industrie subordonnent parfois l'octroi de l'agrément à une modification du taux de rétrocession déterminé conjointement par l'opérateur et la SNC.
En matière de conditions d'octroi de l'agrément, une application des textes conformes à l'intention du législateur constituerait la meilleure réforme possible 58 ( * ) .
* 57 Dont les défauts ont été décrits au 1 du D du II de la première partie du présent rapport.
* 58 A l'exception de l'intégration dans la liste fixée par la loi des conditions ajoutées par la commission européenne telles que, pour le secteur agricole, le respect des règles communautaires relatives à la viabilité des exploitations, à l'environnement et à l'hygiène et au bien être des animaux.