H. AUDITION DE MME FRANÇOISE NOUHEN, VICE-PRÉSIDENTE DE L'UNION NATIONALE DES CENTRES COMMUNAUX ET INTERCOMMUNAUX D'ACTION SOCIALE (UNCCAS), ET DE M. DANIEL ZIELINSKI, DÉLÉGUÉ GÉNÉRAL

M. Nicolas ABOUT, président - Les Centres communaux d'action sociale constituent l'intervenant local incontournable de l'action sociale. C'est pourquoi il nous a semblé tout à fait nécessaire de vous entendre. Cela nous a paru d'autant plus indispensable que les personnes handicapées demandent aujourd'hui une plus grande proximité de l'action publique en leur faveur. Nous sommes donc tous en première ligne. Pourriez-vous nous présenter l'action des CCAS dans ce domaine, caractérisée par la multiplicité des acteurs ? Quelles difficultés rencontrez-vous pour la mettre en oeuvre et pour répondre aux besoins des personnes handicapées au niveau local ?

Mme Françoise NOUHEN - En tant qu'une des vice-présidentes de l'Union nationale des centres communaux et intercommunaux d'action sociale (UNCCAS), je suis plus particulièrement chargée du dossier qui concerne les personnes âgées et handicapées. Je suis moi-même élue de la commune de Clermont-Ferrand et responsable d'un centre de formation de travailleurs sociaux dans mes fonctions professionnelles.

L'UNCCAS regroupe 3.300 communes. Le maire est président de droit du CCAS. L'originalité de cette institution est d'être régie par un conseil d'administration dont la moitié de ses membres sont élus et l'autre, des personnes qualifiées. A ce titre-là, et depuis 1985 (les tout premiers textes qui régissent les CCAS), nous avons, parmi nos administrateurs, des représentants des associations, en particulier de handicapés (ce qui fait que la préoccupation et le travail avec les handicapés est quand même quelque chose qui remonte dans l'origine de nos institutions) dont la représentation nous permet d'essayer d'avoir un accompagnement efficace à leurs côtés.

Le travail des CCAS au niveau de l'accompagnement des personnes handicapées s'effectue à plusieurs niveaux.

Les CCAS ont d'abord un rôle important, dans la mesure où les textes leur donnent un rôle d'analyse des besoins et d'observatoire sur le plan communal de ce qui peut être mis en place en matière de politique d'action sociale. Les CCAS sont amenés, à ce titre, à faire des études et à essayer de faire ressortir les besoins en matière de handicap.

Les CCAS interviennent également au titre de l'instruction des demandes d'aides sociales. Les CCAS se saisissent des demandes concernant les personnes handicapées.

Les CCAS ont aussi la possibilité, aux termes des textes qui nous régissent, de gérer des établissements. C'est ainsi qu'un certain nombre de CCAS peuvent gérer des établissements pour handicapés et, en particulier, des CAT ou des ateliers protégés. Nous en gérons un nous-mêmes, à Clermont-Ferrand, depuis 1950.

Les CCAS ont aussi une action importante en matière d'aides facultatives et de coordination de tout ce qui peut être fait autour de ces aides : aides en matière de logement, de mise en place de séjours de vacances, d'accessibilité.

Les CCAS sont en outre amenés à intervenir aussi dans la gestion des tutelles et curatelles. 300 personnes sont gérées par une équipe spécialisée à Clermont-Ferrand.

Les CCAS sont enfin sensibilisés à tout ce qui est accueil, urbanisme, essais de réponse à l'accessibilité des personnes handicapées, même si cela n'est pas toujours facile, car cela demande des réflexions importantes.

Nous nous retrouvons, par ailleurs, dans les grands points évoqués dans le texte de janvier 2002.

Notamment, le point qui nous paraît important consiste en la programmation pluriannuelle au niveau des établissements et services sociaux et médico-sociaux ; en effet, quand on travaille avec les associations de handicapés, on se rend compte que c'est souvent une inquiétude pour elles, de savoir comment monter des établissements et agir dans la durée. Nous participons à cette programmation au niveau des schémas départementaux.

Par ailleurs, la réflexion qui concerne l'intégration scolaire des enfants et adolescents nous paraît effectivement un point sur lequel nous pouvons prendre notre part, de même que tout ce qui concerne l'insertion des activités professionnelles des adultes handicapés et la façon dont on peut être en quelque sorte des plates-formes de réflexion : les CCAS ont une position d'observateurs et de catalyseurs, un rôle important dans les communes pour être, non pas forcément les instances qui gèrent (la loi nous le permet), mais un lieu où les initiatives de toute part qui peuvent être prises sur notre territoire, doivent être catalysées. Dans ce dessein, il faut être au fait des questions, impliqué sur le terrain et avoir une reconnaissance. Notre statut un peu particulier d'outil au service de la collectivité territoriale, nous permet d'avoir à la fois des élus et des représentants des associations. Cette expérience de partenariat nous permet d'être reconnus, pris en compte. On nous demande souvent d'initier des réunions de concertation. Nous avons en particulier mis en place, dans notre commune, une charte de partenariat avec les grandes associations de handicapés. Ce sont elles qui sont venues nous demander de l'initier et de la porter. Les CCAS ont donc une place centrale pour coordonner les choses.

Dans ce contexte, certaines questions nous préoccupent tout particulièrement.

Je pense d'abord aux questions relatives à l'amélioration des ressources des personnes handicapées.

Les personnes handicapées vivent de prestations comme l'AAH, l'ACTP, mais celles-ci sont souvent fixées par rapport au SMIC. Il y a certainement un effort à faire de prise en compte de leurs besoins, parce que ce que l'on appelle le « reste à vivre » est souvent minime, et une réflexion importante à entreprendre, de façon à ce que l'allocation personnalisée autonomie, qui est une grande avancée pour les personnes âgées, puisse être ce qu'elle avait été dans l'esprit du législateur au démarrage : une prestation qui puisse avoir un volant plus large et toucher le secteur du handicap.

Je pense aussi à l'allongement de la durée de la vie des personnes handicapées.

Les trisomiques avaient une espérance de vie de 30 ans en 1968, 48 ans en 1990. Ils sont maintenant de plus en plus nombreux à arriver à l'âge de la retraite. Nous avons un gros problème pour savoir comment nous allons pouvoir les accueillir, quels types de structures mettre en place qui s'appuieraient sur leurs besoins réels et non artificiellement sur la barrière administrative que représente l'âge de la retraite (60 à 65 ans selon les situations).

Enfin, nous partageons les grands points du rapport Favard, en particulier sur la place centrale donnée à la personne handicapée ; sur la nécessité de faire une évaluation médico-sociale de la situation des personnes de façon à ce que soient mises en place des mesures les mieux adaptées à leur handicap et à leur capacité ; sur la nécessité de se situer dans un cadre évolutif, car certaines situations de handicap sont évolutives. Il ne faut donc pas que nous soyons dans un carcan, mais dans un système qui soit le plus individualisé possible par rapport à ce dont les handicapés ont besoin.

D'autre part, il est nécessaire, pour tous les personnels qui s'occupent des handicapés, de développer les formations, et cela, à tous les niveaux, car nous nous rendons compte qu'il y a autant de situations particulières que de handicapés et qu'il n'y a rien de comparable entre un handicapé physique, qui a toutes ses capacités sur le plan décisionnel, et un handicapé qui, au contraire, a toutes ses capacités sur le plan physique, mais qui, par contre, sur le plan de ses capacités à décider, a vraiment besoin d'un tutorat très fort. Nous avons besoin de personnel formé capable d'intervenir à tous les niveaux.

M. Paul BLANC, rapporteur - Il n'est pas nécessaire de revenir sur les questions de formation professionnelle. Votre métier vous y prédispose, mais c'est aussi ce qui est ressorti de toutes les auditions que nous avons eues aujourd'hui : cette nécessité d'avoir des gens formés pour s'occuper des handicapés. En ce qui concerne l'évolution de la situation, le problème des ressources des handicapés et celui des handicapés vieillissants sont, selon vous, les besoins qui sont actuellement les moins bien pris en compte. A part ces deux besoins, y en a-t-il d'autres qui vous paraissent actuellement les moins bien pris en compte ?

Mme Françoise NOUHEN - Tout d'abord, il existe une catégorie de handicaps liés aux maladies orphelines, pour lesquelles les familles se mobilisent et qui leur demandent un investissement très important. Du fait de leur petit nombre, ces maladies sont un petit peu laissées pour compte au niveau des moyens que les familles peuvent obtenir.

Ensuite, la catégorie des polyhandicapés est également mal prise en compte, avec le problème de savoir quel sera le fil conducteur qui permettra de prendre l'accompagnement du handicap. Quels seront la porte d'entrée et le handicap déterminant qui orienteront le plan d'aide et le type d'établissement, de structure. Il y aurait certainement un travail à faire pour donner des outils de repérage pour essayer de mieux caler les choses et aboutir à une meilleure prise en compte financière des polyhandicapés.

Enfin, les difficultés d'accompagnement des personnes déficientes sur le plan mental sont également mal prises en compte. Les associations disent qu'elles ont voulu travailler, pendant longtemps, sur l'intégration coûte que coûte dans le milieu normal. Elles se sont rendu compte que, finalement, ce travail comportait beaucoup de limites. Il convient maintenant de réfléchir sur la façon de travailler sur l'intégration, en sachant que nous serons obligés de rester dans un cadre particulier d'établissements le plus ouverts possible sur l'extérieur. Les expériences d'intégration complète en milieu ordinaire des handicapés mentaux ont des limites, alors que pour le handicap physique, c'est plus facile à résoudre. L'intégration, pour le handicap physique, est une question de moyens : il suffit d'avoir des équipements, les techniques progressent et l'on gagne du terrain tous les jours. Pour les handicapés mentaux, il y a une réflexion à mener, pour que les structures qui accueillent ce type de handicap restent le plus ouvertes possible sur l'extérieur.

M. Paul BLANC, rapporteur - On reproche souvent à la politique en faveur des handicapés, d'être complexe, peu lisible, très cloisonnée. Partagez-vous cette opinion ? Et si oui, pourriez-vous nous indiquer les principales difficultés rencontrées, notamment avec les autres acteurs institutionnels et, si vous en faites le diagnostic, quel en est le traitement ?

Mme Françoise NOUHEN - Tout d'abord, quand nous avons essayé de réfléchir à cette question, ce qui nous est remonté, c'est que l'élaboration des schémas départementaux a permis de mettre autour de la table tous les partenaires qui peuvent intervenir au niveau du handicap. Cela a permis une meilleure coordination des choses, de développer une logique partenariale, même s'il faut que cela soit suivi d'effets par la suite. Il faut veiller à ce que ces schémas ne soient pas trop rigides et que les nouvelles initiatives puissent être prises en compte avant qu'il y ait un nouveau schéma. Il faut que les schémas soient des cadres, mais permettent aussi des initiatives qui puissent avoir toute leur logique lorsqu'elles sont mises en oeuvre.

D'autre part, la décentralisation a généré un cloisonnement des réponses financières, avec des tarifications bien cadrées entre l'Etat, le conseil général, la sécurité sociale. Dans des logiques de terrain, le décloisonnement serait quand même souvent intéressant, parce qu'on a souvent des doubles tarifications, de telle sorte que les promoteurs ne savent plus très bien où se diriger. Il y aurait certainement là un effort de clarification à faire.

M. Paul BLANC, rapporteur - Vous avez évoqué les schémas départementaux, qui ne doivent pas être trop contraignants. S'ils avaient été trop contraignants, bien qu'ils n'existassent pas auparavant, ils vous auraient empêché d'entreprendre des expériences innovantes, menées par les CCAS. Pourriez-vous nous dire un mot de ces expériences innovantes ?

Mme Françoise NOUHEN - Les expériences innovantes sont un peu liées au lieu où se trouvent implantés les CCAS. Il existe des CCAS dans toutes les communes, des grosses structures et des structures plus petites. Je prendrai deux ou trois exemples.

Nous avons pu mettre en place un plan de la ville où figurent toutes les places de stationnement pour handicapés. Cette démarche a été très appréciée.

Nous sommes intervenus dans la mise en place de plusieurs classes ouvertes pour l'accueil de handicapés physiques, avec l'Association des Paralysés de France. Cela a été un travail important au niveau de l'accompagnement au quotidien de ces enfants.

Nous avons également réalisé une expérience qui a eu du mal à vivre, car elle est lourde à porter : la traduction, deux ou trois fois par an, d'extraits de notre journal municipal en braille.

M. Nicolas ABOUT, président - Il avait même été imaginé des bulletins de vote en braille, puisque la loi dit que les conditions de la confidentialité doivent être respectées au moment des votes. Lorsque j'ai proposé l'amendement, le ministre de la Santé a indiqué que c'était trop lourd et qu'il valait mieux retirer l'amendement.

Mme Françoise NOUHEN - Il y a désormais des indications en braille sur les boîtes de médicaments (comme l'Efferalgan, sans faire de publicité), c'est une bonne chose.

M. Daniel ZIELINSKI - J'ai recensé des expériences complètement différentes des CCAS, pour vous donner une palette intéressante.

Le CCAS d'Avignon est à l'origine d'une création de commission extra-municipale qui réfléchit sur plusieurs pistes : le transport, le stationnement, le logement, l'accessibilité des lieux publics, avec une extension sur l'emploi et l'accès aux droits.

Le CCAS de Fos-sur-mer a entrepris une démarche très originale : il a proposé aux élus locaux et aux élus du conseil général de faire une « journée diagnostic sortie du quartier centre ville ». Ils sont partis ensemble à la découverte du centre ville et ont examiné les lacunes de la circulation urbaine pour les personnes en fauteuil roulant, les bordures de trottoirs, les trottoirs déformés, etc.

Cela a conduit à des créations de places de stationnement, mais aussi à une réflexion sur le civisme, avec, au cinéma, des projections de petits spots publicitaires : « Toutes les places ne sont pas bonnes à prendre. Les places de handicapés, moi, je respecte . » Ils ont ensuite essayé d'aller plus loin, en travaillant des propositions dans le domaine de la formation professionnelle et du placement au travail.

Le CCAS de Caen a mis en place un service d'information pour les personnes handicapées. Celui-ci a pour but de conseiller sur la vie quotidienne : scolarité, emploi, vie professionnelle, logement. Un service Internet, un « e-mail » ont été mis en place, rendant possible le dialogue avec les personnes sourdes ou malentendantes grâce au minitel-dialogue ou au fax-service. Un plan d'accès de la ville de Caen a été élaboré : signalisation des cabines téléphoniques adaptées, des places de parking. Ce plan est diffusé en ligne depuis l'été 2001 sur le site Web. Un guide d'accessibilité de la ville a été réalisé, avec un parcours de la ville, notamment pour les personnes qui voudraient aller chercher des éléments administratifs.

Le CCAS de Saint-Pierre de la Réunion a plutôt travaillé le dispositif de l'accompagnement à la scolarité dans les écoles maternelles et primaires. Un travail s'est développé sur trois axes : l'accès à l'emploi suite à la formation pour des jeunes chômeurs et la possibilité d'exercer un métier valorisant ; l'accompagnement en milieu scolaire et périscolaire des enfants de trois à douze ans ; la mise en oeuvre d'une animation à spécificité musicale dans les écoles, les centres de vacances et les institutions d'accueil pour enfants et adultes handicapés. Toute une réflexion a été menée sur les agents de convivialité et sur leur place, notamment sur l'accueil des enfants avant et après la classe ; l'accompagnement et l'aide pédagogique dans la classe, pendant les interclasses, à la cantine ; l'aide dans les déplacements et à la toilette ; l'information entre les parents, les enseignants, les institutions ; l'accompagnement pendant les sorties pédagogiques. Cela fait partie d'un plan global qu'ils sont en train de développer et qui s'appelle : « vivre ensemble autrement ».

A Bourges, des bornes d'information sensitives sont appliquées sur un certain nombre de feux rouges stratégiques, avec la mise en place d'un réseau de transport à la demande destiné à des démarches ciblées, qu'elles soient administratives ou médicales. A également été créée une salle de réunion-forum pour échanger et se rencontrer.

Le CCAS de Besançon fait tout un travail, dans son bilan d'activités annuel : activité professionnelle, mission d'étude de projets, aide technique aux personnes handicapées, avec de l'ergothérapie à domicile avec un centre qui s'appelle « Handidoc », simulateur de cuisine et de salle de bains ergonomique permettant aux visiteurs de visualiser, préciser, simuler les aménagements qui leur permettront de garder leur autonomie.

Le CCAS de Villeneuve-d'Ascq, dans le Nord, a travaillé avec le secteur associatif et les établissements hospitaliers pour faire un plan, à l'horizon 2003-2004, qui prévoit un foyer d'hébergement pour les jeunes autistes ; des studios pour jeunes étudiants handicapés ; la création de deux structures de douze lits devant accueillir des adultes handicapés mentaux, quatre unités de vie (hébergement et accueil), quarante-huit lits pour personnes âgées désorientées qui seront gérés par le CCAS. Ce projet tripartite me semblait intéressant.

D'autre part, sur la formation, la moitié de nos CCAS comportent des personnalités qualifiées issues du monde associatif. Nous avons aujourd'hui des demandes, comme celle de l'Association des paralysés de France (APF), pour former les personnes qualifiées qui rentrent dans les CCAS, pour avoir une réflexion sur ce qu'est le travail d'un CCAS et comment réfléchir à l'analyse des besoins sociaux, qui est une prise en compte stratégique de moyen et long termes sur une réflexion sociale locale pour les handicapés. Il y a une demande de plusieurs centaines de bénévoles de formation par l'APF.

M. Nicolas ABOUT, président - La capacité de réactivité et d'adaptation des CCAS aux besoins du terrain et la diversité de vos réponses me semblent très intéressantes. Cela devrait faire réfléchir les autres institutions sur le besoin de s'adapter.

M. Paul BLANC, rapporteur - Les personnes handicapées demandent précisément une plus grande proximité de la politique les concernant. Vous avez insisté sur quelques actions qui sont particulièrement édifiantes. Comment l'action publique pourrait-elle évoluer en ce sens ? Comment les CCAS se positionneraient dans ce nouveau cadre pour en arriver à avoir davantage de proximité ?

Mme Françoise NOUHEN - Les associations de handicapés disent bien, quand nous travaillons avec elles, que cette proximité est indispensable, sauf pour les maladies rares, où, effectivement, tout le monde comprend bien que l'on ne peut pas avoir une réponse de proximité, car justement le petit nombre fait que cela doit être une réflexion nationale. La réponse de proximité est importante et doit s'accompagner par une pluralité, une palette de réponses, que les associations souhaitent ardemment.

Quand nous avons évoqué le problème des handicapés vieillissants, j'ai été intéressée par les trois ou quatre formules d'accueil des handicapés qui nous avaient été proposées par les associations et, en particulier, les possibilités de l'accueil d'un voire de deux handicapés dans un établissement normal de personnes âgées, d'une unité de vie de handicapés raccrochée à un établissement classique, d'un établissement entièrement fait pour des handicapés si vraiment il s'agit d'handicapés tout à fait particuliers. Les associations se sont dit qu'il fallait aussi penser à des établissements où l'on pourrait accueillir les parents vieillissants et leurs enfants handicapés ; en effet, avec l'allongement de la durée de la vie des parents, nous nous retrouvons avec des parents qui ont 80 ans et des enfants handicapés qui en ont 60. Il devrait être possible d'accueillir les parents et les enfants âgés dans une même structure.

Nous avons surtout jusqu'ici beaucoup fonctionné par nature de handicap. Il faudrait créer des unités de vie pour chaque type de handicap, mais rattachées à une structure gestionnaire commune, plutôt que d'avoir des établissements pour autistes, des établissements pour tel type de handicap ou pour tel autre. Je ne sais pas si cette réflexion peut être menée sur le plan national, mais il faudrait y réfléchir, au niveau d'une structure-mère, à partir de laquelle plusieurs types de sections pour l'accueil des handicaps différents pourraient fonctionner.

Nous avons également une réflexion à faire sur la notion de « bassin de vie », de « pays ». Actuellement, la décentralisation fait que les modes de financement fonctionnent par département. Comme on parle d'intégration en milieu normal, d'intégration dans le travail, il est peut-être nécessaire de se pencher sur la notion de « bassin de vie », qui fait qu'à ce moment-là, on est sur une espèce de transversalité ; cette notion qui apparaît sur le plan économique doit aussi être prise en compte dans le domaine du handicap. Le handicap ne doit pas rester figé par rapport à la notion de département, alors qu'on parle maintenant de territoire, de « bassin de vie ». Au moment où nous parlons de réflexion au niveau européen, il semblerait que les textes, et en particulier celui de janvier dernier, n'aient pas du tout abordé cette notion. La région peut peut-être aussi avoir son mot à dire sur la réflexion, par exemple sur les sites de vie autonome.

Nous sommes prêts à prendre notre part dans cette réflexion, puisque la modification de nos statuts, qui a été mise en place il y a un an, nous conduit à avoir des sections départementales et des sections régionales, avec une réelle autonomie de fonctionnement, qui permettront d'être des instances, non pas uniquement représentatives, mais des instances qui pourront produire du travail, être présentes dans les différents lieux de réflexion.

M. Paul BLANC, rapporteur - Vous introduisez là un débat qui dépasse largement la loi de 1975, puisque vous abordez ici le rôle et l'avenir des départements et aussi les problèmes transfrontaliers.

M. Jean CHERIOUX - C'est au niveau local qu'on appréhende le mieux les problèmes. Même si ce n'est pas de la compétence municipale, il n'en demeure pas moins que c'est à ce niveau que les problèmes de l'homme sont le mieux appréhendés. Vous pouvez jouer un rôle considérable au niveau de la coordination entre le départemental et le municipal.

Enfin, la question du guichet unique est très importante pour les handicapés, car être traîné de guichet en guichet n'est pas une solution agréable.

M. Nicolas ABOUT, président - Vos propos illustrent la richesse de ce qui se fait localement. La chance pour certaines personnes, c'est l'engagement du niveau local. C'est aussi parfois le drame des communes : plus elles en font, plus on les laisse seules face aux responsabilités. Vous jouez un rôle incontournable dans la prise en charge des personnes handicapées et du handicap en particulier.

Mme Françoise HENNERON - Les exemples que vous venez de nous donner sont vraiment formidables, mais dans nos petites communes rurales, les CCAS ont des budgets tellement petits qu'il est difficile de reproduire ces exemples. Ne serait-il pas possible de créer une cellule, soit cantonale, soit départementale ?

Mme Françoise NOUHEN - Les petits CCAS doivent de plus en plus se regrouper en unions inter-CCAS, en Centres intercommunaux d'action sociale. Même avec peu de moyens, le rôle de catalyseur ne demande pas forcément de moyens, mais du temps. Tout dépend aussi de la volonté que peut avoir le premier magistrat de la ville. Des choses se font, mais elles ne sont pas reconnues et souvent mal médiatisées par les CCAS.

M. Daniel ZIELINSKI - On parlait d'Europe. Il existe les fonds structurels européens, sur lesquels j'ai beaucoup travaillé. Ils permettent de l'investissement et de l'accompagnement en matière grise par le biais du Fonds social européen, qui est très sensible à la politique d'égalité des chances, notamment tournée vers les personnes handicapées. Ces financements sont présents en région auprès des Préfectures. Malheureusement le monde associatif et les CCAS connaissent très peu ces financements. Il y aurait tout intérêt à se financer là où on a des moyens financiers qui sont sous-utilisés. Un programme 2000-2006 a commencé récemment et je vous engage à aller voir si vous faites partie d'un certain zonage qui pourrait être adapté à votre situation. Le FEDER (Fonds de développement des régions), le Fonds social européen, voire le FEOGA (qui est plutôt tourné vers l'agriculture entendue comme « ruralité » et qui permet de l'investissement, de la formation, de la réflexion qui dépassent l'agriculture) peuvent vous permettre d'obtenir des financements.

M. Nicolas ABOUT, président - Nous nous retrouverons pour la prochaine audition, toute aussi importante, le 10 avril prochain.

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