C. AUDITION DE M. PATRICK SEGAL, DÉLÉGUÉ INTERMINISTÉRIEL AUX PERSONNES HANDICAPÉES
M. Nicolas ABOUT, président - Voici maintenant près de sept ans que vous occupez les fonctions de délégué interministériel aux personnes handicapées. Vous êtes, à ce titre, chargé de coordonner l'action de tous les ministères concernés. Compte tenu de votre expérience et de votre place au sein de la politique en faveur des personnes handicapées, nous avons bien entendu souhaité vous auditionner. Pourriez-vous nous présenter, en quelques mots, le rôle du délégué interministériel et aussi nous faire part de votre appréciation générale sur la politique du handicap et son évolution depuis votre entrée en fonctions ?
M. Patrick SEGAL - Je dresserai un bref rappel historique, avant d'exposer le contenu de la fonction du délégué.
La création du poste de délégué interministériel est intervenue le 3 août 1995. Cette nomination à un poste nouveau (il n'y avait jamais eu, jusqu'à présent, un poste de délégué ; il y a eu un secrétaire d'Etat aux personnes handicapées, mais jamais de délégué) a eu lieu suite à une interrogation du chef de l'Etat sur la politique à mettre en place en faveur du handicap durant ce septennat. J'avais eu l'occasion de co-rédiger le discours de Bort-les-Orgues sur le handicap et j'avais émis l'idée que la coordination restait quand même le maître mot en matière de handicap et qu'au fond, les associations souhaitaient une coordination des ministères, une action interministérielle ; et qu'il était plus intéressant d'avoir de la transversalité plutôt que de la verticalité. Cette idée a été suivie des faits, puisque j'ai été nommé, peu de temps après ma proposition, délégué interministériel, fonction que j'occupe encore dans un deuxième gouvernement, ce qui veut dire que la transversalité a également traversé les courants politiques. On ne peut que s'en féliciter.
Ma fonction est de coordonner l'action des ministères dans tous les secteurs du handicap, en sachant que la personne handicapée est une personne pleine et entière, qui émarge dans toutes les cases de la société, qui a des tropismes multiples et qui, au fond, n'a pas plus d'appétence pour le secteur sanitaire que l'éducation, les loisirs ou l'emploi. Les personnes handicapées sont multiples, comme toutes les personnes. Ce qui les caractérise, ce sont leurs besoins spécifiques. Le délégué interministériel a pour vocation de pénétrer dans toutes les directions, tous les ministères, de monter des réunions, de faire en sorte qu'un sujet devienne transversal, afin qu'il trouve un jour son aboutissement.
D'autre part, il a pour autre mission d'activer le CICAR (Conseil interministériel de coordination sur l'adaptation et la réadaptation), qui, à mon arrivée en 1995, n'avait jamais été réuni, alors que c'est un des dispositifs de la loi de 1975. Je l'ai réuni entre 1995 et 1997 et il n'a plus été réuni depuis 1997. Ce CICAR avait un intérêt : demander à tous les ministères d'avoir une réponse sur un sujet donné (intégration scolaire, emploi, accessibilité, etc.). Cela permettait de faire travailler les ministères, d'obtenir des réponses et de pouvoir en référer ensuite au Premier ministre. Je déplore donc que ce CICAR n'ait duré que deux ans.
Aujourd'hui, sept ans après, les choses ont évolué dans tous les sens : la société a évolué ; le monde associatif a mieux pris conscience du rôle qu'il avait à jouer, notamment au sein du CNCPH. L'Etat a répondu sur un certain nombre de points. J'ai eu le privilège, en arrivant en 1995, de reprendre des dossiers qui avaient été élaborés par d'autres, et je rends hommage à ceux qui, dans les années 1985 (je pense au rapport de Michel Comte, au rapport Teulade, au rapport de Mme Rouche), ont nourri ma réflexion et m'ont permis, dès 1995, de proposer au gouvernement de l'époque une réflexion profonde sur la façon dont la problématique du handicap pourrait être abordée. Cela a donné naissance aux « sites de vie autonome », qui commencent à s'implanter dans les départements ; à la réflexion en amont sur « Handiscol », puisque ce sont des commandes qui m'ont été faites dès 1995 ; et puis, bien entendu, in fine , à une réflexion plus générale sur la révision de la loi de 1975 à venir.
Cela m'a permis, à l'arrivée du gouvernement de M. Jospin en 1997, de transmettre ces dossiers aux nouveaux ministres, qui ont su, pour certains, les porter. On commence aujourd'hui, en 2002, à avoir une vision plus sereine de ce que doivent être les sites de vie autonome et la responsabilité départementale, donc une autre vision de la décentralisation. On se demande également comment magnifier ce grand projet « Handiscol » ; et, in fine , comment réviser la loi de 1975.
M. Paul BLANC, rapporteur - Vous venez de nous préciser le rôle du délégué. Pourriez-vous nous indiquer la répartition des compétences entre les différentes administrations de l'Etat ? Vous avez fait allusion à l'Education nationale, mais vous devez coordonner d'autres administrations de l'Etat. Cette coordination se heurte-t-elle à des difficultés ? Si oui, lesquelles ?
M. Patrick SEGAL - On peut dire, schématiquement, qu'il y a des grands pans en faveur du handicap : le volet sanitaire, le volet médico-social, le volet éducatif, la formation professionnelle, l'emploi et l'accessibilité. Il y a donc un lien étroit avec des ministères phares qui sont les interlocuteurs privilégiés (ministère de la Santé, ministère de l'Emploi et de la Solidarité, ministère des Transports, ministère du Logement, ministère de l'Education nationale) et, bien entendu, des relations tout à fait fondamentales avec la DGAS.
Les écueils sont inhérents à l'action extrêmement large et à la responsabilité du délégué, qui doit pouvoir coordonner l'action de tous les ministères, y compris Bercy, ce qui n'est pas chose simple, mais aussi interpeller les Directions (directeurs de cabinets, ministres) sur certains sujets et essayer collectivement de monter des projets.
Demander à certains de travailler en totale coordination, alors qu'il y a parfois des ambitions politiques pour essayer de briller au travers d'un sujet déterminé, n'est pas chose simple. J'ai tenté, dans deux gouvernements, de rassembler les acteurs sur des projets très concrets, ce qui est difficile.
Je pense, au bout de sept ans, que nous aurions pu faire mieux.
Tout d'abord, le sujet du handicap est un sujet qui va bien au-delà de la frontière de la déficience, des définitions plus ou moins bonnes données par les CDES et les COTOREP.
Ensuite, c'est un enjeu de société : nous sommes tous concernés, car nous avons tous en tête la courbe exponentielle du vieillissement, qui fait que si nous ne savons pas aujourd'hui répondre spécifiquement à des besoins concrets, patents, afférents au handicap, nous ne serons pas en mesure, à l'horizon 2020, 2030, de gérer une population dans laquelle il y aura des personnes qui auront perdu des degrés de liberté, tout simplement parce que le vieillissement induit des pertes sensorielles, physiques, voire mentales ?
Enfin, nous ne sommes plus sur la frange étroite des quelques pourcentages définis.
J'ai fait partie de ceux, avec les associations, qui se sont étonnés que l'on n'ait pas utilisé, dans le recensement de la population, l'occasion rêvée de poser une question, qui aurait pu d'ailleurs être élaborée par l'ensemble des associations pour être formulée de la sorte : « si vous êtes concerné par une situation de handicap et si vous souhaitez répondre, nous pourrions vous envoyer un questionnaire complémentaire sur les écueils et les difficultés ». Cela aurait eu un intérêt certain.
D'abord, tous les foyers auraient reçu ce questionnaire au sein d'un questionnaire général. On a parlé d'intégration. Je suis plus favorable à l'inclusion. Il n'y a pas de honte à dire que l'on est handicapé, en situation de handicap, ou que l'on a un enfant ou un adulte handicapé à la maison, ou un parent âgé qui est en situation de handicap.
D'autre part, en tant que personne, citoyen, contribuable, électeur, j'ai été choqué qu'on ne me pose pas la question, mais qu'on me demande la surface de ma cuisine et de mon garage. J'aurais préféré qu'on me dise : « citoyen Ségal, êtes-vous concerné par le handicap ? Quelles sont vos relations lorsque vous emmenez vos enfants à l'école ? Quelles sont vos relations dans le travail ? Comment se passera votre vieillissement ? Etes-vous inquiet de savoir qu'un jour, vous ne pourrez plus répondre à vos obligations ? ». J'ai le privilège d'avoir des enfants, et ils sont très jeunes. Que se passera-t-il quand je serai soumis aux affres de la vieillesse et de quarante ou cinquante ans de paraplégie. J'ai trente ans de paraplégie aujourd'hui, cela se passe encore bien, mais je suis conscient que cela va se dégrader.
Enfin, nous aurions souhaité connaître d'une manière générale la répartition du handicap dans les départements. Puisqu'on a parlé de décentralisation, c'est vrai que pour l'Etat, pour les collectivités, il eût été intéressant de connaître la répartition, la spécificité des handicaps, de façon à ce que nous ayons des réponses plus fines, plus adaptées aux besoins.
Je crois que l'on est passé à côté. J'ai tout fait pour avoir cette question. L'INSEE s'y est opposé, la DREES s'y est opposée. Aujourd'hui, si on lit le projet socialiste présenté par Martine Aubry à l'Assemblée nationale lors de la journée sur le handicap, Martine Aubry dit à la première ligne : « en l'absence de statistiques sur le handicap, il est plus difficile aujourd'hui d'avoir une politique fine et adaptée ». Quand j'ai posé cette question, elle était précisément suffisamment pointue pour qu'aujourd'hui nous ne soyons pas là comme de mauvais élèves en train de dire : « ne connaissant pas la nature du handicap, sa diversité et sa localisation, il est plus difficile de pouvoir nourrir des projets décentralisés ». Mieux connaître la population sera une des actions phares à mettre en place à l'avenir. Ce n'est pas infamant ni discriminant que de pouvoir poser la question et de savoir à qui l'on a affaire. Car il est trop facile de dire : « aujourd'hui, il y a tant de pourcentages » , alors que si l'on regarde les chiffres européens, où les méthodes de comptage et d'évaluation ont été totalement différentes, nous sommes passés du simple au double : la France est à 5 %, le reste de l'Europe est à peu près à 10 %. Comment, par quel miracle de la médecine, de la prise en charge, nous n'aurions que la moitié des personnes handicapées dans notre pays ? Je ne peux pas adhérer à cette vision.
M. Paul BLANC, rapporteur - Aujourd'hui, vous ne pourriez donc pas répondre à la deuxième question que je voulais vous poser : « Quel est le nombre de personnes handicapées dans notre pays ? ». Pourquoi pensez-vous que vos propositions ont été refusées ?
M. Patrick SEGAL - Il s'agit d'une question qui risque d'être polémique. Le problème peut être vu sous différents aspects. Est-ce que l'on souhaitait avoir 5 % ou 10 % de population handicapée affichés ? A partir de là, cela permet effectivement de couper les budgets en deux et cela répond à une question que vous avez posée : est-ce que 160 milliards de francs répondent aux besoins des personnes handicapées ? Ma réponse est non. Donc si l'on souhaitait avoir 5 %, il suffisait effectivement d'interroger les CDES et les COTOREP : la remontée CDES-COTOREP nous donne 5 %. Mais, si l'on avait fait un questionnaire un peu plus fin, nous aurions sans doute eu 10 %, comme le reste de l'Europe.
Je crois qu'on s'est privé d'une donnée statistique importante et qui n'augure pas du reste de la population en situation de handicap que sont les personnes âgées en perte d'autonomie, car ces dernières n'entrent pas dans le champ des 5 et des 10 %.
M. Paul BLANC, rapporteur - Quelles sont, d'après vous, les principales causes de handicap ?
M. Patrick SEGAL - Les causes du handicap, multiples, sont relativement bien connues.
Tout d'abord, il y a le handicap congénital. Je ne vais pas revenir sur l'arrêt Perruche et toute son histoire, mais celui-ci a quand même permis de souligner une problématique importante, même si, à un moment donné, cela a été une très mauvaise réponse à une bonne question (et je fais un parallèle avec l'amendement Creton, qui est en soi une très mauvaise réponse à une excellente question ; et je crois que si aujourd'hui les enfants n'entrent plus dans les établissements, c'est parce que les établissements gardent les adultes, en l'absence de suffisamment d'établissements pour adultes handicapés). On est confronté aujourd'hui à une approche des handicaps qui n'est pas très bonne, dans la mesure où, sur le secteur de prévention (j'ai une formation de rééducateur), on s'est exonéré d'un certain nombre de choses. Ceci fait qu'on a les personnes handicapées existantes et un « flux », que l'on pourrait réguler, en ayant moins de personnes handicapées avec une meilleure prévention (prévention des accidents de la route, prévention des accidents domestiques).
Quelques chiffres au passage : 9.000 morts pour les accidents de la route, 14 à 15.000 morts pour les accidents domestiques. Ne pourrait-on pas mieux travailler sur la prévention, pour éviter ces morts et ces personnes qui vont rester lourdement handicapées ? 10.000 morts en maladies nosocomiales. Sur la prévention, je crois qu'il y a encore un effort à mener.
Il y a ensuite les problèmes afférents à certaines maladies, dont les maladies professionnelles.
Il y a, enfin, avec le vieillissement, des prises en charge qui vont être de plus en plus lourdes. Il y a d'ailleurs une similitude entre l'action en faveur des personnes handicapées et l'action en faveur des personnes âgées en perte d'autonomie. Une réflexion a été menée sur les sites de vie autonome, c'est-à-dire sur la possibilité, dans chaque département, de trouver un guichet unique qui réponde à la problématique de la situation de handicap et du handicap. Je distingue bien « situation de handicap » et « handicap », car ramener le handicap à une notion environnementale est, à mon sens, une erreur fondamentale, non seulement sémantique, mais aussi de vision politique assez grave, car ce n'est pas que l'environnement qui fait le handicap : il y a quand même une nature, quelque chose d'inhérent. On voit bien que les personnes âgées en perte d'autonomie trouvent, au travers du site de vie autonome, des réponses pour les aides techniques, les aides humaines, les aides animalières, l'aménagement du logement. C'est pour cela que nous nous sommes battus furieusement pour l'existence des sites de vie autonome, dont sont aujourd'hui dotés quarante-trois départements, avec des fonctionnements plus ou moins heureux, puisque quinze de ces départements fonctionnent bien, les autres végétant un peu.
L'Etat n'a pas eu la sagesse d'organiser une table ronde des financeurs, ce qui nous aurait considérablement aidés pour savoir qui paie quoi, qui répond. Cela montre la disparité de traitement d'un département à l'autre, de l'analyse que l'on fait d'un handicap d'une CDES et d'une COTOREP à l'autre, et on passe du simple au double sur les évaluations. On voit bien que les familles aujourd'hui n'hésitent pas à changer de département, car elles auront un meilleur traitement dans le département voisin. Je suis assez favorable à une meilleure décentralisation, à condition que l'on donne un petit peu d'harmonie et que les personnes handicapées ne soient pas les victimes des organismes CDES, COTOREP, des organismes de placement ou de certains conseils généraux et qu'il faille changer de département pour trouver une réponse.
M. Paul BLANC, rapporteur - Pouvez-vous nous préciser la répartition par grand poste budgétaire du budget global de 160 milliards de francs ?
M. Patrick SEGAL - Je vais reprendre les données établies dans un rapport du Conseil économique et social. 160 milliards de francs sont très insuffisants, à mon sens, parce qu'il y a des carences importantes, en particulier sur les établissements, même si nous sommes aujourd'hui sur une vision beaucoup plus inclusive (on parle plus de la promotion de la personne handicapée, ce que défendent les associations) et même si la loi de 1975 était une loi de protection qui s'était voulue proche des familles et des personnes dans la difficulté et ayant besoin d'établissements (les établissements n'étaient pas légion en 1975). Je ne peux pas accepter que 2.800 Français adultes -dont de nombreux Martiniquais- soient en Belgique Quand on dit « la personne handicapée au coeur du dispositif » , celui-ci doit être aussi local : l'environnement géographique naturel de la personne handicapée est quand même son département. On ne peut pas dire à un Martiniquais : « l'avenir, c'est la Belgique » .
Sur les besoins financiers, 160 milliards de francs peuvent paraître beaucoup, mais sont très insuffisants, car ils ne peuvent pas répondre aux besoins actuels d'hébergement, aux aides techniques et aux aides humaines, ni au volet des allocations. Sur les allocations, il y a effectivement une refonte à effectuer, tant de l'AAH que de l'allocation compensatrice, car ce sont des modèles assez anciens.
L'AAH a été créée pour des personnes dans l'incapacité de travailler. Si la personne n'était pas handicapée, elle pourrait travailler. Si elle pouvait travailler, son minimum serait le SMIC. Si elle ne peut pas travailler, elle a un petit peu plus de la moitié du SMIC. Mais quand elle achète la baguette de pain, elle ne la paie pas la moitié ! C'est un problème de logique.
Ensuite, à qui donne-t-on cette AAH ? C'est là que l'on a commencé à dériver : on a commencé à distribuer de l'AAH à des gens qui n'en relevaient pas d'une manière très spécifique, afférente au handicap. Cette dérive est aujourd'hui telle que certaines attributions d'AAH ne sont pas justifiées et, qu'au contraire, des gens qui devraient avoir l'AAH ne l'ont pas ou l'ont à des taux minorés.
Sur l'allocation compensatrice de tierce personne, j'ai fait partie de ceux qui ont bataillé contre l'article 146 du code de la famille. Je suis heureux de voir que l'on a pu faire sauter ce verrou sur le retour à meilleure fortune. Je rends hommage à ceux qui ont su, à un moment donné, alertés par le monde associatif et les familles, prendre la mesure du problème.
Les 160 milliards sont très insuffisants. Ils ne sont pas à la hauteur des réponses institutionnelles, des réponses sur les allocations, des réponses sur l'intégration scolaire. Bien sûr, « Handiscol » a fait faire des progrès formidables, puisque 4.000 élèves supplémentaires sont intégrés chaque année dans le milieu scolaire, mais ce n'est pas suffisant. En ce qui concerne l'inclusion universitaire (j'ai travaillé avec le recteur de l'université de Rouen, M. Gibert, dont le rapport sur l'intégration universitaire va sortir sous peu), c'est pathétique : les étudiants choisissent les universités en fonction de leur accessibilité, c'est-à-dire en fonction des moyens que l'on va leur donner pour pouvoir devenir un jour des professionnels, pas du tout par tropisme. C'est totalement inacceptable.
En ce qui concerne l'environnement, 160 milliards sont peu au regard de ce que la collectivité devrait faire sur tous les problèmes d'accessibilité des bâtiments, sur les formations.
En ce qui concerne les formations, 80 % des médecins n'ont aucune formation sur le handicap, parce que cela ne fait pas partie du cursus, mais d'une spécialité. Nous allons retrouver ces mêmes médecins dans la pratique quotidienne, où, à un moment donné, il y aura des orientations, des préconisations, des conseils. On va les retrouver en médecine du travail, en COTOREP. C'est la même chose pour les architectes, pour les urbanistes, pour une foultitude de gens.
Qu'en est-il alors des métiers de l'altérité, des métiers de la prise en charge de l'autre ? Dans la sphère du sanitaire, la situation des ergothérapeutes est pathétique (4.000 ergothérapeutes en France ; 40.000 en Angleterre pour une même population à traiter). Lorsque nous voulons inclure la personne dans le tissu social, il faut des passerelles, il faut accompagner la personne (c'est le métier de l'ergothérapeute, de passer du sanitaire médico-social au social). Comment cela est-il possible avec 4.000 praticiens, quand la pratique libérale est pour l'instant impossible ? Le même problème se rencontre avec les orthoptistes, avec des tas de gens. Quand on commence à redescendre sur les auxiliaires de vie, les auxiliaires ménagères, les auxiliaires de vie scolaire, on est alors dans un vide total.
Le 25 janvier 2000, j'étais très heureux, comme les associations, d'entendre le Premier ministre dire : « Nous allons créer 5.000 postes d'auxiliaires de vie ». Il n'y en avait en effet que 1 . 864 et ce chiffre n'avait pas varié depuis 1983. Nous étions tous alors sur un petit nuage. Nous avons interpellé nos collègues de l'administration pour savoir si des groupes de travail s'étaient montés sans que nous le sachions réellement sur la formation de l'auxiliaire de vie (et de l'auxiliaire de vie scolaire), la grille de salaire et le statut pour ces personnes. Nous sommes aujourd'hui en mars 2002 et personne n'a travaillé sur ces questions. Ces 5.000 auxiliaires de vie sans formation, sans grille de salaire, sans statut seront des personnes pas forcément compétentes, pas forcément adaptées aux besoins, qui ne voient pas de pérennité dans leur emploi et qui risquent de reproduire les dérives que l'on connaît : maltraitances, vols par des personnes qui font cela temporairement et qui n'ont absolument pas l'idée qu'au-delà du geste altruiste et de la mission de l'auxiliaire de vie, il s'agit d'un vrai métier.
Il y a donc aujourd'hui une insatisfaction importante dans le tissu associatif sur ces métiers de l'altérité.
M. Paul BLANC, rapporteur - Vous venez d'évoquer plusieurs plans (« Handiscol », auxiliaires de vie). Avez-vous été associé à la définition et la mise en place de ces plans d'action ?
M. Patrick SEGAL - En ce qui concerne « Handiscol », oui, parce que la mission m'avait été confiée par le ministre de l'Education nationale de l'époque, M. Bayrou, qui me l'avait demandé, avec, bien entendu, les fonctionnaires de l'Education nationale (auxquels je rends un hommage gigantesque et sans lesquels nous n'aurions pas pu élaborer ce grand projet « Handiscol », que Mme Royal a supporté avec beaucoup d'efficacité.)
Pour les sites de vie autonome, j'en suis, bien sûr, le porteur. Je suis déçu de voir que la table ronde des financeurs n'a pas eu lieu.
J'ai été l'un des présidents de groupe sur le rapport Gillot sur la surdité et la malentendance, qui se voulait très important et qui n'a finalement pas donné les résultats escomptés. En tout cas, le tissu associatif attendait autre chose d'une année de travail. J'ai organisé 23 réunions de toutes les associations de sourds en France.
Je finalise aujourd'hui un rapport sur la cécité et la malvoyance, où la problématique est très lourde, pour une population à peu près équivalente. Il y a en France 1.000.000 de malentendants, comme il y a 1.000.000 de personnes malvoyantes.
M. Paul BLANC, rapporteur - Avez-vous été associé au programme expérimental d'actions pour l'aide à domicile des personnes handicapées et en situation de grande dépendance, qui a été présenté le 11 mars dernier ? Pourriez-vous nous en indiquer les objectifs ?
M. Patrick SEGAL - On entre là dans les détails un peu épineux. D'abord, les sites de vie autonomes sont censés répondre aux problèmes d'aides techniques et d'aides humaines.
Pour ce qui est des aides techniques, 700 produits sont inscrits au TIPS, alors qu'il en existe 35.000 sur le marché. Quand l'aide technique correspond à la spécificité du handicap et aux besoins spécifiques de la personne, il va falloir le payer de sa poche, dans un grand nombre de cas, ou trouver un tiers financeur (on se retourne alors vers les conseils généraux, les clubs-services, etc.).
Pour ce qui est des aides humaines, j'ai décrit le pathétique dossier des auxiliaires de vie, sur lequel nous ne sommes pas satisfaits.
Des personnes lourdement handicapées se sont récemment tournées vers l'Etat en disant : « Qu'en est-il de notre quotidien ? Nous avons besoin d'auxiliaires de vie pour vivre décemment » . Or, nous sommes tombés à trois heures et quart par jour, totalement insuffisantes, de prestation d'auxiliaire de vie pour une personne lourdement handicapée. Certaines, parmi ces personnes d'un collectif de revendications, ont menacé l'Etat de grèves de la faim. Marcel Nuss a obtenu un rendez-vous avec la ministre et un financement personnalisé, non pérenne. 28 autres personnes se sont manifestées et ont obtenu la promesse de 28 autres financements personnalisés. Puis un collectif étendu à 200 grands handicapés français s'est formé.
La France compte 600 nouveaux tétraplégiques par an et, en gros, 15.000 personnes lourdement handicapées à la suite d'accidents. 200 ont été choisies pour l'année 2002-2003 sur des fonds publics. Je vous laisse juges.
M. Paul BLANC, rapporteur - Avez-vous été associé à la consultation publique sur la réforme de cette loi de 1975 ? Pourriez-vous nous indiquer, en synthèse, le bilan général que l'on pourrait dresser de la loi d'orientation initiale avec les ambitions qui ont initialement été les siennes ?
M. Patrick SEGAL - J'ai bien sûr été consulté,... il y a un mois ! On m'a demandé ma vision de la loi de 1975 rénovée. Je passe sur tout le vocabulaire que l'on a pu lire autour du handicap, sur la notion « validocentrique », des mots un peu abscons qui ne vont pas au fond du problème. Ne cherchons pas aujourd'hui à définir ce qu'est le handicap, la situation de handicap. Il existe des besoins spécifiques aux personnes qui sont frappées, soit de manière congénitale, soit par la maladie ou l'accident. Je pense qu'il faut traiter les personnes à égalité, quel que soit l'âge, quelle que soit l'origine du handicap. Or je pense qu'aujourd'hui le traitement est tout à fait différencié, selon que l'on relève d'un régime ou d'un autre. C'est parfaitement inégal et les parents d'enfants handicapés le vivent cruellement.
Sur le fond, faut-il une loi ? J'ai interrogé mes collègues européens, car j'ai siégé un peu plus de six ans à la commission des Affaires sociales à Bruxelles en tant que représentant français. L'ensemble de mes collègues européens disent que c'est indispensable d'avoir une loi spécifique, parce que si l'on fait entrer la personne handicapée dans le droit commun, elle risque alors d'y perdre beaucoup, car elle ne sera jamais suffisamment défendue. J'adhère bien à cette idée que l'on retrouve chez nos collègues québécois. Je suis effectivement pour une loi spécifique. Je plaiderais plutôt pour une loi-cadre, plutôt qu'une loi d'orientation, et sa grande modernité repose, à mon sens, sur le droit à compensation. Il est urgent d'affirmer que, pour chaque nature de handicap, il existe un droit à compenser, que ce soit de manière technique, humaine, d'accompagnement, et que ce droit existe dans le temps, c'est-à-dire jusqu'à la fin de la vie de la personne concernée. Pour que ce soit efficace, on retrouvera, dans chaque département, les sites de vie autonome, les outils qui permettent cette inclusion et cette citoyenneté. C'est le droit à compensation qui nourrira profondément la révision de la loi de 1975.
M. Francis GIRAUD - J'ai d'abord été très impressionné par la manière dont vous exposez ces problèmes, avec une franchise et une clarté qui méritent, je pense, d'être soulignées. Dans votre propos, vous avez évoqué tous les problèmes du handicap, la manière dont notre pays appréhende cette question, mais vous avez ajouté les problèmes liés à l'allongement de la vie. Mon inquiétude, sur le fond, est la suivante : très franchement, pour moi médecin qui me suis beaucoup impliqué dans les problèmes de malformation, de handicaps chez l'enfant, j'ai, peut-être culturellement, quelques difficultés à rapprocher la situation d'une personne de 98 ans, qui voit et entend moins bien, qui aura évidemment quelques difficultés à se déplacer, de celle d'un jeune de 15 ans qui est victime d'un accident de la route, de handicaps congénitaux. Ma crainte -mais elle est peut-être mal fondée-, si l'on étend cette philosophie du handicap aux problèmes, qui seront de plus en plus fréquents, dus à l'allongement de la vie, est que cette dilution soit peut-être un prétexte, pour des raisons financières, à un peu tout mélanger et noyer la prise en compte réelle du handicap.
M. Patrick SEGAL - Permettez-moi de relever plusieurs points.
Les aides techniques sont aujourd'hui réservées à une micro-population. Se pose alors le problème de l'offre et de la demande. Prenons le cas, que je connais bien, d'un fauteuil roulant manuel, fabriqué, comme la plupart d'entre eux, à Taiwan, où il est vendu 800 francs. Il sera revendu sur le marché français à 17.000 francs à la personne handicapée, qui ne bénéficie que d'un remboursement de 3.500 francs. Si ce même fauteuil était mis à disposition de l'ensemble des personnes en perte d'autonomie (dont les personnes âgées, qui ont bien entendu besoin de ce produit), nous aurions peut-être des fauteuils moins chers, de meilleure qualité technique, avec un observatoire des prix et de la qualité, des sites de vie autonome et en faisant travailler le monde adapté. L'ensemble de la population y trouverait son compte.
Sur le problème des métiers de l'altérité, le problème de la personne tétraplégique ou de la personne âgée qui a besoin d'un auxiliaire de vie est exactement le même. C'est en pérennisant les emplois que l'on répondra aux besoins. Accepteriez-vous que nous finissions, chacun d'entre nous, notre vie dans un établissement collectif, dans neuf mètres carrés, alors que certains d'entre nous préféreraient peut-être vivre et finir leurs jours à la maison, avec les aides techniques, les aides humaines, la domotique. Est-ce que ce n'est pas cela le respect du choix de la vie ?
Sur l'enjeu économique, il y a une chose qu'on ne dit pas et qui est au coeur du débat : combien coûte et combien rapporte le handicap ? Aujourd'hui, l'INSERM estime qu'« une personne handicapée en fait vivre quatre ». Nous avons l'impression, et je me fais l'avocat des associations dont je fais partie, d'être des individus qui coûtons à la société et de prendre l'argent de la collectivité. Je dois m'inscrire en faux. Nous sommes productifs et nous pourrions l'être infiniment plus si nous avions les bons outils et les bons moyens pour le faire.
Je ne pense pas que l'on noiera le handicap dans la masse des personnes concernées. Je pense que la part du handicap restera toujours liée à la spécificité, mais une spécificité qui saura se doter des outils qui auront été conçus pour le plus grand nombre. La télécommande pour les télévisions a été inventée pour les personnes qui, ne pouvant se déplacer pour appuyer sur le bouton de télévision, pouvaient le faire depuis leur lit ou leur fauteuil. Je crois aujourd'hui que c'est en multipliant les aides à destination des produits de grande consommation que l'on permettra à des gens qui sont dans le spécifique et la difficulté, de vivre normalement.
J'ai eu le privilège de créer des produits actifs pour une grande enseigne pour éviter tout simplement que des distributeurs de matériel médical ne gonflent leurs marges à l'excès. J'y ai acheté 49 francs un pneu. Le même, pour mon fauteuil roulant, chez un revendeur médical du quinzième arrondissement, est à 170 francs. On utilise la détresse et la difficulté de personnes handicapées pour leur revendre bien des fois plus cher des produits, pour mieux les faire basculer dans la dépendance. C'est inacceptable, ce n'est pas citoyen, ce n'est pas républicain. Notre rôle est de tordre le cou à ces pratiques, car on ne saura pas gérer le problème du plus grand nombre, des gens qui, avec le vieillissement, basculeront dans la dépendance et la perte de l'autonomie.
M. Alain VASSELLE - J'ai été très impressionné par votre intervention, votre compétence, votre connaissance du sujet et vos avis tout à fait pertinents.
Pourquoi avoir mis autant de temps (je suis parlementaire depuis 1992 ; j'ai entendu Mme Veil nous dire que l'on allait mettre en chantier la loi de 1975 ; j'ai entendu la déclaration de Mme Aubry allant dans le même sens ; j'ai entendu Mme Guigou le confirmer), avec un délégué interministériel doté de votre compétence et qui a votre pouvoir de conviction, à persuader les membres du gouvernement pour qu'enfin ce dossier soit mis en chantier ? Pourquoi en sommes-nous là ?
Sur l'AAH, pensez-vous que nous pourrons avancer dans le sens de ce que vous avez présenté ? Nous sommes à une AAH d'environ 3.600 francs. Le minimum serait quand même l'équivalent du SMIC. J'ai aujourd'hui, dans ma commune, un foyer occupationnel pour handicapés mentaux, qui reçoit des adultes. Lorsque la famille fait le compte de ce que perçoit la personne handicapée et le reversement qu'elle doit accorder au département qui demande le forfait journalier (celui-ci est, dans mon département, l'équivalent de 100 francs par jour), il ne lui reste quasiment rien. Ainsi, un adulte qui y reste plus de 30 jours, en l'absence de famille, se verra retirer 3.000 francs sur les 3.600 versés. Il lui reste donc 600 francs pour sa mutuelle, ses loisirs, ses déplacements, toutes les autres dépenses qui correspondent à des besoins essentiels et courants de la vie. Il est incompréhensible que nous puissions laisser perdurer aujourd'hui ce type de situation. Pensez-vous que l'on peut espérer une évolution ?
Sur l'allocation compensatrice de tierce personne (ACTP), on a décidé, ici au Sénat, l'effectivité de l'emploi de cette ACTP. Je prends l'exemple d'un couple en complète cécité qui a bénéficié de l'ACTP et qui l'utilisait sans qu'il y ait à justifier de l'effectivité de l'emploi de cette demande. Ce couple faisait appel à des membres de sa famille qu'il indemnisait. Du jour où le Conseil général a exigé l'effectivité, ces personnes ont perdu en temps horaire de mise à disposition pour elles, parce qu'une bonne partie est partie dans le financement des charges sociales, non pas patronales car elles en sont exemptées, mais pour le salarié. C'est autant de temps en moins dont a pu bénéficier la personne. Y a-t-il une réflexion en cours à ce sujet pour essayer d'améliorer les choses ?
M. Patrick SEGAL - Tout d'abord, sur l'AAH, je crois effectivement que l'ensemble du tissu associatif plaide pour une programmation pluriannuelle, pour une remontée vers le SMIC. Je crois qu'il est aujourd'hui indécent d'être autour de 60 % du SMIC pour l'AAH, à condition que cette AAH soit bien redistribuée. Certains plaident pour une nouvelle allocation, une nouvelle prestation pour les personnes handicapées qui soit plus conforme à leurs besoins. 3.600 francs ne permettent pas de vivre dignement.
Ensuite, sur l'ACTP, je pense qu'une réflexion devrait avoir lieu, dans la mesure où elle est, d'une part, différente d'un département à l'autre et, d'autre part, conditionnée par un de plafond de ressources. Cela veut dire que si la personne, qui a besoin de son ACTP (finançant quelqu'un qui vous aide à vous préparer à l'inclusion sociale et professionnelle), travaille, elle va perdre cette ACTP. C'est complètement antinomique. Pour entrer dans l'entreprise, il faut quelqu'un qui vous aide à vous préparer. Donc si vous n'avez pas la personne, vous n'entrerez pas dans l'entreprise. Et si vous n'entrez pas dans l'entreprise, vous rejoindrez le bataillon des gens qui sont dans la dépendance et qui ponctionnent l'argent public. On veut à la fois que les gens soient inclus dans l'emploi et, en même temps, on ne s'en donne pas les moyens.
Je pense à nos collègues italiens. Ceux-ci ont moins de pudeur sur allocation et emploi. Ils estiment que cela peut marcher de pair, car, au fond, l'allocation n'a-t-elle pas une vocation de compensation du handicap ? Quelqu'un dans cette salle échangerait-il une fonction vitale pour 3.675 francs par mois ? J'ai posé cette question au Président de la République, je l'ai posée à tous les ministres, je n'ai pas eu beaucoup de réponses... Je ne vois pas quelqu'un échanger une fonction vitale pour 3.675 francs. Ce que j'ai perdu il y a trente ans n'a pas de prix. Je n'ai pas cherché à devenir paraplégique, je fais avec. « Nous fûmes contraints à l'héroïsme » , disait Shakespeare. Nous souhaitons l'équité, aider des gens qui sont dans la difficulté. Le handicap est lourd. Plus on vieillit, plus cela devient lourd. Il y a aujourd'hui une vraie révolution à faire sur les allocations. Il s'agit de mieux les attribuer, de les rendre plus fines, plus personnalisées, plus adaptées aux besoins, cumulatives avec de l'emploi. Cumuler de l'emploi et des allocations permet d'être contributif à un effort de solidarité et d'être participatif à un effort économique de consommation. La personne handicapée n'est pas simplement là pour quémander des miettes pour survivre. Elle est là aussi pour s'inclure dans la société et la faire tourner.
Vous vous êtes enfin interrogés sur la lenteur des réformes. J'y verrais plusieurs facteurs.
Certains parlent d'abord d'une éducation judéo-chrétienne (ce qui est faux). Si l'on compare avec les pays du nord qui sont des pays plutôt calvinistes, plutôt protestants, l'appréhension du handicap n'est pas la même : les calvinistes voient dans le handicap une spécificité et, au fond, chacun porte son handicap, sa différence, sur laquelle on n'a pas à juger une personne. Nous avons, nous, pour des raisons plus catholiques et plus bourgeoises, introduit des notions de protection, de rédemption, de charité, de prise en charge de la personne et cela a pesé longtemps. On est en train de tourner la page aujourd'hui. Nous sommes des Européens. Il y a donc une synthèse qui s'esquisse. Il y a maintenant entre l'Europe du nord, l'Espagne, le Portugal et l'Italie, des convergences importantes dans le secteur du handicap.
Le deuxième volet est celui de l'économie. Mon rêve serait que Bercy soit constamment à la table des discussions. Combien coûte, combien rapporte le handicap ? Combien de personnes le handicap fait-il vivre ? N'est-ce pas là le noeud du problème de notre avenir collectif ? N'arriverons-nous pas au grand âge fiers et heureux de voir qu'en amont, des gens ont pensé à mettre bout à bout des allocations, des aides technique, des aides humaines, de l'aménagement et le tout dans un environnement décent ? Ne sommes-nous pas en train de traiter de la dignité de l'homme ? On a mal positionné le problème, il a été vu sous un aspect macro-économique de mauvais goût, on a vu ce que cela allait coûter et on a jeté l'anathème sur les familles, sur les personnes. On a dû, à un moment donné, parce que cela ne fonctionnait pas, faire la loi de 1987 et forcer les entreprises à embaucher, forcer les trois fonctions publiques à embaucher, avec des résultats qui ne sont pas satisfaisants, car ce n'était pas inclus dans une disposition naturelle. Il faut saluer ce qui a été fait par M. Sapin, il faut saluer l'accord qui a été conclu dans la fonction publique d'Etat pour porter à 6 % l'inclusion des personnes handicapées dans la fonction publique d'Etat. Je souhaite qu'il en soit de même pour les fonctions publiques territoriale et hospitalière.
Enfin, cela a mis du temps, peut-être aussi parce que nous ne sommes pas un groupe de pression dangereux. Les 10 % de personnes handicapées, trop tendres, trop gentilles, ne vont pas demain bloquer tout le système économique.