2. Des critiques injustifiées
a) La critique des « délocalisations » d'entreprises et d'emplois
D'aucuns ont critiqué les « transferts d'emplois » dans les ZFU qui se justifient, tout au contraire, par le caractère « territorial » de cette politique.
Au demeurant, depuis plusieurs années, les créations l'emportent sur les transferts dans les ZFU. Le phénomène n'est pas nouveau puisque l'IAURIF le relevait, dès 1999, dans les zones franches de la région Ile-de-France estimant, à cette époque, que les créations pures étaient, avec 65 %, majoritaires au sein des implantation d'activités dans les ZFU, la part des transferts dans les implantations n'étant que de 27 %. La même source estime qu'en 2000 « les chiffres produits par les villes confirment la tendance antérieure : dépassement sensible des créations d'entreprises sur les transferts même si ces derniers semblent confirmer leur progression déjà constatée en 1999 » 21 ( * ) . Compte tenu de la très légère hausse des transferts d'entreprises, l'IAURIF juge qu'en 2001, les implantations en ZFU relèvent, pour 63 %, de créations.
b) La critique récurrente des « effets d'aubaine » et les rumeurs relatives au détournement de la loi
Au cours des cinq années qui viennent de s'écouler, d'aucuns ont présenté les ZFU comme des « paradis fiscaux », dans lesquelles le droit fiscal était contourné voire violé. Cette présentation que votre rapporteur n'hésitera pas à qualifier d'intellectuellement malhonnête et d'économiquement préjudiciable au développement des ZFU ne résiste ni à l'analyse des prétendus « effets d'aubaine » ni à l'examen du bilan des contrôles effectués par les URSSAF sur le terrain.
Elle est particulièrement infondée s'agissant des petites entreprises préexistantes à la création des ZFU qui ne dégageaient pas de bénéfices et qui n'étaient pas, de ce fait, assujetties au versement d'un impôt. Tout au plus ont-elles pu recruter du personnel pour accroître leur activité en bénéficiant principalement d'exonérations sociales.
L'existence des « effets d'aubaine » : une affaire à suivre
La critique des « effets d'aubaine » observés dans les ZFU est un lieu commun du discours des détracteurs de ces zones.
Votre commission considère que ces affirmations méritaient, à tout le moins, d'être assorties d'éléments plus précis, sauf à ce que l'administration considère que les mesures décidées par le législateur dans un but d'intérêt général constituent des « effets d'aubaine ». Des considérations sur des « effets d'aubaine » que rien ne permet de mesurer sont d'autant plus surprenantes que, selon la DARES, plus tiers des établissements installés en ZFU ont vu leur effectif augmenter entre 1998 et 1999.
S'agissant des transferts d'activités préexistantes dans les ZFU, la DARES estimait qu'un quart des entreprises de grande taille (à savoir celles qui ont cinq salariés et plus !) ont transféré au moins un établissement, tout en observant que ces transferts « ne représentent dans leur globalité qu'un faible nombre de salariés ». Votre commission considère tout au contraire qu' il est remarquable que le nombre de transferts opérés ait été aussi modeste , ce qui témoigne des réticences et des difficultés rencontrées par les entreprises pour s'installer en ZFU.
Pour votre rapporteur, il ne saurait être question d'affirmer, sans aucune preuve, qu'aucun effet d'aubaine n'a été enregistré. Cependant, ce phénomène ne semble pas avoir eu une importance telle que celle que lui ont prêté les détracteurs des ZFU. A tout le moins, une « logique de confiance » semble la meilleure garantie du succès des ZFU, tranchant sur la logique de défiance qui leur a porté préjudice durant cinq ans.
Le contrôle des comités d'orientation et de surveillance
En vertu de l'article 3 de la loi du 14 novembre 1996, les comités d'orientation et de surveillance évaluent les conditions de mise en oeuvre des mesures dérogatoires prévues dans les ZFU, leurs effets sur le rétablissement de l'équilibre économique et social de la zone, les conditions d'exercice de la concurrence et l'appareil commercial et artisanal et de celle-ci et de l'agglomération concernée.
En pratique, cet organisme -lorsqu'il a été créé- a joué un rôle important dans la préservation des équilibres économiques et sociaux. A l'instar de celui de Belfort , de nombreux COS ont choisi de favoriser les créations d'entreprises et non les transferts. En outre, certaines villes se sont dotées d'instruments spécifiques, et ont porté une attention particulière à cette question, à l'instar de Perpignan . C'est ainsi qu'à Montpellier a été constitué un « comité de pré-agrément » destiné à analyser et à sélectionner les dossiers d'implantation des entreprises, tandis que la convention conclue entre la ville de Saint-Quentin et l'Etat prévoit qu'un comité d'agrément des entreprises se prononce, après avis des services fiscaux, et de la Banque de France, sur la pertinence des candidatures des entreprises désireuses de s'implanter en ZFU, en prenant pour critère l'adéquation entre les emplois offerts et l'état de la demande. A cette structure de suivi s'ajoute, en outre, dans la même ville, l'action du comité d'orientation et de surveillance.
De même à Strasbourg un comité de suivi a-t-il vu le jour, qui, présidé par un élu du quartier, constitue un espace de concertation pour les bailleurs sociaux (CUS habitat), la Chambre de métiers et la Chambre de Commerce d'Alsace, les services de l'Etat (MISP) et ceux de la Communauté urbaine de Strasbourg. Il étudie la viabilité des projets des candidats à l'installation dans la ZFU et a permis « de freiner certains effets d'aubaine liés au dispositif, notamment l'implantation d'entreprises « boîtes aux lettres ». Toutefois, il convient de souligner que « bien que les collectivités locales soient confrontées au quotidien à l'animation et au suivi de ce dispositif, elles n'ont aucune légitimité reconnue pour adopter une procédure d'agrément a priori des projets d'implantation », ce qui a pour effet de limiter la faculté de sélectionner des projets.
La sanction des infractions à la loi et la « psychose » suscitée par certaines URSSAF
Il résulte des investigations de votre rapporteur que les contrôles des entreprises installées en ZFU , présentées à tort comme des « paradis fiscaux » ont été systématiques. Cette automaticité -qui est la juste contrepartie de l'importance des exonérations accordées- semble parfois être allée de pair avec un excès de zèle qui a suscité, risquons le mot, un sentiment de « quasi-psychose » chez les entrepreneurs, de sorte que certains ont préféré, devant les incertitudes relatives à l'application de la loi, ne pas embaucher d'emplois éligibles aux exonérations ou ne pas revendiquer l'exonération de cotisations sociales plutôt que de supporter le risque d'un redressement.
Deux cas d'espèces méritent cependant d'être distingués. Dans plusieurs départements, les services de l'URSSAF , sollicités par des entreprises sur l'interprétation de la loi ont refusé de donner une réponse écrite à leurs interlocuteurs , quitte à leur appliquer, ultérieurement, un redressement pour non respect d'une norme qu'ils avaient refusé d'interpréter.
Dans d'autres départements, et notamment dans les Bouches-du-Rhône ou la Sarthe où le travail des URSSAF mérite, comme celui des services fiscaux, d'être salué, toutes les entreprises installées en ZFU ont été systématiquement informées de leurs obligation au cours d'un premier contrôle, effectué à titre préventif, dès leur installation. Des contrôles ultérieurs ont permis de sanctionner les comportements contraires aux dispositions légales.
Il aurait été souhaitable que tous les services des URSSAF mettent en place une stratégie analogue et coordonnée qui n'aurait pas manqué de substituer des échanges fructueux à une opposition stérile et préjudiciable à la réussite des ZFU. Le respect du principe d'égalité devant la loi s'en serait également mieux senti. En effet, selon les témoignages concordants de plusieurs interlocuteurs de votre rapporteur, il y aurait parfois eu, sur un point donné de la loi, presque autant d'interprétations que d'URSSAF ...
Au total, les contrôles sur les entreprises semblent avoir été quasiment systématiques , ce qui n'empêche pas la tenace rumeur de fraude de courir. Ceci explique qu'au cours de ses déplacements de terrain, votre rapporteur ait sommé ceux de ses interlocuteurs qui déploraient la multiplication des « boîtes aux lettres » apposées par des entreprises fictives et fraudeuses de lui donner des éléments précis afin que soient engagées, par ses soins, si tel n'avait pas encore été le cas par les services chargés de sanctionner de telles infractions, les poursuites judiciaires et les redressements fiscaux appropriés. A la date de publication du présent rapport, aucun desdits interlocuteurs ne s'est avéré en mesure de fournir un commencement de preuve à ces allégations, ce qui conduit précisément à s'interroger sur la validité de ces témoignages ...
Tout en étant convaincu de la nécessité de rechercher et de réprimer les agissements des poseurs de « boîtes aux lettres » qui bénéficieraient indûment des exonérations, votre rapporteur ne peut que déplorer la suspicion généralisée qui a résulté d'allégations souvent fantaisistes . Interrogée par votre rapporteur, l'ACOSS a, en effet, indiqué qu'en l'an 2000, dernier exercice connu, le contrôle des exonérations avait constitué :
- 0,45 % du nombre des redressements soit 687 redressements ;
- 1,38 % du montant des redressements représentants un total de 9,782 millions d'euros, soit 64,17 millions de francs.
Ces deux chiffres apparaissent relativement modestes si on les rapporte aussi bien au nombre des entreprises existantes en ZFU -soit 7053 selon le plus récent rapport du ministère de la ville au Parlement 22 ( * ) - ou encore au montant total des exonérations de charges sociales estimé à l'occasion de l'examen du projet de loi de Finances pour 2002. Il est confirmé par l'une des observations de l'URSSAF de la Sarthe qui, tout en soulignant qu'un redressement est mal compris par une entreprise s'il intervient rétroactivement sur trois ans et met en cause la survie même de l'entreprise, note qu'« il s'avère que les entreprises en ZFU ne présentent pas de risques objectifs par rapport aux autres entreprises éligibles à d'autres mesures » et que « les sommes redressées ne sont pas importantes au regard des exonérations accordées et par rapport au total des redressements effectués sur le département ».
* 21 IAURIF , Tableau de bord des ZFU, bilan 1999-2000 page 9 .
* 22 Bilan des zones franches urbaines , rapport au Parlement publié par le ministère délégué à la ville, juillet 2001, p. 13.