N° 350
SÉNAT
SESSION EXTRAORDINAIRE DE 2001-2002
Annexe au procès-verbal de la séance du 10 juillet 2002 |
RAPPORT D'INFORMATION
FAIT
au nom de la commission des Affaires étrangères, de la défense et des forces armées (1) sur la situation et les perspectives des forces aéromobiles de l'armée de Terre ,
Par M. Serge VINÇON,
Sénateur.
(1) Cette commission est composée de : M. André Dulait, président ; MM. Michel Caldaguès, Guy Penne, Jean-Marie Poirier, Michel Pelchat, Mme Danielle Bidard-Reydet, M. André Boyer, vice-présidents ; MM. Simon Loueckhote, Daniel Goulet, André Rouvière, Jean-Pierre Masseret, secrétaires ; MM. Jean-Yves Autexier, Jean-Michel Baylet, Mme Maryse Bergé-Lavigne, MM. Daniel Bernardet, Pierre Biarnès, Jacques Blanc, Didier Borotra, Didier Boulaud, Jean-Guy Branger, Mme Paulette Brisepierre, M. Robert Calmejane, Mme Monique Cerisier-ben Guiga, MM. Robert Del Picchia, Paul Dubrule, Hubert Durand-Chastel, Mme Josette Durrieu, MM. Claude Estier, Hubert Falco, Jean Faure, Philippe François, Philippe de Gaulle, Mme Jacqueline Gourault, MM. Emmanuel Hamel, Christian de La Malène, René-Georges Laurin, Louis Le Pensec, Mme Hélène Luc, MM. Philippe Madrelle, Pierre Mauroy, Louis Mermaz, Mme Lucette Michaux-Chevry, MM. Louis Moinard, Xavier Pintat, Jean-Pierre Plancade, Bernard Plasait, Jean Puech, Yves Rispat, Henri Torre, André Vallet, Xavier de Villepin, Serge Vinçon.
Défense. |
INTRODUCTION
Mesdames, Messieurs,
Au cours des cinq dernières années, la commission des Affaires étrangères, de la défense et des forces armées s'est régulièrement inquiétée des retards et des décalages intervenus dans l'exécution de la loi de programmation militaire 1997-2002. Elle a notamment déploré que l'érosion des crédits repousse insensiblement les livraisons de plusieurs équipements modernes, dont le développement puis l'industrialisation s'échelonnent sur des durées excessives, imposant en contrepartie le maintien en service de matériels déjà anciens . Ces matériels, en raison de leur vieillissement et de leur utilisation souvent intensive, n'offrent pas toujours un niveau de disponibilité satisfaisant et, en dépit des rénovations coûteuses dont ils feront parfois l'objet, ils ne permettront pas, dans les prochaines années, d'éviter dans certains domaines une détérioration relative de nos capacités opérationnelles par rapport à nos principaux alliés, américains bien sûr, mais également britanniques. Enfin, la commission a souligné à de nombreuses reprises combien le succès de la professionnalisation serait aussi évalué, en premier lieu par les personnels des armées, à l'aune de la qualité et de la performance des équipements.
Ce constat est particulièrement vrai dans l' armée de terre et, lors du rapport pour avis sur les crédits des forces terrestres qu'il avait présenté dans le cadre de l'examen du budget de la défense pour 2002, votre rapporteur avait identifié plusieurs domaines dans lesquels le futur immédiat sera marqué par une dégradation de nos moyens . Il avait notamment cité la protection du combattant , pénalisée par le retard des programmes de véhicules blindés légers et surtout l' aéromobilité , c'est à dire le renouvellement de notre parc d'hélicoptères .
Afin de mieux appréhender les besoins opérationnels et la façon dont on pourra y répondre dans un proche avenir, il a paru particulièrement utile de mener une étude plus approfondie sur les perspectives d'évolution des capacités aéromobiles de l'armée de terre .
Une visite dans l'un de nos 4 régiments d'hélicoptères a permis d'apprécier, sur le terrain, la réalité de la situation et de mesurer comment elle était ressentie par les personnels de tous grades . Au delà des difficultés qui ont touché l'ensemble de l'armée de terre durant la phase de transition, comme le sous-effectif ou le retard des investissements d'infrastructure, l'Aviation légère de l'armée de terre (ALAT) souffre particulièrement de l'insuffisante disponibilité des appareils et du sous-entraînement des équipages . Alors que notre parc d'hélicoptères de transport, très sollicité, est déjà vieillissant, la perspective de ne recevoir le nouvel hélicoptère NH 90 qu'en 2011, dans 9 ans, n'est pas de nature, on s'en doute, à apaiser ces inquiétudes.
Les contacts établis avec les principaux responsables militaires concernés et les industriels ont confirmé l' état préoccupant de la situation actuelle de l'ALAT .
Le caractère essentiel de cette composante est unanimement reconnu, l'hélicoptère étant aujourd'hui l'un des matériels les plus sollicités pour les opérations extérieures et intérieures. Mais, telles qu'elles apparaissent aujourd'hui, les perspectives d'évolution jusqu'à la fin de l'actuelle décennie ne sont pas satisfaisantes .
Votre rapporteur effectuera tout d'abord un point de la situation des forces aéromobiles de l'armée de terre. Il s'agira de présenter les différents matériels en service, les types de missions qui leurs sont assignées et leurs difficultés à les effectuer convenablement, en raison de l'insuffisante disponibilité des appareils.
Il évoquera ensuite les perspectives d'évolution, en posant la problématique du renouvellement des équipements, en soulignant la dégradation inévitable de nos capacités de transport héliporté et en évaluant les différentes propositions envisagées pour y remédier.
I. LES FORCES AÉROMOBILES DE L'ARMÉE DE TERRE : UNE COMPOSANTE TRÈS SOLLICITÉE MAIS SOUFFRANT D'UN MANQUE DE MATÉRIELS DISPONIBLES
Héritière de l'aviation d'observation d'artillerie, l'aviation légère de l'armée de terre (ALAT), créée en 1954, a vu sa vocation rapidement transformée par l'emploi de l'hélicoptère à des fins militaires. Faisant école chez nos principaux partenaires européens, au Royaume-Uni et en Allemagne notamment, elle a développé le concept d'aéromobilité et l'a constamment adapté aux modifications de l'environnement stratégique et des nécessités opérationnelles.
Elle constitue aujourd'hui une composante particulièrement sollicitée dans les opérations de tous types que conduit l'armée de terre et se trouve confrontée à des tensions provenant de l'insuffisante disponibilité des matériels.
A. DES MISSIONS MULTIPLES ET CRUCIALES
Sans être l'acteur exclusif de l'aéromobilité, l'ALAT en est la principale composante. L'hélicoptère, qu'il soit de combat ou de manoeuvre, offre aux forces aéromobiles la modularité nécessaire pour projeter leurs unités tant à l'extérieur que sur le territoire national.
1. L'évolution des missions
La typologie des emplois de la force aéromobile a notablement évolué ces dernières années, en liaison avec le contexte géostratégique.
C'est au cours de la guerre d'Algérie qu'ont été définis les principaux concepts caractéristiques des opérations aéromobiles, associant les hélicoptères assurant le transport de combattants, les hélicoptères armés chargés de leur protection, les hélicoptères de reconnaissance et ceux dédiés au commandement et aux évacuations sanitaires.
A partir des années 1960, les unités de l'ALAT ont été préparées au combat de type « Centre Europe » dans la perspective d'une confrontation face à une puissante force blindée. Les hélicoptères antichar ont pris une place prépondérante, les hélicoptères de manoeuvre ayant alors pour principale vocation de déposer les équipes antichar équipées de missiles Milan.
Lors de le guerre du Golfe, les régiments d'hélicoptères de combat se sont illustrés en participant à la manoeuvre de contournement des forces irakiennes.
Les nouvelles conditions d'engagement relativisent désormais le combat antichar. Certes, cette fonction garde une place essentielle, en s'élargissant d'ailleurs vers la destruction d'objectifs tels que des postes de commandement, des infrastructures ou des dépôts logistiques. Mais l'hélicoptère de combat a désormais davantage vocation à réaliser des missions d'escorte , ainsi que des missions d'appui-protection pour les forces situées au sol.
L' évacuation sanitaire demeure également l'une des missions fondamentales, dans le cadre du concept de « médicalisation de l'avant » propre au service de santé des armées français 1 ( * ) . Il s'agit de porter au plus près du combattant les moyens mobiles permettant le traitement des urgences extrêmes tout en disposant de moyens d'évacuation précoce des blessés.
Les hélicoptères de manoeuvre tendent cependant à voir leur rôle s'accroître dans les fonctions de soutien logistique , dans les opérations spéciales , dans le recueil du renseignement et dans les missions de transport tactique au profit des unités d'infanterie.
Enfin, les hélicoptères de l'armée de terre sont engagés dans des opérations d'évacuation de ressortissants, dans des actions à vocation humanitaire et dans de nombreuses missions de service public sur le territoire national. Pour les troupes déployées en opérations extérieures, il constitue un outil précieux, en particulier pour le soutien logistique.
* 1 Voir à ce sujet le rapport d'information de M. Jean FAURE n°458 (1998-1999) effectué au nom de la commission des Affaires étrangères, de la défense et des forces armées du Sénat.