B. LA FORMATION DES PERSONNELS DE LA PJJ TARDE À S'ADAPTER À L'ÉVOLUTION DES MÉTIERS

La formation des personnels de la PJJ semble largement insuffisante pour exercer auprès d'un public de plus en plus difficile. Une évaluation nationale de la formation initiale des éducateurs ayant été décidée lors du comité technique paritaire national du 14 septembre 2000, le cabinet Arcône a rendu son rapport en février 2002.

Il apparaît que la méthode de formation employée, son contenu et son articulation avec la procédure d'affectation des personnels sont autant d'obstacles à une formation efficace et de qualité ; de plus, l'existence de deux dispositifs de formation avec des différences importantes d'orientation pédagogique n'est pas positive.

1. Le centre de formation125 ( * ) est dépassé par l'ampleur des besoins

La décision prise en 1999 de recruter 1.000 personnels supplémentaires au sein de la PJJ qui, à l'époque, ne comptait que 6.500 agents, a entraîné une augmentation très conséquente de l'activité du CNFE-PJJ 126 ( * ) . En moyenne, un agent reçoit 2,75 jours de formation par an (toutes catégories confondues).

L'inadéquation des locaux, en particulier l'éclatement des formations des différents corps de la PJJ sur de nombreux sites, ne facilite pas l'établissement d'une culture commune. La délocalisation à Roubaix a été décidée il y a dix ans mais repoussée à septembre 2004.

Selon le directeur général du CNFE-PJJ, M. Pierre Berton, « La mise en place des formations dans l'urgence, en l'absence de conseil scientifique et d'instance de réflexion pédagogique, ainsi que la suppression de la formation initiale des formateurs ont placé ces derniers dans des positions de résistance aux changements imposés ».

2. La difficulté à former les nouveaux éducateurs

Le recrutement massif d'éducateurs soulève des problèmes d'intégration, de transmission des expériences et d'organisation dans les différentes structures de la PJJ.

a) Le cas particulier des éducateurs des concours exceptionnels

Les promotions, qui comptaient auparavant 80 à 100 éducateurs, sont de 170 pour les promotions classiques dont la formation dure deux ans ainsi que pour les promotions exceptionnelles dont la formation dure un an .

L'arrivée massive d'éducateurs stagiaires a d'autant plus déstabilisé l'institution que le statut particulier des éducateurs recrutés dans le cadre du concours exceptionnel n'a pas toujours été compris . Le comité technique paritaire national consacré à la formation le 9 juillet 2001 a relevé plusieurs écueils :

« - certains éducateurs ont eu plus de mal que d'autres dans leur prise de fonction. En effet, les fonctions occupées précédemment en tant qu'animateur ou maître auxiliaire et pour certains pendant plusieurs années, ne leur ont pas permis de trouver d'emblée le bon positionnement dans la relation éducative ;

« - les formateurs, les accompagnateurs de terrain et les personnels des services extérieurs ont émis quelques résistances à s'adapter au nouveau dispositif de formation ;

« - les éducateurs de la promotion 1999 [concours exceptionnel] ont confirmé l'ambiguïté de leur statut : en formation et/ou en prise de fonction . Ils ont dénoncé l'accueil qui leur a été réservé par l'institution [...]. » .

b) Une formation morcelée dont les contenus sont à revoir

Les formations apparaissent comme une succession de temps morcelés, sans liens entre eux 127 ( * ) ; l'idée de progression n'est pas suffisamment développée. La formation en alternance est un bon principe, mais la mise en oeuvre pratique des stages en situation professionnelle soulève des difficultés . Selon le cabinet Arcône, il conviendrait que le stage dure au minimum trois mois, et que l'éducateur soit considéré comme étant en formation, alors que, dans le cadre de la formation en un an, il est considéré comme opérationnel.

Selon le cabinet Arcône, le travail en équipe, ainsi que la capacité à conduire des projets, prendre des décisions, s'investir dans les études de cas, qui sont des compétences essentielles au métier d'éducateur, doivent être développés. De même, il est grand temps que la direction de la PJJ définisse enfin les compétences spécifiques qu'elle attend de ses éducateurs, afin d'adapter en ce sens le recrutement, la gestion des carrières, la validation des acquis et la formation initiale, continuée et continue. En particulier, la PJJ doit définir ce qu'elle entend par « relation éducative auprès des mineurs délinquants ».

En ce qui concerne la formation continue, il conviendrait de renforcer, au travers de la formation, les relations entre magistrats et personnels de la PJJ . Certes, l'Ecole nationale de la magistrature et le CNFE-PJJ organisent des sessions de formation continue communes aux magistrats et aux personnels de la PJJ. Mais ces initiatives ne permettent pas, du fait de leur modestie (formation sur des thématiques et non échange sur les pratiques professionnelles), de bâtir une culture commune, susceptible d'améliorer les relations entre les magistrats et la PJJ.

Il convient néanmoins de souligner les efforts récents de la PJJ pour améliorer les formations. Une circulaire en date du 9 octobre 2000, qui définit les orientations de la PJJ en matière de formation, montre que celle-ci est consciente de la nécessité de renforcer la formation des directeurs de la PJJ dans le domaine de la gestion de l'administration, afin de tenir compte des perspectives de déconcentration, et d'intensifier la formation des éducateurs à l'action éducative dans un cadre pénal.

c) Mauvaise articulation entre formation et affectation dans un poste

Dans le cadre de la formation initiale en deux ans, les éducateurs ayant obtenu les meilleures notes choisissent leur poste d'affectation. Ce système génère des contradictions car les postes les plus difficiles sont tenus par les éducateurs les plus mal notés de la PJJ : « Si l'institution considère que les éducateurs ayant obtenu les meilleures notes sont les éducateurs qui seront les plus efficaces sur le plan professionnel, on peut se demander pourquoi ces éducateurs n'occupent pas les postes les plus difficiles 128 ( * ) ».

Pour les éducateurs du concours exceptionnel, il convient de mettre en place les séquences de formation avant la prise de fonction, pour éviter que les personnels s'y soustraient ou soient empêchés d'en bénéficier. En effet, un absentéisme des personnels aux sessions de formation est aujourd'hui constaté 129 ( * ) .

*

La formation des personnels n'est donc pas pleinement adaptée aux difficultés du métier d'éducateur. Cette situation n'est pas propre aux éducateurs de la PJJ.

Les diplômes d'éducateurs mériteraient ainsi d'être repensés comme l'a noté M. Louis Dubouchet, responsable d'un cabinet de consultants, devant la commission d'enquête : « une même qualification, un même programme de formation initiale et continue permet de prendre en charge aussi bien un petit mongolien auquel il faut apprendre les formes et les couleurs qu'un mineur réitérant qui rejette la société » .

* 125 Le centre national de formation et d'études de la PJJ (CNFE-PJJ), implanté à Vaucresson (Hauts-de-Seine), organise la formation initiale et continue de tous les agents de la PJJ. Onze pôles territoriaux de formation (PTF) sont placés sous sa direction.

* 126 De 1996 à 2000, l'activité en formation initiale est passée de 563 stagiaires (dont 400 éducateurs) et 55.300 jours-stagiaires à 1.160 stagiaires (dont 1.000 éducateurs) et 135.140 jours-stagiaires, soit un doublement de la charge de travail. De 1998 à 2000, l'activité en formation initiale a augmenté de 72 % en nombre de stagiaires et de 76 % en jours-stagiaires, tandis que l'activité en formation continue augmentait de 56 % en nombre de stagiaires mais baissait de 5 % en jours-stagiaires réalisés (elle a toutefois progressé de 50 % de 1995 à 2000).

* 127 D'une part, l'articulation entre les différentes approches disciplinaires n'est pas suffisamment pensée ; d'autre part, les différents temps et modalités de formations se succèdent sans que l'éducateur stagiaire en perçoive le sens et le lien (amphithéâtre, travail en groupe de vingt, enquêtes, travaux écrits, approches thématiques, etc.).

* 128 Rapport Arcône sur la formation initiale des éducateurs.

* 129 Les éducateurs sont tenus de consacrer 10 jours par an à la « formation continuée obligatoire » dans les deux années suivant leur titularisation. Le comité technique paritaire national du 9 juillet 2001 en dresse un bilan mitigé : l'absentéisme des éducateurs est important. Quant à la formation continue, elle a souffert de la multiplication des sessions de formation initiale : à de nombreuses reprises, il a été impossible d'héberger les stagiaires en formation continue, avec pour conséquence un taux de désistement jamais atteint.

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