5. Les limites du « tout-parquet »
Le parquet est devenu un acteur essentiel de la justice des mineurs. Le développement des alternatives aux poursuites a incontestablement permis de limiter l'engorgement des juridictions pour enfants.
Cette montée en puissance du parquet trouve cependant ses limites.
a) Des moyens insuffisants
Les moyens matériels et humains des parquets des mineurs sont aujourd'hui insuffisants pour faire face aux multiples tâches qui leur incombent. Rappelons que les parquets des mineurs sont compétents non seulement à l'égard des mineurs délinquants mais également à l'égard des mineurs victimes. Selon les informations transmises par le ministère de la justice, 301 magistrats du parquet sont spécialement chargés des affaires de mineurs, mais dans de nombreux cas, ces magistrats ne sont pas chargés seulement des affaires de mineurs.
Par ailleurs, dans certains tribunaux, même parmi les plus importants, il n'existe pas de parquet spécialisé à l'égard des mineurs. Or, une telle spécialisation apparaît utile au regard des spécificités tant de la délinquance des mineurs que des procédures qui leur sont applicables.
Le rôle essentiel désormais joué par les parquets implique un renforcement de leurs moyens afin que leurs choix en matière de poursuites ou d'alternatives aux poursuites soient suffisamment pesés.
Il ne suffit pas en effet d'afficher des « taux de réponse » -selon l'expression convenue- à la délinquance des mineurs pour que celle-ci diminue. Il faut encore que ces réponses soient adaptées à la situation et au mineur concernés.
A cet égard, les mesures de rappel à la loi ou d'avertissement devraient être exclusivement réservées aux mineurs mis en cause pour la première fois. Si une telle mesure n'est pas efficace la première fois, il y a peu de chances qu'elle le devienne par la suite.
b) Un risque de déresponsabilisation
Au cours des travaux de la commission d'enquête, plusieurs personnes, dont M. Thierry Baranger, président de l'association des magistrats de la jeunesse et de la famille, ont souligné que le développement considérable du rôle du parquet peut entraîner quelques effets pervers :
« S'agissant du parquet, après des débuts prometteurs, la politique dont je viens de parler a atteint ses limites. En effet, le parquet ne peut pas être l'organe de prévention de faits qui pouvaient être traités en amont. Cette décision est partie d'une bonne intention, mais elle a conduit les institutions à se défausser sur la justice. Je pense notamment à certains accords qui ont pu être passés pour des faits mineurs, entre l'Education nationale et le parquet. Si l'on a pu régler rapidement des problèmes plus graves au sein de l'Education nationale, cette situation a également entraîné le signalement de faits mineurs à l'école que l'on appelle « rackets » et qui n'en étaient pas forcément, notamment pour des petits enfants. Ce surcroît de travail a donc pénalisé le travail du parquet » .
De fait, la commission d'enquête a pu constater que des faits relativement anodins étaient parfois signalés au parquet. Il est indispensable qu'un dialogue permanent permette d'éviter des signalements qui encombrent inutilement les parquets .
La discipline et la sanction devraient être revalorisées dans toutes les institutions, afin d'éviter de recourir systématiquement à une justice à bout de souffle.