2. Une spécialisation insuffisante
Plusieurs personnes entendues par la commission d'enquête ont souhaité un renforcement de la spécialisation des forces de sécurité à l'égard des mineurs en faisant allusion aux brigades des mineurs de la police nationale 66 ( * ) .
Ainsi, M. Alain Bruel 67 ( * ) , ancien président du tribunal pour enfants de Paris, s'est exprimé en ces termes :
« Dans le domaine des investigations, il est certain que la délinquance de groupe et le développement de trafics très « capillarisés » dans lesquels sont impliqués souvent des adultes posent de sérieux problèmes aux enquêteurs quand ils doivent identifier précisément les auteurs et établir les participations respectives. Toute faille dans ce domaine devient pour ceux qui en bénéficient source d'impunité et pour les autres la cause d'un sentiment profond d'injustice (...).
« Or, nous manquons cruellement d'une police judiciaire spécialisée dans les affaires de mineurs, capable de procéder à des recherches approfondies. Les brigades des mineurs qui, voici une trentaine d'années s'acquittaient de ce travail en étroite collaboration avec les magistrats se sont peu à peu repliées, faute d'effectifs, sur leurs tâches de protection des mineurs victimes, et ne trouvent aucune aide chez leurs collègues de la police judiciaire. »
En pratique, pareil jugement mérite d'être nuancé. Un réinvestissement des brigades des mineurs dans le traitement de la délinquance a été entamé au cours des dernières années, à la suite du rapport de Mme Christine Lazerges et de M. Jean-Pierre Balduyck sur la prévention et le traitement de la délinquance des mineurs.
M. Philippe Lutz 68 ( * ) , commissaire principal à Noisy le Grand a longuement évoqué cette évolution devant la commission d'enquête : « La délinquance des mineurs n'était pas traitée, parce que les familles n'étaient pas identifiées et que les officiers chargés de ces affaires changeaient quasiment en permanence. Le phénomène n'était par conséquent pas véritablement connu.
« Nous avons donc décidé, en septembre 1998, de créer une brigade des mineurs renforcée, formée de sept personnes -deux officiers, quatre gardiens de la paix et un adjoint de sécurité- ayant une compétence totale sur la problématique des mineurs, à la fois auteurs et victimes, et s'attachant à mettre en place des partenariats relativement novateurs avec l'aide sociale à l'enfance et la PJJ ».
Progressivement, cette extension des missions des brigades des mineurs a été généralisée. Selon les propos de M. Christian Decharrière, directeur central de la sécurité publique, devant la commission d'enquête, on dénombre désormais 109 brigades des mineurs à compétence élargie dans les 462 circonscriptions de sécurité publique. Ainsi, nombre de circonscriptions demeurent dépourvues de telles brigades, même s'il convient de tenir compte du fait que, dans les départements de la couronne parisienne, la compétence des brigades des mineurs dépasse le cadre des circonscriptions .
Dans les autres circonscriptions, il semble que certains personnels, au sein des services d'investigation et de recherche, soient plus spécialisés en matière de traitement des problèmes relatifs aux mineurs.
Le développement des brigades des mineurs à compétence élargie mérite d'être généralisé, à condition que des moyens suffisants leur soient alloués pour traiter à la fois des mineurs victimes et des mineurs délinquants.
* 66 La gendarmerie nationale a, pour sa part, mis en place des brigades de prévention de la délinquance juvénile qui exercent pour l'essentiel une action purement préventive.
* 67 Audition du 27 mars 2002.
* 68 Audition du 3 avril 2002.