Rapport d'information n° 295 (2001-2002) de MM. Hubert HAENEL , Denis BADRÉ , Marcel DENEUX , Serge LAGAUCHE et Simon SUTOUR , fait au nom de la délégation pour l'Union européenne, déposé le 23 avril 2002

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N° 295

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2001-2002

Rattaché au procès-verbal de la séance du 21 février 2002

Enregistré à la Présidence du Sénat le 23 avril 2002

RAPPORT D'INFORMATION

FAIT

au nom de la délégation pour l'Union européenne (1) sur l'élargissement de l'Union européenne : état des lieux ,

Par MM. Hubert HAENEL, Denis BADRÉ, Marcel DENEUX,
Serge LAGAUCHE et Simon SUTOUR,

Sénateurs.

(1) Cette délégation est composée de : M. Hubert Haenel, président ; M. Denis Badré, Mme Danielle Bidard-Reydet, MM. Jean-Léonce Dupont, Claude Estier, Jean François-Poncet, Lucien Lanier, vice-présidents ; M. Hubert Durand-Chastel, secrétaire ; MM. Bernard Angels, Robert Badinter, Jacques Bellanger, Mme Maryse Bergé-Lavigne, MM. Jean Bizet, Jacques Blanc, Maurice Blin, Gilbert Chabroux, Xavier Darcos, Robert Del Picchia, Mme Michelle Demessine, MM. Marcel Deneux, Jean-Paul Émin, Pierre Fauchon, André Ferrand, Philippe François, Yann Gaillard, Emmanuel Hamel, Serge Lagauche, Louis Le Pensec, Aymeri de Montesquiou, Joseph Ostermann, Jacques Oudin, Simon Sutour, Jean-Marie Vanlerenberghe, Paul Vergès, Xavier de Villepin, Serge Vinçon.

Union européenne.

INTRODUCTION

Il y a aujourd'hui tout lieu de penser que les négociations engagées avec dix des pays candidats à l'Union européenne s'achèveront avant la fin de l'année en cours. Le traité d'élargissement pourrait alors être signé au cours du premier semestre 2003, avant que ne commence le processus de ratification qui devrait permettre la participation des nouveaux membres à l'élection du Parlement européen de l'été 2004. C'est pourquoi, au moment où la Commission européenne commence la rédaction du projet de traité, il a paru intéressant de dresser un état des lieux des négociations et de l'état de préparation des douze pays concernés.

Comme on le sait, la délégation du Sénat a désigné pour chaque pays candidat un de ses membres pour suivre de manière spécifique ses progrès vers l'adhésion. Et, à intervalles réguliers, le sénateur responsable d'un pays, généralement à la suite du déplacement qu'il a effectué dans ce pays, expose à la délégation la synthèse des observations qu'il a pu faire, des progrès qu'il a pu constater comme des retards qu'il a pu déceler.

Mais, au-delà de cet examen individuel des pays candidats, il pouvait être judicieux de procéder à un examen transversal des grandes questions que posera l'élargissement. À cette fin, la délégation a entendu cinq communications :

- la première, sur l'interaction entre l'élargissement et la réforme des institutions de l'Union,

- la deuxième, sur le volet « Justice et affaires intérieures » de l'élargissement,

- la troisième, sur l'incidence de l'élargissement sur le budget de l'Union européenne,

- la quatrième, sur le volet agricole,

- enfin, la cinquième, sur la politique de cohésion économique et sociale.

Pour compléter ces approches horizontales du processus d'élargissement, on trouvera, à la suite du compte rendu de ces cinq communications, des fiches synthétiques présentant l'état de préparation de chacun des douze pays avec lesquels les négociations ont été engagées.

Hubert Haenel

I. L'INTERACTION ENTRE L'ÉLARGISSEMENT DE L'UNION ET LA RÉFORME DE SES INSTITUTIONS (Réunion du mercredi 28 novembre 2001)

A. COMMUNICATION DE M. HUBERT HAENEL

Il y a quelques jours, la Commission européenne a rendu public son document de stratégie sur l'élargissement. Ce document, tout en réaffirmant le principe de différenciation entre les douze pays candidats avec lesquels les négociations ont été engagées, montre clairement - pour la première fois - une option de la Commission européenne en faveur de l'entrée simultanée de dix pays candidats en 2004.

Afin de replacer ce choix de la Commission dans son contexte historique, je crois qu'il n'est pas inutile de rappeler d'abord brièvement les grandes décisions prises successivement par l'Union européenne à propos du processus d'élargissement.

1. L'historique du processus d'élargissement

C'est le Conseil européen de Luxembourg , en décembre 1997, qui a décidé la convocation, au printemps 1998, de conférences intergouvernementales bilatérales pour commencer les négociations avec six pays : Chypre, la Hongrie, la Pologne, l'Estonie, la République tchèque et la Slovénie. Ces négociations d'adhésion ont été effectivement ouvertes le 31 mars 1998.

C'est le Conseil européen d'Helsinki , deux ans plus tard, qui a décidé d'organiser, en février 2000, des conférences intergouvernementales bilatérales avec la Roumanie, la Slovaquie, la Lettonie, la Lituanie, la Bulgarie et Malte. C'était l'abandon de deux groupes distincts pour le principe de la « régate », selon lequel tous les pays candidats sont à égalité sur la ligne de départ, chacun avançant à son rythme et arrivant sur la ligne d'arrivée à une date résultant de ses propres capacités. Je vous rappelle que la délégation avait vu ainsi son propre voeu satisfait puisque nous avions jugé qu'il n'était pas souhaitable que les pays candidats demeurent répartis en deux groupes distincts. Je vous rappelle aussi que la France avait alors fait entendre sa voix pour que la Roumanie et la Bulgarie ne soient pas tenues à l'écart.

Enfin, c'est le Conseil européen de Göteborg , en juin dernier, qui a décidé que les progrès accomplis sur la voie du respect des critères d'adhésion devaient « permettre de clôturer les négociations d'ici la fin de 2002 pour les pays candidats qui sont prêts ». Le Conseil européen ajoutait même que l'objectif était « que ces pays participent aux élections au Parlement européen en 2004 en tant que membres ».

Le document de stratégie que la Commission vient de présenter fait valoir que les critères politiques définis par le Conseil européen de Copenhague pour l'adhésion étaient respectés par tous les pays candidats pour lesquels les négociations sont en cours. Il ajoutait que la Turquie ne remplissait toujours pas ces critères qui sont, je le rappelle, « des institutions stables garantissant la démocratie, la primauté du droit, les droits de l'Homme, le respect des minorités et leur protection ».

Le Conseil européen de Copenhague avait également défini des critères économiques qui étaient « l'existence d'une économie de marché viable ainsi que la capacité de faire face à la pression concurrentielle et aux forces du marché à l'intérieur de l'Union ». A cet égard, la Commission fait une différence entre les treize pays candidats. Elle estime en effet :

- que Chypre et Malte remplissent ces deux critères économiques,

- que la République tchèque, l'Estonie, la Hongrie, la Lettonie, la Lituanie, la Pologne, la Slovaquie et la Slovénie sont des économies de marché viables et qu'elles devraient être en mesure de faire face à court terme à la pression concurrentielle et aux forces du marché au sein de l'Union.

- qu'il manque peu de choses à la Bulgarie pour être une économie de marché viable et qu'elle devrait être en mesure de faire face à moyen terme à la pression concurrentielle et aux forces du marché au sein de l'Union,

- que la Roumanie ne répond encore à aucun de ces deux critères.

Par ailleurs, sans jamais se prononcer de manière explicite sur la date d'entrée de chacun de ces pays dans l'Union, la Commission mentionne à plusieurs reprises, dans son document de stratégie, que le cadre financier défini à Berlin permet l'adhésion d'un maximum de dix nouveaux États membres en 2004. A l'évidence, la préférence de la Commission est claire et conduit à l'entrée de dix pays dans l'Union européenne en 2004, la Roumanie et la Bulgarie étant laissées en marge de ce processus.

C'est cela qui a amené Hubert Védrine à demander que l'on réfléchisse à l'inconvénient de laisser deux pays en dehors de l'Union « avec le contrecoup que cela peut créer et les perspectives elles-mêmes déstabilisantes » que cela peut provoquer. En fait, cette initiative de notre ministre des Affaires étrangères répond au constat que la Commission, en se prononçant pour l'entrée de dix pays d'un seul coup, privilégie le critère politique sur le critère purement technique car chacun sait que les dix pays concernés n'ont pas atteint le même niveau de préparation pour rejoindre l'Union dans de bonnes conditions. Si l'on retient seulement le critère technique, il est en effet difficile de justifier l'entrée de dix pays. Mais, dès lors que l'on retient essentiellement le critère politique, pourquoi dix pays et non douze ?

L'autre question qui vient immédiatement à l'esprit concerne la compatibilité d'un élargissement aussi massif - qu'il soit de dix ou de douze pays - avec l'approfondissement de l'Union . Je pense que nous avons tous lu à ce propos l'article paru dans « Le Monde » samedi dernier sous le titre « Qui osera dire non à l'élargissement de l'Europe ? ». Toutefois, nous devons être conscients que cette question appartient désormais à l'histoire et non plus au présent. Ce à quoi il convient de se consacrer aujourd'hui, c'est à la meilleure réussite possible de l'élargissement.

Du point de vue du calendrier, le document de stratégie de la Commission laisse clairement entendre que les négociations d'adhésion avec les dix pays retenus devraient pouvoir être conclues d'ici la fin de la présidence danoise, c'est-à-dire décembre 2002, en vue d'une adhésion en 2004.

2. La perspective d'une chronologie compliquée

Je voudrais surtout aujourd'hui attirer votre attention sur les conséquences de ce calendrier. En effet, l'élargissement va interférer avec les réformes institutionnelles de l'Union. Je dis « les » réformes institutionnelles de l'Union dans la mesure où il va interférer, d'une part, avec la ratification du traité de Nice et, d'autre part, avec le grand débat qui va s'engager l'an prochain au niveau de l'Union et qui devrait trouver son terme en 2004.

a) L'interaction entre le calendrier de l'élargissement et celui de la ratification du traité de Nice

Aujourd'hui, on peut considérer que dix États membres ont ratifié ou sont sur le point de ratifier ce traité dans les jours qui viennent. Deux autres États devraient avoir achevé la procédure de ratification d'ici la fin de l'année. La Grèce devrait y parvenir au début de l'année prochaine. En queue de peloton, pour des raisons institutionnelles, la Belgique qui doit procéder à la ratification du traité de Nice par sept assemblées parlementaires puisque interviennent à la fois le niveau fédéral, les communautés et les régions. On peut espérer cependant que la Belgique parvienne à terminer la procédure de ratification pour la fin du premier semestre 2002. A ce stade, il ne demeurera donc plus que le problème posé par l'Irlande car il va de soi que le traité de Nice ne peut entrer en application tant que l'Irlande ne l'a pas ratifié. Dès lors, une question vient à l'esprit : est-il possible de conclure les négociations relatives à l'adhésion de dix nouveaux membres dans l'Union européenne sans savoir si le traité de Nice reste ou non valable et s'il a une chance ou non d'entrer en application ?

À mon sentiment, la réponse est clairement négative. Si le traité de Nice ne doit jamais entrer en application, faute d'une ratification par l'Irlande, certains de ces éléments devront en effet être intégrés dans le traité d'adhésion des nouveaux pays candidats. Je citerai simplement quelques-uns des points qui devraient alors nécessairement être intégrés dans les traités d'adhésion :

- pour la Commission, le fait qu'il n'y aura plus qu'un commissaire pour chacun des grands États, la procédure de nomination du président et du collège à la majorité qualifiée par le Conseil, ainsi que les pouvoirs du président sur les commissaires ;

- pour le Conseil, le rééquilibrage de la pondération des votes et le champ d'application du vote à la majorité qualifiée ;

- pour la Cour de Justice, la réforme de la juridiction communautaire ;

- enfin, les nouvelles dispositions relatives aux coopérations renforcées.

b) L'interaction entre le calendrier de l'élargissement et celui de la réforme de l'Union qui doit être engagée à la suite de la déclaration de Laeken

On peut s'attendre à ce que la Convention qui va être mise en place commence ses travaux vers la fin du mois de février ou le début du mois de mars de l'année prochaine. Elle devrait se réunir environ pendant un an et donc arriver au terme de sa mission, au plus tard, à la fin du premier semestre 2003.

Les États membres ont fait connaître leur accord pour que les pays candidats, comme nous l'avons souhaité nous-mêmes, participent à la Convention avec le même nombre de représentants que les États membres. La seule question qui reste ouverte est celle de la formation du consensus au sein de la Convention. Pour obtenir un consensus, doit-on prendre en compte ou non l'opinion des représentants des pays candidats ? Je ne suis pas sûr que cette question ait une importance fondamentale dans la mesure où la Convention sera amenée, dans un certain nombre de cas, à présenter des options et non un texte unique. La participation des pays candidats exigera sans doute une grande habileté de la part de la présidence de la Convention, mais il ne semble pas qu'il y ait des difficultés insurmontables.

La question est toutefois beaucoup plus délicate dès lors que l'on aborde la phase de la Conférence intergouvernementale qui succèdera à la Convention.

Le traité de Nice prévoit que cette Conférence intergouvernementale (CIG) devrait être convoquée en 2004. Le Parlement européen et la Commission ont fait connaître leur souhait que le processus soit accéléré et que la CIG soit convoquée en 2003 en sorte que l'ensemble du processus atteigne son terme avant les élections au Parlement européen, c'est-à-dire avant la fin du premier semestre de 2004. D'autres voix, parmi les États membres, se sont fait entendre pour demander, au contraire, qu'il y ait un délai suffisant entre la fin de la Convention et la réunion de la CIG afin que les deux étapes soient nettement différenciées.

Jusqu'à présent, je n'ai lu aucune observation sur les problèmes qui peuvent apparaître à ce sujet du fait du calendrier de l'élargissement. Et pourtant il faudra bien déterminer le statut des pays candidats au sein de la CIG. A priori, il ne paraît pas possible qu'ils y participent à part entière tant qu'ils ne seront pas membres de l'Union européenne, c'est-à-dire tant que le traité d'adhésion n'aura pas été ratifié tout à la fois par le pays concerné et par les quinze États membres. Par ailleurs, nous devons garder à l'esprit que les nouveaux membres de l'Union devront eux-mêmes ratifier ce nouveau traité puisque cette réforme de l'Union devra s'appliquer tout à la fois aux quinze États membres actuels et à ceux qui les rejoignent. Est-il concevable que l'on demande à ces pays de ratifier cette réforme sans qu'il aient pu participer à son élaboration au sein d'une CIG ? Et ne serions-nous pas placés devant un redoutable imbroglio si certains des nouveaux États membres, après avoir ratifié le traité d'adhésion, refusaient la ratification du traité réformant l'Union européenne ?

Nous ne devons pas non plus négliger les conséquences des débats qui se tiendront au sein de la CIG sur les opinions publiques des pays candidats. Pour des raisons constitutionnelles ou politiques, la plupart des pays candidats procèderont par référendum pour ratifier le traité d'adhésion. On peut imaginer les conséquences désastreuses que pourrait avoir la tenue d'une CIG n'incluant pas les pays candidats au moment même où se dérouleraient les campagnes référendaires dans ces pays ! Et je vous laisse imaginer les conséquences de négociations, à ce moment précis, sur la réforme de la politique agricole commune ou de la politique régionale.

Je suis surpris de n'avoir jamais entendu jusqu'ici de déclarations relatives à la combinaison de ces calendriers. Pour ma part, il me paraît clair qu'il ne serait ni réaliste ni raisonnable de convoquer la CIG relative à la réforme de l'Union tant que la procédure de ratification des traités d'adhésion n'aura pas atteint son terme . A ce moment-là, en effet, mais à ce moment-là seulement, nous saurons combien d'États membres composent l'Union et la CIG pourra se réunir avec des représentants de tous ces États membres.

Voilà les quelques réflexions que je souhaitais formuler aujourd'hui devant vous afin que nous puissions avoir à ce sujet un échange de vues.

B. COMPTE RENDU SOMMAIRE DU DÉBAT

M. Jacques Blanc :

Les réflexions que vous venez de nous livrer sont passionnantes. Concernant la politique agricole commune (PAC) et les fonds structurels, vous avez évoqué l'opinion publique des pays candidats. Mais je voudrais aussi évoquer la question de l'opinion publique des pays qui sont aujourd'hui dans l'Union européenne en raison, d'une part, de l'importance des fonds structurels pour la politique régionale et, d'autre part, de celle des fonds de cohésions pour les pays périphériques. La perspective de la réforme de la PAC pour des pays qui sont des pays agricoles, et la perspective de l'euro-méditerranée risquent de remettre en question les perspectives d'aménagement du territoire, de maintien de l'agriculture, au regard non seulement de certains types d'exploitation déjà largement soutenues, mais aussi de l'ensemble des productions agricoles. Si des réponses ne sont pas apportées à ces interrogations, je crains qu'il n'y ait une accumulation de facteurs négatifs pour l'idée européenne, d'autant plus que la stabilité politique des pays candidats n'est pas assurée. Il est manifeste que les exigences politiques exprimées vis-à-vis des pays d'Europe centrale et orientale ne sont pas du même ordre que celles manifestées pour les pays méditerranéens. Il faut donc, sans vouloir opposer les pays de l'Est au pays du Sud, et dans un souci de réussite de la politique d'élargissement, ne pas oublier les exigences d'équilibre Nord-Sud.

M. Serge Lagauche :

Sur les questions agricoles, il faut prendre garde de ne pas mélanger tous les problèmes. Ces problèmes sont posés bien plus dans le cadre de l'Organisation mondiale du commerce que dans celui de l'élargissement. Pour d'autres secteurs, comme le textile, il ne faut pas non plus arguer de l'élargissement alors que les négociations relèvent de l'OMC. L'élargissement doit renforcer l'Europe et nous donner plus de force pour aborder ces problèmes dans le cadre mondial, si nous savons naturellement régler d'abord les problèmes politiques de l'élargissement. Les choses s'accélèrent et l'entrée de la Chine dans l'OMC, comme le retour de la Russie sur la scène mondiale, sont des évènements considérables pour l'avenir de l'Europe. Cela étant, je considère qu'il est utile que notre président ait soulevé les difficultés que soulève le calendrier de l'élargissement.

M. Hubert Haenel :

J'ai souhaité que nous puissions avoir aujourd'hui un échange sur l'ensemble du processus d'élargissement. Mais il va de soi que nous devons continuer notre suivi des progrès de chaque pays candidat dans sa marche vers l'adhésion. Et je crois que nous devrions utiliser la période d'inactivité législative qui va s'engager à partir de la fin du mois de février prochain pour multiplier les visites dans les pays candidats.

De plus, il me semble qu'il serait utile que nous puissions dresser, pour la fin du mois de février prochain, un premier état des lieux de la situation de tous les pays candidats. Il serait en effet intéressant que, au moment où les travaux législatifs vont s'interrompre, chacun puisse disposer de cette photographie de la situation. Je sais que le président du Sénat a lui-même l'intention de s'intéresser au développement du processus d'élargissement et nous pourrions ainsi lui communiquer notre appréciation du déroulement de ce processus.

le volet « Justice et affaires intérieures » de l'élargissement (RÉUNION DU MERCREDI 6 MARS 2002)

C. COMMUNICATION DE M. SERGE LAGAUCHE

Au début de la Présidence espagnole, en janvier 2002, les négociations sur le chapitre « Justice et Affaires intérieures » (chapitre 24) avaient été provisoirement closes avec quatre pays candidats (Hongrie, République tchèque, Slovénie et Chypre). Ce chapitre restait donc ouvert avec sept autres pays (Estonie, Lettonie, Lituanie, Pologne, Slovaquie, Malte et Bulgarie) et n'avait pas encore été ouvert avec la Roumanie. Étant donné le calendrier de l'élargissement, il est très probable que ce chapitre sera également clôturé avec d'autres pays, tels que la Pologne ou les pays baltes, au cours de l'année 2002.

Néanmoins, si ce chapitre n'a pas été jusqu'à présent considéré comme un « point dur » des négociations d'adhésion, il mérite toute sa place dans un rapport consacré à l'élargissement, compte tenu des enjeux qu'il soulève, de ses spécificités et des difficultés qu'il a fait apparaître.

1. Un enjeu majeur et un sujet sensible

Le domaine « Justice et Affaires intérieures » (JAI) ne représente qu'un seul des trente et un chapitres des négociations et, à la lecture des nombreux commentaires sur l'élargissement, son importance peut sembler marginale par rapport à d'autres sujets, tels que l'agriculture ou la politique régionale. Il est vrai que la coopération policière et judiciaire à l'échelle de l'Union européenne est très récente et qu'elle reste encore peu développée. Ainsi, c'est véritablement la première fois que des négociations d'adhésion à l'Union comportent une dimension JAI , puisque, lors du dernier élargissement en 1995, cette dimension venait tout juste d'être intégrée par le traité de Maastricht.

Pour autant, le domaine JAI présente un enjeu majeur pour la réussite de l'élargissement dans son ensemble et il occupe une place sensible dans l'opinion publique des États membres et des pays candidats , en particulier depuis les attentats du 11 septembre dernier.

Ainsi, ce domaine recouvre l'acquis de Schengen qui concerne le contrôle aux frontières externes et la levée des contrôles aux frontières à l'intérieur de l'Union. Or, cette question est très sensible dans les États membres, car elle touche directement à la sécurité des personnes, et elle l'est également dans les pays candidats, qui souhaitent maintenir des liens étroits avec leurs voisins de l'Est.

Ce domaine concerne également la coopération policière et judiciaire , c'est-à-dire la lutte contre les formes graves de criminalité transnationale, comme le trafic de drogue, la traite des êtres humains ou le terrorisme. Les pays candidats, qui sont souvent les premières victimes de ces formes de criminalité (on estime, ainsi, que plus de 500 000 femmes et enfants en provenance d'Europe centrale et orientale sont victimes des réseaux de prostitution), souhaitent participer pleinement à la lutte contre ces atteintes aux droits des personnes, comme l'ont montré leurs réactions aux attentats du 11 septembre dernier.

Mais surtout, ce domaine constitue la garantie majeure d'une reprise effective de l'ensemble de l'acquis de l'Union par les pays candidats . Il appartiendra, en effet, après l'incorporation du droit communautaire dans les législations des pays candidats, aux acteurs des systèmes répressifs et judiciaires de ces pays d'appliquer le droit communautaire. Par exemple, les douaniers de ces États devront effectuer le contrôle des marchandises à l'entrée dans l'Union. Les administrations des pays candidats devront s'assurer de la gestion des fonds structurels. Les juges seront, quant à eux, chargés d'appliquer, en tant que juges de droit commun, le droit communautaire.

Enfin, ce chapitre est la traduction concrète d'un des critères politiques du Conseil européen de Copenhague de 1993 , qui a fixé les conditions générales à l'adhésion, en particulier le respect par les pays candidats, de l'État de droit . Or, à cet égard, les pays d'Europe centrale et orientale sont dans une situation exceptionnelle par rapport aux élargissements précédents, puisqu'ils ont été amenés à mener de concert la construction de l'État de droit et de la démocratie, le passage à l'économie de marché, ainsi que la préparation à l'adhésion.

Le prochain élargissement, qui constitue un défi sans équivalent dans l'histoire de la construction européenne, par le nombre, le profil, la situation géographique des pays concernés, représente aussi une chance à saisir . En effet, le processus d'élargissement, qui aboutira à la réunification politique de notre continent, renforcera la stabilité des pays candidats et augmentera la prospérité de l'ensemble de l'Europe. Il aura donc des conséquences positives pour la sécurité de tous les citoyens européens. À l'inverse, le maintien prolongé des pays candidats en dehors de l'Union européenne ne pourrait qu'entraîner des risques sérieux, en termes de flux migratoires ou de développement de la criminalité organisée.

C'est donc à la lumière de ces enjeux qu'il convient de dissiper les craintes qui s'expriment parfois à l'égard de l'élargissement, car celui-ci sera un important facteur de progrès, y compris du point de vue de la lutte contre la criminalité.

2. Une place particulière

a) La première originalité concerne le contenu même de l'acquis, c'est-à-dire les règles en vigueur qui doivent être transposées par les pays candidats

L'acquis JAI est un acquis très récent qui connaît une évolution dynamique.

Tout d'abord, il a fallu définir un acquis JAI qui n'existait pas lors des élargissements précédents. Ainsi, en 1998, le Conseil a adopté, sur proposition de la Commission, un document établissant cet acquis, qui a été, depuis lors, actualisé chaque année. Cet acquis comprend :

- des conventions internationales ratifiées par tous les États membres, considérées comme « indissociables » de l'acquis de l'Union, telle que la Convention de Genève de 1951 sur les réfugiés ;

- l'acquis de l'Union européenne proprement dit, qui regroupe les instruments adoptés dans un cadre intergouvernemental avant le traité de Maastricht, ceux qui ont été adoptés sur la base du troisième pilier du traité de Maastricht, et, enfin, les décisions adoptées, depuis l'entrée en vigueur du traité d'Amsterdam, dans le cadre du titre IV du traité instituant la Communauté européenne et du titre VI du traité sur l'Union européenne ;

- l'acquis de Schengen qui comprend la convention de 1990, ainsi que les différents accords d'adhésion et le « droit dérivé » Schengen.

À cet égard, il est important de souligner deux particularités de l'acquis de Schengen. D'une part, les pays candidats à l'adhésion ne pourront pas bénéficier des clauses d'« opting out » reconnues au Royaume-Uni et à l'Irlande. En effet, l'article 8 du « protocole Schengen » dispose expressément que cet acquis doit être intégralement accepté par les pays souhaitant adhérer à l'Union. D'autre part, l'adhésion des pays candidats à l'« espace Schengen » est un processus qui se fera en deux étapes. En effet, l'adhésion des pays candidats à l'Union européenne n'entraînera pas ipso facto une levée des contrôles aux frontières intérieures de l'Union avec ces pays, car cette mesure nécessite une décision distincte prise par le Conseil, à l'unanimité, à l'issue d'une évaluation spécifique effectuée par les États membres.

L'« acquis de Schengen » a, ainsi, fait l'objet d'un découpage en deux listes différentes en septembre 2001. La première liste comprend des dispositions qui doivent être appliquées dès l'adhésion en tant que partie intégrante de l'acquis de l'Union. Elles concernent principalement les contrôles aux frontières extérieures et la coopération policière et judiciaire. La seconde porte sur les dispositions qui doivent être mises en oeuvre au plus tard au moment de la suppression des contrôles aux frontières intérieures, et concernent, en particulier, les visas et le système d'information Schengen. Il s'agit donc là d'une sorte de « période transitoire » qui relève des traités et qui a déjà été appliquée aux pays qui ont rejoint l'espace Schengen après sa mise en oeuvre entre les cinq États membres d'origine.

En plus de sa complexité, l'acquis de l'Union en matière de « Justice et Affaires intérieures » se caractérise par son caractère très évolutif. En effet, ce n'est que très récemment, notamment à la suite des engagements pris par le Conseil européen de Tampere, d'octobre 1999, que la coopération policière et judiciaire a connu des avancées importantes. Encore convient-il de souligner que la plupart des instruments font toujours l'objet de négociations ou ne sont pas encore entrés en vigueur. D'où les problèmes que poseront, d'une part, l'actualisation de l'acquis JAI, et, d'autre part, la poursuite des travaux dans le secteur JAI entre la période postérieure aux négociations et l'entrée effective des pays candidats dans l'Union. En outre, le non-respect par les États membres des engagements qu'ils se sont eux-mêmes fixés, à l'image des nombreuses conventions ou décisions-cadres qui ne sont pas encore entrées en vigueur faute d'avoir été ratifiées ou introduites dans les droits internes, aboutit à affaiblir la position de l'Union dans la conduite des négociations. Comment les États membres pourraient-ils, en effet, exiger des pays candidats plus que ce qu'ils s'imposent à eux-mêmes ? D'où la nécessité, maintes fois soulignée, d'inciter les gouvernements à ratifier et à transposer les textes adoptés.

b) La seconde particularité de ce chapitre a trait à sa forte dimension intergouvernementale

Bien que la conduite des négociations sur le chapitre JAI ne soit pas très différente de celle menée sur les autres chapitres, le caractère intergouvernemental de la matière a incité les États membres à prévoir, à l'initiative du gouvernement français, l'intervention d'un groupe de travail du Conseil spécifique chargé d'effectuer une « évaluation collective » des pays candidats dans le domaine JAI. Ce groupe élabore des rapports sur chacun des pays ou sur des sujets transversaux. Néanmoins, il semble que la Commission européenne ne prenne pas suffisamment en compte les travaux de ce groupe et qu'il existe encore d'importantes lacunes en matière d'information sur ces questions.

Une dernière spécificité résulte du caractère particulier des négociations

A la différence d'autres chapitres, l'objet principal des négociations ne porte pas sur les périodes transitoires, mais sur la capacité des pays candidats à convaincre les États membres qu'ils seront en mesure, au jour de l'adhésion, d'assurer une mise en oeuvre effective de l'acquis en matière de justice et affaires intérieures. Or, sur le plan administratif, la principale difficulté reste la capacité des administrations de ces pays à assimiler l'acquis de l'Union. Dès lors, la question essentielle du chapitre JAI est moins la clôture provisoire du chapitre avec tel ou tel pays, que l'organisation d'un suivi régulier des engagements pris par les pays candidats.

3. Les principales difficultés

a) Il s'agit, tout d'abord, des contrôles aux frontières extérieures de l'Union

La question des contrôles aux frontières extérieures de l'Union est une question majeure étant donné la position géographique des futurs États membres. En effet, l'adhésion de ces États se traduira par le déplacement des frontières de l'Union vers l'Est et vers le Sud, et ces frontières seront directement en contact avec les pays de la Communauté des États indépendants (CEI), des Balkans ou de l'espace méditerranéen (pour Chypre et Malte). Or, ces espaces sont une source importante d'immigration clandestine ou des zones de transit. Par ailleurs, le passage de ces frontières signifiera l'entrée dans l'union douanière, d'où l'importance d'un contrôle douanier efficace, par exemple en matière sanitaire. Inversement, comme l'a souligné la Commission européenne dans son rapport au Conseil européen de Gand d'octobre 2001, « l'élargissement ne doit pas provoquer de nouvelles divisions en Europe ». Il faut donc tenir compte des relations particulières entretenues par certains pays d'Europe centrale et orientale, en particulier la Pologne et la Hongrie, avec leurs voisins orientaux, notamment compte tenu du fait que des minorités de ces pays resteront en dehors de l'Union.

Cette question a donc fait l'objet d'une grande attention dans les négociations d'adhésion, en particulier sur la question des visas, que les pays d'Europe centrale et orientale ont été amenés à réintroduire à l'égard des ressortissants des pays de la CEI. Les États membres ont également incité les pays candidats à renforcer la sécurité de leurs frontières, tant en termes d'infrastructures, que de formation et d'émoluments des personnels concernés. Ils ont consenti des moyens importants pour aider les pays candidats. Ainsi, le programme PHARE, qui avait, à l'origine, une vocation essentiellement économique, a été progressivement réorienté, à partir de 1997, vers l'aspect institutionnel, dont la dimension JAI. De 1997 à 2001, près de 525 millions d'euros ont été affectés à l'aspect JAI et au sein de cette enveloppe, plus de 50 % ont été consacrés à la question des frontières extérieures. Enfin, l'idée de la création d'une police européenne aux frontières a été lancée récemment par plusieurs pays, dont la France. Comme l'a précisé le ministre de l'Intérieur, M. Daniel Vaillant, « il s'agirait de moyens policiers mobiles qui pourraient se rendre sur les points difficiles, voire les points de crise, pour évaluer la situation, conseiller ou encadrer temporairement la police locale aux frontières (...) ». Cette question, qui soulève encore de nombreuses difficultés techniques et juridiques, constitue une priorité de l'actuelle présidence espagnole de l'Union.

b) La seconde difficulté porte sur la fiabilité des systèmes judiciaires des pays candidats

Dans le système de droit que représente l'Union européenne, le rôle des juges est fondamental. Or, certains pays candidats ont dû partir presque de zéro pour construire un système juridictionnel indépendant et protecteur des libertés publiques. Dans ce domaine, le Conseil de l'Europe a joué un rôle prééminent et ce n'est qu'avec retard que l'Union européenne s'est préoccupée de cette question, en favorisant notamment des « jumelages » entre les administrations des États membres et des pays candidats. La plupart des pays candidats ont introduit d'importantes réformes, notamment sur le statut de la magistrature, la réforme du code pénal ou la justice commerciale. Toutefois, le problème majeur reste l'émergence d'une véritable « culture judiciaire », qui résulte moins des textes que de la pratique. D'autant plus que celle-ci prend une grande importance aujourd'hui au regard du principe de reconnaissance mutuelle , qui a été consacré par le Conseil européen de Tampere, comme la « pierre angulaire » de la coopération judiciaire. En effet, l'idée est d'aller progressivement vers un espace de libre circulation des décisions judiciaires, où les décisions de justice prises par un pays seraient automatiquement reconnues par les autres États. Cette idée a, en particulier, été concrétisée dans le projet de création d'un mandat d'arrêt européen, qui supprimerait la procédure d'extradition entre les États membres et aboutirait à la remise automatique des personnes détenues ou en fuite dans un État à une autorité judiciaire d'un autre État membre. Or, le principe de reconnaissance mutuelle suppose un degré élevé de confiance mutuelle entre les États membres et entre leurs systèmes judiciaires. Le renforcement des relations entre les systèmes judiciaires des pays candidats et des États membres est donc une nécessité .

c) Un axe fort de travail (et de négociation avec les pays candidats) : la lutte contre la criminalité organisée

Le lien entre l'élargissement et l'augmentation de la criminalité organisée, avec en particulier le rôle prétendu de la « mafia russe », fait désormais partie de notre inconscient collectif. Toutefois, il convient de remarquer que les réseaux criminels de l'Est n'ont pas attendu cette étape pour s'implanter dans de nombreuses villes de l'Union européenne et que l'élargissement représentera un progrès du point de vue de la lutte contre la criminalité, en permettant notamment la ratification des conventions existantes et une participation des pays candidats à Europol et à Eurojust.

d) Enfin, il convient de mentionner le problème de la corruption

Il s'agit là d'un sujet sensible, qui ne se prête pas aux cénacles diplomatiques que constituent les négociations d'adhésion et qui, pour cette raison, est rarement évoqué publiquement par les différents responsables. C'est néanmoins un sujet de préoccupation , car il semble que certains pays d'Europe centrale et orientale éprouvent des difficultés à éradiquer ce phénomène hérité de la période précédente. Tout au plus peut-on espérer que l'augmentation du niveau de vie consécutive à l'entrée dans l'Union, ainsi que l'introduction de règles relatives à la fonction publique, exerceront des effets positifs.

*

En définitive, la dimension JAI ne mérite sans doute ni les excès d'inquiétudes, ni la relative indifférence, dont elle fait souvent l'objet. Il convient, au contraire, de saluer les progrès considérables effectués par les pays candidats, qui ont entrepris d'importantes réformes de leur appareil judiciaire et policier et qui ont consolidé la prééminence dans leurs sociétés de l'État de droit . Les efforts engagés par l'Union européenne, ou par les États membres dans un cadre bilatéral, à la fois pour inciter ces pays à poursuivre leurs réformes et pour leur offrir une assistance concrète, doivent donc être poursuivis. Parallèlement, l'Union européenne devrait approfondir ses relations avec la Russie, les pays des Balkans et les pays du Sud, tant au niveau politique qu'au niveau de la coopération dans le domaine JAI , notamment sur le problème de l'immigration clandestine, la criminalité organisée ou le terrorisme. Enfin, la dynamique de la construction d'un « espace de liberté, de sécurité et de justice » au niveau européen doit être maintenue dans une Union à vingt-sept ou trente États membres . Cela suppose de s'interroger sur le maintien de la règle actuelle de l'unanimité, qui régit encore largement la coopération JAI, ou sur le recours aux coopérations renforcées. Mais il s'agit là d'un point qui devra être examiné dans le cadre de la Convention sur l'avenir de l'Europe.

D. COMPTE RENDU SOMMAIRE DU DÉBAT

M. Hubert Haenel :

Je vous remercie de votre communication qui, tout à la fois, montre les aspects positifs de cet élargissement, qui permettra un renforcement de la lutte contre la criminalité et, sans doute, des avancées en matière de contrôle aux frontières, et souligne des difficultés, comme la corruption, qui reste un sujet sensible.

M. Marcel Deneux :

Je partage les propos du rapporteur, mais je voudrais souligner que des questions essentielles, comme les contrôles vétérinaires, sont loin d'être réglées. Or, la création de postes d'inspection vétérinaire aux frontières et la qualité des corps d'inspection vétérinaire dans les pays candidats, revêtent une importance majeure du point de vue de la sécurité alimentaire.

M. Serge Lagauche :

Ces phénomènes nous préoccupent d'autant plus qu'on les regarde de l'extérieur. Il ne faut pas oublier, cependant, qu'ils persistent également à l'intérieur de l'Union. Ainsi, la corruption n'est malheureusement pas un phénomène propre aux pays candidats, même si le degré de corruption d'une société dépend souvent du niveau de vie. La fraude au budget communautaire en offre, également, l'illustration.

Vous avez évoqué la question des contrôles sanitaires, mais cette question se pose aussi avec acuité à l'intérieur de l'Union, comme l'ont montré les récentes crises alimentaires. Il est donc difficile de « donner des leçons » en la matière, même si, parfois, l'Union européenne peut mener des discussions constructives avec les pays candidats sur certains sujets, comme sur le problème des enfants arrivés illégalement dans l'Union, qui a été abordé avec la Roumanie.

M. Marcel Deneux :

Les contrôles aux futures frontières extérieures de l'Union, par exemple en Pologne, me semblent encore insuffisants, malgré l'aide apportée par l'Union dans le cadre du programme PHARE.

II. L'INCIDENCE DE L'ÉLARGISSEMENT SUR LE BUDGET DE  L'UNION EUROPÉENNE (Réunion du mercredi 6 mars 2002)

A. COMMUNICATION DE M. DENIS BADRÉ

1. Un surcroît de dépenses prévu dans les perspectives financières

L'un des aspects de l'élargissement de l'Union européenne qui préoccupe le plus les opinions publiques des États membres est son impact financier. En effet, les pays candidats ont de grands besoins, mais de faibles capacités contributives.

J'ai déjà fait, en 1996, un premier rapport d'information sur les conséquences économiques et budgétaires de l'élargissement à l'Est. Dans ce rapport, en me fondant sur une étude macroéconomique réalisée par l'OFCE, j'estimais que les conséquences financières de l'élargissement seraient maîtrisables. Les dépenses supplémentaires étaient alors évaluées à 10 milliards d'écus pour la politique agricole commune et à 20 milliards d'écus pour la politique de cohésion. J'en concluais que les présentations alarmistes qui étaient alors faites de l'impact de l'élargissement étaient dénuées de fondement, qu'il n'y avait pas de risque de dérive budgétaire de l'Union européenne, ni de raison d'abandonner les principes de la politique agricole commune.

Cette appréciation n'a pas été démentie depuis, puisque les évaluations de dépenses additionnelles faites plus récemment par les instances communautaires se situent nettement en deçà de mes propres prévisions.

En effet, il ne s'agit pas d'un saut dans l'inconnu, car l'impact budgétaire de l'élargissement s'est trouvé intégré de manière prévisionnelle dans le cadre global des perspectives financières approuvé en mars 1999 par le Conseil européen de Berlin pour la période 2000-2006. Sur la base d'un scénario « EU 21 » prévoyant l'adhésion de six nouveaux États membres dès 2002, des montants progressant de 6,450 milliards d'euros en 2002 à 16,780 milliards d'euros en 2006 ont été inscrits sous une nouvelle rubrique 8 « Elargissement ». Cette rubrique comporte elle-même quatre postes de dépenses qui correspondent à autant de rubriques traditionnelles : agriculture, actions structurelles, politiques internes et administration. En pratique, les crédits de cette rubrique réservoir ont vocation à être redistribués entre les rubriques précitées, les plafonds des perspectives financières étant ajustés en conséquence, conformément à l'article 25 de l'accord interinstitutionnel.

Détail important, les montants de la rubrique 7 « Aide de pré-adhésion », ne diminuent pas à partir de 2002, mais demeurent constants au niveau de 3,120 milliards d'euros. Le principe est de concentrer ces crédits sur les pays candidats restants, afin d'accélérer leur préparation.

C'est sur la base de ces perspectives financières 2000-2006 que la Commission a présenté le 30 janvier dernier une note d'information relative à un cadre financier commun 2004-2006 pour les négociations d'adhésion. Étant donné que l'élargissement ne se produira pas avant 2004, au lieu de 2002 comme initialement prévu, et qu'il pourrait concerner jusqu'à dix nouveaux États membres, au lieu de six comme initialement prévu, elle propose d'adapter le scénario de Berlin, sans dépasser toutefois les plafonds de dépenses initiaux.

Perspectives financières 2000-2006 EU 21

Millions d'euros - Prix 1999 - Crédits pour engagements

2000

2001

2002

2003

2004

2005

2006

1. AGRICULTURE

40 920

42 800

43 900

43 770

42 760

41 930

41 660

Dépenses agricoles (hors développement rural)

36 620

38 480

39 570

39 430

38 410

37 290

Développement rural et mesures d'accompagnement

4 300

4 320

4 330

4 340

4 350

4 360

4 370

2. ACTIONS STRUCTURELLES

32 045

31 455

30 865

30 285

29 595

29 595

29 170

Fonds structurels

29 430

28 840

28 250

27 670

27 080

27 080

26 660

Fonds de cohésion

2 615

2 615

2 615

2 615

2 515

2 515

2 510

3. POLITIQUES INTERNES

5 930

6 040

6 150

6 260

6 371

6 480

6 600

4. ACTIONS EXTÉRIEURES

4 550

4 560

4 570

4 580

4 590

4 600

4 610

5. ADMINISTRATION

4 560

4 600

4 700

4 800

4 900

5 000

5 100

6. RÉSERVES

900

900

650

400

400

400

400

Réserve monétaire

500

500

250

Réserve pour aides d'urgence

200

200

200

200

200

200

200

Réserve pour garanties

200

200

200

200

200

200

200

7. AIDE DE
PRÉ-ADHÉSION

3 120

3 120

3 120

3 120

3 120

3 120

3 120

Agriculture

520

520

520

520

520

520

520

ISPA

1 040

1 040

1 040

1 040

1 040

1 040

1 040

PHARE (pays candidats)

1 560

1 560

1 560

1 560

1 560

1 560

1 560

8. ÉLARGISSEMENT

6 450

9 030

11 610

14 200

16 780

Agriculture

1 600

2 030

2 450

2 930

3 400

Actions structurelles

3 750

5 830

7 920

10 000

12 080

Politiques internes

730

760

790

820

850

Administration

370

410

450

450

450

PLAFOND DES CREDITS POUR ENGAGEMENTS

92 025

93 475

100 405

102 245

103 345

105 325

107 440

PLAFOND DES CREDITS POUR PAIEMENTS

89 600

91 110

98 360

101 590

100 800

101 600

103 840

dont élargissement

4 140

6 710

8 890

11 440

14 220

Plafond des crédits pour paiements (% du PNB)

1,13 %

1,12 %

1,14 %

1,15 %

1,11 %

1,09 %

1,09 %

Marge pour imprévus

0,14 %

0,15 %

0,13 %

0,12 %

0,16 %

0,18 %

0,18 %

Plafond des ressources propres

1,27 %

1,27 %

1,27 %

1,27 %

1,27 %

1,27 %

1,27 %

En toute logique, la Commission part, non pas des montants prévus par le Conseil européen de Berlin pour les années 2004 à 2006, mais des montants alors inscrits pour les années 2002 à 2004, c'est-à-dire pour les trois premières années suivant la date effective de l'élargissement.

Toutefois, elle les ajuste à la hausse afin de tenir compte du fait que les nouveaux États membres seront dix et non pas six seulement. Ainsi, en 2004, le montant total des crédits d'engagement sera de 7,185 milliards d'euros, au lieu de 6,450 milliards d'euros à six, et en 2006, il sera de 13,450 milliards d'euros, au lieu de 11,610 milliards d'euros à six.

2. Les dépenses supplémentaires proposées par la Commission

Sur cette base de départ, la Commission propose ensuite un certain nombre de dépenses additionnelles par rapport au scénario retenu à Berlin.

1) Dans le domaine des interventions de marché de la politique agricole commune, elle suggère de faire bénéficier les agriculteurs des nouveaux États membres des paiements directs, à concurrence de 25 % des montants prévus par le régime actuel en 2004, de 30 % en 2005 et de 35 % en 2006. Les hypothèses sur lesquelles se fondait la programmation de Berlin n'incluaient pas le versement des paiements directs aux nouveaux États membres, mais la Commission fait valoir que tous les pays candidats demandent à être pleinement intégrés à ce volet de la politique agricole commune. Elle propose toutefois de les étendre progressivement, jusqu'à une pleine application en 2013, considérant qu'une intégration complète et immédiate dans le régime des paiements directs ne constituerait pas le meilleur moyen d'inciter les agriculteurs des nouveaux États membres à poursuivre les restructurations nécessaires. Elle précise bien que ces dispositions transitoires ne préjugent en rien de l'évolution de la nature du régime.

Les montants correspondants s'élèvent à 1,169 milliard d'euros pour 2005 et à 1,413 milliard d'euros pour 2006. Aucun montant n'est prévu pour 2004, puisque les paiements directs sont remboursés aux États membres avec un an de décalage.

2) Dans le domaine de la politique de développement rural, la Commission propose des adaptations sur deux points afin de mieux tenir compte des besoins des nouveaux États membres :

- relèvement du taux de cofinancement communautaire jusqu'à 80 % pour les mesures de développement rural financées par le FEOGA, section « garantie » ;

- mise en place de mesures spécifiques, éligibles ni au FEOGA section « orientation », ni à aucun autre fonds structurel, qui serviront notamment à encourager la restructuration des exploitations dites « de semi-subsistance ».

Les montants correspondants s'élèvent à 1,532 milliard d'euros en 2004, 1,674 milliard d'euros en 2005 et 1,781 milliard d'euros en 2006.

3) Dans le domaine des actions structurelles, la Commission propose d'accroître la capacité d'absorption des nouveaux États membres en concentrant les ressources disponibles sur les dépenses du Fonds de cohésion. Un tiers de l'enveloppe financière prévue pour les actions structurelles serait consacré au Fonds de cohésion, au lieu de 18 % pour les quatre États membres bénéficiaires actuels. La charge pour les budgets nationaux des nouveaux États membres s'en trouverait légèrement réduite, dans la mesure où le taux de cofinancement pour le Fonds de cohésion (85 % au maximum) peut être plus important que pour les fonds structurels attribués aux régions relevant de l'objectif n° 1 (80 % au maximum).

Les montants prévus dans le scénario de Berlin pour les fonds structurels au cours des trois premières années suivant l'élargissement se trouveront ainsi accrus de 2,443 milliards d'euros en 2004, 975 millions d'euros en 2005, et 824 millions d'euros en 2006.

Les dépenses structurelles en faveur des nouveaux États membres correspondraient à une aide par habitant de 137 euros en 2006, ce qui représente 2,5 % de leur PIB total. Par comparaison, la moyenne pour les quatre pays bénéficiant actuellement du Fonds de cohésion est de 231 euros par habitant, ce qui représente 1,6 % de leur PIB total.

4) Dans le domaine des politiques internes, la dotation budgétaire, ajustée pour tenir compte de l'adhésion de quatre États membres de plus que prévu, passerait de 846 millions d'euros en 2004 à 916 millions d'euros en 2006. La Commission propose de surcroît des crédits supplémentaires sur deux points :

- en ce qui concerne la sûreté nucléaire, il s'agirait d'assurer le relais des dépenses de pré-adhésion consacrées au déclassement de la centrale de Bohunice en Slovaquie (20 millions d'euros pour chacun des exercices 2004, 2005 et 2006) et de la centrale d'Ignalina en Lituanie (105 millions d'euros en 2004 et 70 millions d'euros respectivement en 2005 et 2006) ;

- en ce qui concerne la facilité transitoire de renforcement des institutions, il s'agirait de mener à leur terme certaines actions de renforcement des capacités administratives actuellement financées dans le cadre du programme de pré-adhésion PHARE, et qui ne seraient pas éligibles aux Fonds structurels ordinaires. Les crédits supplémentaires proposés iraient en décroissant de 200 millions d'euros en 2004 à 60 millions d'euros en 2006.

5) Le cadre financier de Berlin n'ayant pas pris en compte l'hypothèse d'un règlement de la question chypriote, la Commission propose de l'adapter en y intégrant les besoins de la partie nord de Chypre. Il s'agit d'une région parmi les plus pauvres des pays candidats, qui n'est bénéficiaire d'aucune aide de pré-adhésion, et à qui il faudra donner les moyens de rattraper son retard de développement.

En conséquence, des montants respectivement de 39 millions, 67 millions et 100 millions d'euros sont prévus pour les exercices 2004, 2005 et 2006, répartis entre toutes les rubriques.

6) En ce qui concerne les dépenses administratives, celles-ci sont calculées sur la base des sommes prévues pour les trois premières années suivant l'élargissement, et adaptées à l'hypothèse d'un élargissement à dix pays au lieu de six. L'accroissement du nombre des nouveaux États membres entraîne une augmentation plus que proportionnelle des dépenses, en raison de l'incidence de chaque nouvelle langue communautaire sur les services de traduction et d'interprétation.

Cadre financier commun 2004-2006

ENGAGEMENTS

2002

2003

2004

2005

2006

PERSPECTIVES FINANCIÈRES DE BERLIN

Agriculture 1A

Développement rural

Actions structurelles

Politiques internes

Dépenses administratives

6.450

1.030

570

3.750

730

370

9.030

1.110

920

5.830

760

410

11.610

1.090

1.360

7.920

790

450

14.200

1.150

1.780

10.000

820

450

16.780

1.220

2.180

12.080

850

450

EXTENSION A 10 NOUVEAUX ÉTATS MEMBRES

Agriculture 1A

Développement rural

Actions structurelles

Politiques internes

Dépenses administratives

7.185

513

726

4.597

846

503

10.497

744

1.184

7.130

881

558

13.450

729

1.742

9.451

916

612

DÉPENSES SUPPLÉMENTAIRES

Agriculture 1A

Nord de Chypre : dépenses de marché

Paiements directs

Nord de Chypre : Paiements directs

Développement rural

Engagements supplémentaires

Nord de Chypre

Actions structurelles

Augmentation du fonds de cohésion

Nord de Chypre

Politiques internes

Sûreté nucléaire

Facilité de transition

Nord de Chypre

3

0

0

802

4

2.443

27

125

200

5

5

1.169

4

482

8

975

45

90

120

5

5

1.413

5

29

10

824

75

90

60

5

CADRE COMMUN DE NÉGOCIATION

Agriculture 1A

Paiements directs

Développement rural

Actions structurelles

Politiques internes

Dépenses administratives

10.794

516

0

1.532

7.067

1.176

503

13.400

749

1.173

1.674

8.150

1.096

558

15.966

734

1.418

1.781

10.350

1.071

612

PAIEMENTS

2002

2003

2004

2005

2006

CADRE COMMUN DE NÉGOCIATION

Agriculture 1A

Paiements directs

Développement rural

Actions structurelles

Politiques internes

Dépenses administratives

5.686

516

0

748

3.416

503

503

10.493

749

1.173

1.187

6.068

758

558

11.840

734

1.418

1.730

6.503

843

612

3. La question des compensations budgétaires

À côté de ces dépenses supplémentaires, la Commission propose un régime transitoire de compensations budgétaires. Normalement, il est prévu que les nouveaux États membres appliquent pleinement la décision concernant les ressources propres dès la première année de leur adhésion. Cependant, lors de chacun des élargissements précédents, les nouveaux États membres ont bénéficié d'un régime transitoire réduisant leurs obligations financières à l'égard du budget de la Communauté. Tous les pays candidats ont demandé à bénéficier d'un traitement non moins favorable que celui qui avait été accordé lors des élargissements précédents (1 ( * )) .

Dans le cas du prochain élargissement, le but du régime transitoire serait de compenser une éventuelle détérioration de la position budgétaire nette des nouveaux États membres par rapport à leur situation l'année précédant leur entrée dans l'Union, durant laquelle ils auront bénéficié d'aides de pré-adhésion. Une telle détérioration pourrait résulter de deux facteurs :

- un décalage entre le niveau des paiements et celui des engagements, alors que les nouveaux États membres devront verser immédiatement l'intégralité de leur contribution au budget ;

- le remboursement des dépenses encourues par les États membres au titre des paiements directs n'est effectué que l'année suivant leur versement aux agriculteurs. Dès lors, aucun remboursement ne serait accordé aux nouveaux États membres sur le budget 2004.

Le régime transitoire proposé par la Commission prendrait la forme de restitutions forfaitaires, dégressives et temporaires, dans la partie dépenses du budget.

Aucun nouvel État membre ne devrait se trouver dans une position budgétaire nette moins favorable que celle de l'année précédant l'élargissement. La Commission ne précise pas le montant précis des compensations budgétaires, qui dépendra du résultat final des négociations, mais considère qu'en toute hypothèse il ne dépassera pas la marge disponible sous le plafond des perspectives financières fixé à Berlin pour les dépenses liées à l'élargissement, soit 816 millions d'euros en 2004, 800 millions d'euros en 2005 et 814 millions d'euros en 2006.

4. La position des États membres

En termes de procédure, la note présentée par la Commission a fait l'objet d'un débat au sein du groupe Élargissement du Coreper, étendu pour l'occasion aux experts budgétaires et financiers, puis au sein du Conseil Ecofin du 12 février, et enfin lors du Conseil Affaires générales des 18 et 19 février.

Il reste à la Commission à présenter un projet de position commune pour les dispositions budgétaires et financières, qui sera examiné parallèlement avec les projets de position commune sur la politique régionale et sur la politique agricole, en vue d'une adoption lors du Conseil européen de Séville, au mois de juin prochain.

Le commissaire chargé de l'élargissement, M. Günter Verheugen, a présenté la note de cadrage comme un document équilibré : « cette offre constitue le juste milieu entre les attentes des pays candidats, qui sont appelés à devenir des membres à part entière de l'Union européenne, et les limites budgétaires de l'Union européenne. En d'autres termes, il s'agit du meilleur arrangement possible, et non d'une invitation au marchandage. » De son côté, la commissaire responsable du budget, Mme Michaele Schreyer, a déclaré : « la proposition de la Commission indique clairement que l'élargissement bénéficiera d'un financement solide et bien calculé. Entre 0,09 % et 0,14 % du PNB de l'Union élargie sera consacré aux dépenses en faveur des nouveaux États membres : voilà qui permet de tirer le meilleur profit des ressources disponibles dans une Europe unifiée. » En clair, il s'agit pour la Commission d'une proposition à prendre ou à laisser, d'un aboutissement et non pas d'un point de départ pour la négociation.

Tactiquement, un certain nombre d'États membres, dont la France, ont regretté cette approche, considérant qu'il serait maladroit de se priver de toute marge de négociation en saturant les plafonds des perspectives financières, alors que les pays candidats demanderont inévitablement plus que ce qui leur est d'emblée proposé.

Sur le fond, neuf États membres se sont déclarés prêts à accepter globalement la proposition de la Commission : l'Espagne, l'Italie, le Luxembourg, le Danemark, la Grèce, la Finlande, l'Irlande, la Belgique et le Portugal.

En revanche, cinq autres États membres la contestent : l'Allemagne, le Royaume-Uni, les Pays-Bas, la Suède et l'Autriche. Ces pays, qui sont tous contributeurs net au budget de l'Union, considèrent que le versement des aides directes agricoles aux nouveaux États membres n'a jamais été prévu dans les perspectives financières de Berlin, et que les montants proposés pour le développement rural et les actions structurelles excèderont leurs capacités d'absorption, alors même qu'ils peinent déjà à utiliser les crédits de pré-adhésion. Les dépenses additionnelles consacrées à la sûreté nucléaire, au nord de Chypre, et au renforcement des capacités administratives sont peu contestées.

La position du Gouvernement français est intermédiaire. Il s'est déclaré ouvert au principe du versement progressif de paiements directs agricoles, à condition qu'il soit conditionné par le respect des disciplines sanitaires et de maîtrise de la production. En revanche, il considère également que l'accélération proposée pour les fonds structurels et le développement rural est trop forte.

En ce qui concerne les compensations budgétaires, il est prématuré de parler de ce qui sera, éventuellement, une variable d'ajustement des négociations finales. Mais il faut souligner que l'argument des élargissements précédents invoqué par la Commission n'a qu'une pertinence limitée. D'abord, parce que ces élargissements n'avaient pas été précédés du versement d'aides de pré-adhésion. Ensuite, parce que la situation des nouveaux États membres de l'époque n'était pas comparable à celle des pays candidats actuels. En 1995, il s'agissait de pays contributeurs nets, éligibles à la politique agricole commune, mais subissant des baisses de prix. En 1986, il s'agissait de pays débiteurs nets, mais qui ne recevaient alors pas du tout le même soutien en termes d'actions structurelles, la politique régionale et la politique de cohésion n'ayant pas encore atteint l'ampleur qui est la leur aujourd'hui. Toutefois, si le principe de compensations budgétaires devait être finalement retenu, la technique proposée par la Commission est sans doute la meilleure. Mieux vaut des versements à partir du budget communautaire, aisément réversibles, qu'une réfaction sur les contributions dues, qui nécessite une modification de la décision « Ressources propres » ratifiée par tous les parlements nationaux.

Au total, sur les trois exercices 2004, 2005 et 2006, le coût budgétaire de l'élargissement s'élève à 40,1 milliards d'euros en crédits d'engagement. Face à ces dépenses additionnelles, la contribution des nouveaux États membres est estimée à 5,5 milliards d'euros par an. Au-delà de l'horizon 2006, l'impact budgétaire de l'élargissement dans la nouvelle programmation financière de l'Union européenne dépendra des réformes qui interviendront dans la politique agricole commune et la politique régionale.

Mon rapport de 1996 comportait une projection macroéconomique à moyen terme, qu'il serait sans doute intéressant de renouveler aujourd'hui. Sur vingt ans, elle montrait que l'intégration des pays d'Europe centrale et orientale se traduirait par une augmentation de leur PIB de 29 % supérieure à sa tendance spontanée, soit un surcroît de croissance de près de 1,5 % par an. Pour les Quinze, le bilan serait légèrement positif, de l'ordre de 0,4 % du PIB, la dégradation initiale des soldes publics étant contrebalancée par les effets de l'accélération de la croissance économique dans l'Union européenne.

B. COMPTE RENDU SOMMAIRE DU DÉBAT

M. Marcel Deneux :

Je partage la prudence de notre rapporteur, et me sens encore plus sceptique que lui. Il nous faut bien faire des prévisions, mais la marge d'erreur est considérable. Ainsi, il ne faut pas sous-estimer l'impact que des monnaies flottantes, comme le seront celles des nouveaux États membres, peuvent avoir sur la politique agricole commune, en termes de montants compensatoires fluctuants. Il n'y a rien de maîtrisé en ce domaine. Il ne faut pas non plus sous-estimer la lenteur du processus d'intégration. L'exemple de l'Allemagne nous montre qu'il faudra bien vingt ans avant que les länders de l'Est rattrapent leur retard. Si ce processus est simplement amorcé vers 2015 pour les nouveaux États membres, nous aurons déjà beaucoup progressé.

M. Denis Badré :

Vous avez raison de dire que l'exercice est très difficile. La fourchette des prévisions est extrêmement ouverte. Mais il nous faut bien agir, tout en restant rigoureux. Veillons à ne pas introduire de principes nouveaux à l'occasion de l'élargissement, que l'on paierait ensuite très cher. Les besoins financiers liés à l'élargissement progressent moins vite qu'on ne le pense, mais il faut aller vite politiquement.

En ce qui concerne la politique monétaire, on risque d'avoir de bonnes surprises. Je vous signale que les pays baltes viennent d'aligner leurs monnaies respectives sur l'euro, alors qu'elles étaient jusqu'à présent calées sur le dollar.

M. Jean Bizet :

J'apprécie la notion de « phasage » qui inspire le document présenté par la Commission. Il est important d'indiquer aux pays candidats qu'on ne les accueillera pas à guichets ouverts.

Il me paraît essentiel de ne pas désarticuler l'architecture financière de la politique agricole commune. C'est un point sur lequel le Premier ministre et le Président de la République sont d'accord.

Je suis enfin favorable au maintien de la spécificité agricole de chacun des pays candidats.

M. Marcel Deneux :

Je crois que les évolutions de la politique agricole commune devront consister à demander plus au consommateur et moins au contribuable.

M. Denis Badré :

Ce ne serait d'ailleurs qu'un retour aux origines, puisqu'au départ, la politique agricole commune était essentiellement prise en charge par le consommateur.

III. LE VOLET AGRICOLE (Réunion du jeudi 4 avril 2002)

A. COMMUNICATION DE M. MARCEL DENEUX

L'agriculture est un des volets les plus difficiles, en tout cas les plus « sensibles » des négociations d'adhésion. Avec le chapitre budgétaire, c'est le seul chapitre qui ne soit clos avec aucun des douze pays.

S'il en est ainsi, c'est bien sûr parce que l'application de la PAC aux pays candidats soulève effectivement certaines difficultés, mais c'est surtout parce que les pays qui souhaitent une remise en cause de la PAC veulent saisir l'occasion de l'élargissement pour relancer le débat sur une réforme radicale.

La PAC est contestée pour son coût , surtout depuis la réforme de 1992, qui a remplacé en grande partie le soutien par les prix par des aides directes figurant au budget. La PAC représente environ 40% du budget communautaire et chacun se souvient des discussions sur le cofinancement des aides agricoles lors du Conseil européen de Berlin.

La PAC est également contestée depuis longtemps dans le cadre des négociations commerciales internationales ; à chaque cycle, elle se trouve sur la sellette et le problème est à nouveau devant nous.

Enfin - et c'est plus récent - la PAC est contestée pour ses orientations , qui ne prendraient pas assez en compte les exigences de qualité, de sécurité sanitaire, ou de bien-être animal.

Les opposants à la PAC soulignent que l'élargissement rend plus que jamais nécessaire une réforme profonde ; ils veulent établir un lien entre réforme et élargissement. Mais est-ce réellement justifié ? L'élargissement rend-il nécessaire une réforme avant l'échéance normale de 2006, fin de la période couverte par les accords de Berlin ?

1. Une situation très spécifique

a) Un poids relatif important

Dans le domaine agricole, chaque élargissement a eu une physionomie particulière : l'élargissement de 1973 (Grande-Bretagne, Danemark, Irlande) et celui du début des années 1980 (Grèce, Espagne, Portugal) étaient de nature différente ; dans le premier cas, il s'agissait d'agricultures intensives tournées vers l'élevage et les grandes cultures, alors que dans le second cas, les produits méditerranéens (fruits et légumes, huile, vin) avaient une importance toute particulière, ce qui a rendu nécessaire une longue période de transition. L'élargissement à l'Autriche, la Suède et la Finlande, en 1995, était d'une nature encore différente : il s'agissait d'agricultures fortement aidées, avec un niveau de prix garanti supérieur à celui de l'Union.

Ce qui est remarquable dans le cas du nouvel élargissement, c'est l'importance de l'agriculture . Alors que leur population représente 28 % de celle de l'Union, la surface agricole cumulée des douze PECO représente 44 % de celle de l'Union, et l'emploi agricole représente encore dans ces pays, en moyenne, un cinquième de l'emploi total, contre moins de 5 % dans l'Union. Autre chiffre : la production agricole représente en moyenne 7 % du PIB dans les pays candidats contre moins de 2 % dans l'Union.

Toutefois, le poids relatif de l'agriculture ne pose réellement problème que dans un petit nombre de cas, ceux de la Pologne, de la Bulgarie et de la Roumanie. En Pologne, l'agriculture ne représente que 3 % du PIB, mais emploie plus de 18 % de la population. En Bulgarie et en Roumanie, l'agriculture représente encore une partie importante du PIB, respectivement 16 % et 12 % ; les agriculteurs constituent 11 % de la population active en Bulgarie, et plus de 40 % en Roumanie.

Or, ni la Bulgarie ni a fortiori la Roumanie ne vont faire partie de la première vague d'adhésion, en 2004. Leur adhésion, en tout état de cause, interviendra après 2006, donc après l'expiration des accords de Berlin. C'est donc principalement l'intégration de la Pologne qui va soulever des difficultés. Les autres pays candidats soit ont un secteur agricole de dimension plus proche de la moyenne européenne, soit sont de petits pays.

b) Un secteur en difficulté

Les agricultures des pays candidats comprenaient de grandes exploitations collectives, peu productives, et de petites exploitations vouées à une agriculture de subsistance ; les secteurs en amont et en aval étaient aux mains de monopoles d'État. Dans le contexte de la transition, on a assisté au départ à une décapitalisation, puis à une chute de la production. À partir de 1994, la production a cessé de décroître, puis a commencé à augmenter, mais dans la plupart des PECO le volume de production reste encore légèrement inférieur à ce qu'il était en 1989 .

Les agricultures des PECO souffrent de handicaps profonds : vétusté des équipements, insuffisance des possibilités de crédits, absence d'un véritable marché du foncier, et surtout faible rentabilité (le prix des intrants a augmenté plus vite que les prix à la production). À l'exception de la Hongrie et de la Bulgarie, les pays candidats sont aujourd'hui importateurs nets : globalement, le solde des échanges agricoles de ces pays avec l'Union se traduit par un déficit de 2 milliards d'euros.

c) Un potentiel relativement important

À l'heure actuelle, au taux de change courant, le produit agricole des pays candidats est de l'ordre de 10 % de celui de l'Union. Cependant, la production est importante en volume dans certains secteurs : pommes de terre, fruits rouges (ce sont deux fortes spécialisations de la Pologne, numéro un européen), mais aussi céréales, lait, oeufs, viande de porc, pommes... Ces résultats témoignent d'un potentiel important, car la productivité reste faible : par exemple, les rendements céréaliers en Pologne sont inférieurs de moitié aux rendements français.

2. Des difficultés maîtrisables jusqu'au terme de l'Agenda 2000

a) Des surplus exportables limités dans les prochaines années

Certes, les spécialisations agricoles des pays candidats paraissent voisines de celles de l'Union, mais, compte tenu de leurs handicaps, la productivité n'augmentera que lentement au cours des prochaines années. Des surplus pourraient apparaître dans certains domaines où l'Union est déjà en excédent (céréales, viande bovine, lait), mais ils resteront limités ; en revanche, dans d'autres secteurs (sucre, viande porcine), la consommation des pays candidats aidera à résorber d'éventuels surplus de l'Union à quinze ; inversement, les surplus possibles des pays candidats en oléo-protéagineux seront aisément absorbés, l'Union étant très déficitaire dans ce secteur.

Au demeurant, les accords commerciaux conclu avec les pays candidats ont déjà largement libéralisé le commerce des produits agricoles. Les droits ont été supprimés pour les produits non sensibles ; pour la plupart des autres secteurs, des accords dits « double zéro » ont été mis en place (pour des quantités augmentant progressivement, il n'y a ni droits, ni subventions à l'exportation) ; enfin, des règles particulières s'appliquent transitoirement pour le lait en poudre, la viande bovine et le sucre. Or, on peut constater que l'ouverture réciproque des marchés n'a pas eu d'effet déstabilisant.

b) La question budgétaire

• Il y a nécessairement une part d'incertitude dans l'évaluation du coût budgétaire qu'entraînera l'application de la PAC aux pays candidats. On ne peut prévoir exactement comment évoluera la productivité : or, c'est la gestion des excédents de production qui est coûteuse. De plus, on ne peut préjuger des résultats du nouveau cycle de négociations de l'OMC, qui rendront peut-être nécessaires de nouvelles mesures de maîtrise de la production.

Mais, depuis le début des réflexions sur les conditions dans lesquelles devrait s'effectuer l'adhésion, il a toujours été admis que les pays candidats n'avaient pas vocation à recevoir immédiatement l'ensemble des aides directes de la PAC . La raison principale est que ces aides ont été instituées pour compenser des baisses de prix, alors que les agriculteurs des pays candidats vont dans l'ensemble bénéficier d'une hausse des prix au moment de l'adhésion. Certes, à long terme, la loyauté de la concurrence impose une harmonisation des règles concernant les soutiens, mais pendant une période transitoire ces aides peuvent être introduites progressivement.

• Ce schéma a été concrétisé par la Commission, qui a proposé à la fin janvier d'introduire graduellement les aides directes sur une période de dix ans (2004-2013) ; le taux de départ serait de 25 % en 2004, passerait à 30 % en 2005 et à 35 % en 2006, puis augmenterait plus rapidement jusqu'à atteindre 100 % en 2013.

Par ailleurs, pour faciliter leur tâche administrative, les nouveaux états membres auraient la possibilité d'opter pour un régime simplifié pendant une période de trois ans pouvant être prolongée pendant deux ans. Ce régime simplifié prendrait la forme d'aides forfaitaires à l'hectare, sans lien avec la production.

Ces aides directes partielles seraient complétées par un effort important au titre du développement agricole et rural , qui pourrait financer des mesures de retraites anticipées, de création de groupements de producteurs, d'encouragements à la transformation de petites exploitations...

Au total, pour l'agriculture, le budget que la Commission propose d'affecter à l'adhésion des dix pays de la « première vague » est de :

- 2,05 milliards d'euros en 2004 (dont 1,53 milliard au titre du développement rural) ;

- 3,59 milliards d'euros en 2005 (dont 1,67 milliard pour le développement rural) ;

- 3,93 milliards d'euros en 2006 (dont 1,78 milliard pour le développement rural).

De tels montants permettraient en principe de respecter les plafonds retenus par l'« Agenda 2000 ».

• Les réactions à ces propositions ont été sans surprise. Les pays candidats les ont jugées très insuffisantes, réclamant la totalité des aides directes dès 2007. Inversement, certains pays membres - Allemagne, Grande-Bretagne, Pays-Bas, Autriche, Suède - les ont jugées excessives, en faisant valoir que, en additionnant les aides agricoles et les crédits prévus pour les fonds structurels, on risquait de dépasser l`enveloppe totale prévue par l'« Agenda 2000 ». En réalité, les pays membres les plus critiques sont ceux qui craignent qu'en prévoyant un mécanisme d'aides croissantes jusqu'en 2013, on s'engage implicitement en faveur d'un maintien de la PAC, alors qu'ils souhaitent sa remise en cause.

Pour répondre aux pays candidats, la Commission a publié le 18 mars une étude sur les conséquences de l'adhésion pour les agriculteurs des PECO. Selon cette étude, même sans aides directes, les agriculteurs des PECO verraient leurs revenus augmenter de 30 % en moyenne grâce à l'adhésion. Une application partielle des aides directes reste nécessaire pour contribuer à la stabilité des revenus et faire bénéficier l'ensemble des agriculteurs des effets positifs de l'adhésion. Mais une application immédiate de la totalité des aides directes aboutirait pratiquement à un doublement des revenus agricoles, créant des inégalités sociales difficilement justifiables et freinant la restructuration de l'agriculture.

Au total, les propositions de la Commission ne paraissent pas très éloignées d'un équilibre raisonnable, et montrent qu'il est possible de financer l'adhésion de dix pays jusqu'en 2006 sans qu'il soit nécessaire de remettre en chantier la PAC avant l'échéance prévue.

c) Les incertitudes

• Je ne mentionnerai que très brièvement les conséquences de l'élargissement sur les négociations de l'OMC . Pour avoir une idée précise, il faudrait savoir comment seront calculés les contingents tarifaires et les plafonds d'exportations subventionnées pour l'Union élargie, et ce point, à ma connaissance, n'est pas encore complètement éclairci. Je me propose d'obtenir des précisions lors du déplacement à Bruxelles que doit faire , à la fin du mois, le groupe de travail « OMC ». Je ne signalerai que deux points :

- la plupart des pays candidats ont consolidé des droits inférieurs à ceux de l'Union, mais ce n'est pas le cas de la Pologne, ce qui devrait limiter les effets de l'élargissement sur le tarif extérieur commun ;

- les accords dits « double zéro » dont j'ai parlé devraient permettre à l'Europe de conserver une marge de manoeuvre dans les négociations sur le montant des contingents tarifaires et les possibilités de soutien à l'exportation.

• Un autre point d'incertitude est constitué par les questions sanitaires . Les pays candidats doivent se rendre capables d'appliquer les normes en vigueur dans l'Union, qui ont été beaucoup renforcées au cours des dernières années : étiquetage, traçabilité, contrôles vétérinaires, hygiène des abattoirs et des laiteries. Cela implique un effort important, d'autant qu'il faudra également contrôler efficacement l'entrée de produits provenant des pays situés plus à l'Est, avec lesquels le commerce s'est développé au cours des dernières années.

*

En conclusion, on voit que l'élargissement ne justifie pas une réforme anticipée de la PAC . Il est vrai que les accords de Berlin prévoient un certain nombre de rendez-vous à mi-parcours, mais il s'agit de faire le point sur l'application de l'« Agenda 2000 », de décider d'éventuelles adaptations, mais non pas de discuter d'une réforme radicale.

Cela ne veut pas dire qu'une réflexion globale sur la réforme de la PAC n'est pas nécessaire. Cette réflexion doit être menée, mais sans précipitation, en respectant les échéances, et en replaçant les questions agricoles dans le cadre plus général des négociations sur les perspectives financières. La France n'a aucun intérêt à ce qu'une réforme de la PAC soit discutée isolément : l'avenir de la PAC, politique dont nous sommes les premiers bénéficiaires, ne doit pas être dissocié de celui des autres politiques, notamment la politique de cohésion pour laquelle nous sommes d'importants contributeurs nets. C'est seulement dans le cadre d'une approche globale que les efforts qu'implique l'élargissement pourront être équitablement répartis.

B. COMPTE RENDU SOMMAIRE DU DÉBAT

M. Pierre Fauchon :

Je souhaite que ces données soient mieux connues. Elles montrent que certaines préoccupations concernant l'élargissement sont excessives.

M. Marcel Deneux :

Il est vrai que le monde agricole est sujet au catastrophisme. Dans le passé, les risques liés à l'adhésion de l'Espagne et du Portugal ont été assurément surestimés, même si l'on ne doit pas oublier que c'est grâce à de longues périodes de transition que l'ajustement a pu se faire. Mais il ne faut pas se tromper sur les causes de ce catastrophisme. Beaucoup d'exploitations sont fragiles. Dans tous les pays de l'OCDE, le revenu agricole est inférieur au revenu moyen. Aujourd'hui, la situation du marché de la viande bovine suscite une forte inquiétude qui est malheureusement justifiée, tandis que d'autres secteurs se portent mieux.

M. Jean-Paul Émin :

Les pays qui penchent pour une réforme radicale sont-ils généralement ceux qui se trouvent être contributeurs nets ?

M. Marcel Deneux :

La corrélation est très forte !

M. Jean-Paul Émin :

Mais dans quel sens la majorité penche-t-elle ?

M. Marcel Deneux :

Les défenseurs de la PAC sont plutôt minoritaires. Il existe une forte pression pour une réforme avant 2006. Il ne sera pas facile de tenir !

IV. LA POLITIQUE DE COHÉSION ÉCONOMIQUE ET SOCIALE (Réunion du jeudi 4 avril 2002)

A. COMMUNICATION DE M. SIMON SUTOUR

La conduite d'une politique de cohésion économique et sociale a constitué, depuis la création du marché unique, l'une des bases de la construction européenne. Au fil des années, les négociations successives et la recherche de compromis entre partenaires aux intérêts différents l'ont rendue de plus en plus sophistiquée et complexe : diversifiant ses objectifs, multipliant les fonds structurels, elle a voulu tout à la fois concentrer l'effort pour permettre la mise à niveau des pays accusant le plus grand retard de développement et répartir la manne financière sur l'ensemble des États membres au nom de l'impératif de solidarité prôné.

Les résultats obtenus ont été parfois spectaculaires, notamment dans les pays dits de la cohésion : on rappellera l'essor économique de l'Irlande, dont le PIB est passé de 64 % à 119 % de la moyenne communautaire entre 1988 et 2000, ou le rattrapage d'un tiers de PIB constaté en Grèce, au Portugal et en Espagne sur la même période. Nous connaissons tous, dans nos départements respectifs, des réalisations effectuées grâce aux crédits de développement des anciens objectifs 2 et 5b, regroupés depuis lors en nouvel objectif 2 par l'Agenda 2000.

Les moyens financiers disponibles sont désormais considérables : deuxième poste budgétaire de l'Union, ils s'élèvent à 213 milliards d'euros pour la période 2000-2006 , soit plus du tiers des dépenses communautaires pour quinze États membres. Qu'en adviendra-t-il lorsque l'Union comptera vingt-cinq ou vingt-sept membres ?

Son élargissement, demain, à au moins dix pays candidats produira de tels effets sur la politique de cohésion européenne telle que nous l'appliquons aujourd'hui qu'il n'est pas envisageable de faire l'économie d'une réforme. Il suffit, pour s'en convaincre, de se livrer à un simple calcul mathématique : tous les nouveaux entrants seront, par construction, éligibles aux aides structurelles délivrées par l'Union, en raison de leur faiblesse économique par rapport à la moyenne communautaire et leurs besoins sont tels qu'ils sont susceptibles de mobiliser la totalité des fonds disponibles ; ils évinceront, mécaniquement, les deux tiers des régions les plus pauvres des États membres actuels de l'Union qui bénéficient encore, pour l'heure, de dotations d'aide au développement. Laisser les choses en l'état aboutirait donc à supprimer la politique de cohésion et à la remplacer par un dispositif différent, par exemple d'aide à l'adhésion à l'Union, sans doute très justifiée mais relevant d'une tout autre philosophie.

Les institutions européennes ont pris la mesure de l'ampleur du problème dès les premières demandes d'adhésion : un premier rapport intérimaire de la Commission, consacré aux effets de l'élargissement sur les politiques de l'Union européenne, a été présenté au Conseil européen de Madrid de décembre 1995. Celui-ci invita alors la Commission à approfondir la réflexion, notamment pour ce qui concernait les deux politiques communautaires essentielles de l'Union : la politique agricole, d'une part, la politique structurelle, d'autre part.

L'Agenda 2000 , approuvé lors du Conseil européen de Berlin de décembre 1999, a constitué une première réponse : il a présenté une réforme de la politique structurelle, la création d'aides à la pré-adhésion destinées aux pays candidats et des perspectives financières pour la période 2000-2006 tablant sur l'entrée de six nouveaux États membres dès 2002. Les réserves budgétaires permettent donc de « tenir », selon les règles actuelles, jusqu'en 2006, avec dix membres supplémentaires à partir de 2004.

Il convient désormais d'anticiper la phase suivante, 2007-2013, et de proposer des réponses constructives à la question suivante : l'Union souhaite-t-elle poursuivre au-delà de 2006 la mise en oeuvre d'une politique de cohésion économique et sociale ? Et si oui, sur quelles bases ?

On pouvait en effet envisager, et certaines voix se sont d'ailleurs élevées en ce sens, de supprimer purement et simplement cette politique compte tenu du bouleversement important qui résultera d'un élargissement aussi massif de l'Union. Il n'était somme toute pas inconcevable, et même défendable en vertu du principe de subsidiarité, de considérer qu'il appartiendrait désormais à chaque État membre d'organiser, sur le plan national, sa propre politique de développement régional.

A ce stade du débat, il semble que la majorité des partenaires n'ait pas souhaité aller dans cette direction. Ils ont réaffirmé leur souhait de maintenir la cohésion économique et sociale comme base de la construction européenne, notamment lors de la réunion informelle des ministres qui s'est tenue à Namur les 13 et 14 juillet 2001.

A défaut d'être simple, le défi est donc clair : comment pourra-t-on, sans augmenter massivement le budget communautaire, aider à la fois des nouveaux États membres aux besoins considérables sans pour autant interrompre aussitôt les financements européens accordés à l'ensemble des actuels États membres, et plus particulièrement aux pays dits de la cohésion (Espagne, Portugal et Grèce, l'Irlande ayant désormais rejoint, et même dépassé, la moyenne communautaire) ?

Tous les États membres sont impliqués dans ce débat, qu'ils soient contributeurs nets ou bénéficiaires des subventions européennes. La présidence espagnole, vous le savez, est particulièrement « en pointe » sur ce sujet, l'Espagne ayant longtemps laissé entendre que la solution proposée conditionnerait sa position définitive sur l'élargissement de l'Union.

1. Les termes du débat

• Les disparités économiques vont s'accroître

Après l'élargissement, l'Union comptera un tiers de citoyens supplémentaires, un tiers de territoires en plus, mais n'augmentera sa richesse que de 5 %. Selon les chiffres récemment publiés par la Commission ( 2 ( * ) ), il est confirmé que l'élargissement de l'Union s'accompagnera d'une baisse importante du produit intérieur brut moyen par habitant et d'une augmentation des disparités régionales au sein du territoire européen. Cette évolution est sans commune mesure avec celle résultant des élargissements passés, d'une ampleur moindre et concernant des partenaires moins éloignés en termes de développement économique : sur les 105 millions d'habitants des futurs pays membres, plus de 98 millions vivent dans des régions dont le PIB moyen est inférieur à 75 % de la moyenne de l'Union élargie.

L'écart se creuse encore si les statistiques intègrent les adhésions bulgares et roumaines. Selon les données de 1999, le PIB moyen baissera de 13 % dans une Union à vingt-cinq, mais de 18 % dans une Union à vingt-sept .

Les forts taux de croissance annuels enregistrés dans les pays candidats laissent espérer que cette diminution sera moins importante que prévu d'ici l'entrée effective, mais dans des proportions qui resteront, en tout état de cause, limitées.

• Les ressources humaines devront être gérées

Au-delà de l'appréhension chiffrée de la richesse des régions, les données humaines doivent aussi être prises en compte, concernant notamment l'état des marchés du travail dans une Europe élargie, la répartition de l'emploi entre les trois secteurs économiques, les besoins en matière d'éducation et de formation, les problèmes d'inégalités entre hommes et femmes, les évolutions démographiques, la modernisation des systèmes sociaux, les mouvements migratoires, la mobilité de la main-d'oeuvre...

2. L'état des réflexions

Les perspectives financières de l'Union, telles qu'établies par l'Agenda 2000, portent sur la période 2000-2006. La programmation au-delà de cette date a fait déjà l'objet de réflexions, notamment lors du Forum européen de la cohésion organisé à Bruxelles en mai 2001 par le Commissaire Michel Barnier.

Le débat ne permet que de poser les questions et non encore d'apporter des réponses :

Quelle politique de cohésion économique et sociale européenne faut-il poursuivre ?

L'objectif essentiel de celle-ci paraît, pour l'instant, confirmé : cette politique continuerait à concentrer ses efforts sur les régions les moins développées de l'Union , ce qui mobilise aujourd'hui les deux tiers des fonds disponibles. L'instrument de mesure resterait celui de l'actuel objectif 1, soit le calcul du PIB par habitant, en l'absence d'autre indicateur simple et fiable.

La question se pose toujours de savoir quel devra être le seuil de déclenchement de l'intervention communautaire : son maintien à 75 % du PIB communautaire moyen évincerait les actuels États membres. Or, les partenaires se sont montré soucieux de ne pas exclure les régions actuellement éligibles à l'objectif 1 - et notamment les régions ultra-périphériques - bien qu'aucun consensus n'ait pu être dégagé, à ce stade, sur les conditions du traitement qui pourrait leur être réservé. D'un autre côté, la définition de seuils distincts selon que l'on est ancien ou nouveau membre pourrait paraître contestable, et serait sans doute contestée par les entrants au nom du principe d'égalité, si l'on en juge par les réactions récentes des pays candidats aux propositions de la Commission sur les aides agricoles.

À côté de cet objectif principal, on s'interroge sur le point de savoir si d'autres actions doivent être envisagées : des demandes ont ainsi été exprimées et relayées par la Commission, pour que la future politique de cohésion ne se limite pas au seul retard de développement. Il est proposé par certains États membres qu'elle prenne aussi en compte les caractéristiques des milieux urbains , les zones en restructuration économique , les régions souffrant de handicaps naturels - dans lesquelles devraient pouvoir être prises en compte, en bonne logique, les zones de montagne - et les zones transfrontalières .

Enfin, les fonds structurels devraient aussi soutenir les objectifs stratégiques de l'Union : développement de l'emploi, promotion de l'insertion sociale, égalité des chances, soutien à la société de la connaissance... Les critères d'élection à ces différentes rubriques ne sont, bien sûr, pas encore évoqués.

Par ailleurs, le débat est ouvert sur la base géographique locale qu'il convient de retenir pour apprécier de manière adéquate le besoin de soutien européen. Face à l'échelon régional, qui est actuellement la norme, deux approches sont concevables : celle s'appuyant sur une appréciation par département, plus juste, mais plus complexe à mettre en oeuvre ; celle considérant, à l'inverse, qu'il serait plus simple de faire remonter au niveau central des États membres le choix des zones d'intervention.

Doit-on maintenir l'effort financier à son niveau actuel ?

Lors de la négociation de l'Agenda 2000, les États membres avaient décidé de consacrer aux actions structurelles communautaires, y compris les aides de pré-adhésion et les fonds versés aux nouveaux adhérents entre 2002 et 2006, la somme de 213 milliards d'euros. Cette enveloppe correspondait à 0,45 % du PIB estimé d'une Union élargie à vingt et un membres en 2006.

A titre personnel, le commissaire Barnier considère que l'effort doit être poursuivi à ce niveau et que l'Union ne doit pas descendre sous ce plancher de 0,45 % du PIB communautaire sans voir sa crédibilité remise en cause.

A ce stade du débat, il n'est pas question encore d'évoquer des perspectives budgétaires chiffrées, mais l'affichage d'un étiage est symboliquement important pour apprécier le degré de détermination des États membres.

Comment simplifier les procédures ?

La sous-consommation des crédits structurels par les États membres a été longtemps observée et dénoncée, et ce même avant l'Agenda 2000. Elle a notamment été imputée à la trop grande complexité des procédures de définition et d'engagement des programmes. Or, les modifications apportées au régime d'aides structurelles par le programme Agenda 2000 ne semblent avoir produit qu'un effet limité sur la simplification du dispositif d'ensemble, d'autant que les nouveaux zonages de l'objectif 2 ont exigé des négociations préalables, longues et âpres entre les Quinze et la Commission.

La Cour des comptes européenne estimait ainsi, en février 2002, que les retards de liquidation, les erreurs ou les fraudes ne s'étaient pas réduits depuis 2000 . Elle se déclarait même préoccupée par l'importance des erreurs découvertes en fin de programmation.

Pour répondre à ces critiques et préparer l'accueil vraisemblable de nouveaux membres entre 2004 et 2006, la Commission a réaffirmé sa volonté d'alléger les procédures et son souhait de généraliser à l'ensemble des États membres de l'Agenda 2007 toutes les simplifications qu'elle parviendrait à mettre en oeuvre au profit des nouveaux entrants sur la base de l'Agenda 2000.

Par ailleurs, Michel Barnier a indiqué qu'il proposerait, à la fin de l'année 2003, en même temps que l'adoption du troisième rapport de cohésion, de nouvelles orientations sur les fonds structurels et que les documents de programmation seraient discutés dès 2005 afin d'être opérationnels en 2007.

3. La difficile gestion des fonds structurels par les pays candidats

• Des procédures lourdes

La gestion des fonds structurels constitue, pour les pays candidats, une tâche nouvelle, dont nous connaissons, par expérience, l'ampleur et la complexité. Elle nécessite des structures administratives compétentes, des collectivités locales aptes à élaborer et suivre des projets, des ressources financières pour satisfaire au principe d'additionnalité, des moyens de contrôle du bon usage des fonds communautaires...

La plupart des pays candidats souffre encore d'un manque de personnels formés et de structures administratives opérationnelles. On constate d'ailleurs cette situation dès la période actuelle puisque des fonds structurels de pré-adhésion sont déjà distribués aux pays candidats, et ce sous trois rubriques :

- le programme PHARE, qui assiste les pays candidats depuis 1989 pour le renforcement de leur capacité administrative et institutionnelle et pour l'adaptation des entreprises aux normes européennes (10,92 milliards d'euros pour la période 2000-2006). Il a été complété, depuis lors, par :

- I'ISPA, instrument structurel de pré-adhésion, doté d'un budget annuel de 1,04 milliard d'euros depuis 2000 (7,28 milliards d'euros sur la période 2000-2006) et spécialisé dans les investissements d'infrastructure pour l'environnement et les transports ;

- le SAPARD, destiné à l'agriculture et au développement rural, équivalant à 520 millions d'euros par an (3,64 milliards d'euros sur la période 2000-2006).

Globalement, ces trois fonds apportent annuellement 3,12 milliards d'euros jusqu'en 2006, soit un triplement des versements précédents. Les plus importantes dotations bénéficient à la Pologne (32 %), la Roumanie (22 %), la Bulgarie (9 %), la Hongrie (8 %) et la République tchèque (6 %).

La Commission du contrôle budgétaire du Parlement européen a récemment consacré un débat au problème de la vérification du bon usage des crédits de pré-adhésion dans les pays candidats. Considérant que la Commission européenne avait parfois manqué de clarté dans la définition des programmes et l'affectation des fonds, elle a demandé à être rassurée sur l'efficacité des contrôles effectués, question sensible depuis les détournements de crédits en Slovaquie sur lesquels une enquête de l'OLAF est en cours.

Il est vrai que les procédures PHARE et SAPARD sont d'une complexité qui rend difficiles les contrôles. Par ailleurs, on déplore aussi une grande lenteur dans la mise à disposition des fonds, notamment ISPA, créant un sentiment de profonde déception dans les pays candidats : les accords de financement n'ont été acquis que fin 2001, alors même que les crédits étaient ouverts depuis 2000. L'expérience montre qu'il faut environ dix-huit mois pour obtenir l'aval de Bruxelles sur un projet présenté par les autorités locales, délai propre à décourager les initiatives.

• La limite d'absorption des fonds

Sur les deux premières années d'expérimentation, le rythme d'engagement des fonds a atteint seulement 73 % des montants prévus et les paiements n'ont été assurés qu'à hauteur de 38 %, soit 2,4 milliards d'euros sur les 6,2 milliards disponibles. Le problème de la capacité d'absorption des fonds n'est pas nouveau et n'est d'ailleurs pas propre aux pays candidats. Globalement, les taux de paiements effectifs sont également de l'ordre de 38 % dans les quinze États membres.

La difficulté essentielle tient ici aux contraintes de financement additionnel des projets par les autorités nationales des pays candidats : les programmes ISPA doivent ainsi être cofinancés, suivant les cas, à hauteur de 25 % à 60 %. Or, les collectivités territoriales manquent de moyens et répugnent actuellement à s'endetter, craignant de s'écarter par trop des moyennes habituelles en Europe. C'est pourquoi il est envisagé d'abaisser le taux exigible de cofinancement à 15 % à partir de 2004.

A partir de cette date, en effet, les volumes de crédits envisagés dans le cadre Agenda 2000 seront plus importants encore et atteindront 25 milliards d'euros pour les deux premières années de l'élargissement effectif de l'Union.

• Un chapitre qui reste en négociations

Le chapitre 21 « politique régionale et coordination des instruments structurels », l'un des plus complexes, n'est clos par aucun partenaire et demeure à ce jour en négociation avec les dix pays les mieux placés : Chypre, République tchèque, Estonie, Hongrie, Pologne et Slovénie depuis 2000 ; Lettonie, Lituanie, Malte et Slovaquie depuis mars 2001.

La Bulgarie et la Roumanie pourraient ouvrir à leur tour la négociation de ce chapitre dans les prochains mois, si elles poursuivent les réformes préalables nécessaires.

*

À ce stade des réflexions, rien n'est donc encore tranché, ni sur les principes, ni sur la mise en oeuvre de la politique de cohésion économique et sociale de l'Union élargie.

L'esprit ayant animé la construction européenne jusqu'à aujourd'hui nous incite toutefois à considérer qu'il est indispensable de la poursuivre et de continuer à y inclure les besoins des actuels États membres, et ce pour deux raisons :

- la première est d'ordre financier : les collectivités locales ont pris l'habitude d'anticiper le versement de financements européens lors de l'élaboration de leurs projets et ces aides constituent, le plus souvent, une assistance indispensable à l'aboutissement de ceux-ci, compte tenu du volume des sommes à engager. Si j'en juge par un département que je connais bien, le Gard, des projets importants sont actuellement en cours, notamment l'aménagement de la liaison Alès-Nîmes en quatre voies, qui n'a été rendu possible que grâce à la mobilisation de crédits provenant du Feder ;

- la seconde, et elle est peut-être plus importante encore que la précédente, relève du domaine psychologique : supprimer toute politique régionale à l'égard des actuels États membres à compter de 2007 aurait pour conséquence d'associer, dans l'esprit de nos concitoyens, élargissement de l'Union et appauvrissement. L'échelon européen est désormais totalement intégré à la structure hiérarchique des pouvoirs dans la conscience des habitants de l'Union et ils trouvent légitime que celle-ci participe à leur développement en contrepartie des contraintes supplémentaires qu'elle induit. Cette lecture leur semble plus immédiate que l'appréhension, plus complexe, du concept de cohésion économique et sociale.

C'est pourquoi, je suis pour ma part partisan d'une poursuite de la politique régionale de l'Union, certes adaptée à la nouvelle donne mais sachant prendre en compte les spécificités de toutes ses composantes. Compte tenu de l'importance de ce débat, je souhaiterais que nous puissions évoquer ses enjeux et partager nos expériences par la discussion d'une question orale portant sur un sujet européen lorsque le Parlement reprendra ses travaux.

B. COMPTE RENDU SOMMAIRE DU DÉBAT

M. Hubert Haenel :

Je vous remercie pour cette communication et pour cette suggestion d'ouvrir un débat en séance publique sur l'avenir de la politique régionale européenne. Nous participons ainsi à la réflexion lancée par le Commissaire Barnier et ferons entendre notre voix avant que les décisions ne soient définitivement arrêtées.

M. Marcel Deneux :

J'approuve les conclusions de notre rapporteur, mais je crois qu'il faut approfondir la réflexion sur les modalités d'application de cette politique. Je suis favorable au fait de conforter le sentiment de solidarité européenne chez nos concitoyens, mais je crois aussi qu'en appliquant le principe de subsidiarité, en décentralisant davantage cette politique régionale, on pourrait faire preuve de plus d'efficacité et mobiliser plus aisément les fonds.

A mon avis, l'intérêt de la France est de susciter l'émergence d'une politique des régions à handicaps, visant particulièrement les zones de montagne qui constituent un pourcentage important de son territoire. Nos partenaires allemands et autrichiens conduisent déjà des politiques efficaces en faveur de la montagne et pourraient devenir des alliés de poids sur ce thème.

Mais, globalement, je reconnais rester très perplexe sur la bonne méthode pour appliquer cette politique régionale, dotée de moyens financiers considérables, dans une Europe élargie.

M. Robert Badinter :

Il est important que les données de ce rapport soient intégrées à notre réflexion constitutionnelle et il faut être conscient que la définition des principes selon lesquels seront déterminés, financés et répartis ces crédits ne sera pas notre tâche la plus facile. Cela dit, je crois qu'il ne faut pas entretenir l'illusion, en France, que l'Union européenne rapportera plus, dans l'avenir, qu'elle ne nous coûte.

M. Jean-Paul Émin :

Mes interrogations sont d'ordre mathématique. J'observe que, selon les données de 1999, cinq pays perçoivent 90 % des fonds structurels. Or, la France est, je crois, au douzième rang dans le classement européen du PIB par habitant. Pourquoi n'est-elle pas davantage éligible ?

M. Simon Sutour :

L'éligibilité à l'objectif 1 s'apprécie au niveau régional et non national. Dans le dispositif précédant l'agenda 2000, deux régions françaises bénéficiaient de ces dotations : la Corse et le Hainaut, en plus de nos départements d'outre-mer. Depuis 2000, ces deux régions ne sont plus classées en zone d'objectif 1, mais continuent de percevoir des dotations dites de « phasing out » jusqu'en 2006.

M. Marcel Deneux :

Je souligne une difficulté supplémentaire qui tient au fait qu'on ne peut avoir de certitudes absolues sur l'évaluation des différents PIB nationaux, compte tenu des différentes méthodes statistiques appliquées dans l'Union.

M. Lucien Lanier :

Tout comme Robert Badinter, je pense que la France, qui a beaucoup bénéficié par le passé d'aides structurelles, devra y renoncer pour partie dans l'avenir, et c'est, je crois, l'équité.

De plus, quel que soit le mode de répartition qui sera choisi, il devra éviter de saupoudrer les fonds sur le territoire et ne pas habituer certains partenaires à une situation d'assistance susceptible de durer toujours.

M. Simon Sutour :

Je ne partage pas votre analyse. Je crois que, au-delà de la politique de cohésion économique et sociale, il faut conduire une démarche d'aménagement du territoire. Sans doute les élus de la région parisienne sont-ils moins sensibles à cet argument que d'autres ; mais si l'on envisage aujourd'hui la suppression de toutes les aides pour notre pays, il n'est même pas utile d'ouvrir ce débat.

Vous parlez d'une politique d'assistance, mais je considère, pour ma part, qu'il s'agit plutôt d'aménagement du territoire, de solidarité et de justice, puisque mon département a moins de richesses et plus de chômage que la région parisienne.

M. Hubert Haenel :

Effectivement, lorsque l'on se rend aujourd'hui en Irlande ou en Grèce, on ne peut que constater que c'est bien de l'aménagement du territoire qui a été réalisé grâce aux fonds européens et non pas de l'assistanat.

M. Lucien Lanier :

Ce n'est pas ce que je voulais dire. Je suis bien évidemment favorable à l'aménagement du territoire et à la solidarité. C'est l'éparpillement des crédits qui me parait contre-productif.

M. Simon Sutour :

Le vrai risque, à mon sens, c'est que la politique de cohésion économique et sociale soit sacrifiée aux intérêts de la politique agricole commune dans la suite des débats. Lors des négociations Agenda 2000, la discussion avait déjà été très rude et avait finalement permis l'adoption d'un « phasing out » acceptable. Il faut que nous restions très vigilants.

M. Marcel Deneux :

On peut toutefois se demander si, en amalgamant politique agricole commune et fonds structurels, on ne parviendrait pas à plus d'efficacité qu'aujourd'hui.

V. ÉTAT DES NÉGOCIATIONS PAR PAYS

Bulgarie

Caractéristiques de la population

8,1 millions d'habitants (7,9 millions d'habitants d'après les statistiques du ministère français des affaires étrangères) dont 11 % de turcophones et 8 % de tsiganes ; 85 % d'orthodoxes, 10 % de musulmans et 2 % de catholiques.

Données économiques : chiffres de l'année 2000

Croissance : 5,8  %

Inflation : 10,3  %

Taux de chômage : 16,4  %

PNB par habitant : 28  % de la moyenne communautaire

Déficit public : 0,7 %.

Situation du commerce avec l'Union européenne (année 2000) :

- 51,1  % des exportations se font vers l'Union européenne

- 44  % des importations proviennent de l'Union.

Atouts et handicaps

- Points forts : rôle positif joué par la Bulgarie en matière de stabilité régionale (frontières communes avec la Serbie, la Macédoine, la Grèce, la Turquie et la Roumanie) ; des résultats macro-économiques encourageants ; une tonalité plus positive du dernier rapport de progrès de la Commission européenne ;

- Points faibles : absence de calendrier de fermeture des réacteurs de type Tchernobyl de la centrale de Kozloduy ; des capacités administratives insuffisantes et un problème de corruption endémique ; pays d'origine et de transit de trafics d'êtres humains.

État d'avancement des négociations d'adhésion

Demande d'adhésion déposée le 14 décembre 1995.

Figurait parmi les pays de la « deuxième vague ».

Quatorze chapitres de négociation provisoirement clos au 31 mars 2002 sur trente et un.

La perspective d'adhésion est fixée à début 2006 pour les autorités bulgares, qui attendent une fin des négociations fin 2003.

État de l'opinion publique

Très favorable à l'adhésion à l'OTAN et à l'Union européenne.

La candidature de la Bulgarie

1) Le respect des critères politiques

Les élections du 17 juin 2001, qui ont vu la victoire du mouvement national de l'ex-roi de Bulgarie, Siméon II, ont satisfait aux exigences de l'OSCE en termes d'élections démocratiques. Pour autant, le dernier rapport de la Commission souligne les faiblesses qui subsistent : archaïsme du système judiciaire bulgare, corruption qui se nourrit de l'inexistence d'un service public professionnel et impartial, absence d'une législation des marchés publics conforme au droit communautaire, doute sur la capacité de la Bulgarie à mettre en oeuvre l'acquis européen, en particulier dans les domaines de la justice et des affaires intérieures, mais aussi dans la gestion financière des fonds publics et des aides communautaires.

En octobre 2001, le gouvernement bulgare a adopté deux stratégies relatives à la réforme judiciaire et à la lutte contre la corruption. Dans le domaine judiciaire, le plan prévoit une amélioration de la formation des juges et la modification constitutionnelle du système d'immunité des magistrats. Si la professionnalisation de la police des frontières est engagée et si une politique commune des visas (concernant notamment les Russes, les Ukrainiens et les Géorgiens) a été mise en place, le trafic d'êtres humains continue à rester un élément crucial de préoccupation.

2) Une situation économique qui se redresse

Après la grave crise économique qu'a connue la Bulgarie en 1996-1997, le dispositif de redressement mis en place avec le FMI et la Banque mondiale avec une caisse d'émission pour le contrôle de la politique monétaire, donne des résultats positifs. L'inflation est passée de 1000 % en 1997 à 7 % en 1999, 8 % en 2000 (10,3 % selon la Commission) et 8,5 % en 2001.

La croissance, après les deux années de forte récession en 1996 et 1997, est remontée à 3,5 % en 1998, 2,5 % en 1999 et 4,5 % en 2000 (5,8 % selon la Commission). Il n'en reste pas moins que, avec un taux de chômage de l'ordre de 18 % selon les données du ministère français des affaires étrangères (16,4 % d'après la Commission), la population vit dans une réelle pauvreté alors que les prix des services publics (notamment l'électricité) ont dû être réévalués pour tenir compte des exigences des institutions financières internationales.

3) Les négociations d'adhésion

La Bulgarie ne fait pas partie des pays dont l'Union européenne a estimé au Conseil européen de Laeken qu'ils pourraient être prêts à conclure les négociations fin 2002, les autorités bulgares ayant elles-mêmes fixé le 1 er janvier 2007 comme objectif officiel de leur adhésion. Les autorités bulgares s'inquiètent du retard que pourrait prendre de ce fait l'adhésion de leur pays et craignent qu'il ne soit associé à d'autres pays comme la Roumanie, la Croatie ou la Turquie pour un élargissement à une date nettement plus lointaine.

Avec quatorze chapitres provisoirement clos, la Bulgarie est nettement distancée par les autres pays candidats, même si les négociations ont été entamées le 21 mars 2002 sur les deux derniers chapitres non encore ouverts (agriculture et union économique et monétaire). Le gouvernement bulgare a transmis en mars 2002 une « stratégie d'accélération des négociations d'adhésion » qui fixe comme objectif la conclusion des négociations en 2003.

La difficulté principale porte sur le chapitre de l'énergie, dans la mesure où le Conseil européen de Cologne a exigé un niveau élevé de sûreté nucléaire en Europe centrale et orientale. L'Union attend de la Bulgarie la fermeture des réacteurs 1 et 2 de la centrale nucléaire de Kozloduy avant 2003 et la fixation en 2002 des dates de fermeture définitive des réacteurs 3 et 4 dont la fermeture doit intervenir au plus tard en 2006.

4) L'aide communautaire

Dans le cadre du programme d'aide pluriannuel pour le secteur de l'énergie bulgare qui a été arrêté en novembre 1999 par la Commission, la Bulgarie bénéficie d'une assistance financière de 200 millions d'euros au titre du programme PHARE pour la période 2000-2006, ainsi que d'un prêt Euratom d'un montant de 212,5 millions d'euros pour la modernisation et l'amélioration de la sûreté des réacteurs 5 et 6 de la centrale de Kozloduy.

En outre, pour les années 2000-2002, les subventions communautaires versées à la Bulgarie sont de 100 millions d'euros pour PHARE (en particulier pour la modernisation des institutions publiques, le renforcement du système judiciaire et le contrôle des frontières, l'adoption et la mise en oeuvre de l'acquis et la préparation aux fonds structurels), 53 millions d'euros pour SAPARD et entre 83 et 125 millions d'euros pour ISPA.

Chypre

Caractéristiques de la population

840 000 habitants, dont 24 % pour la partie turque.

Données économiques (3 ( * )) : chiffres de l'année 2000

Croissance : 4,8 %

Inflation : 4,1 %

Taux de chômage : 3,4 %

PIB par habitant : 86 % de la moyenne communautaire

Déficit public : 3,2 %.

Situation du commerce avec l'Union européenne (année 2000)

- 48 % des exportations se font vers l'Union européenne

- 56 % des importations proviennent de l'Union européenne.

Atouts et handicaps

- Points forts : des liens très étroits et très anciens avec l'Union européenne ; un état de préparation très avancé, avec une démocratie stable et une économie au niveau européen.

- Points faibles : la division du pays, depuis 1974, entre une zone grecque au sud et une zone turque au nord ; une situation économique contrastée entre le sud, très dynamique, et le nord, quatre fois moins riche ; la complexité des relations grecquo-turques au sujet de l'adhésion de Chypre à l'Union.

État d'avancement des négociations d'adhésion

Demande d'adhésion déposée le 4 juillet 1990.

Figurait parmi les pays de la « première vague ».

Vingt-quatre chapitres de négociation provisoirement clos au 31 mars 2002 sur trente et un.

État de l'opinion publique

Sentiment pro-européen très largement majoritaire, tant au nord qu'au sud de l'île.

La candidature de Chypre

1) Des critères politiques respectés

Chypre a des institutions stables garantissant la démocratie et la primauté du droit, et respecte en cela les critères politiques définis à Copenhague. Le système politique est présidentiel, des élections législatives ont eu lieu en mai 2001 et les élections présidentielles auront lieu en février 2003. Chypre respecte également les droits de l'homme et les libertés fondamentales.

Ces institutions ne s'appliquent pas de facto à la partie nord de l'île qui a mis en place ses propres institutions, non reconnues par la communauté internationale. La liberté d'expression est généralement respectée au nord où divers partis politiques s'expriment, mais la communauté internationale s'est à plusieurs reprises élevée contre certaines restrictions à la liberté de la presse et à la liberté de circulation.

2) Des critères économiques divergents entre le sud et le nord

Le sud de l'île connaît un développement remarquable caractérisé par un secteur privé dynamique et une très forte ouverture aux échanges extérieurs qui le placent nettement dans les niveaux de vie de l'Union européenne. L'inflation est maîtrisée et le chômage est faible (3,4 % en 2000). La Commission européenne qualifie Chypre « d'économie de marché viable qui devrait être en mesure de faire face à la pression concurrentielle et aux forces du marché » .

En revanche, l'économie du nord est sinistrée, son produit intérieur brut par habitant est estimé à quatre fois inférieur à celui du sud. Sa taille réduite et son isolement diplomatique constituent de lourds handicaps. Le secteur public y joue un rôle disproportionné et l'économie est sous perfusion des transferts budgétaires de la Turquie, dont le montant reconnu représente environ 20 % du PIB. Cependant, cette partie de l'île ne compte qu'environ 200 000 habitants.

3) Les perspectives d'accord politique

L'Union européenne préfèrerait qu'un règlement intervienne sous les auspices de l'ONU avant l'adhésion de Chypre. Comme l'indiquent les conclusions du sommet européen d'Helsinki (décembre 1999), ce n'est cependant pas un préalable à l'adhésion.

La situation a évolué depuis la fin de l'année 2001, puisque M. Rauf Denktash et M. Glafkos Clerides se sont rencontrés directement le 4 décembre, pour la première fois depuis quatre ans. Plusieurs entretiens ont eu lieu depuis et permettent d'espérer un règlement du conflit.

*

L'appréciation portée par la Commission européenne dans son rapport d'évaluation pour 2001 est très positive : « Chypre continue de satisfaire aux critères politiques de Copenhague. Des efforts supplémentaires ont été déployés afin de préparer l'administration à fonctionner au sein de l'Union européenne et les résultats obtenus par les autorités dans le domaine des droits démocratiques et des droits de l'homme demeurent généralement bons. [...] Chypre a continué à un rythme régulier à aligner sa législation ; [...] il reste cependant un nombre considérable de lois à adopter. »

Estonie

Caractéristiques de la population

1,37 million d'habitants : 80 % Estoniens, 7 % autres (notamment Russes) et 13 % apatrides ; 25,6 % de la population totale est d'origine russe.

Données économiques : chiffres de l'année 2000

Croissance : 6,9 %

Inflation : 3,9 %

Taux de chômage : 13,7 % (12,4 % en 2001)

PIB par habitant : 38 % de la moyenne communautaire

Déficit public : 0,7 %.

Situation du commerce avec l'Union européenne (année 2000)

- 77 % des exportations se font vers l'Union européenne

- 85 % des importations proviennent de l'Union européenne.

Atouts et handicaps

- Points forts : une population bien formée et une main d'oeuvre peu chère. Un intérêt marqué pour les évolutions technologiques. Le soutien de la Finlande. Une bonne reprise de l'acquis communautaire. Des flux d'investissements étrangers importants.

- Points faibles : des capacités administratives et judiciaires toujours limitées. Des structures locales faibles. Un système fiscal spécifique et non encore conforme. Une politique énergétique qui reste à définir. De fortes disparités économiques régionales.

État d'avancement des négociations d'adhésion

Demande d'adhésion déposée le 24 novembre 1995.

Figurait parmi les pays de la « première vague ».

Vingt-quatre chapitres de négociation provisoirement clos au 31 mars 2002 sur trente et un.

État de l'opinion publique

Diminution notable du sentiment pro-européen récemment : seuls 33 % de la population considèrent que l'adhésion à l'Union est une bonne chose et 38 % voteraient en sa faveur.

La candidature de l'Estonie

1) Des critères politiques respectés

L'Estonie remplit les critères politiques définis à Copenhague. L'essentiel des difficultés liées à la présence de minorités ethniques a été résolu et la mise en oeuvre du programme « Intégration de la société estonienne 2000-2007 » est en bonne voie, son application se poursuivant de manière satisfaisante en matière de législation linguistique, d'apprentissage de l'estonien et d'intégration des non-citoyens. Par ailleurs, les procédures de naturalisation ont été simplifiées.

Les mesures prises pour lutter contre la corruption - limitée en Estonie - sont jugées satisfaisantes.

Des efforts doivent être poursuivis pour renforcer les capacités de l'administration publique et pour améliorer le fonctionnement du système judiciaire.

2) Des progrès économiques patents

La Commission a conclu que l'Estonie présentait une économie de marché viable, à même de résister, dans un proche avenir, aux pressions concurrentielles résultant de son entrée dans l'Union, si « elle restait engagée sur sa trajectoire actuelle de réforme ».

Après une phase de récession, due aux effets de la crise russe, la croissance a fortement repris pour atteindre près de 7 % en 2000, et 5,8 % en 2001. Le déficit public, qui correspondait à 4,1 % du PIB en 1999 a été ramené à 0,7 % en 2000. On observe toutefois des tensions inflationnistes, l'augmentation des prix passant de 3,9 % en 2000 à 6 % en 2001. La privatisation des terres progresse lentement, mais régulièrement. La privatisation des entreprises avance également et a concerné récemment les chemins de fer, l'industrie du schiste bitumineux pour la production d'électricité et les télécommunications. La part du secteur privé dans le PIB atteint désormais 85 %.

• La lutte contre la contrefaçon, qui constituait une difficulté réelle, commence à porter ses fruits.

• La clôture du chapitre « Environnement » est un point positif ; elle a toutefois supposé la négociation de quatre périodes transitoires (notamment sur l'eau potable, jusqu'en 2013).

• Le secteur agricole est désormais très limité (7,4 % de la population, 6,3 % du PIB), la politique libérale conduite par le gouvernement ayant fait le choix de sacrifier ses intérêts  ; l'effort doit toutefois porter sur les contrôles vétérinaires et l'établissement de normes de qualité des produits.

• Des progrès ont été accomplis, mais doivent encore se poursuivre, pour adapter la législation, notamment dans le secteur des transports, de l'énergie, de la politique régionale, de la pêche.

3) L'aide communautaire

Au cours de la période 2000-2002, l'assistance financière annuelle accordée à l'Estonie s'élève à environ 30 millions d'euros pour le programme PHARE (intégration de l'acquis communautaire et cohésion économique et sociale), 12,1 millions d'euros pour le programme SAPARD (développement agricole et rural) et 35 millions d'euros pour le programme ISPA (environnement et transports).

Des réformes restent à faire pour adapter les structures locales à la gestion de fonds communautaires dont le volume atteint désormais 1,7 % du PIB national.

*

L'appréciation portée par la Commission dans son rapport d'évaluation pour 2001 a été très positive et a souligné les progrès réalisés par l'Estonie dans tous les domaines.

Pour sa part, l'Estonie considère qu'elle aura achevé son processus préparatoire dans les délais pour intégrer effectivement l'Union au 1 er janvier 2004 : elle a bon espoir de voir ses négociations d'adhésion se conclure à la fin de l'année 2002. Elle a toutefois exprimé son amertume sur la manière dont les discussions avec l'Union se sont déroulées en 2001, estimant que celle-ci s'était éloignée du principe de traitement individuel des candidatures.

Hongrie

Caractéristiques de la population

10 millions d'habitants dont 600.000 Tsiganes, 200.000 Allemands, 100.000 Slovaques, 80.000 Croates, 25.000 Roumains.

Données économiques : chiffres de l'année 2000

Croissance : 5,2  %

Inflation : 10  %

Taux de chômage : 6,4 %

PIB par habitant : 51  % de la moyenne communautaire

Déficit public : 3,1  %.

Situation du commerce avec l'Union européenne (année 2000)

- 75,1 % des exportations se font vers l'Union européenne

- 58,4  % des importations proviennent de l'Union.

Atouts et handicaps

- Points forts : la Hongrie, qui a reçu depuis 10 ans 42 % des investissements directs étrangers dans les PECO, progresse à un rythme régulier dans la transposition et la mise en oeuvre de l'acquis communautaire ainsi que dans le renforcement de ses capacités administratives ; la Hongrie est membre de l'Alliance atlantique depuis mars 1999.

- Points faibles : la transition vers une économie de marché n'est pas achevée et certains indicateurs demeurent préoccupants (déficit courant, conséquences sociales de l'ajustement, réformes structurelles incomplètes, notamment dans les domaines de la santé, de l'agriculture, de l'énergie, de l'environnement et des transports) ; la Hongrie est sur la liste noire du GAFI (Groupe d'action financière sur le blanchiment des capitaux).

État d'avancement des négociations d'adhésion

Depuis 1990, la politique extérieure de la Hongrie est fondée sur l'entrée dans l'Union européenne et dans l'OTAN.

Demande d'adhésion déposée le 31 mars 1994.

Figurait parmi les pays de la « première vague ».

Vingt-quatre chapitres de négociation provisoirement clos au 31 mars 2002 sur trente et un.

État de l'opinion publique

L'ensemble de la classe politique et de l'opinion hongroises sont favorables à l'entrée dans l'Union européenne.

La candidature de la Hongrie

1) Le respect des critères politiques

La Hongrie continue de remplir les critères politiques de Copenhague et les autorités ont fait des efforts pour améliorer le fonctionnement du système judiciaire et moraliser la fonction publique, en particulier grâce à la revalorisation du traitement des fonctionnaires (70 % pour les trois prochaines années) et l'adoption d'une loi imposant une déclaration de patrimoine pour les hauts fonctionnaires et leur famille.

Pour autant, la stratégie d'ensemble contre la fraude, la corruption, le crime organisé et le blanchiment d'argent, récemment adoptée par le Parlement, reste à mettre en oeuvre : formation des personnels, conversion des comptes d'épargne anonymes en comptes nominatifs, identification des bénéficiaires économiques réels, lutte contre « la corruption de rue » des policiers de terrain, application de la nouvelle politique des visas, renforcement des moyens de surveillance des frontières extérieures, équipement informatique des postes frontières et organisation de la coopération avec les gardes-frontières roumains, ukrainiens et yougoslave.

2) Une évolution économique très favorable

Depuis 1997, l'économie hongroise a progressé à un rythme double de celui de l'Union européenne qui a toujours été supérieur à 4 % (5,2 % en 2000 grâce à une progression de 20 % des exportations). L'assouplissement de la discipline budgétaire à l'approche des élections de 2002, s'il permet un soutien à court terme de la consommation et de la croissance dans un environnement international peu favorable, entraîne toutefois un risque de dérapage de l'inflation, qui est restée jusqu'à la mi 2001 aux alentours de 10 % pour redescendre à 6,8 % en décembre 2001 conduisant à un chiffre global pour 2001 de 9,2 %.

Le chômage en Hongrie est le plus faible de tous les pays candidats malgré de fortes disparités géographiques entre Budapest et certaines villes de l'Est du pays. La réforme du système de santé a été repoussée à plus tard et la réforme du système des retraites a été en partie modifiée en janvier 2002.

La part du commerce extérieur hongrois dans le commerce de l'Union européenne représente maintenant 2,5 % des exportations et 2,3 % des importations de l'Union européenne. Depuis 1989, la libéralisation du commerce extérieur hongrois a permis une progression de 50 % des exportations et un triplement des importations. Le déficit courant reflète la modernisation de cette économie et l'importation de biens de consommation et le déficit commercial est largement couvert par un flot continu d'investissements directs (le plus élevé par habitant de tous les pays candidats).

3) La Hongrie parmi les pays candidats les mieux placés

Après la conclusion d'un accord d'association en décembre 1991, la Hongrie a été le premier pays à déposer une demande formelle d'adhésion en mars 1994. A la fin janvier 2002, la Hongrie avait ouvert la totalité des chapitres (à l'exception des chapitres « institutions » et divers), vingt-quatre avaient été provisoirement clos, les discussions se poursuivant pour les chapitres de la concurrence (caractère discriminatoire des aides fiscales hongroises aux investisseurs étrangers), de l'agriculture (sécurité alimentaire, situation des établissements traitant des produits d'origine animale), de la politique audio-visuelle (difficultés de transposition législative de la directive « télévision sans frontières ») et de la politique régionale.

4) L'aide communautaire

Le programme PHARE a alloué un montant de 1.030 millions d'euros à la Hongrie au cours de la période 1992-1999, 119,8 millions en 2000 et 89,8 millions en 2001. L'essentiel de l'aide communautaire se concentre maintenant sur le renforcement de la capacité administrative nécessaire à la mise en oeuvre effective de l'acquis communautaire, sur le renforcement de la capacité judiciaire et de la surveillance des frontières extérieures (un complément de 19 millions d'euros ayant été ouvert pour des programmes de coopération transfrontalière avec l'Autriche, la Roumanie, la Slovaquie et la Slovénie), l'intégration des minorités et la préparation à la mise en oeuvre des fonds structurels.

La gestion des aides de préadhésion a rencontré quelques critiques dans la mesure où trois ministères sont impliqués, d'autant que les échelons locaux (villes, comitats, régions) qui ont été créés au début de 2001 ne sont pas encore préparés à la gestion future des fonds structurels. Les fonds ISPA (88 millions d'euros en 2000), qui sont destinés à l'environnement (traitement des eaux résiduaires et élimination des déchets solides) et aux transports ferroviaire et routier, sont engagés avec lenteur faute de capacité administrative adéquate dans les ministères de l'agriculture et du développement rural. L'agrément de l'agence de gestion locale SAPARD ayant pris du retard, la Hongrie risque de perdre les 40 millions d'euros destinés au développement agricole.

Si la Hongrie reste un des pays les mieux placés pour le prochain élargissement, quelques dossiers sensibles continuent à poser des problèmes sérieux comme l'état des finances publiques, la situation de l'agriculture, la corruption, les blocages persistants dans le partage des sièges entre majorité et opposition dans les conseils d'administration des media du service public, la mise en oeuvre de la loi sur les Hongrois vivant à l'étranger, source de tension avec les pays voisins.

Lettonie

Caractéristiques de la population

2,4 millions d'habitants : 54 % Lettons, 34 % Russes, 4 % Biélorusses et 4 % Ukrainiens ; 44 % de la population sont russophones et 21 % sont non citoyens lettons.

Données économiques : chiffres de l'année 2000

Croissance : 6,6 %

Inflation : 2,6 %

Taux de chômage : 14,6 % (13,3 % en 2001)

PIB par habitant : 29 % de la moyenne communautaire

Déficit public : 2,8 % (1,7 % en 2001).

Situation du commerce avec l'Union européenne (année 2000)

- 64,6 % des exportations se font vers l'Union européenne

- 52,4 % des importations proviennent de l'Union européenne.

Atouts et handicaps

- Points forts : une reprise économique rapide, après les effets négatifs de la crise russe. Trois ports importants, dont Ventspils. Une politique monétaire efficace. Une inflation maîtrisée. Un secteur bancaire en bonne voie de restructuration. La détermination et le charisme de la Présidente de la République, Mme Vaira Vike-Freiberga.

- Points faibles : des capacités administratives toujours limitées. Des structures locales faibles. De fortes disparités économiques régionales. Des relations qui restent difficiles avec la Russie. La question de la minorité russophone, même si la situation s'améliore. Un taux de chômage élevé, sauf à Riga. Peu de ressources naturelles. La Lettonie demeure le plus pauvre des trois États baltes.

État d'avancement des négociations d'adhésion

Demande d'adhésion déposée le 13 octobre 1995.

Figurait parmi les pays de la « deuxième vague ».

Vingt-trois chapitres de négociation provisoirement clos au 31 mars 2002 sur trente et un.

État de l'opinion publique

Diminution notable du sentiment pro-européen récemment : seuls 33 % des Lettons considèrent que l'adhésion de leur pays est une bonne chose et 46 % voteraient en sa faveur.

La candidature de la Lettonie

1) Des critères politiques globalement respectés

La Lettonie remplit les critères politiques définis à Copenhague. Les difficultés tiennent toujours à l'existence d'une minorité russophone importante et majoritaire dans les grandes villes, dont Riga, aux droits civiques et professionnels limités. L'accès des « non citoyens » à la citoyenneté lettone a toutefois été amélioré depuis 1998 ainsi que les conditions d'usage de la langue officielle lettone, modifiées par la loi du 1 er septembre 2000. Enfin, le Gouvernement a publié, en février 2001, son programme d'intégration sociale prévoyant des mesures en faveur des minorités.

Les mesures prises pour éradiquer la corruption, qui demeure d'un niveau inquiétant, sont jugées constructives, mais doivent être amplifiées. La lutte contre la criminalité organisée, le trafic de stupéfiants, le blanchiment des capitaux et la fraude doit, en outre, être renforcée.

La loi portant organisation de l'administration publique est entrée en vigueur en janvier 2001, définissant les missions, les obligations et les conditions de carrière des fonctionnaires, mais les moyens budgétaires disponibles restent faibles. La réforme du système judiciaire est en cours, mais les progrès demeurent limités, notamment au regard des délais de jugement et de la longueur de la détention préventive.

2) Des progrès économiques à poursuivre

La Commission a conclu que la Lettonie pouvait être considérée comme une économie de marché viable, capable de résister, à moyen terme, aux pressions concurrentielles résultant de son entrée dans l'Union, « à condition qu'elle accomplisse des efforts supplémentaires substantiels pour maintenir le rythme de ses réformes structurelles et les mène à leur terme » .

Après une phase de récession, due aux effets de la crise russe, la croissance a très fortement repris en 2000 pour atteindre près de 7 %, et 8,8 % probablement en 2001. Le déficit public reste contrôlé à 1,75 %, de même que l'inflation demeure maîtrisée (2,2 % prévu pour 2002). La privatisation des terres progresse régulièrement, tandis que celle des grandes entreprises prend du retard. La part du secteur privé dans le PIB atteint désormais 67 %.

• Le chapitre « Environnement » a enregistré des progrès, notamment en matière de gestion des déchets, mais beaucoup reste à faire.

• La préparation de l'entrée dans l'Union européenne du secteur agricole n'en est qu'à sa phase initiale.

• Des progrès ont été accomplis, mais doivent encore se poursuivre, pour adapter la législation notamment dans le secteur des transports, de l'énergie, des télécommunications et de la cohésion économique et sociale.

3) L'aide communautaire

Au cours de la période 2000-2002, l'assistance financière annuelle accordée à l'Estonie s'élève à au moins 30 millions d'euros pour le programme PHARE (intégration de l'acquis communautaire et cohésion économique et sociale), 22,2 millions d'euros pour le programme SAPARD (développement agricole et rural) et est comprise entre 36,4 et 57,2 millions d'euros pour le programme ISPA (environnement et transports).

Des réformes importantes restent à faire pour adapter les structures locales à la gestion de fonds communautaires, notamment pour disposer d'un personnel suffisant et qualifié capable d'assurer la programmation et le suivi des projets.

Lituanie

Caractéristiques de la population

3,7 millions d'habitants : 82 % Lituaniens, 7 % Russes, 7 % Polonais, 1,6 % Biélorusses.

Données économiques : chiffres de l'année 2000

Croissance : 3,3 %

Inflation : 0,9 %

Taux de chômage : 16 %

PIB par habitant : 29 % de la moyenne communautaire

Déficit public : 3,3 %.

Situation du commerce avec l'Union européenne (année 2000)

- 47,9 % des exportations se font vers l'Union européenne

- 43,3 % des importations proviennent de l'Union européenne.

Atouts et handicaps

- Points forts : l'absence de problèmes de minorités. Le plus grand des trois États baltes. Des contacts étroits avec les deux autres pays baltes et la Pologne. Des relations de bon voisinage avec la Russie. Une main-d'oeuvre qualifiée, notamment en savoir-faire technique.

- Points faibles : des capacités administratives et judiciaires toujours limitées. Une politique énergétique sensible, liée à l'existence de la centrale nucléaire d'Ignalina, de type Tchernobyl. Des effets négatifs persistants dus à la crise russe. Un taux de chômage élevé. La fragilité résultant de l'enclave de Kaliningrad aux frontières du pays.

État d'avancement des négociations d'adhésion

Demande d'adhésion déposée le 8 décembre 1995.

Figurait parmi les pays de la « deuxième vague ».

Vingt-quatre chapitres de négociation provisoirement clos au 31 mars 2002 sur trente et un.

État de l'opinion publique

Maintien d'un sentiment pro-européen majoritaire, puisque 50 % des Lituaniens voteraient en faveur de l'adhésion, même si seuls 41 % considèrent que c'est une bonne chose pour leur pays.

La candidature de la Lituanie

1) Des critères politiques respectés

Depuis 1997, la Lituanie continue de respecter les critères politiques de Copenhague. L'instabilité politique des années 2000-2001, qui a conduit à deux changements de gouvernement, n'a pas modifié la ligne de conduite sur l'engagement du pays à adhérer à l'Union.

Sur la même période, toutefois, la Lituanie n'a accompli que des avancées modérées dans l'application des lois sur l'administration publique et la fonction publique. La réorganisation des services s'est certes poursuivie, ainsi que l'effort de recrutement et de formation des fonctionnaires - que le caractère peu attractif des rémunérations rend difficile -, mais des progrès doivent encore être réalisés. La réforme du système judiciaire est en cours, mais elle s'est trouvée freinée par des retards dans la procédure d'adoption des textes, provoquant un vide juridique préoccupant.

Des progrès indéniables ont été accomplis en matière de lutte contre la corruption, mais des problèmes persistent, notamment au sein de l'administration et réclament la mise en oeuvre d'une stratégie globale dont le processus d'adoption est en cours. Les droits de l'Homme et le respect des minorités sont respectés, même si la Lituanie demeure l'un des pays d'origine du trafic des êtres humains, nécessitant la prise de mesures plus radicales de prévention et de répression.

2) Une situation économique en amélioration

La croissance, qui avait été importante jusqu'en 1998, s'est brutalement dégradée en 1999 en raison de la crise russe qui a sévèrement pénalisé les exportations lituaniennes vers les pays de la CEI. La récession, qui a atteint 4,5 % en 1999, a été lentement surmontée par l'adoption d'une orientation libérale, mais ses effets continuent de se faire sentir. Parallèlement, le taux de chômage a avoisiné les 16 % en 2000, voire atteint 20 à 25 % dans certaines régions, et le déficit public s'est creusé. En revanche, grâce notamment au taux de conversion fixe de la monnaie locale par rapport au dollar, l'inflation est restée maîtrisée.

Le processus de privatisation est en voie d'achèvement : la part du secteur privé dans l'économie s'est accrue et produit désormais 72 % de la richesse nationale.

La Commission considère que « la Lituanie est une économie de marché viable. A condition de fournir des efforts supplémentaires importants pour continuer à mettre vigoureusement en oeuvre son programme de réformes structurelles, elle devrait être en mesure dans un proche avenir de faire face à la pression concurrentielle et aux forces du marché au sein de l'Union ».

• L'agriculture, qui occupe encore 25 % de la population active, demeure une question sensible, de même que l'énergie, l'environnement et le contrôle des frontières.

• La question de la fermeture de la centrale nucléaire d'Ignalina, qui comprend deux réacteurs RBMK de type Tchernobyl, est un sujet de discussion avec l'Union. La fermeture du premier réacteur est prévue normalement pour 2005 et une conférence de donateurs s'est tenue en juin 2000 pour réunir des fonds internationaux d'assistance pour son démantèlement (165 millions d'euros promis par l'Union européenne). Les conséquences de cette fermeture, notamment la dépendance énergétique qui en résultera pour le pays, sont assez mal acceptées par les Lituaniens.

• Le pays a continué de progresser dans le domaine de l'environnement et atteint un bon niveau général qui n'empêche pas des disparités entre les secteurs : l'eau, la gestion des déchets et la pollution industrielle exigent des investissements massifs encore difficiles à financer.

3) L'aide communautaire

Au cours de la période 2000-2002, l'assistance financière totale accordée à la Lituanie s'élève à un montant annuel de 126 millions d'euros pour le programme PHARE, de 90 millions d'euros pour le programme SAPARD et d'environ 155 millions d'euros pour ISPA.

Des progrès sont intervenus en matière de politique régionale, notamment la création d'un cadre juridique, mais les capacités administratives sont encore très faibles.

*

La Commission a accordé à la Lituanie un satisfecit relatif dans son rapport de novembre 2001, tout en soulignant la nécessité de renforcer la capacité administrative et judiciaire du pays pour la reprise et la mise en oeuvre de l'acquis communautaire.

Malte

Caractéristiques de la population

391 000 habitants, dont 5 000 étrangers.

Données économiques : chiffres de l'année 2000

Croissance : 5 %

Inflation : 2,4 %

Taux de chômage : 4,5 %

PIB par habitant : 53 % de la moyenne communautaire

Déficit public : 6,6 % du PIB.

Situation du commerce avec l'Union européenne

- 33,5 % des exportations se font vers l'Union européenne

- 59,9 % des importations proviennent de l'Union européenne.

Atouts et handicaps

- Points forts : une économie de marché confirmée, une population active qualifiée, la troisième flotte de commerce du monde, un potentiel touristique bien mis en valeur.

- Points faibles : une absence de consensus politique sur l'objectif de l'adhésion, une économie de taille réduite et marquée par l'insularité, une agriculture fragile, des lacunes en matière d'environnement.

État d'avancement des négociations d'adhésion

Demande d'adhésion déposée en 1990, gelée en 1996, et renouvelée en 1998.

Vingt et un chapitres de négociation provisoirement clos au 31 mars 2002 sur trente et un.

État de l'opinion publique

L'opinion publique maltaise reste très partagée. Le Gouvernement a promis d'organiser un référendum sur l'adhésion. 40 % des Maltais voteraient en faveur de l'adhésion, 36 % voteraient pour et 24 % ne savent pas ou ne comptent pas voter.

La candidature de Malte

1) Des critères politiques aisément respectés

Malte satisfait sans peine aux critères politiques définis à Copenhague. Elle dispose d'un système politique bipartisan d'inspiration britannique, qui fonctionne selon une alternance régulière. La population est homogène et ne connaît pas de problème de minorités, les étrangers en constituant environ 1 %.

Le fonctionnement de l'appareil judiciaire s'est amélioré, avec une réduction de l'arriéré des affaires en souffrance, et des premières mesures ont été prises pour mettre en oeuvre la loi sur les réfugiés.

Des efforts doivent être encore faits en ce qui concerne la protection des données, l'immigration, la politique des visas et la coopération judiciaire.

2) Une situation économique satisfaisante

Malte a depuis longtemps une économie de marché viable, que la Commission estime en mesure de faire face à la pression concurrentielle et aux forces du marché à l'intérieur de l'Union.

L'île a connu au cours de la dernière décennie une croissance soutenue, oscillant entre 4 % et 5 % par an, qui lui a permis de rattraper une grande partie de son retard de niveau de vie par rapport aux États du sud de l'Europe. L'inflation est demeurée faible, à 2,4 % en 2000, et le chômage a été ramené à un niveau particulièrement bas de 4,5 % de la population active.

Seule ombre au tableau, le déficit des administrations publiques se maintient à un niveau assez élevé de 6,6 % du PIB. Il a toutefois décliné depuis 1998, où il représentait 10,8 % du PIB, et le ratio de la dette publique, tout en continuant d'augmenter, demeure à un niveau encore raisonnable de 60,6 % du PIB.

• Le programme de privatisation, après les progrès substantiels accomplis au cours de ses premières étapes, avance plus lentement. Le système de contrôle des prix fausse les prix relatifs dans certains secteurs. D'autres secteurs demeurent très protégés, la libéralisation complète étant prévue pour 2003.

• Une proposition de loi modifiant la loi sur le blanchiment de capitaux et créant un service de renseignement financier reste encore à voter. Malte n'a pas signé la convention civile sur la corruption du Conseil de l'Europe et n'a pas adhéré à la convention de l'OCDE sur la lutte contre la corruption d'agents publics dans les transactions commerciales internationales.

• L'agriculture maltaise est fragile et protégée par un régime de droits d'importation. La reprise de l'acquis vétérinaire et phytosanitaire accuse un retard, et les structures administratives nécessaires à la mise en place d'organisations communes de marché font défaut.

• En dépit des efforts accomplis pour renforcer les moyens d'inspection de l'Autorité maritime maltaise, le taux des navires maltais saisis à la suite de contrôles par l'État du port demeure anormalement élevé (11,8 % en 2000, contre 3,9 % en moyenne communautaire).

• Malte reste caractérisée par la faiblesse de sa capacité administrative en matière d'environnement, alors que l'île est confrontée à des problèmes écologiques majeurs, au premier rang desquels la gestion des déchets et la qualité de l'eau.

3) L'aide communautaire

Au cours de la période 2000-2004, l'aide de pré-adhésion accordée à Malte s'élève à 38 millions d'euros. Une participation de Malte aux programmes régionaux MEDA est également prévue.

*

Dans son rapport d'évaluation pour 2001, la Commission estime que « Malte a continué d'avancer à grands pas dans l'alignement de sa législation sur l'acquis et dans le renforcement de sa capacité administrative » et que « la plupart des priorités à court et à moyen terme recensées dans le partenariat pour l'adhésion ont été partiellement respectées ».

Le gouvernement nationaliste est désormais convaincu que Malte aura achevé sa préparation dans les délais pour intégrer l'Union européenne en 2004. L'opposition travailliste persiste toutefois à refuser de rejoindre l'Europe, et retirerait la candidature de Malte si elle revenait au pouvoir.

Pologne

Caractéristiques de la population

38,6 millions d'habitants.

Données économiques : chiffres de l'année 2000

Croissance : 4,2 %

Inflation : 10,1 %

Taux de chômage : 16,1 % (18,2 % en 2001)

PIB par habitant : 39 % de la moyenne communautaire

Déficit public : 3,5 %.

Situation du commerce avec l'Union européenne (année 2000)

- 70 % des exportations se font vers l'Union européenne

- 61,2 % des importations proviennent de l'Union européenne.

Atouts et handicaps

- Points forts : une position géographique stratégique en Europe. Une candidature symboliquement forte. Le soutien de l'Allemagne. Le plus peuplé des pays candidats. La première destination des investissements étrangers, notamment français. Une capacité forte d'exportations. A adhéré à l'OTAN en mars 1999.

- Points faibles : des capacités administratives toujours limitées. De fortes disparités économiques régionales. Une situation économique encore difficile. Un taux de chômage élevé. Un secteur agricole important. Le problème persistant de l'achat des terres par les étrangers. Une reprise de l'acquis communautaire lente. La responsabilité de la gestion d'une grande part des frontières de l'Union élargie.

État d'avancement des négociations d'adhésion

Demande d'adhésion déposée le 5 avril 1994.

Figurait parmi les pays de la « première vague ».

Vingt-deux chapitres de négociation provisoirement clos au 31 mars 2002 sur trente et un.

État de l'opinion publique

Même si les Polonais redeviennent pro-européens, des réticences subsistent dans l'opinion publique. Les dernières élections législatives ont montré un soutien accru des citoyens aux partis populistes et eurosceptiques. Toutefois, 54 % des suffrages se prononceraient en faveur de l'adhésion.

La candidature de la Pologne

1) Des critères politiques respectés

La Pologne remplit, depuis longtemps, les critères politiques définis à Copenhague. Elle dispose d'institutions stables garantissant la démocratie, la primauté du droit, les droits de l'homme, ainsi que le respect et la protection des minorités. De nouveaux progrès ont été enregistrés au cours de l'année écoulée : ainsi, l'adoption, en avril 2001, d'une nouvelle loi électorale et d'un amendement à la loi sur les partis politiques a permis aux élections législatives du 23 septembre 2001 de se dérouler dans des conditions satisfaisantes de transparence.

La plus grande source de préoccupation reste le nombre encore trop limité de fonctionnaires, insuffisant pour assurer l'émergence d'une fonction publique indépendante, stable et compétente.

Le fonctionnement du système judiciaire continue de s'améliorer et a permis d'endiguer l'augmentation des arriérés de dossiers en souffrance, sans pour autant inverser la tendance, notamment à Varsovie.

La corruption, notamment mais pas exclusivement au sein du système judiciaire, reste une réalité, particulièrement mal perçue dans l'opinion publique polonaise. Des efforts ont été entrepris, et des réalisations acquises, pour lutter contre ce fléau, mais il semble qu'aucune stratégie globale n'ait pour l'instant été clairement définie.

2) Un ralentissement économique sensible

Après plusieurs années de forte croissance, la Pologne a subi un ralentissement économique en 2000, plus marqué encore en 2001, en raison d'un tassement de la demande intérieure imputable aux contraintes de la politique monétaire, à la hausse du chômage (hormis à Varsovie) et à la faible augmentation des salaires.

La situation de l'emploi est particulièrement préoccupante, d'autant qu'elle devrait s'aggraver encore dans l'avenir avec l'arrivée sur le marché du travail des personnes actuellement employées dans le secteur agricole (18,8 % de l'emploi aujourd'hui). Des progrès doivent donc être accomplis dans le fonctionnement des marchés du travail.

Toutefois, la Pologne met en oeuvre une politique volontaire de formation et d'enseignement lui permettant de disposer d'un capital humain apte à affronter la concurrence mondiale.

Pour 2002, les priorités de la privatisation polonaise portent sur le secteur des assurances et de la téléphonie et pourraient aussi concerner notamment les secteurs énergétique, pétrochimique et métallurgique. Sur le plan de la réorganisation des entreprises publiques, les progrès sont évidents pour ce qui concerne le charbon, moins nets pour le secteur de l'acier et encore en devenir pour la restructuration des chemins de fer. L'ensemble du secteur agricole nécessite la prise de mesures pour absorber les excédents de main d'oeuvre, le remembrement des terres et l'amélioration de la productivité agricole.

D'une manière générale, l'économie polonaise, plus large que celle des autres pays candidats, est plus dépendante de la demande intérieure. Elle bénéficie toutefois d'une intégration commerciale avec l'Union européenne très poussée.

Selon la Commission, « la Pologne a une économie de marché viable. À condition qu'elle poursuive et intensifie ses efforts actuels de réforme dans un environnement politique cohérent, elle devrait être en mesure de faire face à la pression concurrentielle et aux forces du marché à l'intérieur de l'Union dans un proche avenir. »

• Dans le secteur de l'agriculture, l'élaboration d'un plan de développement rural a progressé, mais sans déboucher encore sur une stratégie globale cohérente et budgétisée.

• Dans le secteur de l'environnement, un grand nombre de projets sont élaborés, mais l'adaptation de la législation marque le pas, de même que pour l'énergie et les transports. Ces trois domaines nécessitent un renforcement des capacités administratives locales.

• Des progrès notables ont été accomplis en matière de gestion des frontières. Le gouvernement a récemment décidé d'introduire une obligation de visa d'entrée pour les ressortissants russes, ukrainiens et biélorusses à compter du 1 er juillet 2003.

• La question emblématique de la vente de terres aux étrangers pourrait être prochainement réglée grâce à l'adoption d'un compromis autorisant l'achat s'il est précédé d'un accord de location. Cette proposition, qui vient d'être transmise à la Commission, pourrait la conduire à accepter la période transitoire, particulièrement longue, de douze ans demandée par les autorités polonaises sur ce point particulier du chapitre « Liberté de circulation des capitaux ».

• En matière de circulation des travailleurs, la Pologne cherche à négocier des accords bilatéraux avec certains États membres pour lever la période transitoire concernant la limitation d'accès des pays candidats à leurs marchés du travail. L'Espagne devrait en être le premier exemple.

3) L'aide communautaire

Pour la période 2000-2002, l'aide financière annuelle disponible s'élève à 398 millions d'euros pour PHARE, 168,6 millions d'euros pour SAPARD et sera compris entre 312 et 385 millions d'euros pour ISPA. Des progrès importants ont été accomplis en matière de politique régionale mais des structures doivent encore être mises en place pour sa gestion.

*

Le nouveau gouvernement polonais, formé en octobre 2001, a confirmé l'engagement pro-européen de son prédécesseur. Sa stratégie consiste à préparer le pays à l'intégration afin qu'il puisse participer pleinement au fonctionnement de l'Union dès son adhésion, à terminer les négociations fin 2002 pour intégrer l'Union en 2004, à assurer la participation de sa population au processus d'adhésion et à concevoir la contribution polonaise au débat sur l'avenir de l'Union. Il souhaite que la Pologne joue, dans l'Union élargie, le rôle correspondant à sa situation et à son importance en Europe centrale.

La Pologne est ainsi particulièrement vigilante sur l'examen des perspectives financières de la Commission, tant sur le volet « Politique agricole commune », qui la concerne au premier chef, que pour la poursuite de la politique régionale, puisqu'elle bénéficie déjà du tiers des fonds de pré-adhésion. Le Gouvernement polonais a de ce fait jugé inacceptables les propositions européennes de janvier 2002, consistant à accorder des aides directes progressives aux agriculteurs des futurs membres, commençant à 25 % du régime actuellement en vigueur pour n'atteindre 100 % qu'à l'issue d'une période de dix ans.

République tchèque

Caractéristiques de la population

10,2 millions d'habitants : 80 % Tchèques, 3 % Slovaques, 3 % de Tziganes, autres (Polonais, Allemands, Hongrois, Ukrainiens, etc.).

Données économiques : chiffres de l'année 2000

Croissance : 2,9 %

Inflation : 3,9 %

Taux de chômage : 8,8 %

PIB par habitant : 59 % de la moyenne communautaire

Déficit public : 4,2 %.

Situation du commerce avec l'Union européenne

- 68,6 % des exportations se font vers l'Union européenne

- 62 % des importations proviennent de l'Union européenne.

Atouts et handicaps

- Points forts : une situation géographique au centre de l'Europe. Un bon bilan en matière économique et pour la reprise de l'acquis communautaire. Des échanges économiques importants avec l'Union européenne, en particulier avec l'Allemagne.

- Points faibles : des relations compliquées avec ses voisins (l'Allemagne et surtout l'Autriche) en raison de l'histoire (expulsion des Sudètes), cristallisées par le contentieux autour de la centrale nucléaire de Temelin, ainsi qu'avec la Hongrie. Des capacités administratives insuffisantes, notamment en raison de l'absence d'un statut de la fonction publique.

État d'avancement des négociations d'adhésion

Demande d'adhésion déposée en janvier 1996.

Figurait parmi les pays de la « première vague ».

Vingt-quatre chapitres de négociation provisoirement clos au 31 mars 2002 sur trente et un.

État de l'opinion publique

Existence d'un fort courant « eurosceptique ». Une courte majorité de l'opinion soutient néanmoins l'adhésion à l'Union.

La candidature de la République tchèque

1) Le respect des critères politiques

La République tchèque satisfait aux critères politiques du Conseil européen de Copenhague. Malgré les efforts importants du Gouvernement, la Communauté tzigane continue, néanmoins, de subir des discriminations et souffre d'un taux de chômage très élevé.

Si la réforme de la justice a beaucoup progressé, la République tchèque ne dispose toujours pas d'un statut de la fonction publique, ce qui soulève des interrogations sur la « capacité administrative » de ce pays à appliquer l'acquis communautaire.

En outre, le développement de la criminalité organisée, en particulier le trafic des femmes et des enfants, reste un sujet de préoccupation.

2) Une situation économique plutôt positive

Après l'illusion d'un « miracle économique », la République tchèque a connu plusieurs années de récession économique entre 1997 et 2000. Elle a renoué avec une croissance positive en 2000, de l'ordre de 3 %, qui devrait se maintenir en 2001.

Les fondamentaux de l'économie sont plutôt bons. La part du secteur privé dans le PIB s'élève à 80 % et le rythme des privatisations s'est poursuivi. L'inflation reste contenue (autour de 4 %), ainsi que le taux de chômage (8 %), qui touche surtout certaines régions éloignées de la capitale.

L'augmentation du déficit public, ainsi que le problème des retraites (la République tchèque connaît une baisse démographique) sont toutefois préoccupants.

3) Des progrès importants dans les négociations d'adhésion

Après avoir connu un certain retard, la République tchèque a accéléré le rythme de reprise de l'acquis, ce qui lui permet aujourd'hui de se situer dans le peloton de tête des pays candidats par le nombre de chapitres provisoirement clos (en deuxième place, derrière la Slovénie, à égalité avec la Hongrie et Chypre en février 2002).

• La République tchèque a accepté à contrecoeur la période transitoire demandée par l'Union en matière de libre circulation des personnes.

• Le chapitre « Energie » a été provisoirement clos grâce aux consultations bilatérales menées entre Prague et Vienne sur la centrale nucléaire de Temelin.

• Le chapitre des transports soulève encore des difficultés en raison des demandes de transition pour le cabotage routier, réclamées par l'Autriche et l'Allemagne, et du souhait de la République tchèque d'inclure dans son traité d'adhésion un protocole sur la protection de l'environnement en tant que pays de transit.

• Enfin, la position de la République tchèque sur l'agriculture est assez classique. L'agriculture de ce pays ne soulève pas d'enjeux majeurs, étant donné qu'elle ne représente que 4 % du PIB et 4 % de la population active, et qu'elle se caractérise par de grandes exploitations relativement modernes. Cependant, les demandes de périodes transitoires, notamment sur les normes vétérinaires, sont une source d'inquiétude.

4) L'aide communautaire

Au cours de la période 2000-2002, le montant annuel de l'aide communautaire à la République tchèque a atteint près de 80 millions d'euros au titre du programme PHARE, 22 millions d'euros au titre du programme SAPARD et de 55 à 80 millions d'euros au titre d'ISPA. En outre, la République tchèque participe à différents programmes communautaires, tels que Socrates.

*

Après deux rapports plutôt critiques, la Commission européenne vient d'adopter un rapport nettement plus positif pour l'année 2001, qui souligne les progrès réalisés par la République tchèque. Le négociateur en chef de ce pays vient de déclarer que son pays sera en mesure de clore les négociations d'adhésion avant 2003. Effectivement, les derniers chapitres de négociation ne soulèvent pas de difficultés majeures.

Toutefois, la controverse sur les « décrets Benes », c'est-à-dire sur l'expulsion des populations germanophones et des Hongrois de la Tchécoslovaquie et la confiscation de leurs biens en 1945, ainsi que les relations difficiles avec l'Autriche, en particulier sur la question de la centrale nucléaire de Temelin, continuent de peser sur l'adhésion de ce pays à l'Union et pourraient alimenter un sentiment d'« euroscepticisme », qui s'exprime déjà fortement par la voix de M. Vaclav Klaus. Les élections législatives prévues en juin 2002 revêtiront donc une grande importance pour l'adhésion de la République tchèque à l'Union.

Roumanie

Caractéristiques de la population

22,5 millions d'habitants : 85 % Roumains, 8 % Hongrois (surtout en Transylvanie), 5 % Tziganes, 0,5 % Allemands.

Données économiques : chiffres de l'année 2000

Croissance : 1,6 %

Inflation : 45 %

Taux de chômage : 7 % (13 % selon d'autres sources)

PIB par habitant : 23 % de la moyenne communautaire

Déficit public : 4 %.

Situation du commerce avec l'Union européenne (année 2000)

- 64 % des exportations se font vers l'Union européenne

- 56 % des importations proviennent de l'Union.

Atouts et handicaps

- Points forts : une certaine importance géographique et en terme de population. Une relation particulière avec la France qui se traduit par un soutien marqué à l'adhésion (la Roumanie est membre à part entière de la francophonie).

- Points faibles : la Roumanie n'est pas considérée comme une économie de marché viable. La capacité administrative à appliquer l'acquis communautaire est insuffisante.

État d'avancement des négociations d'adhésion

Demande d'adhésion déposée le 22 juin 1995.

Figurait parmi les pays de la « deuxième vague ».

Neuf chapitres de négociation provisoirement clos au 31 mars 2002 sur trente et un.

État de l'opinion publique

L'adhésion de la Roumanie à l'Union européenne (de même que l'entrée dans l'OTAN) fait l'objet d'un large consensus au sein de la population. Toutefois, l'audience du parti ultra-nationaliste de M. Vadim Tudor progresse dans l'opinion. Ce parti a obtenu 20 % des voix aux dernières élections législatives, et M. Tudor a même obtenu 28 % des voix au premier tour des élections présidentielles de décembre 2000, ce qui lui a permis d'être présent au second tour.

La candidature de la Roumanie

1) Le respect des critères politiques

Si la Roumanie satisfait aux critères politiques, fixés par le Conseil européen de Copenhague de 1993, il n'en demeure pas moins que l'adhésion de ce pays à l'Union européenne soulève encore plusieurs difficultés.

Ainsi, si la situation des minorités, en particulier des Hongrois, s'est améliorée, les Tziganes continuent, quant à eux, de subir d'importantes discriminations.

De même, malgré les efforts du Gouvernement, la situation des enfants abandonnés reste un problème sérieux.

Le niveau élevé de la corruption, ainsi qu'une capacité administrative à appliquer l'acquis communautaire jugée insuffisante, sont également source d'inquiétude.

2) Malgré plusieurs progrès, la Roumanie ne remplit pas encore les critères économiques de l'adhésion

Après avoir connu une grave crise économique de 1997 à 1999, la Roumanie a retrouvé un niveau de croissance positive de l'ordre de 1,6 % en 2000, qui reste toutefois le plus faible des pays d'Europe centrale et orientale candidats à l'adhésion.

Les réformes indispensables au redémarrage de l'économie n'ont été mises en oeuvre qu'avec retard, à partir de 1996, et restent encore insuffisantes, en particulier en ce qui concerne la restructuration du secteur public et la maîtrise de l'inflation.

Par ailleurs, la crise sociale demeure profonde et les investissements étrangers restent insuffisants (ils représentent moins de 3 % du PIB).

En 2000, le PIB par habitant était de 23 % de la moyenne communautaire, ce qui plaçait la Roumanie au dernier rang des dix PECO candidats.

3) La Roumanie se situe en queue de peloton des pays candidats à l'adhésion

La Roumanie se situe au dernier rang des pays candidats à l'adhésion par le nombre de chapitres clos (neuf chapitres fermés au début de l'année 2002). Il convient de remarquer, cependant, que les négociations d'adhésion avec ce pays ne se sont ouvertes qu'au début de l'année 2000.

• Le problème majeur reste la situation économique qui nécessite de profondes réformes structurelles.

• L'autre priorité est la lutte contre la corruption et la formation des cadres administratifs et judiciaires, afin de renforcer les capacités administratives et judiciaires de ce pays à appliquer l'acquis communautaire.

• L'environnement est également un sujet de préoccupation, notamment la pollution du Danube.

• Enfin, l'agriculture occupe encore une place très importante au sein de l'économie (avec plus de 40 % de la population active et une part de 12 % du PIB) et devra faire l'objet d'une profonde réforme structurelle.

4) L'aide communautaire

Au cours de la période 2000-2002, l'aide communautaire accordée à la Roumanie s'est élevée en moyenne annuelle à un montant de 260 millions d'euros pour le programme PHARE, de 150 millions d'euros au titre du programme SAPARD, et entre 210 et 270 millions d'euros pour le programme ISPA.

*

Bien qu'elle ait, dans son rapport pour 2001, souligné les « progrès substantiels » réalisés par la Roumanie, la Commission européenne a recommandé récemment d'écarter dans un premier temps la Roumanie et la Bulgarie et de ne faire entrer que les dix autres pays candidats au 1 er janvier 2004. Le ministre français des Affaires étrangères, M. Hubert Védrine, a alors souligné l'inconvénient de laisser ces seuls deux pays en dehors de l'Union, à la grande satisfaction des autorités roumaines.

Au départ, ces dernières se fixaient l'objectif d'une adhésion à l'Union européenne au 1 er janvier 2007. Toutefois, elles craignent que ce premier élargissement ait pour effet de retarder l'adhésion de la Roumanie. Les autorités roumaines ont donc annoncé récemment qu'elles allaient accélérer les négociations d'adhésion, afin de montrer leur disponibilité à adhérer au 1 er janvier 2004.

Slovaquie

Caractéristiques de la population

5,4 millions d'habitants.

Données économiques : chiffres de l'année 2000

Croissance : 2,2 %

Inflation : 12,1 %

Taux de chômage :18,6 %

PIB par habitant : 48  % de la moyenne communautaire

Déficit public : 6,7 %.

Situation du commerce avec l'Union européenne (année 2000)

- 59  % des exportations se font vers l'Union européenne

- 49  % des importations proviennent de l'Union.

Atouts et handicaps

- Points forts : mise en place réussie de la décentralisation et assainissement du secteur économique (notamment bancaire) ; croissance en progression continue depuis trois ans ; maîtrise de l'inflation ; progrès de l'Etat de droit.

- Points faibles : persistance d'un chômage très élevé ; existence d'une corruption souvent dénoncée, mais faiblement combattue ; faillite récente de fonds pyramidaux qui a touché 200.000 épargnants pour un montant de 320 à 440 millions de dollars.

État d'avancement des négociations d'adhésion

Demande d'adhésion déposée le 27 juin 1995.

Figurait parmi les pays de la « deuxième vague ».

Vingt-trois chapitres de négociation provisoirement clos au 31 mars 2002 sur trente et un.

État de l'opinion publique

Deux tiers des Slovaques soutiennent l'objectif d'adhésion à l'Union européenne.

La candidature de la Slovaquie

1) Le respect des critères politiques

La Slovaquie continue de remplir les critères politiques pour l'adhésion et elle a progressé dans la consolidation de son système démocratique et dans le fonctionnement normal de ses institutions. Toutefois le rythme du processus de réforme s'est ralenti en raison de dissensions au sein de la coalition au pouvoir.

Des progrès ont également été enregistrés dans la lutte contre le crime et la corruption, mais les résultats dans ce domaine restent pour l'instant insuffisants et les bonnes intentions affichées tardent à se traduire dans les faits.

L'élaboration de solutions aux problèmes des minorités progresse, mais il reste un décalage entre la formulation des politiques et leur mise en oeuvre sur le terrain. L'amélioration de la situation de la minorité tsigane, qui constituait une priorité à court terme du partenariat pour l'adhésion de 1999, ne s'est pas vraiment fait sentir.

L'adoption de la loi sur la fonction publique et le lancement de la stratégie de réforme de l'administration publique ont également pris du retard.

2) Une situation économique en voie d'amélioration, mais toujours fragile

Selon les chiffres du ministère français des finances, avec 3,3 % de croissance en 2001, la Slovaquie rejoint ses pays voisins grâce à une reprise économique tirée par la demande interne, active surtout pour les investissements qui ont été la conséquence d'importants flux d'investissements extérieurs en l'an 2000.

Cette croissance, dans un environnement extérieur incertain et alors que des allégements de la fiscalité ont été effectués sans compensation par des économies, a pour conséquence une dégradation de la situation budgétaire. La situation de la balance commerciale (- 10,7 % du PIB) et du compte courant (- 9 %) n'est pas préoccupante à court terme en raison des recettes de privatisation, mais elle n'est pas soutenable à moyen terme.

En mars 2002, la Slovaquie a décidé de céder 49 % du capital de son monopole gazier SPP à un consortium associant Gaz de France, l'allemand Ruhrgaz et le russe Gazprom pour un montant de 3,1 milliards d'euros. Le système gazier slovaque connaît un taux de raccordement élevé (90 % des ménages et 66 % des communes) et le réseau est parmi les plus denses d'Europe. La Slovaquie est, avec l'Ukraine, le principal transporteur de gaz russe et sa position la rend presque incontournable pour les pays d'Europe du Sud-Ouest. Cette activité de transit de l'ordre de 90 milliards de m 3 transportés par an apporte des revenus substantiels à l'entreprise SPP.

3) Des progrès dans les négociations d'adhésion

Depuis juin 2001, les négociations sont ouvertes sur tous les chapitres à l'exception des chapitres « Institutions » et « Divers ».

La Slovaquie a accepté en septembre 2001 les recommandations spécifiques du rapport du Conseil sur la sécurité nucléaire ainsi que l'accord cadre passé avec la BERD en novembre 2001, qui prévoit un démantèlement des réacteurs 1 et 2 de la centrale de Bohunice au plus tard en 2006 et 2008.

4) L'aide communautaire

Au cours de la période 2000-2002, le montant annuel de l'aide communautaire à la Slovaquie s'élève à environ 78 millions d'euros au titre du programme PHARE, 18,6 millions d'euros au titre du programme SAPARD et de 42,4 millions d'euros au titre d'ISPA. Le programme PHARE a notamment engagé 25 millions d'euros pour l'aide au démantèlement du premier réacteur de la centrale nucléaire de Bohunice.

En outre, la Slovaquie participe à différents programmes communautaires, tels que Socrates, Leonardo, Jeunesse, PME, Culture 2000, SAVE, TAIEX.

Slovénie

Caractéristiques de la population

1,99 million d'habitants, dont 9 000 Hongrois, 3 800 Italiens, 10 000 Tziganes, 50 000 Serbes et 50 000 Croates.

Données économiques : chiffres de l'année 2000

Croissance : 4,6 %

Inflation : 8,9 %

Taux de chômage : 7 %

PIB par habitant : 72 % de la moyenne communautaire

Déficit public : 2,3 % du PIB.

Situation du commerce avec l'Union européenne (Année 2000)

- 63,8 % des exportations se font vers l'Union européenne

- 67,8 % des importations proviennent de l'Union européenne.

Atouts et handicaps

- Points forts : une économie ouverte sur l'extérieur et assise sur un tissu de PME, le niveau de vie le plus élevé de tous les pays candidats, une population active qualifiée et productive, de bonnes infrastructures et un environnement préservé ;

- Points faibles : des prix agricoles élevés, une importante immigration clandestine de transit.

État d'avancement des négociations d'adhésion

Ouverture des négociations en mars 1998.

Vingt-six chapitres de négociation provisoirement clos au 31 mars 2002 sur trente et un.

État de l'opinion publique

Le Parlement a décidé de soumettre à référendum l'adhésion de la Slovénie à l'Union européenne, bien qu'il ne s'agisse pas d'une obligation constitutionnelle.

56 % des Slovènes voteraient en faveur de l'adhésion, 22 % voteraient contre et 22 % ne savent pas ou ne comptent pas voter.

La candidature de la Slovénie

1) Des critères politiques respectés

La Slovénie dispose désormais d'institutions stables garantissant la démocratie et l'État de droit. La réforme de la justice a été efficace, permettant de résorber l'arriéré des affaires pendantes.

Une attention doit être accordée au comportement des services de police, en ce qui concerne un certain nombre de cas allégués de mauvais traitements.

Le statut des citoyens des anciennes républiques yougoslaves résidents de Slovénie est en cours de régularisation. La Constitution slovène reconnaît des droits spéciaux aux minorités hongroise, italienne et tzigane.

2) Une économie ouverte et compétitive

La Commission a estimé que la Slovénie est une économie de marché qui fonctionne et se caractérise par une stabilité macroéconomique confirmée, une bonne maîtrise budgétaire, une balance courante soutenable, une dette extérieure relativement faible et un degré élevé d'intégration économique internationale.

La croissance, tout en ralentissant légèrement par rapport à 1999, est restée forte en 2000 : 4,6 %. Le déficit des administrations publiques s'est légèrement aggravé pour atteindre 2,3 % du PIB en 2000. Cette évolution est jugée préoccupante par la Commission, de même que l'accélération de l'inflation, qui a atteint un rythme de 8,9 % en 2000, du fait d'un recours généralisé à l'indexation et d'une politique monétaire très accommodante.

Le programme de privatisation progresse lentement, la part du secteur privée dans l'économie atteignant désormais 64 % de la valeur ajoutée brute.

La Slovénie, qui était la plus développée des républiques yougoslaves, est aussi le pays candidat dont le niveau de vie est le plus élevé, avec un PIB par habitant représentant 72 % de la moyenne communautaire. Elle dispose d'un tissu de PME renforcé au cours des dix dernières années, qui représente 31 % de la production totale et 42 % des emplois. La population active a un bon niveau de formation et une productivité relativement élevée, égale à 71 % de la moyenne communautaire.

L'économie slovène est très ouverte, les échanges commerciaux (importations + exportations) représentant 105 % du PIB en 2000.

• Les prix agricoles slovènes sont dans l'ensemble plus élevés que ceux des États membres de l'Union européenne, et la libéralisation des échanges agricoles s'est jusqu'à présent traduite par une baisse du revenu des paysans. La Slovénie demande à être autorisée à financer des aides directes à ses agriculteurs sur son budget national, en espérant que le budget communautaire pourra prendre le relais au cours de la prochaine période de programmation financière.

• Dans le domaine industriel, des programmes de restructuration et de privatisation ont été mis en oeuvre dans les deux secteurs clés de la sidérurgie et du textile et de la chaussure.

• La Slovénie et la Croatie sont parvenues à un accord concernant l'appartenance conjointe de la centrale nucléaire de Krsko, mise en conformité au regard des normes de sûreté.

• Compte tenu de son niveau de vie, la Slovénie risque de dépasser le seuil de 75 % du PIB par habitant d'une Union élargie, et de perdre le bénéfice des aides régionales si elle est assimilée tout entière à une seule région. Elle a donc demandé à pouvoir être subdivisée en trois régions, par dérogation à la norme minimale de 800.000 habitants par région. Il lui reste encore à développer les procédures de gestion et de contrôle des fonds structurels.

• Le niveau d'alignement sur l'acquis communautaire est élevé dans le domaine de l'environnement, et la Slovénie dispose des capacités administratives correspondantes.

• La Slovénie est un pays de transit pour les immigrés clandestins, le long des frontières avec la Hongrie et la Croatie. En 2000, quelque 36.000 franchissements frontaliers illégaux ont été recensés, soit une hausse de 91 % par rapport à l'année précédente. Le plan d'action Schengen adopté en mai 2001 prévoit le recrutement de 500 policiers par an jusqu'en 2005. La Slovénie doit encore se doter de capacités d'accueil des demandeurs d'asile distinctes des centres d'hébergement des immigrés clandestins.

3) L'aide communautaire

Au cours de la période 2000-2002, l'assistance financière annuelle accordée à la Slovénie s'élève à 25 millions d'euros pour le programme PHARE (intégration de l'acquis communautaire et cohésion économique et sociale), 6,5 millions d'euros pour le programme SAPARD (développement agricole et rural) et entre 10,8 et 21,7 millions d'euros pour le programme ISPA (environnement et transports).

*

Dans son rapport d'évaluation pour 2001, la Commission estime que la Slovénie a progressé dans quasiment tous les domaines de transposition de l'acquis communautaire et ne signale pas de lacunes graves.

Le débat sur l'avenir de l'Union européenne trouble une partie de l'opinion publique slovène, qui a conservé un mauvais souvenir de l'expérience de la Fédération yougoslave.

Il y a aujourd'hui tout lieu de penser que les négociations engagées avec dix des pays candidats à l'Union européenne s'achèveront avant la fin de l'année en cours. Le traité d'élargissement pourrait alors être signé au cours du premier semestre 2003, avant que ne commence le processus de ratification.

C'est pourquoi, au moment où la Communauté européenne commence la rédaction du projet de Traité, il a paru intéressant d'examiner :

- l'interaction entre l'élargissement et les réformes des institutions de l'Union,

- le volet « Justice et affaires intérieures » de l'élargissement,

- l'incidence de l'élargissement sur le budget de l'Union européenne,

- le volet agricole,

- la politique de cohésion économique et sociale.

Ces approches horizontales sont complétées par des fiches synthétiques présentant l'état de préparation de chacun des douze pays avec lesquels les négociations ont été engagées.

* (1) En 1981, la Grèce s'est vu accorder une réduction, dégressive sur cinq ans (de 70 % à 10 %), de ses contributions au titre des recettes de TVA. En 1986, l'Espagne et le Portugal ont obtenu une réduction, dégressive sur six ans (de 87 % à 5 %), de leurs contributions au titre des recettes de TVA, réduction qui a été étendue aux contributions liées au PNB lors de leur introduction en 1988. En 1995, l'Autriche, la Finlande et la Suède ont bénéficié, sur le budget général, de paiements forfaitaires dégressifs sur quatre ans, qui sont passés de 1,5 milliard d'euros en 1995 à 0,7 milliard en 1996, à 0,2 milliard en 1997 et à 0,1 milliard en 1998.

* (2) Premier rapport d'étape sur la cohésion - Janvier 2002 - « Unité de l'Europe, solidarité des peuples, diversité des territoires ».

* (3) Les données fournies se réfèrent au territoire contrôlé par la République de Chypre, soit environ 63 % du territoire.

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