b) Un pôle d'impulsion potentielle
Actionnaire majoritaire, l'Etat peut infléchir, dans la limite des intérêts stratégiques de l'entreprise, la conduite des affaires dans le sens des grandes politiques dont il a la charge : solidarité sociale, service public, aménagement du territoire. Il a aussi comme mission centrale d'être un partenaire vigilant de la société dont il contrôle le capital : encourager ses engagements porteurs d'avenir, tempérer des initiatives lui semblant receler des dangers.
C'était là l'une des ambitions clefs de la loi sur l'entreprise nationale France Télécom et votre rapporteur considère qu'elle est toujours d'actualité.
Malheureusement, force est de constater que la réalité des cinq dernières années n'a pas été à la hauteur de cette ambition.
Le rapport sur la réglementation des télécommunications, préparé par notre collègue Pierre Hérisson, fait apparaître un bilan plus que décevant de l'action de l'Etat au plan du service public, de l'aménagement du territoire et de la solidarité sociale.
La conduite de l'Etat en qualité d'actionnaire majoritaire doit faire l'objet d'une appréciation plus nuancée. L'opérateur lui-même ne déclare-t-il pas que « L'Etat s'est comporté comme un actionnaire majoritaire « normal » » 46 ( * ) et l'expansion voulue en 1996 n'a-t-elle pas eu lieu ?
Cette appréciation est toutefois ternie par l'ombre du dossier UMTS. En ce domaine, les erreurs du Gouvernement ont été lourdes.
N'a-t-il pas approuvé, en décembre 1998, au sein des instances européennes, le déploiement prématuré des réseaux UMTS ?
N'a-t-il pas, ensuite, laissé l'opérateur s'engager indirectement dans l'engrenage fatal des enchères anglaise et allemande en l'autorisant à acheter à prix d'or des sociétés (Orange, MobilCom) ayant elles-mêmes acquis à des prix sidérants les fameuses licences ?
Si on analyse les effets du mécanisme, ils confinent au paradoxe : France Télécom n'a-t-il pas ainsi contribué à abonder les budgets britanniques et allemands ? Bien plus, épuisée par l'effort consenti hors de nos frontières, l'entreprise n'a pas pu satisfaire aux appétits budgétaires du gouvernement français. Ce dernier -tout actionnaire qu'il fût- a bien cherché à la pressurer, selon les exemples donnés outre-Manche et outre-Rhin, mais « arrivé, comme les carabiniers », après que ces folles enchères aient rendu exsangues les acteurs européens du secteur, il a dû y renoncer.
Quoi qu'il en soit, si les contribuables britanniques et allemands peuvent être « reconnaissants » des arbitrages pris par le gouvernement français, les centaines de milliers de Français actionnaires de France Télécom, les salariés de l'entreprise et les contribuables français ne le peuvent guère. Ce sont eux qui vont payer le coût de ces insuffisances de visions sur les perpectives UMTS.
Faut-il en déduire que confrontés aux errements du marché, l'Etat est condamné à n'être qu'un actionnaire réglant sa conduite sur les pulsions des places financières ? Votre rapporteur ne le pense pas. La soumission aux modes boursières des derniers temps tend toutefois à conforter ceux qui estiment que si l'Etat actionnaire n'a aucune influence spécifique, son maintien n'est pas nécessaire dès lors que sa présence emporte des inconvénients. En définitive, les erreurs gouvernementales dans la conduite de France Télécom donnent des arguments aux partisans de la privatisation.
* 46 Réponse précitée au questionnaire envoyé.