ANNEXE N° VI -

AUDITION DE M. MICHEL BON,
PRÉSIDENT DE FRANCE TÉLÉCOM
LE 29 JANVIER 2002

M. Michel Bon a tout d'abord estimé que l'évolution de France Télécom ces cinq dernières années pouvait préfigurer les réformes à venir dans d'autres secteurs susceptibles d'être ouverts à la concurrence. Il a rappelé que deux lois avaient été adoptées en 1996, l'une transposant en droit français des directives européennes ouvrant à la concurrence le secteur des télécommunications, l'autre transformant l'établissement public France Télécom en entreprise nationale. Il a jugé utile, cinq ans après leur adoption, de faire un bilan de la mise en oeuvre de ces deux réformes.

S'agissant tout d'abord de la transformation de France Télécom, il a rappelé que l'entreprise était confrontée, en 1996, à un bouleversement de son environnement, 90 % de son chiffre d'affaires étant issu de son monopole sur la téléphonie fixe en France, dont l'ouverture à la concurrence se trouvait programmée, ce qui impliquait une baisse de ses parts de marché et une guerre prévisible sur les prix de la part des nouveaux entrants sur ce marché. Il a souligné que ce choc concurrentiel programmé par les directives européennes était en large partie responsable de l'inquiétude des salariés à l'époque.

Pour faire face au défi concurrentiel, M. Michel Bon a décrit la stratégie mise en oeuvre par France Télécom à compter de 1996 :

- une baisse des prix et une amélioration de l'offre de services sur la téléphonie fixe, de nature à en développer les usages et à compenser ainsi la baisse prévisible du chiffre d'affaires ;

- le développement des nouveaux usages : téléphonie mobile, connexions à Internet et échange de données pour les entreprises ;

- un fort développement international offrant des opportunités sur les marchés nouvellement libéralisés.

M. Michel Bon a tiré un bilan positif de la mise en oeuvre de cette stratégie. Il a tout d'abord constaté que les usages s'étaient développés en matière de téléphonie fixe, les volumes de trafic ayant augmenté, entre 1996 et 1998, sous l'effet des nouvelles politiques tarifaires. Il a précisé que le prix d'une minute de communication interurbaine était revenu de 2,30 francs à 0,25 franc, soit dix fois moins en quelques années, ce qui avait représenté, pour l'entreprise, un choc important, puisque portant sur un tiers de son chiffre d'affaires. Il a considéré que l'élasticité-prix de la demande avait, dans un premier temps, permis une croissance du volume de trafic, mais que, dans un second temps, ce volume avait diminué, notamment sous l'effet d'un basculement du trafic fixe vers la téléphonie mobile.

En ce qui concerne le deuxième axe stratégique, le développement des nouveaux usages, M. Michel Bon a indiqué que la téléphonie mobile comptait désormais en France 37 millions d'abonnés contre un peu plus d'un million en 1996, et qu'il était devenu un élément de la vie quotidienne des Français, et ce malgré l'écart de prix entre les appels passés depuis un poste fixe et les appels passés depuis un téléphone mobile. Il a relevé que chaque minute de communication reportée du téléphone fixe vers le téléphone mobile constituait une perte pour France Télécom, qui détient des parts de marchés plus importantes en matière de téléphonie fixe que mobile (48 % de part de marché pour Orange). Quant à Internet, à peine balbutiant en 1996, il a relevé qu'un tiers des Français était désormais connecté et que la technologie ADSL (Asynchronous Digital Subscriber Line), permettant une connexion à haut débit, se diffusait. Enfin, il a relevé que le segment de marché du transfert de données pour les entreprises avait, lui aussi, décollé. En conclusion, M. Michel Bon a constaté que cinq ans après l'ouverture à la concurrence, France Télécom réalisait au total un chiffre d'affaires en France supérieur à celui atteint en 1996 sous le régime du monopole. Il a toutefois relevé que la rentabilité de l'entreprise, sur le marché français, avait, quant à elle, reculé, en raison de la baisse du volume de trafic sur la téléphonie fixe, de 2 à 5 % en moyenne.

M. Michel Bon a enfin fait le bilan du troisième axe stratégique de développement de l'entreprise, l'expansion internationale : centrée sur le marché européen, elle permet aujourd'hui de réaliser 36 % du chiffre d'affaires hors de France (8,7 milliards d'euros en 2001), contre moins de 2 % en 1995. Il a précisé que ce développement international s'était focalisé sur les nouveaux usages : téléphonie mobile avec Orange, Internet avec, notamment, le développement de Wanadoo au Royaume-Uni et en Espagne, et le segment du transport des données des grandes entreprises avec d'abord Global One, ensuite fusionnée avec Equant, pour former le numéro un mondial de ce segment de marché.

M. Michel Bon a considéré que France Télécom était engagée dans une croissance vertueuse avec, sur les trois dernières années, une hausse -à périmètre comparable- du chiffre d'affaires de l'ordre de 10 % par an et une augmentation encore supérieure de l'excédent brut d'exploitation et du résultat opérationnel. Il a toutefois relevé que les récentes acquisitions, immédiatement suivies d'un brutal retournement des marchés boursiers, avaient conduit l'entreprise à s'endetter plus qu'il n'était initialement envisagé, les conditions de marché rendant problématique le refinancement en fonds propres. Il a ainsi fait observer que les 15 milliards d'euros initialement attendus de la remise sur le marché d'actions de France Télécom -émises à l'occasion du rachat d'Orange- n'avaient pu être perçus, cette opération ayant été reportée à cause des mauvaises conditions de marché. En outre, la mise en bourse d'Orange n'avait rapporté que six à sept milliards d'euros à France Télécom, contre 15 milliards d'euros un temps envisagés.

M. Michel Bon a considéré que si la dette du groupe France Télécom était plus importante que celle initialement envisagée, elle ne représentait pas un risque et restait supportable. Il a souhaité qu'elle soit rapidement réduite, observant que le rythme de cette réduction serait fortement lié à l'amélioration de la conjoncture des marchés financiers.

Abordant le deuxième thème de son exposé, relatif au bilan de l'ouverture à la concurrence des télécommunications, le président de France Télécom a jugé la situation française similaire à celle des autres pays européens, relevant que l'État, qui s'était vu doté, à l'inverse des autres pays européens, par la loi de 1996, d'un rôle particulier, n'avait pas eu un comportement différent de celui observé à l'étranger, laissant à l'Autorité de régulation des télécommunications (ART) le soin d'assurer le rôle de régulateur du secteur.

Il a toutefois considéré que le cadre réglementaire fixé en 1996 découlait de directives européennes imaginées à Bruxelles à la fin des années 80, et ne convenait plus à la réalité actuelle du secteur des télécommunications. En particulier, il a relevé que ni le développement de la téléphonie mobile, ni celui d'Internet n'avaient été prévus et que le corpus réglementaire actuel s'attachait essentiellement à briser un monopole -qui avait vécu- sur la téléphonie fixe.

M. Michel Bon a relevé que la concurrence était désormais bien implantée, non seulement sur la téléphonie mobile, mais également sur la téléphonie fixe où France Télécom a perdu 36 % de parts de marché en l'espace de quatre ans, soit un rythme bien supérieur à celui envisagé à l'aube de la libéralisation. En conséquence, il a souhaité que le secteur des télécommunications soit désormais soumis au droit commun de la concurrence et aux autorités chargées de le faire respecter, n'estimant pas nécessaire -hors les questions d'interconnexion- le maintien d'un trop lourd corpus réglementaire spécifique au secteur.

M. Pierre Hérisson, président du groupe d'étude « Poste et télécommunications » , a tout d'abord relevé que la réussite de la stratégie de désendettement de l'entreprise était conditionnée par la remontée du cours de bourse de son action. Evoquant de récents propos du ministre de l'économie et des finances sur la privatisation éventuelle de France Télécom, il a souhaité savoir s'il semblerait souhaitable, dans cette perspective, à l'état-major de France Télécom que l'État garde une minorité de blocage au capital, et demandé s'il convenait d'envisager des changements dans le mode de fonctionnement du conseil d'administration. Il s'est également interrogé, toujours dans cette perspective, sur les modalités du maintien du statut des fonctionnaires de France Télécom. Il a souhaité savoir quelle appréciation portait le président de France Télécom sur le périmètre et le financement du service universel des télécommunications et sur la question de son éventuel élargissement. Il a demandé pourquoi l'itinérance locale entre opérateurs de téléphonie mobile -c'est-à-dire l'obligation d'acheminer sur son réseau les appels des abonnés d'un autre opérateur- n'avait pas été mise en oeuvre pour compléter la couverture territoriale, cette solution s'avérant, globalement, moins coûteuse qu'un simple partage d'infrastructures et plus satisfaisante pour le consommateur. Il a, enfin, souhaité savoir quelle était la réponse de France Télécom face aux inquiétudes manifestées par des consommateurs ou des élus sur la nocivité éventuelle des rayonnements électromagnétiques liés aux antennes-relais de téléphonie mobile.

M. Dominique Braye a regretté que la diffusion inégale sur le territoire de technologies telles que la téléphonie mobile ou l'ADSL ne creuse un fossé entre zones denses et zones rurales, alors que les technologies de l'information auraient, au contraire, pu gommer certaines inégalités territoriales.

M. Jacques Bellanger a considéré que le ratio « bénéfice/endettement » était plus significatif que la valeur absolue de la dette. Déplorant que, lors d'une récente audition de représentants de l'ART, le thème du développement de la concurrence n'ait primé sur la préoccupation d'aménagement du territoire, il a relevé que le président de France Télécom s'inscrivait dans une logique similaire, ce qui était, à son sens, plus compréhensible, l'entreprise ne pouvant à la fois, selon lui, affronter la concurrence et remplir des missions d'aménagement du territoire. Il a considéré que les gouvernements, quels qu'ils soient, avaient tendance à demander aux collectivités locales de financer une part croissante des équipements de télécommunications, ce qui était un facteur d'inégalité entre collectivités riches et collectivités pauvres. Il a estimé qu'aucune entreprise ne souhaiterait désormais s'implanter dans une zone où une connexion à haut débit, via l'ADSL par exemple, ne serait pas disponible. Il a considéré qu'une péréquation accrue serait nécessaire et a remis en cause l'efficacité du fonds de service universel pour remplir cet objet.

M. Gérard Larcher, président , a interrogé M. Michel Bon sur une éventuelle extension du service universel à la téléphonie mobile.

En réponse à M. Jacques Bellanger, M. Michel Bon a tout d'abord jugé que France Télécom avait la capacité de rembourser son endettement : en 2001, par exemple, année d'endettement record, les frais financiers et de remboursement de la dette n'avaient représenté que 30 % de l'excédent brut d'exploitation, ratio à son sens soutenable. Il a précisé que le désendettement était amorcé et que la dette était, certes, un souci pour l'entreprise, mais pas un risque.

Répondant à M. Pierre Hérisson sur la composition du capital de l'entreprise, M. Michel Bon a estimé que ce n'était pas aux dirigeants de choisir leurs actionnaires, mais bien aux actionnaires de choisir leurs dirigeants, et qu'il ne saurait, en conséquence, porter de jugement sur la question de la privatisation éventuelle de l'entreprise. Il a, en revanche, estimé qu'il serait de son devoir de faire savoir, le cas échéant, si le comportement d'un actionnaire lui apparaissait contraire aux intérêts de l'entreprise, mais que tel n'avait pas été le cas, s'agissant de l'État, jusqu'à présent.

En revanche, il a estimé qu'on pouvait, en tant que citoyen, se poser deux questions :

- pourquoi la France est-elle le dernier des grands pays européens à avoir un Etat majoritaire au capital de son opérateur de télécommunications ; seules la Belgique, la Suisse et la Suède étant encore dans ce cas et souhaitant, d'ailleurs, évoluer sur ce point ?

- que fait l'État de sa position majoritaire au capital de France Télécom ? Sur ce point, M. Michel Bon a considéré que l'État actionnaire n'avait pas donné, ces dernières années, d'autres directives à l'état-major de l'entreprise que celles fournies par les marchés financiers : faire des acquisitions à l'étranger, se désendetter... Il a donc estimé que la question se posait, dans ces conditions, de la justification théorique de la présence majoritaire de l'État au capital de l'entreprise.

M. Michel Bon a cependant considéré qu'un éventuel désengagement de l'État ne pourrait se faire qu'au rythme de la capacité des marchés financiers à absorber la participation qu'il souhaiterait, le cas échéant, céder. A cet égard, il a estimé que le scénario le plus probable serait celui d'un désengagement progressif.

En matière de droit social applicable au sein de l'entreprise, le président de France Télécom a relevé que le droit de la fonction publique s'appliquait, en vertu de la loi de 1996 et qu'il n'y avait donc pas de comité d'entreprise au sein de France Télécom SA. Il a considéré qu'il serait, certes, envisageable de constituer des organes représentatifs du personnel selon les modalités prévues dans les sociétés de droit privé, mais qu'un tel système devrait se substituer à l'organisation actuelle et ne lui semblait pas envisageable tant que l'entreprise compterait une large majorité de fonctionnaires. Il a jugé indispensable, dans tous les cas de figures, que le dialogue social demeure nourri à France Télécom.

Quant au fonctionnement du Conseil d'administration de France Télécom, M. Michel Bon a précisé qu'en vertu de la loi sur la démocratisation du secteur public, des représentants élus du personnel y siégeaient, et étaient placés, de facto, dans une position ambiguë, puisqu'à la fois tenus à un devoir de confidentialité, en tant qu'administrateurs, et devant -légitimement- rendre des comptes aux salariés en tant que représentants élus. Il a estimé que, dans ces circonstances, le conseil d'administration jouait son rôle de contrôle du management mais n'était pas à même de remplir sa deuxième fonction, celle d'être une enceinte pour les réflexions stratégiques de l'entreprise. Il a considéré qu'un éventuel passage de l'État sous la barre de la majorité du capital devrait, logiquement, s'accompagner d'un alignement des modalités de fonctionnement du conseil d'administration sur le droit commun.

Répondant au président Gérard Larcher sur le service universel des télécommunications, M. Michel Bon a fait observer que sa définition légale était elle aussi largement liée à la réalité des années 1980, puisque cantonnée à la téléphonie fixe et à la publiphonie, France Télécom se devant de maintenir une cabine téléphonique dans chaque commune, obligation qui, dans les zones couvertes par le téléphone mobile, avait quelque peu perdu de son actualité. Il a jugé raisonnable d'envisager une extension du service universel à la téléphonie mobile.

En réponse à M. Jacques Bellanger, M. Michel Bon a fait observer que la péréquation tarifaire jouait naturellement pour la téléphonie mobile puisque le prix de la communication était identique quelle que soit la portion du territoire d'où elle était passée. Il a également affirmé que la péréquation tarifaire sur la téléphonie fixe avait été préservée par la loi de 1996, France Télécom offrant, en tous points du territoire, des tarifs identiques d'abonnement et de communication, malgré des coûts de revient très différents suivant la densité des zones raccordées. Il a précisé que cette péréquation tarifaire faisait partie du service universel, dont la loi de 1996 avait prévu que les coûts soient en partie remboursés à France Télécom par l'ensemble des opérateurs. Il a jugé que le remboursement perçu par France Télécom était insuffisant et souhaité une consolidation des mécanismes de financement public de ce type de missions.

En matière de couverture territoriale par la téléphonie mobile, M. Michel Bon a fait observer que certaines zones peu denses généraient un trafic trop faible pour que leur couverture puisse être rentable. Dans ces conditions, à la suite d'un récent comité interministériel d'aménagement du territoire (CIADT), deux opérateurs de téléphonie mobile ont pris l'engagement de couvrir, d'ici à la fin 2003, l'ensemble des lieux de vie permanents, les collectivités locales et l'État prenant à leur charge l'implantation des pylônes. Pour le raccordement à Internet à haut débit, M. Michel Bon a précisé que la technologie ADSL serait prochainement disponible dans l'ensemble des chefs lieux de canton, soit une couverture équivalant aux trois quarts de la population française fin 2003, ce qui résolvait, à son sens, le problème de l'accessibilité du haut débit dans les villes petites ou moyennes, mais ne réglait pas, il est vrai, le cas des petits villages ou des endroits très isolés. Au-delà de cette couverture spontanée, il a jugé qu'il revenait aux décideurs publics de juger si des aides devaient être attribuées pour favoriser une meilleure diffusion des technologies à haut débit, estimant quant à lui souhaitable d'éviter des investissements redondants avec l'offre, déjà largement présente sur le territoire, de France Télécom, ce que ne manquerait pas d'entraîner des décisions d'accentuation de la concurrence.

En matière de rayonnements électromagnétiques, M. Michel Bon a fait observer qu'aucun danger pour la santé humaine des rayonnements des antennes-relais de téléphonie mobile n'avait pu être prouvé par les nombreuses études scientifiques menées sur le sujet. Il a toutefois craint que l'impossibilité, bien compréhensible, de démontrer définitivement leur innocuité absolue ne conduise, en vertu d'une application extensive du principe de précaution, à un blocage du déploiement de cette technologie.

Évoquant la possibilité d'un raccordement -encore expérimental- à haut débit via le réseau électrique, le président de France Télécom a relevé qu'Électricité de France serait, sans doute, conduite au même raisonnement économique que France Télécom sur l'absence de rentabilité de la desserte des endroits isolés ou très peu denses.

M. Ladislas Poniatowski a interrogé le président de France Télécom sur la stratégie internationale de son groupe et sur les moyens financiers qu'il pourrait lui consacrer à l'avenir, s'interrogeant en particulier sur l'hypothèse d'une augmentation de capital permettant un échange d'actions avec un éventuel partenaire.

M. Yves Coquelle s'est inquiété de la disparition de la notion de service public dans l'hypothèse d'une privatisation de France Télécom. Il a regretté que la restructuration du réseau d'agences de l'opérateur ne se fasse au détriment de la proximité avec le consommateur. Il a fait état des vives craintes du personnel de l'entreprise quant au maintien de son emploi et de son statut de fonctionnaire dans la perspective d'une privatisation.

M. Jean Boyer a remercié le président de France Télécom de sa franchise. Il a souhaité une péréquation accrue entre zones denses et moins denses permettant d'atteindre un niveau de couverture plus élevé par les nouvelles technologies, dans une optique d'aménagement du territoire. Il a souligné la rapidité des changements technologiques dans ce secteur, faisant allusion à de nouvelles possibilités de raccordement à des réseaux à haut débit.

M. Pierre-Yvon Trémel a souhaité connaître les orientations de France Télécom Recherche et Développement.

M. Michel Teston a considéré que le nombre de communes non couvertes par un des trois réseaux de téléphonie mobile avait été sous-estimé par le CIADT de Limoges et que le financement nécessaire à leur couverture se situerait plus vraisemblablement aux alentours de deux à trois milliards de francs plutôt que du milliard et demi prévu. Il a fait observer que plusieurs technologies permettaient des raccordements à hauts débits en zone rurale (satellites, réseaux électriques, ADSL, MMDS, une combinaison de ces deux dernières technologies lui semblant la plus appropriée). Il a souhaité que France Télécom développe, pour répondre aux besoins du milieu rural, une technologie ADSL à moindre débit que celle en cours de déploiement.

M. Claude Biwer est revenu sur la question des mécanismes publics de financement de la péréquation géographique. Il a souhaité une amélioration du partenariat entre les collectivités locales et France Télécom.

Répondant à M. Ladislas Poniatowski, M. Michel Bon a précisé que l'intégration du polonais TPSA, récemment racheté par France Télécom, porterait à 50 % la part du chiffre d'affaires du groupe réalisée à l'étranger.

Au sujet du service public des télécommunications, il a relevé que si l'opposition au changement, en 1995, était motivée par la crainte d'une détérioration du « service public », ce concept recouvrait, en réalité, pour certains, la simple défense d'avantages acquis -d'ailleurs non remis en cause par la suite-, le « service au public » ayant, quant à lui, été significativement amélioré depuis la transformation de France Télécom avec, notamment, une ouverture des agences commerciales le samedi, des plages horaires élargies, ou encore la possibilité d'effectuer nombre d'opérations par simple appel téléphonique. Il a relevé que le service universel stricto sensu avait lui aussi été maintenu, notamment en termes de péréquation géographique ou encore de maillage territorial en cabines téléphoniques. Il en a conclu que le service public des télécommunications avait bénéficié de progrès considérables.

Répondant à M. Yves Coquelle, M. Michel Bon a précisé qu'aucun licenciement n'avait été effectué à France Télécom depuis 1996, la décroissance des effectifs étant liée à des départs à la retraite, tandis que l'entreprise maintenait un volant élevé d'embauches d'environ trois mille personnes par an. Il a affirmé que quelle que soit l'évolution de l'actionnariat de l'entreprise, les fonctionnaires conserveraient leur statut, en vertu d'exigences constitutionnelles. Il a souligné que l'évolution du statut du personnel depuis la transformation en entreprise avait d'ailleurs été tout à fait favorable.

M. Yves Coquelle a fait remarquer que Charbonnages de France n'avait pas, non plus, procédé à des licenciements, ce qui n'avait pas empêché les mineurs de disparaître.

M. Michel Bon a répondu que la croissance du secteur des télécommunications lui semblait, heureusement, ne pas devoir se démentir et que, si les nouvelles recrues étaient des salariés de droit privé, beaucoup ne considéraient pas forcément le statut de fonctionnaire comme un privilège irremplaçable. Faisant état de son expérience personnelle dans les secteurs public et privé, il a jugé que, plus que le statut stricto sensu, l'intérêt du métier importait largement pour la motivation du personnel et, qu'à cet égard, France Télécom avait de nombreux atouts, étant placée sur des technologies innovantes, destinées à permettre la communication entre les êtres humains.

En réponse à M. Jean Boyer, M. Michel Bon a rappelé que la péréquation géographique était en vigueur en matière de téléphonie fixe. Il a toutefois jugé que si les coûts en découlant continuaient à être mal compensés à France Télécom, l'entreprise serait amenée à réclamer soit un mécanisme financier plus approprié pour les prendre en charge, soit une dé-péréquation des tarifs téléphoniques.

Répondant à M. Michel Teston, le président de France Télécom a mis en avant la très grande incertitude technologique caractérisant le secteur des télécommunications et a prôné la plus grande prudence en matière de distribution d'aides publiques massives en faveur du développement d'une de ces technologies. Il a, par ailleurs, réfuté l'idée selon laquelle les coûts nécessaires à la couverture complémentaire en téléphonie mobile auraient été sous évalués et indiqué que l'itinérance locale -certes plus favorable aux consommateurs- n'avait pas été mise en oeuvre, faute pour l'Etat de proposer des modalités pratiques réalistes.

A la demande de M. Pierre-Yvon Trémel, il a précisé que France Télécom Recherche et Développement s'était, depuis cinq ans, recentrée sur le secteur des télécommunications, transférant ses activités en optoélectronique et en microélectronique à d'autres partenaires, mais avait maintenu à quatre mille le nombre de ses chercheurs, même si le personnel d'accompagnement avait, quant à lui, diminué. Il a jugé que la qualité de cette recherche était une source d'avantages compétitifs pour France Télécom.

A Mme Marie-France Beaufils, qui l'interrogeait sur les liens éventuels entre France Télécom et le réseau alternatif de fibres optiques déployé par la SNCF, M. Michel Bon a précisé que Télécom Développement, filiale de la SNCF, avait noué un partenariat avec un concurrent de France Télécom, Cégétel. Il a estimé que certaines lenteurs de déploiement de la technologie ADSL, relevées par Mme Marie-France Beaufils, seraient très prochainement résolues.

En conclusion, M. Gérard Larcher, président , a rappelé que, si les évolutions du secteur des télécommunications depuis l'ouverture à la concurrence avaient parfois été plus rapides que ce qu'on pouvait prévoir au moment du vote des deux lois de 1996, les objectifs majeurs poursuivis par le législateur et à la définition desquels le Sénat avait beaucoup contribué (à savoir la consolidation du service universel, la consolidation d'un opérateur national de taille mondiale et la modernisation de l'économie française par le développement des services et des technologies de télécommunications) avaient été satisfaits. Il a souligné ²que le préambule de la Constitution de 1946, repris par celui de la Constitution de la Ve République, garantissait aux fonctionnaires de France Télécom leur statut et la préservation de leur emploi. Il a souhaité une meilleure prise en compte de la nécessité de l'équilibre territorial pour le déploiement des différentes technologies.

Il a conclu en rappelant que les lois de 1996 avaient été votées par une majorité et mises en oeuvre par une autre et en se demandant si les nouvelles évolutions à organiser pourraient faire l'objet d'une convergence similaire.

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